Publié par (l.peltier) le 26 décembre 2008 | En savoir plus |
vers ~ 1 500
Première éruption connue de l’Etna. Huit cents ans après les Chinois, les Égyptiens se mettent à dresser des gnomons – cadrans solaire à plan horizontal -.
Le royaume de Tiahuanaco, sur les rives du lac Titicaca, à cheval sur l’actuel Pérou et Bolivie, est le premier grand empire des Andes. Il vivra à peu près 2 600 ans. Mais il est possible que les débuts remontent à beaucoup plus loin, aux environs de ~ 15 000 : on a retrouvé reproduits sur des poteries des animaux comme le toxodon, un grand mammifère herbivore qui s’est éteint à la fin du pléistocène. Ces gens n’hésitaient pas à travailler des blocs de pierre de 10 tonnes. Ils orientaient leurs bâtiments selon les astres.
Et, sous la surface de l’eau du lac, nombreux sont les artefacts de civilisations anciennes :
En cet après-midi du mois de mai 2022, un frisson parcourt l’équipage. Un des archéologues plongeurs a identifié une hache d’une quarantaine de centimètres, quasi intacte, enfouie sous des couches de sédiments, à 10 mètres de profondeur. Avec une précaution infinie, l’objet sera remonté lors d’une deuxième plongée.
La hache est un exemplaire rare et peut-être unique dans l’Altiplano, qui pourrait dater de l’époque inca, voire d’une période antérieure, selon Christophe Delaere, chercheur à l’Université libre de Bruxelles, codirecteur de la mission d’archéologie baptisée Projet Titicaca. Mission que le gouvernement bolivien a souhaité ne pas ébruiter avant janvier 2023. La pièce présente un manche en bois travaillé pyrogravé ; la lame est composée de différents alliages. Le bois, lui, date d’au moins cinq cents ans, affirme l’archéologue, tout en l’auscultant délicatement, ce qui est incroyable vu son état de conservation. L’objet passera au crible d’une datation au carbone 14.
Si la hache a pu traverser les siècles, c’est grâce aux conditions subaquatiques du lac, qui permettent une excellente conservation : sans lumière, à température constante, plongée dans l’eau en milieu anaérobie, évitant ainsi son oxydation. Le lac agit comme un gros frigo. Sur terre, elle n’aurait pas tenu trois décennies, s’enthousiasme le chercheur de 36 ans. Objet emblématique de la puissance inca, était-il cérémoniel ou guerrier ? Il est encore tôt pour le savoir, mais, sur le bateau, l’émotion est là.
Amanda Chaparo Le Monde du 18 01 2023
Loin des pilleurs de tombes, le matériel est beaucoup mieux conservé qu’ailleurs. Le patrimoine se trouve sous plusieurs couches de sédiments. Même si des sportifs ou des amateurs plongeaient dans le lac, ils ne verraient rien. Il faut excaver très profondément ; et aussi savoir où travailler et comment identifier le matériel.
Christophe Delaere et Rocio Villar
vers ~ 1 475
La reine d’Égypte Hatshépsout ordonne une expédition maritime à but commercial vers la terre de Pount, pays producteur d’encens, probablement l’actuelle Érythrée : 5 vaisseaux chargés de bijoux, d’outils et d’armes destinés à être échangés contre du bétail, des singes, des arbres à encens (genre Boswellia, dont la plus courue Boswelia sacra : le baumier, un arbuste dont on incise le tronc pour en recueillir la sève qui donne des petites boules jaunâtres en se solidifiant), de l’ivoire, de la myrrhe (aussi du genre Boswellia dont l’espèce Commiphora myrrha) et des bois précieux. Le principal producteur d’encens et de myrrhe était la région de l’Hadramaout, dans l’actuel Yémen. On estime que les caravanes de chameau acheminaient chaque année, en 75 jours, 3 000 tonnes d’encens vers la Méditerranée, jusqu’au port de Gaza, où il était embarqué pour Athènes et Rome.
Sans être commune, l’existence de reines n’était pas exceptionnelle, exerçant le pouvoir jusqu’à l’arrivée à l’âge adulte de leur royal enfant. Mais probablement ce pouvoir n’était-il pas suffisamment consolidé pour que l’on n’y ajoute quelque artifice à même de le renforcer : ainsi Hatshépsout s’inventa-t-elle un père qui n’était rien de moins que le dieu Amon, – celui qui ne peut-être représenté, l’éternel, le seigneur de Karnak, créateur de ce qui existe, maître de tout, établi durablement en toutes choses -, qui, prenant les traits de Thoutmôsis I°, le souverain régnant, s’introduisit dans la chambre d’Ahmèse, son épouse qui fit tout ce qu’il désirait.
vers ~ 1 450
Le vizir Rekhmiré fait graver sur sa tombe un texte où prime le respect de la personne humaine, quel que soit son rang : J’ai jugé l’insignifiant comme l’influent ; j’ai protégé le faible du fort ; j’ai détourné la fureur de l’homme mauvais et soumis l’homme avide à son heure… J’ai secouru la veuve qui n’a plus de mari ; j’ai établi le fils et héritier sur le siège de son père. J’ai donné du pain à l’affamé, de l’eau à l’assoiffé, de la viande, de l’huile et des vêtements à celui qui n’avait rien… Je n’ai pas été sourd à l’indigent. À dire vrai, je n’ai jamais accepté de cadeau de qui que ce soit
Les glaciers ont fondu, laissant dans les vallées de longues parois lissées par le frottement de la glace, propices à la gravure : les habitants de la Vallée des Merveilles, dans le Mercantour s’en donnent à cœur joie, sur un gneiss et un schiste rose assez tendres pour être gravé et assez durs pour ne pas être érodés par pluie, gel, vent et soleil. Ils y creusent aussi des grottes, en les orientant vers le nord-ouest, de façon qu’au solstice d’été, les derniers rayons du soleil éclairent le fond de la grotte.
Beaucoup plus au nord, à la frontière de l’actuelle Suède et de la Norvège, près du rivage de la mer du Nord, les ancêtres des Vikings laissent des gravures rupestres sur le site de Bohuslän.
Les Phéniciens, grands commerçants, – les Phéniciens, ces marins rapaces qui, dans leurs noirs vaisseaux, ont mille camelotes, disait Homère – répandent dans tout le bassin méditerranéen leur alphabet, qui comporte 22 signes principaux, venus d’un des deux premiers alphabets connu, – 31 signes en écriture cunéiforme -, crée au petit royaume d’Ougarit, dans la banlieue de l’actuel Lattaquié, sur la côte syrienne. L’autre ancêtre de l’alphabet est né dans le Sinaï. Le changement de support des signes – passage de la tablette d’argile au parchemin, puis au papyrus – est une des raisons possibles de la création des alphabets : les lettres sont tracées sur le support quand les signes sont imprimés sur l’argile, mais la raison première est la simplification que cela entraîne dans la communication. Il est plus facile de transcrire différentes langues par une seule écriture, et à Ougarit, on entendait alors pas moins de 8 langues : le sumérien, l’akkadien, l’ougaritique, le crypto-minoen, le hittite, le hourrite, l’égyptien et le louvite.
De toutes les activités qui distinguent la culture, l’écriture est l’une des plus importantes parce qu’elle est un outil inégalable d’organisation sociale et de réaffirmation. Comme le confirme l’étymologie indo-européenne skribh, l’écriture est coupure, séparation, distinction. En général, toutes les espèces biologiques possèdent des systèmes de communication vocaux, chimiques, gestuels et olfactifs ; l’homme, lui, a réussi à représenter avec le langage ses processus mentaux les plus complexes et, en quelque sorte, à convertir les sons et les gestes et divers signes visibles, abstraits et interactifs, qui assurent la protection de ses traditions.
De l’écriture on est vite arrivé à la nécessité d’un support qui fut le livre. Voici ce qu’en dit Borges : Des divers instruments de l’homme, le plus étonnant est sans doute le livre. Les autres sont des extensions de son corps. Le microscope, le télescope sont des extensions de sa vision ; le téléphone est une extension de sa voix ; nous avons ensuite la charrue et l’épée, extensions de son bras. Mais le livre, c’est autre chose : le livre est une extension de la mémoire et de l’imagination.
Le livre est ce qui donne du volume à la mémoire humaine. Le livre, malgré sa connotation portative, objective la mémoire : c’est une unité rationnelle qui, par des moyens audiovisuels, imprimés ou électroniques, représente une volonté mnémonique et linguistique. Dans le passage révolutionnaire de l’oralité à l’écriture, et surtout dans ce processus significatif où triomphe le livre comme objet de culte, ce qui s’impose vraiment, c’est un modèle plus sûr de permanence qui codifie la sensibilité et la traduit en états uniformes et légitimes. Le livre est ainsi une proposition qui prétend tout configurer comme raison et non comme chaos.
[…] Le livre est une institution de la mémoire en vue de la consécration et de la permanence, raison pour laquelle il doit être étudié comme la pièce clé du patrimoine culturel d’une société. Il faut comprendre que ce patrimoine existe dans la mesure où la culture constitue l’héritage le plus représentatif de chaque peuple. En lui-même, le patrimoine a la capacité d’impulser un sentiment d’affirmation ou d’appartenance transmissible et peut cristalliser ou stimuler la conscience d’identité des peuples sur leur territoire. Une bibliothèque, des archives ou un musée sont des patrimoines culturels, et chaque peuple les perçoit comme des temples de la mémoire.
Pour cette raison et pour d’autres qui constituent la thèse centrale de cet essai, je dis et je crois que le livre n’est pas détruit en tant qu’objet physique, mais en tant que lien mémoriel, c’est-à-dire comme l’un des axes de l’identité d’un homme ou d’une communauté. Il n’y a pas d’identité sans mémoire. Si l’on ne se souvient pas de ce qu’on est, on ne sait pas qui on est. Au cours des siècles, nous avons vu que lorsqu’un groupe ou une nation tente de soumettre un autre groupe ou une autre nation, la première chose qu’il fait est d’essayer d’effacer les traces de sa mémoire pour reconfigurer son identité.
Fernando Báez. Histoire universelle de la destruction des livres Fayard 2008.
C’est probablement en ces temps là qu’est né une unité culturelle méditerranéenne fondée sur la même trinité : le blé, l’olivier et la vigne (Trop d’os, pas assez de viande, disait mi-figue, mi-raisin Pierre Gourou). L’éloignement de ces fondements d’identité arrachera des plaintes jamais démenties au cours des siècles : Une des particularités qui frappaient le plus les Anciens, chez les peuples qui vivaient à la périphérie du monde méditerranéen, était l’usage du beurre de vache : les consommateurs d’huile d’olive en éprouvaient une sorte d’étonnement scandalisé. Même un italien, comme Pline, manifeste ce sentiment sans réfléchir qu’après tout l’usage de l’huile d’olive n’était pas tellement vieux en Italie
Maximilien Sorre. Les fondements biologiques de la géographie humaine. 1943
La Flandre, c’est le pays où ne poussent ni lavande, ni thym, ni figues, ni olives, ni melons, ni amandes ; où le persil, l’oignon, la laitue n’ont ni suc, ni goût, où l’on prépare les mets, chose incroyable, avec du beurre de vache au lieu d’huile
Alonso Vasquez, espagnol occupant la Flandre au XVI° siècle
À cause du beurre et du laitage dont on use beaucoup en Flandre et en Allemagne, ces pays abondent de lépreux.
Cardinal d’Aragon, en 1517
Mais, plus que toute autre production agricole, c’est le vin qui a conquis ses quartiers de noblesse autour de la Méditerranée ; elle a des airs de musée archéologique de la viticulture. À Santorin se trouvent des vignes de forme curieuse, que l’on ne trouve nulle part ailleurs : elles donnent l’assyrtiko tant apprécié, cultivé probablement dès 1 500 av J.C. Aussi bien sur les terres qu’au fond de l’eau, cette mer raconte l’histoire du vin. Ici, les amateurs éclairés renouent avec les vieilles variétés quasi oubliées, isolées par la mer. D’est en ouest, de Chypre aux Baléares en passant par les Cyclades, les minuscules îles Éoliennes ou les géantes Sicile, Sardaigne et Corse, pas moins de 57 îles accueillent aujourd’hui des vignes. Elles ont en commun de bénéficier d’un climat idéal : des températures chaudes, un ensoleillement exemplaire, une pluviométrie faible en été, des vents marins qui compensent l’aridité en charriant, en fin de nuit, un peu d’humidité dans l’air pour flatter les feuilles. Les îles bénéficient bien souvent du relief des nombreux volcans : l’Etna sicilien, la petite île de Pantelleria, entre la Sicile et la Tunisie, les îles Éoliennes de Lipari et Salina, Santorin… Les volcans font remonter à la surface des éléments qui apportent une minéralité exceptionnelle aux vins. Ces sols sont très pauvres en matière organique, et donc excellents, car ils ne surnourrissent pas la vigne. De plus, fissurés ou poreux, ils favorisent le drainage de ses racines. L’Etna est une île dans une île. La Sicile est chaude, mais l’Etna est à part avec son étagement exposé à tous les vents. On trouve des terroirs à 1 000 mètres d’altitude qui dominent la mer. Et il y a le soleil qui tombe sur la vigne, et celui dont le reflet sur la mer chauffe les vins comme un miroir. Son cépage, le nerello mascalese, a un côté terreux, proche de la terre, épicé
Sur Chypre, on fait du vin depuis toujours. Des pépins de raisin vieux de six mille ans et des vases de l’âge du bronze ancien (1 800 à 1 500 av. J.C.) utilisés pour boire du vin y ont été mis au jour. De même en Crète : des fouilles menées dans un village datant de l’époque minoenne (aux environs de 2 000 av. J.C.) ont révélé une dizaine de jarres autrefois pleines de vin résiné et des infrastructures pour la vinification. La vigne se répand ensuite sur le pourtour occidental de la Méditerranée et gagne les îles espagnoles. Chemin faisant, elle évolue, se transforme. Durant l’Antiquité, après la domestication de la vigne, les peuplades ont transporté de quoi planter, soit avec des boutures, soit avec des pépins. Dans le premier cas, la vigne reste identique. Mais si on plante des pépins, qui sont le résultat d’une fécondation et donc d’une réunion de deux ADN différents, on modifie les gènes et les raisins sont différents. C’est le cas du muscat à petits grains, dont l’ADN a été analysé : la quasi-totalité des variétés de muscat dans le monde, soit une centaine, dérive de ce muscat à petits grains ! Il a été diffusé par les Grecs de Samos jusqu’à la Gaule. Même le muscat d’Alexandrie, qui a alimenté beaucoup de spéculations sur son origine, en est un croisement.
Aujourd’hui, les pays du pourtour méditerranéen rassemblent plus de 3 000 cépages, fruits des voyages maritimes sur la Grande Bleue. Certains sont restés identiques, comme le malvoisie, qui est une grande voyageuse : elle est partie de Lipari, s’est retrouvée en Sardaigne, à Sitges, près de Barcelone, et en Croatie. Et les pépins ont voyagé dans tous les sens ! Romains, Catalans, Vénitiens sont les initiateurs de nombreux cépages, issus de croisements complexes au gré de l’histoire. Il n’est pas étonnant, dès lors, que les îles regorgent de cépages inconnus ailleurs. Ils n’existent que sur ces petites terres, comme les callet et manto negro des Baléares, le fameux assyrtiko grec, le catarratto et le nero d’avola siciliens, le vernaccia di Oristano de Sardaigne… Il arrive aussi que certains cépages identiques aient des noms différents, comme le nielluccio corse, qui s’est révélé dans les années 1970 être identique au sangiovese italien. Ou le sciaccarello, semblable au rare mammolo du Chianti. Dans quel sens a-t-il migré ? Impossible de le savoir mais il est aujourd’hui plus répandu en Corse que dans la région italienne.
Quel que soit le raisin dont ils étaient issus, ces vins ont été très tôt renommés. Et recherchés. Les traités sur les plantes de Théophraste, au IV° siècle av. J.C., permettent de dessiner une carte précise des régions viticoles et des crus. En tête de liste : les vins des îles. Ils sont souvent doux, issus de raisin passerillé, c’est-à-dire séché au soleil après la vendange, et patiemment vieilli. C’est encore le cas aujourd’hui dans de nombreuses îles, que les vins s’appellent passito sur l’île de Pantelleria, vin paillé au cap Corse ou liastos en Grèce. Le vin de Thasos, à l’époque hellénistique, était produit dans de grandes exploitations viticoles et largement exporté. Celui de Lesbos était expédié en Égypte ; ceux des îles alentour, Rhodes en particulier, étaient additionnés d’eau de mer. Peut-être pour renforcer les arômes, le sel étant un exhausteur de goût. Ils étaient en tout cas largement commercialisés dans tous les pays riverains de la Méditerranée. Le fond de la mer témoigne de cette exportation. Des épaves de véritables bateaux-citernes ont été découvertes autour de Rome, de la Corse et des îles d’Hyères. Spécialisés dans le transport du vin, ils pouvaient charger jusqu’à 2 500 litres dans des dolia, grandes cuves en céramique. Les navires accueillaient en plus quelques centaines d’amphores. Le commerce s’intensifia encore sous l’Empire romain, si bien que, jusqu’au III° siècle de notre ère, le vin était l’un des produits les plus échangés dans la Méditerranée.
Il est difficile de se figurer cette prospérité quand, aujourd’hui, les vastes productions continentales ont éclipsé les fabrications îliennes. Les vins font souvent figure de curiosités locales, que les touristes consomment sur place et remportent parfois dans leurs bagages. Trouver un vin d’île – hors Corse – chez un caviste français n’est pas tâche facile. Pourtant, la plupart valent le détour, que ce soit un malvoisie de Lipari, un Anima Negra de Majorque, un muscat doux de Samos, un Sigalas de Santorin. Ou, grand luxe, un passito di Pantelleria, Sangue d’Oro de Carole Bouquet, un Franchetti de l’Etna ou un vieux commandaria chypriote. On peut toujours se consoler avec un formidable muscat du cap Corse d’Antoine Arena, plus accessible à tout point de vue.
L’insularité fait perdurer les modes de conduite traditionnels, comme les vignes en forme de paniers de Santorin. Il y a une identité culturelle forte, un attachement identitaire qui se traduit par de solides traditions, une paysannerie viticole devenue plus rare ailleurs. Mais il s’agit souvent d’un travail ardu de vignes en terrasses, non mécanisable : les terrasses constituent un mode de culture compliqué, qui coûte cher et conduit parfois à un abandon de ces vignobles. La main-d’œuvre disposée à ce travail vient à manquer, ce n’est plus rentable économiquement. Comme en Sicile, où d’importantes surfaces de terrasses ont disparu au profit de plates exploitations foulées par les machines.
Ophélie Neiman. Le Monde du 2 juillet 2016
Le roi d’Assyrie – l’Irak d’aujourd’hui – Téglat Phalazar I° inaugure une tradition qui va durer beaucoup plus que ce que durent les roses : Les femmes mariées n’auront pas leur tête découverte. Les prostituées ne seront pas voilées.
vers ~ 1400
Le cadre physique dans lequel vit l’homme est le suivant : La surface de la planète est d’environ 500 millions de km², dont 155 millions de terres. L’immense majorité des paysans, avec leurs plantes et leurs animaux, se regroupent dans à peine 11 millions de km², soit 2 % de la surface totale. Le reste est trop froid, trop chaud, trop sec, trop humide ou inadapté pour une raison ou pour une autre à la culture. C’est sur cette minuscule scène que va se dérouler l’histoire.
Yuval Noah Harari. Sapiens. Une brève histoire de l’humanité. Albin Michel 2015
Dans un marécage de Trundholm à Odsherred, près de Nykøbing, en Zélande du Nord, au Danemark, un paysan trouvera en 1902, un char solaire, aujourd’hui conservé au Nationalmuseet de Copenhague. Le cheval, en fonte de bronze repose sur quatre roues à quatre rayons dont une est entière. L’ensemble mesure 60 centimètres de long. Le disque solaire, d’un diamètre de 25 centimètres, repose sur deux roues et a conservé une partie de sa dorure sur une face. C’est la plus ancienne représentation de char solaire connue en Europe. Il serait la représentation en miniature d’un char cultuel que l’on promenait sur un parcours solaire-magique, comme l’indiquent les cultes de Nerthus en Allemagne du Nord et de Freyr en Suède. La face dorée, sur la droite du cheval, représenterait le parcours diurne du soleil d’est en ouest, l’autre face, sombre, le parcours nocturne. L’objet aurait été déposé en offrande dans une sépulture, disparue depuis.
Au Mexique, dans l’actuel Chiapas, on trouvera ce qui paraît être le terrain d’Ulama le plus ancien qui soit ; mais qu’est-ce que l’Ulama ? un peu rapidement sans doute on va dire que c’est l’ancêtre de notre football, mais qui s’est perpétué dans certains villages du Mexique jusqu’à nos jours. Le jeu s’est pratiqué du nord du Honduras jusqu’en Arizona et au Nouveau-Mexique : on a découvert à ce jour 2 850 terrains en Méso-Amérique et dans le sud-ouest des États-Unis. Tout d’abord, il faut une balle, faite de caoutchouc jusqu’à un poids de 3 kg, fabriquée pour qu’elle ait des rebonds conséquents. Il se joue sur une large allée aux dimensions toujours en proportion avec la longueur, dépendant toutes deux du nombre de joueurs. Il s’agit d’envoyer la balle dans le camp adverse, sans utiliser les mains, ni les pieds, ni la tête, donc en n’utilisant que les avant-bras, les cuisses ou les hanches… donc, on est tout de même loin du football. Parfois, on trouve fixée au mur latéral un anneau scellé verticalement à l’intérieur duquel on fait passer la balle : celui qui y parvient empoche les plus grandes récompenses… Là on s’approche du basket… Le jeu était intégré aux rituels en vigueur, le terrain occupant toujours une place proche des temples principaux.
~1 400 ~ 1 370
Le pharaon Aménophis III est le plus éminent représentant de la glorieuse famille des Thoutmosides : c’est l’apogée de l’empire égyptien avec sa brillante et cosmopolite capitale : Thèbes. La femme jouissait alors du droit de propriété, pouvait acheter, vendre et ester. On a peint, on a beaucoup écrit : Annales royales, Livres funéraires royaux, Livre des morts, Hymne à Amon-Rê, Papyrus médical Ebers, Mystère de la naissance divine.
La Palestine et la Haute Vallée du Nil jusqu’à la 4° cataracte ont été conquis, des expéditions lointaines ont été menées : Oponé (Côte des Somalis), Liban et Syrie, Karnak et les tombeaux de la Vallée des Rois construits. Les obélisques prennent la succession des menhirs et dolmens, liens tangibles entre l’univers des hommes et l’univers sacré du soleil.
Le coin, le levier et le plan incliné constituent les seules machines élémentaires utilisées par les Égyptiens dans les travaux monumentaux. Les principes de base des techniques égyptiennes étaient d’abord d’utiliser la main d’œuvre en grand nombre et, dans l’édification des bâtiments, de ne jamais soulever les pierres mais de les faire glisser [1]. Certes, ils connaissaient la roue, mais ne l’utilisaient que pour des travaux de transport de faible poids et de courte distance.
Bruno Jacomy. Une histoire des techniques. Seuil 1990
Personne ne peut affirmer de quand datent les premières constructions de Karnak. En revanche, le plus ancien temple connu, celui consacré à Amon remonte à la XI° dynastie [vers 2 100 av J.C.]. Les dieux des pharaons ont été célébrés ici jusqu’à la conquête romaine, soit durant plus de deux mille ans. Le site a ensuite servi de lieu de culte aux chrétiens coptes jusqu’au XI° siècle ap. J.C. Le site, d’une superficie totale de 150 hectares, est constitué de trois ensembles architecturaux dédiés à différents dieux : Karnak-Nord à Montou, Karnak et Karnak-Sud à Amon-Rê et Mout. Chacun est entouré d’enceintes en brique crue d’où le nom arabe al-Karnak : le village fortifié. Les constructions s’orientent dans deux directions perpendiculaires. L’axe principal du temple d’Amon relie le saint des saints au Nil ; il est orienté est-ouest, suivant la course de l’astre solaire. C’est l’axe divin. Le secondaire nord-sud qui suit le cours du Nil conduit au complexe sacré de la déesse Mout. C’est l’axe terrestre ou processionnel.
Dégagé par Auguste Mariette à partir de 1 858, Karnak constitue un puzzle géant. Hatshepsout, Thoutmosis III, Akhenaton [Aménophis IV], Ramsès II y ont sans cesse bâti, démonté, détruit, réutilisé des matériaux, usurpé ou fait disparaître les temples de leur prédécesseur… Thoutmosis III fera par exemple enfermer les deux obélisques d’Hatshepsout dans un caisson de grès. Afin d’effacer les traces d’Akhenaton qui avait réduit leur pouvoir, les prêtre d’Amon feront disparaître son temple d’Aton dont les pierres [les talatates] décorées seront retrouvées dans des pylônes construits par Horemheb.
Karnak ressemble à un organisme vivant se régénérant en permanence. Tout cela rend difficiles certaines opérations. Les blocs de calcaire de la chapelle Blanche de Sésostris I et ceux en quartzite de la chapelle Rouge d’Hatshepsout ont bien été retrouvés. Mais où étaient-ils à l’origine ? Mystère. Ces édifices ont donc été remontés dans un musée en plein air aménagé sur un espace déjà fouillé. Près du temple d’Opet, des milliers de blocs en grès et en calcaire sont stockés sur des banquettes en pierre pour éviter qu’ils ne se dégradent au contact de l’humidité du sol, en attendant de retrouver leur place. Chaque coup de pioche réserve des surprises. En 2005, c’est une magnifique double statue de Neferhotep I° que l’on découvre enfouie près d’un obélisque d’Hatshepsout. En avril 2007 sont mis au jour des bains d’époque ptolémaïque ainsi qu’une digue construite durant la XXI° dynastie pour protéger le site des crues du Nil. Et des rampes datant de la XXVI° dynastie ont été dégagées sous l’ancienne maison du grand égyptologue Georges Legrain. Un nouveau morceau du puzzle.
Richard Clavaud. Karnak, puzzle architectural. Le Monde 2 n° 262. 21 02 2009
C’est qu’ici même, il y a sept ou huit mille ans, sous ce ciel pur comme le cristal, commença le premier éveil de la pensée humaine, tandis que notre Europe sommeillait encore, et pour des millénaires, enveloppée du manteau de ses humides forêts. Ici, une précoce humanité, encore presque fraîchement évadée de la pierre, forme antérieure de tout, une humanité enfant qui voyait lourd au sortir des lourdeurs de la matière originelle, imagina de bâtir des sanctuaires terribles, pour des dieux d’abord effrayants et vagues, tels que sa raison naissante pouvait les concevoir ; alors les premiers blocs mégalithiques s’érigèrent, alors débuta cette folie d’amoncellement qui devait durer près de cinquante siècles, et les temples s’élevèrent au-dessus des temples, les palais au-dessus des palais, chaque génération voulant surpasser la précédente par une plus titanesque grandeur.
Ensuite, il y a quatre mille ans, ce fut Thèbes en pleine gloire, Thèbes encombrée de dieux et de magnificence, foyer de lumière du monde aux plus anciennes périodes historiques, tandis que notre Occident septentrional dormait toujours, que la Grèce et l’Assyrie à peine s’éveillaient, et que seule, là-bas vers l’Orient extrême, une humanité d’autre espèce, la Jaune, appelée à suivre en tout des voies différentes, venait de fixer pour jusqu’à nos jours les lignes obliques de ses toits cornus et le rictus de ses monstres.
Eux, les hommes de Thèbes, s’ils voyaient encore trop lourd et trop colossal, au moins ils voyaient droit, ils voyaient calme, en même temps qu’ils voyaient éternel ; leurs conceptions, qui avaient commencé d’inspirer celles de la Grèce, devaient ensuite inspirer un peu les nôtres ; en religion, en art, en beauté sous tous ses aspects, ils furent autant que les Aryens nos grands ancêtres.
Plus tard encore, seize cents ans avant Jésus-Christ, à l’une des apogées de cette ville qui connut tant de fluctuations au cours de son interminable durée, des rois fastueux voulurent faire surgir du sol, déjà chargé de temples, ce qui est encore aujourd’hui la plus saisissante merveille de ces ruines : la salle hypostyle, dédiée au dieu Amon, avec sa forêt de colonnes, monstrueuses comme des troncs de baobab et hautes comme des tours, auprès desquels les piliers de nos cathédrales semblent ne plus compter. En ces temps-là, les mêmes dieux régnaient à Thèbes depuis trois mille ans, mais se transformaient peu à peu suivant l’essor progressif de la pensée humaine, et Amon, l’hôte de cette salle prodigieuse, s’affirmait de plus en plus comme maître souverain de la Vie et de l’Éternité. L’Égypte pharaonique s’acheminait vraiment, malgré les révoltes, vers la notion de l’unité divine, on pourrait même dire vers la notion d’une pitié suprême, puisqu’elle avait déjà son Apis, émané du Tout-Puissant, né d’une mère vierge et venu humblement ici-bas pour connaître la souffrance.
Après que Sethos I° et les Ramsès, en l’honneur d’Amon, eurent achevé ce temple, le plus grand sans doute et le plus durable du monde, on continua encore pendant une quinzaine de siècles, avec une persistance qui ne se lassait point, à entasser alentour ces blocs de granit, de marbre, de calcaire dont l’énormité nous confond. Même pour les envahisseurs de l’Égypte, Grecs ou Romains, la ville aïeule des villes demeurait imposante et unique ; ils réparaient ses ruines, ils y bâtissaient toujours des temples et des temples en un style presque immuable ; jusqu’en ces époques de décadence, tout ce qui surgissait de ce vieux sol sacré s’imprégnait un peu, semblait-il, de l’antique grandeur.
Et c’est seulement quand dominèrent ici les premiers chrétiens, puis après eux les musulmans iconoclastes, que la destruction fut décidée. Pour ces croyants nouveaux qui, dans leur naïveté, se figuraient posséder l’ultime formule religieuse et connaître par son vrai nom le grand inconnaissable, Thèbes devint le repaire des faux dieux, l’abomination des abominations, qu’il fallait anéantir.
On se mit donc à l’œuvre, pénétrant avec crainte toutefois dans les sanctuaires trop profonds et trop sombres, mutilant d’abord les milliers de visages dont le sourire faisait peur et s’épuisant à déraciner des colonnes qui sous l’effort des leviers ne bougeaient même pas. Il y avait fort à faire, car tout cela était aussi solide que les mas géologiques, rochers ou promontoires ; mais durant cinq ou six cents ans la ville resta livrée à la fantaisie des profanateurs.
Ensuite vinrent des siècles de silence, sous ce linceul des sables du désert qui s’épaississait chaque année pour ensevelir, et comme pour nous conserver, ce reliquaire sans égal.
[…] Et puis, ce qui surprend et oppresse à Thèbes, c’est le peu d’espace libre, le peu de place qui restait pour les foules, dans des salles pourtant immenses : entre les murailles, tout était encombré par les piliers ; les temples étaient à moitié remplis par leurs colossales futaies de pierres. C’est que les hommes qui bâtirent Thèbes vivaient au commencement des temps et n’avaient pas encore trouvé cette chose qui nous paraît aujourd’hui si simple : la voûte. Ils étaient cependant de merveilleux précurseurs, ces architectes ; déjà ils avaient su dégager de la nuit quantité de conceptions qui sans doute, depuis les origines, sommeillaient en germe inexplicable dans le cerveau humain : la rectitude, la ligne droite, l’angle droit, la verticale, dont la nature ne fournit nul exemple ; même la symétrie, qui à bien réfléchir s’explique moins encore, la symétrie, qu’ils employaient avec maîtrise, sachant aussi bien que nous tout l’effet qu’on peut obtenir par la répétition d’objets semblables placés en pendant de chaque côté d’un portique ou d’une avenue. Mais la voûte, non, ils n’avaient pas inventé cela ; alors, comme il y avait pourtant une limite à la grandeur des dalles qu’ils pouvaient poser à plat comme des poutres, il leur fallait ces profusions de colonnes pour soutenir là-haut leurs plafonds effroyables ; c’est pourquoi il semble que l’air manque, il semble que l’on étouffe au milieu de tant de temples, dominés, obstrués par la rigide présence de tant de pierres. Et encore, on y voit clair aujourd’hui là-dedans ; depuis que sont tombées les roches suspendues qui servaient de toiture, la lumière descend à flots partout. Mais jadis, quand une demi-nuit régnait à demeure dans les salles profondes, sous les immobiles carapaces de grès ou de granit, tout cela devait paraître si lourdement sépulcral, définitif et sans merci comme un gigantesque palais de la Mort ! Un jour par année cependant, ici à Thèbes, un éclairage d’incendie pénétrait de part en part les sanctuaires d’Amon, car l’artère milieu est ouverte au nord-ouest, orientée de telle façon qu’une fois l’an, une seule fois, le soir du solstice d’été, le soleil à son coucher y peut plonger ses rayons rouges ; au moment où il élargit son disque sanglant pour descendre là-bas derrière les désolations du désert de Libye, il arrive dans l’axe même de cette avenue, de cette suite de nefs, qui a huit cents mètres de longueur. Jadis donc, ces soirs-là, il glissait horizontalement sous les plafonds terribles – entre ces piliers alignés qui sont hauts comme notre colonne Vendôme – [Loti exagère plus qu’un peu : la colonne Vendôme, avec ses 40 mètres est deux fois plus haute…] , puis venait jeter pour quelques secondes ses teintes de cuivre en fusion jusque dans l’obscurité du saint des saints. Et alors tout le temple retentissait d’un fracas de musique ; au fond des salles interdites, on célébrait la gloire du dieu de Thèbes…
Pierre Loti. La mort de Philæ. 1909. Voyages 1872-1943. Bouquins Robert Laffont 1991
Dans l’actuel Pérou, à proximité de Huancavelica, 225 km au sud-est de Lima, les hommes extraient le cinabre, un sulfure de mercure qui est un pigment de choix utilisé dans les cultures précolombiennes. C’est aujourd’hui le plus vaste gisement de mercure au monde. Il n’est pas impossible que ce soit cette activité minière qui ait conduit à l’émergence de sociétés hiérarchisées d’Amérique du sud : la culture Chavin, de ~800 à ~ 400, puis la civilisation inca , 1 200 – 1 532.
~1 375
Destruction des palais de Cnossos, Phaistos, Malia, en Crète. Quelques siècles plus tard, Homère parlera de la Crète comme d’une île alors belle, grasse, bien arrosée, aux hommes nombreux à l’infini et aux quatre vingt dix villes. Ce sont les Achéens de Mycènes et Tirynthe venus des Balkans pour s’installer dans le Péloponnèse, qui ont transmis aux Grecs l’héritage de la Crète. Mycènes est le siège de la légende des Atrides, dont aucun auteur policier contemporain ne voudrait pour scénario, tant il serait sur que ses lecteurs s’y perdraient : les assassins pullulent et finissent souvent par être victimes, les survivants sont de vrais miraculés !
~ 1 372 ~ 1 354
Akhénaton, – agréable à Aton – non content d’avoir la plus belle des femmes, [qui lui donna six filles] – Néfertiti – la belle est venue -, voue un culte à Aton, le dieu Soleil et veut remplacer les très nombreux cultes par celui du seul Aton : c’est la révolution amarnienne [Le mot n’a rien d’outrancier : il fit brûler tous les livres religieux antérieurs à son règne. Amarnienne, car sa nouvelle capitale était Tell al-Amarna, qu’il rebaptisa Akhetaton]. Le tout aussi nombreux clergé – 81 322 prêtres à Karnak ! – fit de cette tentative un échec, aidé en cela par la raison bien chancelante du souverain sur la fin de son règne.
Amenhotep IV –Akhénaton -, fils du grand Amenhotep III, était laid et chétif, le regard triste, la tête énorme et même disproportionnée, les lèvres épaisses et affaissées, le ventre mou et ballonné. Ce grand malade souffrait de crises d’épilepsie et était sujet aux visions hallucinatoires, ce qui pourrait expliquer son évolution religieuse face à la montée en puissance du clergé d’Amon, devenu un véritable second pouvoir.
Bernard Lugan. Histoire de l’Afrique. Des origines à nos jours. Ellipses 2009
Et pourtant, enfant l’ancêtre Amenhotep II n’avait pas été en manque de soins, puisque les restes de sa nourrice reçurent un embaumement de grande qualité.
Les vieux gardiens du savoir et leur vision bien établie de l’Univers prévalurent.
Colin Ronan
Son fils et successeur, Toutankhamon, ne sera pas l’enfant de Néfertiti, mais celui de la propre sœur d’Akhenaton, Ankhesenamor, ou d’une inconnue baptisée Youg Lady, matricule KV 35 YL. Tout aussi dégénéré que son père, son ascendance incestueuse n’avait pas arrangé ses affaires : crises d’épilepsie, déséquilibre hormonaux, pied bot et donc mauvais conducteur de char etc… Il eut 2 enfants qui moururent vite. Il décédera de paludisme et de nécrose vasculaire aggravée par une affection congénitale due à la maladie de Köhler, une lésion des tissus osseux.
Il nous reste de fort beaux hymnes solaires : la ressemblance est frappante avec le psaume 104, écrit quelque 700 ans plus tard :
Hymne à Aton
Quand tu te couches à l’horizon de l’ouest…
La terre est plongée dans les ténèbres
Semblable à la mort…
Le lion quitte son antre,
Les créatures rampantes sortent leur dard.
À l’aube, quand tu te lèves à l’horizon…
Le soleil se lève, ils se retirent…
Tu chasses les ténèbres….
Les hommes s’éveillent, se lèvent
Dans le monde entier ils se mettent au labeur.
Que tes œuvres sont nombreuses !
Elles sont cachées au regard des hommes,
Ô seul dieu, qui n’a pas d’égal.
Tu as crée la terre selon ta volonté.
Psaume 104
Tu poses la ténèbre, c’est la nuit
Toutes les bêtes des forêts s’y remuent,
Les lionceaux rugissent après la proie…
L’homme sort pour son ouvrage
faire son travail jusqu’au soir.
Que tes œuvres sont nombreuses, Yahvé !
Toutes, avec sagesse, tu les fis.
La terre est remplie de ta richesse.
et des chants d’amour d’une grande limpidité
Voilà sept jours que je n’ai vu la bien-aimée.
La langueur s’est abattue sur moi.
Mon cœur devient lourd.
J’ai oublié jusqu’à ma vie.
Même si les premiers des docteurs viennent à moi,
Mon cœur n’est point apaisé par leurs remèdes…
Ce qui me ranimera, ce sera de me dire : la voici !
C’est son nom seul qui me remettra sur pied…
Ma sœur me fait plus d’effet que tous les remèdes ;
Elle est plus, pour moi, que toutes les prescriptions réunies.
Ma guérison, c’est de la voir entrer ici :
Quand je la regarde, alors je suis à l’aise….
Quand je la baise, elle chasse de moi tous les maux !
Hélas ! depuis sept jours elle m’a quitté.
S’en aller aux champs est délicieux
Pour celui qui est aimé.
La voix de la sarcelle,
Qui à son appât se trouve prise, se plaint.
De ton amour qui me retient
Je ne puis me délivrer.
Papyrus Harris 500
Ne surveille pas ta femme dans sa maison quand tu connais son efficacité. Ne lui dis pas : Où est-ce ? alors qu’elle l’a mis à une place appropriée. Regarde attentivement en gardant le silence et tu te rendras compte de son habileté, que c’est réjouissant d’avoir ta main dans la sienne.
Enseignement d’Ani, XIX° dynastie.
Un des lieux de pouvoir d’Akhénaton se trouvait à El Amarna, en moyenne Égypte. Dans les années 1 890 ap. J.C. des paysans y découvriront quelques 300 tablettes d’argile : chose curieuse, ces documents n’utilisaient ni les hiéroglyphes locaux, ni la langue égyptienne, mais la langue akkadienne, transcrite en caractères cunéiformes : le lieu n’était autre que le bureau des affaires étrangères du pharaon et le courrier n’est pas du courrier départ mais du courrier arrivée, en provenance des petits roitelets du pays de Canaan, dont Abdi-Heba, modeste roi d’Urushalim, qui va devenir Jérusalem.
Abdi Heba, qui règne sur Urushalim, vers 1 340 avant notre ère, est avant tout préoccupé de sa sécurité. Il réclame avec insistance la protection de son maître et l’envoi de troupes : Je me trouve comme un navire au milieu de la mer. La main puissante du roi a pris le pays de Nahrima et la pays de Kashi, mais maintenant les Apiru ont pris les villes mêmes du roi. Pas un seul maire [vassal] ne reste au roi ; tous sont perdus. Vois, Turbazu a été tué à la porte de la ville de Silu. Le roi n’a rien fait. Vois, des serviteurs qui s’étaient joints aux Apiru ont frappé Zimreda de Lakisu […] Le roi n’a rien fait. […]
Que le roi pourvoie aux besoins de son pays et qu’il veille à ce que ses archers s’avancent dans son pays, conclut Abdi-Heba en proie à une manifeste terreur sur son avenir proche.
Avec raison : les fameux Apiru sont omniprésents dans les lettres d’El-Amarna. Ces bandits sociaux, ces maraudeurs un peu mercenaires, semblent fédérer des soulèvements locaux. Ils rançonnent et écument le pays de Canaan, n’hésitant pas à prendre des villes et à tuer des vassaux de pharaons.
[…] S’il n’y a pas d’archers, le pays du roi passera aux Apiru, prévient Abdi-Heba dans une autre lettre.
Quand il ne réclame pas de l’aide contre les Apiru, Abdi-Heba dément, auprès de son suzerain, les calomnies proférées contre lui par d’autres vassaux. Et les met en cause à son tour. Dans une des tablettes, il accuse en particulier le fils d’un certain Labayu, roi de Sichem, d’avoir rallié les insurgés. Une lettre au pharaon signé du même Labayu indique que le roi d’Égypte a bel et bien réagi. En outre, le roi a écrit pour mon fils. Je ne savais pas que mon fils était le compagnon des Apiru. Dès maintenant, je le livre à Addaya [sans doute l’envoyé du pharaon]. Avec un sens certain de l’inflation verbale, Labayu fait amende honorable et conclut : Comment, si le roi m’écrivait : Plonge un poignard de bronze dans ton cœur et meurs ! comment n’exécuterais-je pas l’ordre du roi ?
Stéphane Foucart. Le Monde 17 juillet 2010
En 2010, un petit morceau – 2 cm sur 3 – d’une lettre de cette même série, sera trouvé dans le remblai d’une construction plus récente de Jérusalem : il s’agit donc d’un courrier non envoyé, qui sera facilement identifié par le rapprochement fait avec les courriers arrivés à El Amarna. Le journal Le Monde du 17 juillet 2010, par addiction au scoop, en fera ses gros titres : la plus vieille lettre de Jérusalem… il en va de la crédibilité du récit biblique etc… quand cette découverte n’est qu’anecdotique et vient simplement nous apprendre qu’il y a déjà bien longtemps, certaines lettres étaient écrites et jamais envoyées, puisque tout ce qu’il y avait à apprendre sur le sujet était contenu dans les tablettes d’El Amarna, autrement plus parlantes et découvertes plus d’un siècle auparavant.
~1345 à ~1305
Règne du roi élamite Untash-Napirisha. L’Elam était une fédération de féodalités, à cheval sur l’actuelle frontière entre l’Iran et l’Irak. Il nous laisse une des plus grande ziggourat connue à ce jour, hors la Mésopotamie : Dur Untash, – la cité d’Untash -, aujourd’hui Chogha Zanbil, – monticule en forme de panier -, dans le Khuzestan, dans le sud-ouest de l’Iran. La ziggourat était dédiée à Inshushinak (dieu de la terre) et Napirisha (dieu de Suse), les deux principales divinités élamites.
~ 1 286
Ramsès II a 29 ans. Les Hittites d’Anatolie représentent une menace constante pour l’Égypte : il s’en va les combattre à Qadesh, sur le fleuve Oronte (Nord de Damas). Il va se glorifier de cette bataille, à l’issue en fait très incertaine. Une partie des chars hittites se serait noyée dans un marais. On y fait mention pour la première fois de ceux que l’on nommera les peuples de la mer : les Sherden, venus de Sardaigne, alliés pour l’heur aux Égyptiens, et les Lukka, venus de la côte sud de l’Anatolie, alliés aux Hittites. C’est la première bataille dont on ait eu une relation circonstanciée, d’une part dans le bulletin, au style plutôt militaire, mais aussi dans le Poème de Pentaour – du nom du scribe qui prit la dictée de Ramsès – , bel exemple de l’installation de la légende par l’autocélébration :
Alors Sa Majesté partit au galop et pénétra dans la horde des vaincus du Khatti, étant tout seul, aucun autre avec lui. Aussi Sa Majesté se mit à regarder autour de lui et il trouva que 2 500 chars l’entouraient, composés des meilleurs guerriers des vaincus du Khatti et des nombreuses contrées étrangères qui étaient avec eux. D’Arzawa, de Masa et Pidasa, étant trois hommes par char, agissant en force, alors qu’il n’y avait aucun officier supérieur avec moi, pas de charriers, pas de soldats de l’armée, pas de porte-boucliers, mon infanterie et ma charrerie s’étant dispersées devant eux et pas un n’étant resté pour les combattre…
Est-ce le rôle d’un père d’ignorer son fils ? Ai-je fauté envers toi ?… Je n’ai en rien désobéi à ce que tu m’as commandé ! Tiendras-tu compte, ô Amon, de ces Asiatiques si vils et si ignorants de Dieu ? Ne t’ai-je pas érigé de nombreux monuments et rempli ton temple de butins ? Construit pour toi ma Maison de Millions d’Années ?… Je t’ai offert tous les pays ensemble pour enrichir tes offrandes… et j’ai fait faire les sacrifices pour toi de dix milliers de têtes de bétail et toutes sortes d’herbes à parfum… J’ai construit pour toi de grands pylônes, et érigé leurs mâts, moi-même, apportant pour toi des obélisques d’Éléphantine ; j’ai même fait le carrier et j’ai conduit pour toi des bateaux sur le Grand Vert [2], pour t’apporter des produits des pays étrangers… Fais le bien pour celui qui s’en remet à toi…
J’ai trouvé Amon plus utile que des milliers de fantassins, que des centaines de milliers de charriers et même que dix milliers de frères et d’enfants unis d’un seul cœur ! Ô Amon, je n’ai pas outrepassé ta volonté. Vois, j’ai prié aux confins des pays étrangers et ma voix a atteint la ville d’Héliopolis du sud. J’ai trouvé Amon quand je l’ai appelé… Il m’appelle derrière moi, comme si nous étions vis-à-vis : Je suis avec toi, je suis ton père, ma main est avec toi, je suis plus utile que des centaines de milliers d’hommes. Je suis le seigneur de la victoire !
Je trouvais à nouveau que mon cœur était fort, en sentais ma poitrine en joie… J’étais comme Montou. Je tirais sur ma droite et capturais sur ma gauche ! À leurs yeux, j’étais comme Soutekh en action. Je voyais les 2 500 chars, au milieu desquels je me trouvais, s’écoulant devant mon attelage. Aucun ne possédait plus de main pour me combattre ; tous leurs bras étaient faibles, ils étaient incapables de tirer… Ils n’avaient pas le cœur de tenir leurs javelots ! Je les fis plonger dans l’eau comme plongent les crocodiles. Je semais la mort dans leur masse, comme je voulais. Quiconque parmi eux tombait ne pouvait plus se relever.
J’ai vaincu des millions de pays étrangers, étant seul avec mon attelage : Victoire-dans-Thèbes et Moult-est-satisfaite, mes grands chevaux. C’est en eux que j’ai trouvé un appui lorsque j’étais seul, combattant de nombreux pays étrangers. Moi-même, je continuerai à leur faire manger leur nourriture, en ma présence, chaque jour, lorsque je serai dans mon palais. C’est eux que j’ai trouvés au milieu de la bataille avec mon écuyer Menna, les échansons de ma maison qui étaient à mes cotés, mes témoins en ce qui concerne le combat…
*****
J’aime les Hittites, cette civilisation rustique et si clémente qui dort sous trois mille ans d’humus de feuilles de saules anatoliens… J’aime les Hittites parce qu’ils détestaient les chicanes. Tout ce que je connais d’eux n’est qu’une inlassable exhortation au bon sens. S’il fallait vraiment faire la guerre, alors ils la gagnaient, grâce à une charrioterie incomparable et une tactique pleine d’astuces de derrière les fagots. Ramsès II a eu tort de leur chercher querelle. Malgré ses bas-reliefs triomphalistes, il s’est bel et bien fait rosser. J’ai revu cette empoignade sur l’Oronte comme si j’y étais : la poussière soulevée par les chars, les tiares, les cris d’agonie, les contingents grecs et philistins engagées contre l’Egypte, les bijoux sonores des putains qui suivaient les deux armées.
Nicolas Bouvier. Le Poisson Scorpion. 1982
vers ~ 1 270
Selon la Bible, Nb 1, 46, emmené par Moïse, le peuple hébreu sort d’Égypte, pour la Terre Promise. Les textes parlent de 603 550 hommes, quand aujourd’hui, on admet qu’il s’agit tout au plus de quelques centaines. Ramsès affirme que le voyage est sans issue : Le désert s’est refermé sur eux. De fait, la génération partante n’arrivera pas en Terre Promise, et après 40 ans de pérégrinations, moult tribulations, se nourrissant de la manne céleste, parvenu en vue de la Terre de Canaan, d’Urushalim – qui va devenir Jérusalem – Moïse mourra avant d’y entrer. Mais l’événement n’eut pas en réalité le retentissement qu’en donne la Bible : on n’en trouve nulle mention dans les écrits égyptiens de l’époque, pourtant fort nombreux. Et il serait bien possible que le statut des Juifs en Égypte se soit apparenté beaucoup plus à celui de travailleur immigré qu’à celui d’esclave, ce qui, quoi qu’on en dise, n’est pas tout à fait la même chose. La manne, si elle n’est pas céleste, existe bel et bien : elle est le produit d’une sécrétion du tamaris consécutive à la piqûre d’une cochenille endémique au Sinaï. Les Hébreux la récoltaient dès le matin, car, à partir d’une température supérieure à 21 °, les fourmis s’avéraient des concurrentes contre lesquelles il était inutile de prétendre lutter. Le mot vient de l’hébreu mâm hû – qu’est ce que c’est – , question que posèrent les Hébreux quand ils la découvrirent pour la première fois.
Et après [un orage de grêle], je regarde la terre, d’où montent tous ces parfums ; elle est recouverte de graines blanches, comme de grêlons après une averse… Cela ressemble à la manne, ce que le vent et la pluie de cette nuit ont apporté et presque amoncelé devant nos tentes… Je ramasse ces choses menues et rondes, graines blanches, très dures, ayant un peu goût de froment – fruits desséchés de ces courtes plantes épineuses qui, en certaines régions, tapissent ici les montagnes.
Pierre Loti. Le Désert [du Sinaïe]. Février 1894
~ 1250
~ 1213
Nonagénaire, Ramsès II meurt. Il a passé 67 ans sur le trône. Ses onze épouses officielles, dont quatre étrangères, et cinq qui sont ses propres filles, lui ont laissé au moins soixante filles et cinquante filles.
~ 1 207
Une stèle érigée par le pharaon Merenptah, 1213-1203, treizième fils de Ramsès II, fait état d’une grande victoire remportée sur un peuple nommé Israël. Le récit se conclut par Israël est dévasté, il n’a plus de descendance : c’est l’une des plus anciennes mention d’Israël dans un texte extra biblique, et d’un Israël chez lui, en terre de Canaan, et non en Égypte. En fait Mérenptah a seulement réutilisé le verso de cette stèle, érigée en l’honneur du pharaon Aménophis III, racontant comment il aurait jeté à la mer les peuples qui en venaient. La stèle a été découverte en 1896 par l’archéologue anglais Flinders Petrie, au cœur d’un temple funéraire en l’honneur du pharaon Mérenptah.
décembre de ~ 1 259
Ramsès II a 46 ans : il conclut avec Hattousil, le souverain hittite du Khatti le premier traité de paix connu, rédigé par les juristes de Hattousil en babylonien sur une tablette d’argent. Ramsès le fera graver en hiéroglyphes (que déchiffrera Champollion) sur les murs de Karnak… 15 ans plus tard, il épousera en grandes pompes la fille de Hattousil :
Le traité que le grand maître du Khatti, le héros, fils de Moursil, le grand maître du Khatti, le héros, petit fils de Soupillouliouma, le grand maître du Khatti, le héros, fit rédiger sur une tablette d’argent pour Ousermaâtrê Sétepenrê, le grand roi d’Égypte, le héros, fils de Menmaâtrê, le grand roi d’Égypte, le héros : ce traité de paix et de fraternité honnête, qu’il donne la paix et la fraternité entre nous, grâce à ce traité entre le Khatti et l’Égypte, pour l’éternité !
En ce qui concerne Mouwattali, le grand maître du Khatti, il combattit le grand souverain d’Égypte. Lorsqu’il eut succombé à son destin, Hattousil prit sa place sur le trône de son père… Aujourd’hui il s’est mis d’accord par un traité pour établir la relation que Rê a faite, entre la terre d’Égypte et la terre du Khatti, pour écarter les hostilités entre eux, à jamais… Que les enfants du grand maître du Khatti demeurent en paix et en fraternité avec les enfants des enfants de Ramsès. Le grand maître du Khatti ne violera jamais la terre d’Égypte pour la piller. Ousermaâtrê Sétepenrê, le grand roi d’Égypte, n’envahira jamais la terre de Khatti pour la piller…
Quant à l’ancien traité en vigueur à l’époque de Soupillouliouma, le grand maître du Khatti, de même que le traité permanent datant de l’époque de Mouwattali, le grand maître du Khatti, mon père, j’y souscris à présent. Vois, Ramsès, le grand roi d’Égypte, maintient la paix qu’il a conclue avec nous à partir de ce jour…
Si un ennemi quel qu’il soit attaque les territoires d’Ousermaâtrê Sétepenrê le grand roi d’Égypte, et que ce dernier envoie son messager au grand maître du Khatti pour lui dire : Viens à mon secours et marchons contre lui, le grand maître du Khatti viendra à son secours et massacrera l’ennemi.
Si, cependant, le grand maître du Khatti ne veut pas lui-même venir combattre, qu’il envoie ses troupes et ses chars pour battre les ennemis.
Si un homme important s’enfuit du pays d’Égypte et arrive dans le pays du grand maître du Khatti, ou dans une ville, ou dans une région qui appartiennent aux possessions de Ramsès-aimé-d’Amon, le grand maître du Khatti ne doit pas le recevoir. Il doit faire ce qui est nécessaire pour le livrer à Ousermaâtrê Sétepenrê, le grand roi d’Égypte, son maître.
Si un ou deux hommes sans importance s’enfuient et se réfugient dans le pays de Khatti pour servir un autre maître, il ne faut pas qu’ils puissent rester dans le pays de Khatti ; il faut les ramener à Ramsès-aimé-d’Amon, le grand roi d’Égypte.
Si un Égyptien, ou encore deux ou trois, s’enfuient d’Égypte et arrivent dans le pays du grand maître du Khatti, […] dans ce cas, le grand maître du Khatti l’appréhendera et le remettra à Ramsès, grand souverain d’Égypte : il ne lui sera pas reproché son erreur, sa maison ne sera pas détruite, ses femmes et ses enfants auront la vie sauve et il ne sera pas mis à mort. Il ne lui sera infligé aucune blessure, ni aux yeux, ni aux oreilles, ni à la bouche, ni aux jambes. Aucun crime ne lui sera imputé (suit la clause de réciprocité du côté hittite, empruntant exactement les mêmes termes).
En ce qui concerne les paroles du traité que le grand maître du Khatti a échangées avec le grand roi d’Égypte Ramsès-aimé-d’Amon, elles sont inscrites sur cette tablette d’argent. Ces paroles, mille dieux et mille déesses du pays de Khatti, et mille formes divines mâles et femelles les ont entendues et en sont les témoins : le soleil mâle maître du ciel, le soleil féminin de la ville d’Arinna.
Seth du Khatti, Seth de la ville d’Arinna, Seth de la ville de Zippalanda, Seth de la ville de Pittiyarik, Seth de la ville de Hissaspa, Seth de la ville de Saressa, Seth de la ville de Haleb (Alep), Seth de la ville de Luczina, Seth de la ville de Nérik, Seth de la ville de Noushashé, Seth de la ville de Shapina, Astarté de la terre du Khatti
[…] la déesse de Karahna, la déesse du champ de bataille, la déesse de Ninive […] la reine du ciel, les dieux maîtres du serment, la souveraine des montagnes et des fleuves du pays de Khatti, les dieux du pays de Kizzouwadna, Amon, Rê et Seth, les formes divines mâles et femelles, les montagnes et les fleuves du pays d’Égypte ; le ciel ; la terre ; la grande mer ; les vents ; les nuages ; l’orage.
En ce qui concerne les paroles qui sont gravées sur cette tablette d’argent de la terre de Khatti et de la terre d’Égypte, les mille formes divines de la terre de Khatti et les mille formes divines de la terre d’Égypte détruiront la maison, la terre et les serviteurs de celui qui ne les respecterait pas.
Quant à celui qui respectera ces paroles inscrites sur cette tablette d’argent, Hittite ou Égyptien, et qui en tiendra compte, les mille formes de la terre de Khatti et les mille formes divines de la terre d’Égypte lui assureront prospérité et vie, à sa maison, son pays, ses serviteurs.
Il fit construire entre autres les temples rupestres d’Abou Simbel, en amont de la première cataracte, que la mise en service du barrage d’Assouan, 3 200 ans plus tard, obligera à déménager sur une colline voisine, 300 mètres plus haut, travaux de Titans confiée aux bons soins de l’UNESCO.
www.culture.gouv.fr/culture/arcnat/thebes/fr/index.html
~ 1 235
Les Assyriens s’emparent de Babylone et de ses trésors. Trente ans plus tard, ils contiendront non sans mal les tribus barbares, et verront leur royaume réduit à un noyau autour de Ninive et Assour.
vers ~ 1 200
À 30 km de l’actuel Nancy, dans la vallée de la Seille, l’homme extrait le sel de la saumure prélevée dans des puits ; les quantités de bassins et de fourneaux trouvés par les archéologues permettent de parler de production industrielle, couvrant une centaine d’hectares. L’alimentation de ces fours demande des coupes importantes de bois ; la déforestation entraîne l’érosion. Les fours doivent être refaits fréquemment et ce sont d’énormes quantités de briquetage qui viennent boucher la vallée, qui s’aplanit, s’envase ; la rivière s’enfonce et devient souterraine. Le lieu devient malsain à telle enseigne qu’au XVIII° siècle, dans les cahiers de doléance, les habitants demanderont l’assèchement du marais et l’arrêt des salines qui consomment le rare bois disponible. Leur santé est fragile ; très humides, les maisons ne sont pas chauffées pour cause de pénurie de bois. L’hiver, il n’est pas rare que les enfants meurent dans leur lit.
Apogée de la civilisation olmèque au Mexique, sur la rive sud du golfe éponyme. On ne connaît pas le nom de cette civilisation, aussi lui a-t-on donné celui des Indiens qui s’y trouvaient lors de l’arrivée de Christophe Colomb. Olmèque signifie l’homme du pays du caoutchouc. Peuple de sculpteurs qui laissera d’importants vestiges d’une civilisation qui avait grandement développé les canalisations d’eau, qui avait de grands centres urbains et pour divinité principale, le jaguar. Les sites de San Lorenzo, La Venta et Tres Zapotes regroupent 18 statues monumentales.
Ce XII° siècle va voir s’enchaîner les catastrophes sur le Proche Orient : disparition de l’Empire hittite d’Asie Mineure, le Hatti, incendie et destruction des palais mycéniens, Tirynthe, Mylos : les tremblements de terre y eurent sans doute leur part, mais peut-être aussi, un important réchauffement général ne laissant de vie possible que sur les hauteurs exposées aux vents d’ouest et proches de la mer : golfe de Corinthe, Attique, Rhodes, Chypre Thessalie, Épire… Ailleurs, les populations se seraient enfuies, affamées. Peut-être aussi une excessive pression fiscale fit elle émigrer des peuplements dans des régions moins facilement imposables, avec un retour en force de l’insécurité, On ne sait là-dessus rien avec certitude sinon que la nuit va s’installer pour un demi millénaire environ. Sous la pression des Doriens, dits encore Araméens dits encore peuples de la mer, les Grecs commencent à émigrer vers les côtes d’Asie mineure. Ces mouvements vont durer environ 200 ans. On connaît un peu mieux aujourd’hui ces peuples de la mer : ils se nommaient Sherden, venus de Sardaigne, Shekelesh, de Sicile, Ekwesh, de Macédoine, Lukkas, de la côte sud de l’Anatolie, Teresh, d’Italie centrale, Peleset, de Crète, Tjekker de la côte anatolienne sur la Mer Noire, Denyen, d’Albanie, Wesheh, de l’ouest de l’Anatolie.
Entre 1 200 et 1 180 avant notre ère, à la toute fin de l’âge du bronze, ce ne sont pas seulement Troie et les villes de Grèce continentale qui sont détruites : celles des côtes anatoliennes le sont aussi. Dans l’intérieur des terres, les principales cités de l’Empire hittite, qui régnait depuis un demi-millénaire sur l’Anatolie et la Haute Mésopotamie, sont ravagées. Plus au sud, les principaux centres urbains de Chypre sont dévastés. Sur le territoire de l’actuelle Syrie, les cités d’Ougarit, d’Alep, d’Emar, de Kadesh et de Qatna sont elles aussi anéanties. Toujours plus au sud, au Levant, ce sont Akko, Megiddo, Ashdod ou encore Ashkelon qui font les frais d’impitoyables destructions. La violence et le chaos semblent s’abattre sur l’ensemble de la région. Les systèmes politiques s’effondrent, l’économie s’arrête. La Méditerranée orientale entre dans une période de quatre siècles de régression culturelle, de rétrécissement des pouvoirs politiques, de simplification des sociétés. Seul le bien nommé Pays éternel, l’Egypte, demeure tel qu’en lui-même.
Que s’est-il passé ? Le matériel archéologique ne permet pas toujours de connaître avec certitude les causes de ces destructions en série. Mais bien souvent, les archéologues découvrent des murs effondrés, les traces de terribles incendies, le tout arrosé de pointes de flèche et de balles de fronde, signes de violents combats… Comme si une ou plusieurs armées avaient systématiquement mis à sac, en quelques années, les grandes cités de la région. Comme si chacune avait connu sa propre guerre de Troie.
Parfois, les tablettes retrouvées dans les ruines des palais abandonnés témoignent directement des événements. Ainsi le dernier souverain du royaume d’Ougarit, un dénommé Ammurapi, écrit-il au début du XII° siècle avant J.C. à son suzerain le roi de Chypre, qu’il nomme mon père, selon les usages diplomatiques de l’époque : Mon père, les navires ennemis sont venus. Ils ont mis le feu à des villes et ont commis d’horribles choses dans le pays. (…) Les sept navires ennemis qui sont venus nous ont fait beaucoup de mal. Si les navires ennemis reviennent, fais m’en rapport afin que je le sache. Selon toute vraisemblance, ces mots de terreur confiés à l’argile n’auront pas le temps d’être envoyés avant le retour de l’ennemi. La missive n’a pas été retrouvée chez son destinataire mais à Ougarit, dans le palais même d’Ammurapi, là où les tablettes devaient être cuites avant d’être acheminées. On ignore ce qu’il advint du roi, mais le sort de sa ville ne fait aucun doute : Ougarit est assiégée, prise, mise à sac et enfin détruite par le feu, sans doute vers 1 185 avant J.C.
Qui est le redoutable adversaire dont parle Ammurapi ? La clé ou plutôt l’une des clés de l’énigme est peut-être inscrite sur les murs du temple de Médinet Habou, en Haute Égypte, où Ramsès III a fait inscrire les événements marquants de son règne. Pour sa huitième année, soit 1 177 avant J.C., il déclare : Les pays étrangers firent une conspiration dans leurs îles. D’un coup, ils quittèrent en masse leurs terres pour combattre. Nul pays ne résista devant leurs bras (…). Ils établirent leur camp en un lieu du pays d’Amurru, dont ils dévastèrent le peuple et dont ils désolèrent tant la terre que ce fut comme si elle n’avait jamais été. Puis ils avancèrent vers l’Égypte, mais le feu était préparé devant eux. Leur confédération comprenait les Peleset, les Tjekker, les Shekelesh, les Danouna, les Weshesh. Ayant déjà fait tant de conquêtes, ils se disaient, le cœur plein de confiance : Nos plans réussiront. La suite fait état d’une bataille conduite à l’embouchure du Nil dont les troupes égyptiennes sortent victorieuses : nombre d’assaillants sont tués, d’autres sont emmenés, captifs, promis à une vie de servitude.
Ces terribles guerriers arrêtés par l’Égypte mais dont les navires terrorisent toute la région, l’égyptologue français Gaston Maspero (1846-1916) les a baptisés peuples de la mer. L’expression est restée. Sont-ils les véritables tombeurs de Troie, comme l’imaginent certains archéologues ? Il est d’autant plus aisé de le penser qu’il se trouvait probablement des Grecs parmi eux. Dans l’Iliade, Homère utilise trois termes pour qualifier les Grecs rassemblés devant les remparts d’Ilion : il les nomme tantôt Achéens, tantôt Argiens, parfois Danéens. Or dès la fin du XIX° siècle, l’égyptologue Emmanuel de Rougé (1811-1872) fait le lien entre l’Iliade et l’inscription de Médinet Habou : dans les Danouna de Ramsès III, il voit les Danéens d’Homère. C’est-à-dire des Grecs.
Les partisans de cette thèse aiment citer le quatorzième chant de l’Odyssée. De retour dans son île d’Ithaque, mais toujours clandestin, Ulysse se fait passer pour un guerrier grec ayant participé au siège de Troie. Il raconte qu’à l’issue du pillage de la ville, il a armé neuf vaisseaux et mis le cap sur l’Égypte. Je fis mouiller dans le Nil les navires arqués. Alors, je demandai à mes fidèles compagnons de rester auprès du vaisseau pour le garder (…). Mais pris par la violence et n’écoutant que leur ardeur, ils pillèrent bientôt les très beaux champs des Égyptiens, emmenèrent les femmes et les petits enfants, tuèrent les guerriers. L’alarme fut donnée en ville. (…) La plaine se remplit de fantassins, de chars, d’éclairs de bronze. La suite du récit ne fait pas mystère de la débâcle : Plus d’un des nôtres fut tué, et plus d’un emmené vivant vers le travail forcé.
Pour certains historiens, la tradition pourrait avoir conservé, dans ces quelques vers de l’Odyssée, la mémoire d’une attaque conduite par des Grecs en Égypte – attaque qui pourrait bien être celle de 1 177 avant J.C., racontée par Ramsès III. L’enchaînement des événements correspond d’ailleurs assez bien, la destruction de Troie étant légèrement antérieure à cette date. De plus, sur les murs du temple de Médinet Habou, les représentations des assaillants évoquent parfois l’équipement des guerriers du monde égéen…
Des Grecs auraient été parmi les conjurés alors même que leur propre monde s’écroulait ? Nous en revenons à ce problème de dates. Les peuples de la mer étaient-ils des migrants venus du nord, ayant traversé le monde égéen en détruisant les palais des Grecs mycéniens avant de poursuivre vers l’Égypte ?, s’interroge l’historien britannique Michael Wood (université de Manchester). Ou étaient-ils en réalité composés de Grecs mycéniens – guerriers sans attaches, armées de mercenaires mises en mouvement par la destruction de la fragile stabilité de leur propre monde, pour des raisons économiques, sociales ou autres ?
La tradition elle-même semble appuyer ce dernier scénario. Car dès que Troie tombe, il n’est plus question de bravoure, de combats singuliers, de nobles querelles entre aristocrates. Le Sac d’Ilion, le poème attribué à Arctinos de Milet qui narre la fin de la cité, a certes été perdu, mais des résumés ultérieurs nous donnent la substantifique moelle de l’horreur sacrilège du saccage de la ville. Le bon Priam, son vieux roi, est abattu, et son cadavre laissé sans sépulture est jeté à ses chiens ; le sage Ulysse aux mille ruses arrache le fils du défunt prince troyen Hector, le petit Astyanax, des bras de sa mère Andromaque et le précipite du haut des remparts de la ville ; la belle Polyxène, fille de Priam, est égorgée sur la tombe d’Achille ; une autre princesse troyenne, Cassandre, pourtant réfugiée dans le sanctuaire d’Athéna, est violée par Ajax avant d’être passée au fil de l’épée. L’héroïsme guerrier a disparu au profit d’une sauvagerie barbare.
La chute de Troie a comme un parfum de fin du monde. Il est vrai qu’il est tentant d’y voir une sorte de métaphore de l’effondrement de la Méditerranée orientale résume l’archéologue Eric Cline. C’est peut-être la raison de l’extraordinaire pérennité de l’histoire, qui marquerait symboliquement la fin de l’âge du bronze et le début de l’âge du fer – un âge qui sera aussi celui de deux grandes inventions méditerranéennes : le monothéisme et la démocratie. Comme si, en somme, la guerre de Troie marquait la fin d’un monde, et le début du nôtre.
Stéphane Foucart. Le Monde 22 août 2014
Sans livrer trop de précisions géographiques, Alain Blondy dit simplement que les gens de mer comprennent trois catégories : les marins pêcheurs, les marins de commerce et les forbans. Les deux premières catégories se sont fondues dans la troisième et c’est ainsi qu’ont pris corps les peuples de la mer. Leur terrorisme, en mettant fin au commerce antérieur, accéléra la fin de l’âge du bronze, et ce faisant, accéléra aussi les débuts de l’âge du fer, et la création de marines de guerre.
Les Tyriens viennent acheter aux Ibères les métaux de la Bétique – actuelle Andalousie – où ils ont des comptoirs comme Gadir – Cadix aujourd’hui -, Abdère, Malaga.
Dans les parties du Sahara encore suffisamment humides pour permettre un habitat, arrivée du cheval. Jusqu’alors gibier de prédilection des chasseurs, les populations d’Europe centrale se mettent à le domestiquer, pour lui faire tirer araire et char à roues : plus léger et plus intelligent que le bœuf, il va peu à peu le remplacer.
~ 1198 à ~1196
Une sécheresse particulièrement sévère sévit sur l’ensemble du Moyen-Orient et pourrait être l’une des causes de la disparition rapide de l’empire Hittite. Cela se voit sur les cernes d’accroissement du genévrier. Mais c’est sur 150 ans que des conditions climatiques difficiles marqueront la région, de ~1250 à ~1 100, où le pouvoir appartenait au nord, aux Hittites, au sud, à l’Égypte.
~ 1 178
Ramsès III parvient à arrêter la horde des peuples de la mer dans le delta du Nil, les contraignant à la dispersion ou l’installation au Proche Orient.
vers ~ 1 100
Les Phéniciens fondent à l’est de l’actuelle Tripoli en Lybie un comptoir qui prendra le nom de Leptis Magna sous les Romains : un futur empereur y naîtra en 146 après J.C. : Septime Sévère, et rien ne sera trop beau pour sa ville natale : marbres de Grèce [massif du Pentélique, île de Paros] et d’Égypte, etc… Des archéologues peu scrupuleux – comme ils l’étaient souvent aux débuts de cette discipline, s’abritant derrière le service rendu à la nation – feront transporter jusqu’au cœur de Paris quelques colonnes de marbre que l’on peut voir aujourd’hui dans la Chapelle de la Vierge, derrière le maître-autel de l’église Saint Sulpice à Paris et aussi à l’église de Saint Germain des Prés.
entre ~1 050 et ~ 950
Les Indiens (les habitants de l’Inde…) maîtrisent la fusion du fer.
vers ~ 1 000
David, roi des tribus juives, conquiert Jérusalem, jusqu’alors ville des Jébuséens. Il en fera la capitale des 12 tribus d’Israël, à mi-chemin des 2 tribus du sud et des 10 du nord.
Dans ce qui est aujourd’hui le Nouveau Mexique, les Indiens zuñis et hopis, construisent des villages en terrasse, ont des habitats nichés dans les falaises, utilisent des réseaux d’irrigation et des retenues d’eau, connaissent la céramique, la vannerie et se tissent de vêtements en coton. Pas très loin de là, des Indiens qui doivent être Mayas, construisent dans le sud-ouest du Yucatan, une plate forme de 1 400 m de long, et de 400 de large, Aguada Fénix, aujourd’hui dans l’État mexicain de Tabasco. Elle est surélevée d’une dizaine de mètres par rapport au sol, sans pyramide : il semblerait qu’elle ait été consacrée essentiellement aux échanges, une sorte de forum. Pour des raisons encore inconnues, cet ensemble ne restera en activité que 250 ans, puis disparaîtra. C’est au lidar que l’on doit cette découverte, en 2019/2020.
Aux antipodes, les aborigènes australiens alignent des pierres dressées, – les boras – dans les environs de cavernes aux murs peints : Cook découvrira tout cela en 1770. Pour fabriquer la céramique, les Chinois parviennent à atteindre des températures de 1 200°. Ils inventent les hauts fourneaux.
Et à mi-chemin, en Angleterre, des hommes bâtissent une plate-forme sur pilotis sur une île d’une rivière d’une cinquantaine de mètres de large, dans l’est du pays, nommé aujourd’hui Must Farm : tout cela prend feu et les décombres des maisons tombent à l’eau, vite recouverts de vase, ce qui permet au bois de se conserver en l’état et à fortiori, à tous les autres matériaux. C’est une entreprise de TP qui découvrira à la fin du XX° siècle les vestiges en prenant de l’argile dans une carrière proche, la rivière ayant depuis longtemps disparu. L’incendie a provoqué chez les occupants les mêmes réflexes que plus tard, à Pompéi : on abandonne tout, tissus, contenants encore emplis de nourriture, outils, armes, céramiques venues du continent, quand ce n’est pas des Balkans ! Tout un ensemble qui permettra des reconstitutions sur le mode de vie de ces gens comme il s’en en trouve rarement.
~ 969 à ~ 962
Le règne de Salomon, dernier Roi du peuple hébreu encore uni, est un âge d’or, portant l’empreinte d’un homme avisé, juste et riche. Le royaume recelait des richesses – les fameuses mines de cuivre, les céréales – et les richesses dont il ne disposait pas, il allait les chercher en Égypte – il épouse une fille de pharaon -, au pays de Tyr, en Éthiopie. Il passe contrat avec Hiram, le roi phénicien de Tyr pour la construction du Temple de Jérusalem : l’architecte en est Houram Abi, qui va faire travailler pendant 7 ans 170 000 ouvriers et 3 000 officiers.
Le roi Salomon construisit une flotte à Ezion-Guéber, qui est près d’Ailath sur les bords de la mer Rouge, dans le pays d’Edom. Et Hiram envoya sur les vaisseaux, auprès des serviteurs de Salomon, ses propres serviteurs, des matelots connaissant la mer. Ils allèrent à Ophir, et ils prirent quatre cent vingt talents d’or, qu’ils apportèrent au roi Salomon (…) Tous les vases à boire du roi Salomon étaient d’or, et toute la vaisselle de la maison de la forêt du Liban étaient d’or fin. Rien n’était d’argent ; on n’en faisait nul cas du temps de Salomon. Car le roi avait en mer des vaisseaux de Tharsis (Tartessos) avec les vaisseaux de Hiram ; une fois tous les trois ans, les vaisseaux de Tharsis arrivaient, apportant de l’or et de l’argent, de l’ivoire, des singes et des paons.
Livre des Rois, IX, 26-28 ; X, 21-22
Vers 1 460, Jean Fouquet, peintre, enlumineur, proche des familiers de Charles VII (1 403-1 461) et plus tard portraitiste à la cour de Louis XI (1 423-1 483), illustre les Antiquités juives et la Guerre des Juifs de Flavius Josephe (37-100). Dans une curieuse miniature, aujourd’hui conservée à la Bibliothèque nationale de France à Paris, il dépeint le chantier du Temple de Jérusalem décrit dans Le Livre des Rois.
Salomon, reconnaissable à la couronne qui orne son front, installé sur une sorte de balcon, désigne l’édifice en construction à un homme placé en retrait – peut-être l’architecte du Temple, le mythique Hiram, qui reçoit les observations de son maître. En bas, une troupe brillante, sans doute constituée de conseillers et de courtisans, s’apprête à entrer dans le bâtiment.
Dans un joyeux désordre, des ouvriers taillent des pierres, sculptent des statues, préparent du mortier ou transportent des matériaux. Au sommet du Temple en construction, trois hommes achèvent de hisser de volumineux blocs à l’aide d’une grue en bois.
Ce tableau si exact et si vivant rappelle les nombreux chantiers d’églises, qui se multiplient à l’époque de Fouquet. Il est cependant plus singulier qu’il n’y paraît : il est supposé représenter un édifice bâti vingt-cinq siècles plus tôt. Or, le Temple de Jérusalem – qui devait plutôt ressembler à quelque sanctuaire égyptien – s’élève ici sous l’aspect d’une magnifique cathédrale du gothique flamboyant, dans le genre de celle de Notre-Dame-de-Cléry (Loiret).
On peut certes invoquer la méconnaissance de l’archéologie au temps de Fouquet. Mais il faut surtout comprendre que, pour les hommes du Moyen Age, la conscience historique, c’est-à-dire le sens de l’écoulement du temps, de la relativité des cultures et de l’évolution des mentalités, des usages, des mœurs et des représentations, n’existe pratiquement pas.
Roger Dachez. Le Monde du 15 05 2022
Tyr était alors le plus important centre commercial de la Méditerranée :
Tu diras à Tyr, la ville installée au bord de la mer, le courtier des peuples dans des îles sans nombre : ainsi parle le Seigneur Yahvé.
Tyr, toi qui disais : je suis un navire merveilleux de beauté.
En haute mer s’étendait ton empire,
Tes constructeurs t’ont faite merveilleuse de beauté.
En cyprès de Senir ils ont construit tous tes bordages.
Ils ont pris un cèdre du Liban pour te faire un mât.
Des plus hauts chênes de Bashân ils t’ont fait des rames.
Ils t’ont fait un pont d’ivoire incrusté dans du cèdre des îles de Kittim.
Le lin brodé d’Égypte fut ta voilure pour te servir de pavillon.
La pourpre [3] et l’écarlate des îles d’Elisha formaient ta cabine.
Les habitants de Sidon et d’Arvad étaient tes rameurs.
Et tes sages, ô Tyr, étaient à bord comme matelots.
Les anciens de Gebal et ses artisans étaient là pour réparer tes avaries.
Tous les navires de la mer et leurs marins étaient chez toi pour faire du commerce. Ceux de Perse et de Lud et de Put servaient dans ton armée, étaient tes gens de guerre. Ils suspendaient chez toi le bouclier et le casque. Ils te donnaient de la splendeur. Les fils d’Arvad et leur armée garnissaient tes murailles tout autour et veillaient sur tes bastions. Ils suspendaient leurs boucliers à tes murailles tout autour et contribuaient à parfaire ta beauté. Tarsis était ton client, profitant de l’abondance de tes richesses. On te donnait de l’argent, du fer, de l’étain et du plomb contre tes marchandises. Yahvan, Tubal et Meshek trafiquaient avec toi. Contre des hommes et des ustensiles de bronze ils échangeaient tes denrées. Ceux de Bet Togarma te pourvoyaient de chevaux, de coursiers et de mulets. Les fils de Dedân trafiquaient avec toi ; des rivages nombreux étaient tes clients ; les défenses d’ivoire et l’ébène te servaient de paiement. Edom était ton client grâce à la multitude de tes produits : il te donnait des escarboucles, de la pourpre, des broderies, du byssus, du corail et des rubis contre tes marchandises. Juda et le pays d’Israël eux-mêmes trafiquaient avec toi : ils t’apportaient en échange du grain de Minnit, de la cire, du miel, de la graisse et du baume. Damas était ton client grâce à l’abondance de tes produits, à la multitude de tes richesses : il te fournissait du vin de Helbôn et de la laine de Çahar. Dan et Yahvân, depuis Uzal, te pourvoyaient de fer forgé, de casse et de roseau, en échange de tes marchandises. Dedân trafiquait avec toi des couvertures de cheval. L’Arabie et tous les princes de Qédar eux-mêmes étaient tes clients : ils payaient en agneaux, béliers et boucs.
Les marchands de Sheba et de Rama trafiquaient avec toi : ils te pourvoyaient d’aromates de première qualité, de pierres précieuses et d’or contre tes marchandises. Harân, Cadé et Eden, les marchands de Sheba, d’Assur et de Kilmad trafiquaient avec toi. Ils faisaient trafic de riches vêtements, de manteaux de pourpre et de broderie, d’étoffes bigarrées, de solides cordes tressées, sur tes marchés. Les bateaux de Tarsis naviguaient pour ton commerce.
Tu étais donc riche et glorieuse au cœur des mers.
Ezéchiel, 27 La Bible de Jérusalem. 1956
L’unité ne va pas durer longtemps : en ~ 930, à la mort de Salomon se créent 2 royaumes : Roboam, fils et successeur désigné de Salomon doit s’affronter avec Jéroboam. Mais seules les tribus de Juda et de Benjamin se rallient à Roboam, qui crée le royaume de Juda, au sud. Les 10 autres tribus se rallient à Jéroboam, fondant le royaume d’Israël,
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[1] Une nouvelle explication sur la nature des matériaux utilisés arrive en 2006 : les blocs des parties sommitales des pyramides ne seraient pas des pierres naturelles, mais une sorte de béton synthétique : les concentrations de silicium ne se retrouvent pas dans la pierre naturelle, et le mode de cristallisation naturelle ne peut pas expliquer les cristaux figurant dans ces éléments supérieurs. Selon Joseph Davidovits, les gens pensent que puisqu’on utilise des produits chimiques, il est très facile de trouver ces ingrédients dans le produit final. C’est faux. Grâce à la chimie des géopolymères, la réaction chimique génère des éléments naturels, des minéraux qui peuvent être considérés comme naturels par un scientifique non informé. En 2011 (pour le grand public, en fait dès 2004), Joël Bertho, architecte et Suzanne Raynaud, géologue, iront encore plus loin en affirmant que ce sont 95 % des pierres des pyramides qui sont un matériau reconstitué, fait de calcaire broyé, extrait de la carrière de Tourah, moulé avec un mortier de chaux ; les 5 % restant – de la vraie pierre – , était utilisé pour le parement. Autre thèse nouvelle sur les procédés de construction, celle de Jean Pierre Oudin, architecte, qui pense que le dernier tiers sommital de la pyramide était construit, non pas par acheminement des matériaux depuis une rampe extérieure, mais depuis une rampe intérieure, les matériaux terminaux provenant de la démolition de la rampe extérieure.-
[2] … la mer, ou bien les grands étangs du sud Soudan
[3] Colorant allant du rouge au bleu verdâtre, extrait des coquillages murex brandaris, murex trunculus et purpura hemastoma, récoltés en Méditerranée orientale, puis sur l’île d’Ibiza aux Baléares et enfin sur l’île de Mogador (au large d’Essaouira, dans le sud du Maroc) pour le purpura hemastoma, qui donnait la meilleure qualité.