{"id":14182,"date":"2008-08-16T14:41:13","date_gmt":"2008-08-16T13:41:13","guid":{"rendered":"http:\/\/www.unjournaldumonde.org\/?p=14182"},"modified":"2024-11-18T18:13:03","modified_gmt":"2024-11-18T17:13:03","slug":"1-novembre-2018-leglise-recuperatrice","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/www.unjournaldumonde.org\/2008\/08\/16\/1-novembre-2018-leglise-recuperatrice\/","title":{"rendered":"3 novembre 2018 au 15 janvier 2019 L’Eglise r\u00e9cup\u00e9ratrice. Le CICR, la \u00ab\u00a0Rolls\u00a0\u00bb de l’humanitaire. Les Gilets Jaunes. 18051"},"content":{"rendered":"

3 11 2018\u00a0<\/strong><\/p>\n

Face au nombreux et parfois tr\u00e8s anciennes accusations de son attitude vis \u00e0 vis des comportements sexuels condamnables pouvant aller jusqu’au viol, la conf\u00e9rence des \u00e9v\u00eaques de France invite les victimes \u00e0 exposer leur traumatisme. Il est certes \u00e9vident que l’\u00c9glise a une pratique multis\u00e9culaire d’une pr\u00e9sentation biais\u00e9e de ses torts, ce que n’ont pas a priori les victimes de cur\u00e9s touche \u00e0 tout sans g\u00eane ni g\u00e9nie. Mais, en 2018, cette inversion totale de l’ordre des choses est d’une tartuferie sans nom, car enfin, ce sont les eccl\u00e9siastiques qui sont les accus\u00e9s ; depuis quand les accus\u00e9s invitent-ils les victimes \u00e0 venir s’exprimer devant eux ? Comment les \u00e9v\u00eaques justifient-ils cette inversion des r\u00f4les ? Ces gens sont accus\u00e9s, et ce sont eux qui continuent \u00e0 diriger les d\u00e9bats… c’est un comble ! Au proc\u00e8s de Nuremberg, ce ne sont pas les responsables nazis qui ont invit\u00e9 les Alli\u00e9s vainqueurs \u00e0 venir les \u00e9couter. Dans cette affaire, c’est aux victimes de cr\u00e9er une personne morale qui traduira devant la justice civile les accus\u00e9s et il n’y a pas \u00e0 sortir de l\u00e0, et tout le reste n’est que mascarade et manipulation ; on ne peut que regretter que des victimes se soient pr\u00eat\u00e9es \u00e0 ce sinistre jeu. Pour finir, les \u00e9v\u00eaques prendront la d\u00e9cision que prend tout gouvernement quand il ne veut pas r\u00e9gler un probl\u00e8me : botter en touche en cr\u00e9ant une commission qui rendra un rapport dans moins de 2 ans … promis, jur\u00e9 ! <\/em>Occuper le terrain, promettre, baratiner : tout faire pour \u00e9viter de se retrouver en position d’accus\u00e9 devant la justice civile. Cette manipulation des victimes par une \u00c9glise en l\u2019occurrence coupable n’est rien de moins qu’une escroquerie.<\/p>\n

Mais il faut aussi dire clairement que tous les clochers ne donnent pas le m\u00eame son, et loin d\u2019y avoir symphonie il y aurait plut\u00f4t grande discordance entre les cloches de Lyon et celles de Rome : ainsi de cette d\u00e9mission du cardinalat en juillet 2018, puis r\u00e9duction s\u00e8che et sans appel \u00e0 l\u2019\u00e9tat la\u00efque\u00a0 le 14 f\u00e9vrier 2019 de Theodore McCarrick, 88 ans, ex-archev\u00eaque de Washington et surtout ex cardinal pour des attouchements vieux d\u2019un demi-si\u00e8cle : du jamais vu \u00e0 Rome depuis 1927, lorsque le pape Pie XI avait accept\u00e9 la d\u00e9mission du cardinal fran\u00e7ais Louis Billot, qui avait renonc\u00e9 de lui-m\u00eame \u00e0 sa toque pourpre pour son d\u00e9saccord sur la condamnation par le pape de l\u2019Action Fran\u00e7aise de Charles Maurras. Et encore la condamnation du cardinal australien George Pell par la justice civile, pour les m\u00eames motifs, en f\u00e9vrier 2019.<\/p>\n

Pour la France il faudra attendre le 7 mars 2019 pour voir le cardinal Barbarin, archev\u00eaque de Lyon et donc primat des Gaules condamn\u00e9 \u00e0 six mois de prison avec sursis\u00a0 pour non d\u00e9nonciation de p\u00e9dophilie imput\u00e9s au p\u00e8re Preynat, un pr\u00eatre de son dioc\u00e8se. Dans la foul\u00e9e, il remettra sa d\u00e9mission de l\u2019archev\u00each\u00e9 de Lyon, sa pourpre – un cardinal ne rend pas son tablier, puisque, ne se salissant jamais, il n\u2019en porte pas – au pape Fran\u00e7ois, d\u00e9mission que le pape refusera le 18 mars. Il fera appel de ce proc\u00e8s en premi\u00e8re instance. Quand l\u2019affaire du p\u00e8re Preynat avait commenc\u00e9 \u00e0 l\u2019\u00e9clabousser, lors de la conf\u00e9rence des \u00e9v\u00eaques \u00e0 Lourdes en mars 2016, il s\u2019\u00e9tait fendu d\u2019un des plus beaux lapsus qui fut : La majorit\u00e9 des faits, gr\u00e2ce \u00e0 Dieu, sont prescrits. <\/em>En mars 2019, Fran\u00e7ois Ozon en fera le titre de son film, dont la justice refusera de retarder la sortie. Ce lapsus vient rejoindre au hit-parade celui de Raymond Barre qui le 3 octobre 1982 avait parl\u00e9 de l\u2019attentat contre la synagogue de la rue des Rosiers en parlant des Fran\u00e7ais innocents<\/em> qui en avaient \u00e9t\u00e9 les victimes.<\/p>\n

Neuf mois plus tard, lors du proc\u00e8s en appel du cardinal Barbarin, Jo\u00ebl Solier, l’avocat g\u00e9n\u00e9ral, plaidera magnifiquement pour que le droit cesse de se mettre \u00e0 la remorque de l’\u00e9motion : le droit, enfin ! rien que le droit, mais tout le droit !<\/p>\n

Le premier proc\u00e8s Barbarin aura \u00e9t\u00e9 un grand proc\u00e8s pour les victimes du p\u00e8re Preynat. Celui en appel pourrait \u00eatre un grand proc\u00e8s pour le droit. Fid\u00e8le \u00e0 la position qu\u2019il soutient depuis le d\u00e9but de l\u2019affaire, le minist\u00e8re public a requis, vendredi 29\u00a0novembre, la relaxe de Philippe Barbarin\u00a0du d\u00e9lit de non-d\u00e9nonciation d\u2019agressions sexuelles. Mais son repr\u00e9sentant, Jo\u00ebl Sollier, l\u2019a fait au terme d\u2019une n\u00e9cessaire et charpent\u00e9e d\u00e9monstration juridique.<\/em><\/p>\n

Cette affaire a \u00e9t\u00e9 port\u00e9e par un cri, qui \u00e9tait l\u2019expression d\u2019une douleur trop longtemps contenue, celle des victimes venues t\u00e9moigner de leurs souffrances toujours vives, imprescriptibles. Ce cri, il faut l\u2019entendre, d\u2019autant plus, et c\u2019est le drame de ce dossier, que ne lui a r\u00e9pondu qu\u2019un immense silence. Silence des familles, silence des communaut\u00e9s paroissiales, silence de l\u2019Eglise,\u00a0a observ\u00e9 l\u2019avocat g\u00e9n\u00e9ral. Mais la justice, a-t-il soulign\u00e9,\u00a0ne se prononce pas sur un ph\u00e9nom\u00e8ne dans son ensemble mais sur des cas individuels. Elle doit dire si un homme est coupable des actes dont on l\u2019accuse conform\u00e9ment au droit existant, \u00e0 un moment donn\u00e9, dans une soci\u00e9t\u00e9 donn\u00e9e.<\/p>\n

Et le droit existant ne permet pas de condamner Philippe Barbarin, contrairement \u00e0 ce qu’a jug\u00e9 le tribunal correctionnel de Lyon. A l\u2019adresse des juges de premi\u00e8re instance, Jo\u00ebl Sollier se montre s\u00e9v\u00e8re, d\u00e9non\u00e7ant la tentation \u00e0 laquelle ils ont selon lui c\u00e9d\u00e9 d\u2019<\/em>enfermer la d\u00e9cision judiciaire dans la sph\u00e8re symbolique,\u00a0en faisant porter sur le seul cardinal l\u2019imp\u00e9ratif de d\u00e9nonciation d\u2019agressions sexuelles<\/em>.\u00a0La justice ne peut faire du symbolique son principe d\u2019action ni son but ultime, m\u00eame si un effet symbolique s\u2019attache \u00e0 ses d\u00e9cisions.<\/p>\n

Exhortant la cour \u00e0 revenir au droit, l\u2019avocat g\u00e9n\u00e9ral a \u00e9voqu\u00e9 les trois obstacles juridiques majeurs qui, selon lui, rendent impossible la condamnation de Philippe Barbarin\u00a0: prescription, \u00e9tat de minorit\u00e9 ou de vuln\u00e9rabilit\u00e9, intentionnalit\u00e9. Il soutient d\u2019abord que le d\u00e9lit de non-d\u00e9nonciation est\u00a0<\/em>indissociable\u00a0des faits principaux \u00e0 d\u00e9noncer. Si ces faits sont prescrits, le d\u00e9lit de non-d\u00e9nonciation l\u2019est aussi puisqu\u2019il ne constitue plus une entrave \u00e0 la justice. C\u2019est le cas pour les agressions sexuelles subies par Alexandre Hezez et port\u00e9es \u00e0\u00a0la connaissance de Philippe Barbarin en\u00a02014.<\/em><\/p>\n

L\u2019avocat g\u00e9n\u00e9ral rel\u00e8ve ensuite que l\u2019une des raisons d\u2019\u00eatre de l\u2019infraction de non-d\u00e9nonciation est\u00a0<\/em>l\u2019\u00e9tat de minorit\u00e9 ou de vuln\u00e9rabilit\u00e9\u00a0de la victime.\u00a0C\u2019est parce que les victimes sont dans un \u00e9tat de faiblesse que les tiers, inform\u00e9s de maltraitances, doivent pallier leur incapacit\u00e9 \u00e0 saisir la justice,<\/em>\u00a0observe-t-il. Cette obligation faite aux tiers<\/em>\u00a0tombe donc d\u00e8s lors que la victime a atteint l\u2019\u00e2ge de la majorit\u00e9 et ne pr\u00e9sente pas un \u00e9tat de vuln\u00e9rabilit\u00e9. Dans l\u2019affaire Barbarin, toutes les victimes de l\u2019ancien aum\u00f4nier sont majeures et\u00a0<\/em>parfaitement en capacit\u00e9 de porter plainte\u00a0<\/em>quand le cardinal est alert\u00e9.\u00a0<\/em>L\u2019obligation de d\u00e9nonciation est donc \u00e9teinte,<\/em>\u00a0constate l\u2019avocat g\u00e9n\u00e9ral.<\/em><\/p>\n

Ces deux arguments suffisent d\u00e9j\u00e0, selon lui, \u00e0 \u00e9carter une condamnation. Mais Jo\u00ebl Sollier conteste un dernier \u00e9l\u00e9ment retenu par les juges de premi\u00e8re instance, celui de l\u2019intentionnalit\u00e9. Le tribunal a en effet consid\u00e9r\u00e9 que Philippe Barbarin avait fait\u00a0<\/em>en conscience le choix de ne pas saisir la justice pour pr\u00e9server l\u2019institution \u00e0 laquelle il appartient\u00a0et \u00e9viter le<\/em>\u00a0scandale public<\/em>.<\/em>\u00a0Faux, dit le parquet<\/em>, qui soutient qu\u2019<\/em>en\u00a02014 le cardinal\u00a0<\/em>ne pouvait pas avoir conscience qu\u2019il entravait la justice lorsqu\u2019il omettait de d\u00e9noncer des faits survenus trente ans plus t\u00f4t.<\/p>\n

Le r\u00e9quisitoire prononc\u00e9 vendredi 29\u00a0novembre ne vaut pas pour la seule affaire Barbarin. Il est aussi une mise en garde contre la tentation des juges de c\u00e9der \u00e0 la pression des victimes au profit d\u2019une notion extensive du d\u00e9lit de non-d\u00e9nonciation.<\/em><\/p>\n

La position des parties civiles, a-t-il observ\u00e9<\/em>, revient \u00e0 rendre ce d\u00e9lit quasi imprescriptible.\u00a0On pourrait donc poursuivre les familles, mais aussi les conjoints des victimes, ou encore des proches, ou de simples relations \u00e0 qui les faits auraient \u00e9t\u00e9 r\u00e9v\u00e9l\u00e9s.\u00a0<\/em>Une logique inconditionnelle et absolutiste\u00a0qui, en poussant son raisonnement jusqu\u2019\u00e0 l\u2019absurde<\/em>,\u00a0pourrait m\u00eame conduire \u00e0 poursuivre les victimes devenues adultes et qui n\u2019ont pas d\u00e9nonc\u00e9 les faits, ne serait-ce que pour prot\u00e9ger autrui des tourments et de l\u2019auteur dont elles connaissent la r\u00e9alit\u00e9\u00a0!<\/p>\n

Qui peut souscrire \u00e0 un tel syst\u00e8me\u00a0? Qui peut vouloir cr\u00e9er une telle chim\u00e8re dont le comportement n\u2019ob\u00e9irait \u00e0 aucune limite et ne r\u00e9pondrait qu\u2019\u00e0 un imp\u00e9ratif id\u00e9ologique dont les cons\u00e9quences d\u00e9vastatrices n\u2019ont, \u00e0 l\u2019\u00e9vidence, pas \u00e9t\u00e9 suffisamment pens\u00e9es\u00a0?\u00a0<\/em>a conclu l\u2019avocat g\u00e9n\u00e9ral. D\u00e9cision le 30\u00a0janvier 2020. [Il sera finalement relax\u00e9]<\/p>\n

Pascale Robert-Diard.<\/strong>\u00a0Le Monde du 1\u00b0d\u00e9cembre 2019<\/p>\n

Reste maintenant \u00e0 obtenir des r\u00e9ponses \u00e0 quelques questions : pourquoi des plaintes sont-elles d\u00e9pos\u00e9es contre des eccl\u00e9siastiques, et non contre d’autres pr\u00e9dateurs sexuels comme Daniel Cohn Bendit, Gabriel Matzneff, le philosophe qui s’\u00e9tait abonn\u00e9 \u00e0 la sortie des lyc\u00e9es de filles [cf, entre autres, Apostrophes<\/em> du 12 septembre 1975]. On pourra parler de mode : les ann\u00e9es post soixante huitardes \u00e9taient tout autres que les ann\u00e9e 2010… il est plus plaisant et facile de s’en prendre \u00e0 une v\u00e9n\u00e9rable institution mill\u00e9naire qu’\u00e0 un milieu litt\u00e9raire, journalistique, puissant et complaisant. Bernard Pivot remettra le couvert en invitant le 2 juillet 1990 encore Gabriel Matzneff, – il l’invitera cinq fois : Gabriel Matzneff est le Picasso de la p\u00e9dophilie, maestro reconnu urbi et orbi\u00a0 – mais aussi la canadienne Denise Bombardier dont il savait qu’elle ne garderait pas sa langue dans la poche, et effectivement elle prit \u00e0 parti Gabriel Matzneff de front et se mit \u00e0 dos l’assistance parisienne, au premier rang de laquelle Philippe Sollers qui la traitera avec la plus grande \u00e9l\u00e9gance de connasse<\/em> ; Dieu merci elle a le cuir plut\u00f4t \u00e9pais et observera plus tard qu’Il y avait ce silence et cette fascination. Et \u00e7a dit quelque chose du milieu litt\u00e9raire fran\u00e7ais et parisien. Ces gens-l\u00e0 se renvoient l’ascenseur, se co\u00e9ditent et justifient en ne se mettant jamais en cause dans leurs actions. <\/em>Pivot taquinera gentiment Matzneff en lui lan\u00e7ant : Vous vous \u00eates sp\u00e9cialis\u00e9 dans les minettes. Au-dessus de 18 ans, les femmes ne vous int\u00e9resseraient-elles plus ? ce dernier biaisera\u00a0en \u00e9vitant de r\u00e9pondre sur le fond, car, en fait si les femmes majeures ne l’int\u00e9ressent pas, c’est que ce monsieur ne peut supporter un rapport \u00e0 \u00e9galit\u00e9 de maturit\u00e9, c’est que les femme <\/em>sentent tr\u00e8s vite le bonhomme et s’en d\u00e9tournent : <\/em>ce type-l\u00e0 est en fait un parfait immature, un pr\u00e9dateur obnubil\u00e9 par ses proies, seuls l’int\u00e9ressent des rapports de dominant \u00e0 domin\u00e9, de mature<\/em> \u00e0 immature… merci, tr\u00e8s peu pour moi. Quarante cinq ans plus tard, Alexandre Jardin, invit\u00e9 lui aussi \u00e0 l’\u00e9mission se dira \u00e9pouvant\u00e9<\/em> de son silence d’alors – qui ne dit mot consent -, illustrant tr\u00e8s bien ainsi le consentement de l\u2019intelligentsia parisienne. <\/em>Bernard Pivot aurait-il invit\u00e9 une canadienne faute d’avoir trouv\u00e9 dans l’intelligentsia\u00a0fran\u00e7aise une femme \u00e0 m\u00eame de contrer Matzneff ? On verra des brochettes d’intellectuels parisiens signer des p\u00e9titions pour soutenir Gabriel Matzneff. Fin 2019, quand Vanessa Springora, une des victimes de Matzneff s’appr\u00eatera \u00e0 sortir un livre pour dire son aventure, Pivot l\u00e2chera : Que voulez-vous, le litt\u00e9rature avait alors le pas sur la morale !<\/em> Mais ce n’est pas exactement de cela qu’il s’agit, car la question est bien, la litt\u00e9rature peut-elle avoir le pas sur la\u00a0loi<\/strong>\u00a0?\u00a0<\/em><\/p>\n

Dans les ann\u00e9e 1970 Gabriel Matzneff milite pour que la p\u00e9dophilie soit d\u00e9criminalis\u00e9e. En 1977, il r\u00e9dige un teste que le Tout Paris cosigne, mais il n\u2019est \u00e9crit nulle part dans la tribune qu\u2019il en est l\u2019auteur. Parmi les 69 signataires, on trouve Louis Aragon, le s\u00e9miologue Roland Barthes, Simone de Beauvoir, Jean-Paul Sartre, le cin\u00e9aste Patrice Ch\u00e9reau, le philosophe Gilles Deleuze, Andr\u00e9 Glucksmann, l\u2019\u00e9crivaine Catherine Millet, l’\u00e9crivain Julien Gracq.\u00a0<\/em>Quelques personnalit\u00e9s refusent de le signer \u00e0 l\u2019instar de Marguerite Duras et de Michel Foucault.\u00a0<\/em>Le Monde\u00a0accepte de le publier le 26 janvier, la veille de l\u2019ouverture d\u2019un proc\u00e8s mettant en cause trois hommes\u00a0accus\u00e9s d\u2019avoir eu des relations sexuelles avec des filles et des gar\u00e7ons de 13 et 14 ans.\u00a0<\/em><\/p>\n

Ce n\u2019est qu\u2019en 2013 que Gabriel Matzneff d\u00e9voilera \u00eatre l\u2019auteur de cette lettre ouverte sur son blog, agac\u00e9 de voir les signataires encore en vie s\u2019excuser de l\u2019avoir sign\u00e9e ou bien oublier qu\u2019ils l\u2019ont sign\u00e9e.<\/em><\/p>\n

Apeur\u00e9s, craignant pour leur carri\u00e8re, \u00e9crit-il<\/em>, trop de signataires de la p\u00e9tition renient aujourd\u2019hui leur signature, se cachent derri\u00e8re une m\u00e9moire pr\u00e9tendue d\u00e9faillante. C\u2019est dommage, mais pour ma part, je demeure fid\u00e8le \u00e0 mes engagements. Je suis heureux d\u2019avoir, avec mon article du\u00a0Monde,<\/em> puis avec la p\u00e9tition, contribu\u00e9 \u00e0 la lib\u00e9ration des prisonniers. Je revendique tout ce que j\u2019ai \u00e9crit. Je persiste et je signe.<\/em><\/p>\n

Si son r\u00e9seau s\u2019est largement \u00e9tiol\u00e9 au fil des ans, on peut voir que dans les ann\u00e9es 1970, il \u00e9tait extr\u00eamement dense.\u00a0<\/em>En effet, quatre mois plus tard, en mai 1977, une nouvelle tribune est publi\u00e9e dans\u00a0<\/em>Le Monde\u00a0encore, sign\u00e9e par 80 intellectuels et personnalit\u00e9s fran\u00e7aises comme la p\u00e9diatre et psychanalyste Fran\u00e7oise Dolto. Cette fois-ci, Michel Foucault est signataire. On retrouve \u00e0 peu pr\u00e8s les m\u00eames noms que dans la premi\u00e8re tribune. Et bien s\u00fbr, Gabriel Matzneff. Ce texte-ci demande \u00e0 ce que les lois r\u00e9gissant les relations sexuelles entre adultes et mineurs soient abrog\u00e9es au m\u00eame titre que celles qui r\u00e9primaient l\u2019adult\u00e8re, l\u2019IVG, et les <\/em>pratiques anticonceptionnelles.<\/em><\/p>\n

On voit bien ici la logique de ces demandes qui s\u2019inscrit dans une lib\u00e9ration sexuelle totale, faisant des enfants des \u00eatres qui devraient b\u00e9n\u00e9ficier des m\u00eames droits que les adultes, comme celui de faire l\u2019amour. \u00c0 l\u2019\u00e9poque, l\u2019id\u00e9e de leur non-consentement \u00e9vident est \u00e9cart\u00e9e. Dans les ann\u00e9es 1970, le droit d\u00e9finissait strictement la p\u00e9dophilie, et les m\u0153urs post-68 voulaient qu\u2019interdire le sexe avec les enfants soit une \u00e9ni\u00e8me interdiction \u00e0 abattre.\u00a0 \u00a0<\/em><\/p>\n

Deux ans plus tard,\u00a0<\/em>Lib\u00e9ration\u00a0publie une lettre de soutien \u00e0 un homme accus\u00e9 de p\u00e9dophilie pour avoir v\u00e9cu avec des jeunes filles de 6 \u00e0 12 ans chez lui. 63 personnes ont sign\u00e9 ce texte, dans lequel on peut lire, au sujet des petites filles concern\u00e9es : <\/em>leur air \u00e9panoui montre aux yeux de tous, y compris de leurs parents, le bonheur qu\u2019elles trouvent avec lui.<\/p>\n

Mais le vent tourne pour Matzneff qui, au tout d\u00e9but des ann\u00e9es 1990, commence \u00e0 faire tache. Sa confrontation t\u00e9l\u00e9vis\u00e9e avec la Canadienne Denise Bombardier\u00a0dont la vid\u00e9o tourne sur les r\u00e9seaux sociaux depuis plusieurs jours a lieu pr\u00e9cis\u00e9ment en 1990. Elle marque le d\u00e9but de la fin pour Matzneff.\u00a0<\/em>Son prix Renaudot tout comme sa d\u00e9coration d\u2019officier des arts et des lettres remise en 1995 ne changeront rien \u00e0 son destin, il vend de moins en moins, il est d\u00e9finitivement rang\u00e9 dans le rayon des impunis.<\/em><\/p>\n

Annabel Benhaiem.<\/strong>\u00a0Huffpost 28 12 2019<\/p>\n

La signature de Fran\u00e7oise Dolto sur une p\u00e9tition de soutien \u00e0 Gabriel Matzneff nous oblige \u00e0 constater que l’affaire n’est pas aussi simple qu’on aurait pu le croire de prime abord. Fran\u00e7oise Dolto a une f\u00e2cheuse tendance en la mati\u00e8re \u00e0 r\u00e9gler le d\u00e9bat d’un revers de la main en disant : d\u00e8s lors que le plus jeune est consentant, c’est que l’acte r\u00e9pond \u00e0 son d\u00e9sir, et il n’y a d\u00e8s lors plus rien \u00e0 en dire<\/em> – attitude qui vaut aussi bien pour la p\u00e9dophilie que pour l’inceste -. On est tent\u00e9 de parler de simplisme, car, au nom de quoi consid\u00e9rer le discernement d’un jeune aussi \u00e9labor\u00e9 que celui d’un adulte, c’est \u00e0 dire, pour l’essentiel, la capacit\u00e9 \u00e0 dire non. Cette position ne tient pas la route. Non, Madame Dolto, un adolescent, une adolescente ne sont pas des adultes, quoi que vous en pensiez. Et, \u00e0 la veille de l’arriv\u00e9e en librairie du\u00a0Consentement<\/em> de Vanessa Springora, Christine Ango et Sylvie Brunel se livreront \u00e0 un r\u00e9quisitoire impitoyable contre Gabriel Matzneff, dont il n’est pas s\u00fbr du tout que celui-ci parvienne \u00e0 se relever : On verra aussi Gallimard retirer certains titres de Matzneff, tel un marchand de fruits et l\u00e9gumes qui retire de son \u00e9talage fruits et l\u00e9gumes pourris ; c’est tout de m\u00eame bien emb\u00eatant que Gallimard, au d\u00e9part, ait estim\u00e9 normal de mettre des fruits pourris sur ses \u00e9talages…<\/p>\n

Trois ans plus tard, en octobre 2021 le rapport Sauv\u00e9 chiffrera le nombre de victimes de la p\u00e9dophilie au sein de l’\u00c9glise catholique entre 230 000 et 330 000 selon les modes de calcul. Le 18 octobre 2021, le premier ministre fran\u00e7ais Jean Castex sera au Vatican o\u00f9 il dira – cela va sans le dire, mais cela va mieux en le disant – qu’en France la s\u00e9paration de l’\u00c9glise et de l’\u00c9tat ne signifie en aucun cas s\u00e9paration de l’\u00c9glise et de la loi.<\/p>\n

Un s\u00e9isme. Mais sur l’\u00c9glise protestante, pas un mot. Qu’est-ce que cela signifie ? Il existe certes une diff\u00e9rence de taille entre les deux : d’une part, les Protestants sont, en chiffres absolus, beaucoup moins nombreux en France que les Catholiques, d’autre part l’organigramme\u00a0<\/em>de l’\u00c9glise protestante, m\u00eame en valeur relative, est beaucoup plus l\u00e9ger que celui de l’\u00c9glise catholique. Par ailleurs, r\u00e9duire cet \u00e9cart \u00e0 la diff\u00e9rence entre pasteur(e)s protestant(e)s mari\u00e9s et pr\u00eatres catholiques tenus au c\u00e9libat\u00a0 semble bien r\u00e9ducteur, m\u00eame s’il parait \u00e9vident que la place de la femme chez les Protestants leur conf\u00e8re une sorte d’\u00e9quilibre naturel qui manque aux catholiques. Mais il doit y avoir autre chose, de beaucoup plus fondamental, qui a trait \u00e0 l’honn\u00eatet\u00e9, \u00e0 un go\u00fbt pour la clart\u00e9, \u00e0 une transparence de l’atmosph\u00e8re due \u00e0 la l\u00e9g\u00e8ret\u00e9 de la hi\u00e9rarchie.<\/p>\n

5 11 2018\u00a0 \u00a0 \u00a0<\/strong><\/p>\n

Deux immeubles pourris s’effondrent rue d’Aubagne \u00e0 Marseille causant la mort de huit personnes. Pour poursuivre les recherches les pompiers devront en abattre un troisi\u00e8me. Et Jean-Claude Gaudin, 79 ans, maire de la ville qui ne trouve rien de mieux que de tweeter : Je suis effondr\u00e9…\u00a0<\/em>Le g\u00e2tisme n’est pas loin. Il n’y a pas d’argent pour r\u00e9nover tout \u00e7a, [la ville devra recourir \u00e0 l\u2019emprunt sur le march\u00e9 priv\u00e9 pour financer les travaux !] mais il y en a assez pour faire tourner les 2 000 v\u00e9hicules de service\/fonction de la ville ! Et encore assez d’argent pour s’offrir en mars 2013 une Ombri\u00e8re sur le Vieux Port de 1 056 m\u00b2 par Norman Forster pour 45 millions \u20ac hors taxes, ce qui fait l’ombre la plus ch\u00e8re du monde… pr\u00e8s de 43 000 \u20ac le m\u00b2 !\u00a0 Passe \u00e0 l’ombre,\u00a0<\/em>certes, mais pas \u00e0 n’importe quel prix ! Il y a pourtant belle lurette que l’on sait qu’un miroir devrait toujours bien r\u00e9fl\u00e9chir avant de renvoyer une image<\/em>. Marseille o\u00f9, pendant plusieurs mois de 2011, des voyous ont faire fuir Vinci de la gestion d’un parking de surface \u00e0 la Porte d’Aix pour se l’approprier et racketter les automobilistes \u00e0 5 \u20ac le stationnement hors de tout accord avec la mairie ! Marseille qui trouve normal de polluer la calanque de Cortiou de ses d\u00e9chets ultimes, Marseille qui a mis fin au l\u00e9gendaire ferryboite cher \u00e0 Pagnol, faute de personnel pour le faire fonctionner<\/em> ! [1]. Marseille o\u00f9 il faudra attendre novembre 2023 pour voir le proc\u00e8s du plus grand marchand de sommeil, G\u00e9rard Gallas, un ancien policier devenu propri\u00e9taire de quelques 120 logements insalubres cr\u00e9es en rachetant des immeubles qu’il transformait en multipliant par deux le nombre de logements mis \u00e0 la location – des familles log\u00e9s dans 9 m\u00b2 -!\u00a0<\/span><\/span><\/p>\n

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Marseille qui du 2 mars 1939 \u00e0 la fin de la guerre n’aura pas eu de maire, lequel Henri Tusso, avait \u00e9t\u00e9 d\u00e9mis de ses fonctions par \u00c9douard Daladier, pr\u00e9sident du Conseil pour incurie lors de l\u2019incendie des Nouvelles Galeries qui avait fait 75 morts le 20 octobre 1938 … etc.\u00a0 Mais, Dieu merci, il y a eu aussi la r\u00e9novation de la Vieille Charit\u00e9, le MUCEM de Rudy Riciotti\u00a0 – l’architecture est un sport de combat –\u00a0<\/em>et la belle r\u00e9novation de tout le quartier du Fort Saint Jean \u00e0 la Major, et cela, c’est de l’argent bien d\u00e9pens\u00e9, ce qui n’est pas tout \u00e0 fait le cas pour les 45 millions \u20ac de l’ombri\u00e8re du Vieux Port [22 m x 48 m] de Norman Forster : certainement l’ombre la plus ch\u00e8re du monde. \u00c7a en jette, c’est vrai, mais \u00e0 quel prix !<\/p>\n

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6 11 2018\u00a0<\/strong><\/p>\n

Les incendies ravagent la Californie depuis le 27 juillet.<\/p>\n

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Carre Fire le 28 juillet 2018<\/p><\/div>\n

Le plus grand d\u00e9marre \u00e0 proximit\u00e9 de Paradise, une petite ville au nord de Sacramento, peupl\u00e9e d’Am\u00e9ricains aux revenus beaucoup plus proches des plus petits que des plus hauts. Les pompiers vont batailler dix jours pour le ma\u00eetriser, ne pouvant \u00e9viter la mort de 85 personnes, plus de 296 disparus : plus de 620 km\u00b2 br\u00fbleront. [comme ordre de grandeur, la plus grande commune de France est Arles, – qui se partage la Camargue avec les Saintes Maries de la Mer -, avec 759 km\u00b2] Les vents emporteront les fum\u00e9es jusque dans le ciel de New-York, plus de 4 000 kilom\u00e8tres \u00e0 l’est. Bien s\u00fbr, au premier plan des causes arrive le r\u00e9chauffement climatique, mais il en est d’autres, plus pr\u00e9cises : les zones autrefois vierges se peuplent depuis plusieurs ann\u00e9es de gens qui fuient le co\u00fbt inabordable de l’immobilier sur la c\u00f4te. En m\u00eame temps, la for\u00eat est mal entretenue : au XIX\u00b0 si\u00e8cle, le pouvoir blanc a interdit aux tribus indiennes le br\u00fblis contr\u00f4l\u00e9, qui \u00e9tait la meilleure mani\u00e8re d’emp\u00eacher les grands incendies ; pendant la seconde guerre mondiale, on a renouvel\u00e9 cette interdiction du br\u00fblis, assurant qu’ainsi on faisait le jeu d’Hitler !\u00a0 \u00a0Fin 2017, on avait d\u00e9nombr\u00e9 129 millions d’arbres morts,<\/p>\n

…Cette fois encore, la PG&E – P<\/strong>acific G<\/strong>as &<\/strong> E<\/strong>lectric – affronte des familles en col\u00e8re, \u00e0 la suite des incendies meurtriers qui ont ravag\u00e9 la Californie ces deux derni\u00e8res ann\u00e9es.<\/em><\/p>\n

Un proc\u00e8s climatique. 750 actions en justice, repr\u00e9sentant 5 600 plaignants, ont \u00e9t\u00e9 ouvertes apr\u00e8s les conclusions des enqu\u00eateurs de l\u2019observatoire des incendies Cal Fire : 17 des 21 feux de 2017 provenaient de n\u00e9gligences dans le r\u00e9seau de PG&E (poteaux d\u00e9faillants, zones non d\u00e9broussaill\u00e9es, etc.). Une ligne \u00e0 haute tension mal plac\u00e9e semble \u00eatre \u00e0 l\u2019origine de l\u2019effroyable incendie\u00a0<\/em>qui a vu partir en fum\u00e9e la ville de Paradise, en 2018, causant la mort de 86 personnes.<\/em><\/p>\n

Le passif potentiel des plaintes monte \u00e0 30 milliards $ (26,3 milliards d\u2019\u20ac). \u00c0 genoux, la compagnie a d\u00e9cid\u00e9 de se mettre en faillite, le 14 janvier 2019. Mais il faut quand m\u00eame \u00e9clairer la Californie ! C\u2019est d\u00e9sormais \u00e0 l\u2019\u00c9tat d\u2019assurer les fonctions de service public.<\/em><\/p>\n

Un autre responsable est incrimin\u00e9 dans la trag\u00e9die californienne : le r\u00e9chauffement climatique. Les s\u00e9cheresses s\u00e9v\u00e8res constat\u00e9es depuis 2000 au Texas et en Californie ont multipli\u00e9 et aggrav\u00e9 les feux de for\u00eat.<\/em><\/p>\n

Un monde plus chaud est un monde plus combustible, explique le rapport gouvernemental de 2018, le National Climate Assessment, – celui que Donald Trump a dit <\/em>ne pas croire –<\/em> qui chiffre les pertes \u00e9conomiques \u00e0 venir en milliards $.<\/em><\/p>\n

Bien s\u00fbr, PG&E, qui d\u00e9veloppait un programme de transition \u00e9nerg\u00e9tique, n\u2019est pas responsable des vagues de chaleur qui ont d\u00e9cupl\u00e9 le drame. Mais elle l\u2019est sans doute d\u2019avoir n\u00e9glig\u00e9 l\u2019impact du r\u00e9chauffement et de ne pas avoir agi en cons\u00e9quence. Des \u00e9cologistes lui reprochent par exemple de ne pas avoir enterr\u00e9 ses lignes et d\u2019avoir sacrifi\u00e9 la s\u00e9curit\u00e9. C\u2019est ce qui fait dire au <\/em>Wall Street Journal <\/em>:<\/em><\/p>\n

La faillite de PG&E pourrait r\u00e9veiller les entreprises, les obligeant \u00e0 \u00e9largir leur vision du changement climatique.<\/em><\/p>\n

Fr\u00e9d\u00e9ric Joignot. <\/strong>Le Monde du 16 02 2019<\/p>\n

L’Amazonie sera touch\u00e9e \u00e0 son tour, puis la Sib\u00e9rie, puis, en d\u00e9cembre 2019, l’Est de l’Australie, de Sydney \u00e0 Melbourne, avec une surface de plus de 53 000 km\u00b2 ravag\u00e9e au 6 janvier 2020 – l’\u00e9quivalent d’un cercle dont le rayon serait de Paris \u00e0 Rouen.<\/p>\n

11 11 2018\u00a0<\/strong><\/p>\n

Sur son bateau IDEC Sport qui a plus de dix ans, m\u00eame s’il a eu des adaptations r\u00e9centes, Francis Joyon, colosse de 62 ans, taiseux, bricoleur de g\u00e9nie, imp\u00e9rial et tranquille comme un poisson dans l’eau par tr\u00e8s gros temps, coiffe sur le poteau \u00e0 l’arriv\u00e9e \u00e0 Pointe \u00e0 Pitre Fran\u00e7ois Gabart, le petit prince de la mer, souriant 24 h\/24, celui qui a eu jusqu’\u00e0 aujourd’hui une incroyable baraka, sur Macif, un trimaran avec lequel il avait d\u00e9j\u00e0 pourtant pris le record du monde du tour du monde en solitaire, mais qui a \u00e9t\u00e9 bless\u00e9 d\u00e8s les premiers jours dans une mer m\u00e9chante – foils et safran touch\u00e9s -. Et le vieux en a aussit\u00f4t profit\u00e9 pour s’assurer une victoire \u00e0 4 h 22′, apr\u00e8s laquelle il courait depuis longtemps : 7 ‘ 8 \u00a0\u00bb d’avance ! soit \u00e0 peu pr\u00e8s 200 m\u00e8tres, pour une course de 7 jours, 14 h, 21’ 47″. Quand le Rhum devient r\u00e9gate !<\/p>\n

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Francis Joyon skipper de l Ultime Idec Sport, Vainqueur de la Route du Rhum-Destination Guadeloupe 2018 – Pointe a Pitre le 11\/11\/2018<\/p><\/div>\n

13 11 2018\u00a0<\/strong><\/p>\n

Des gangs arm\u00e9s proches du pouvoir se livrent \u00e0 un massacre dans le quartier de la Saline, \u00e0 Port au Prince, en Ha\u00efti : 71 assassinats ; d\u00e9coup\u00e9s \u00e0 la machette nombre de corps sont jet\u00e9s dans un \u00e9levage de porcs. Les deux postes de police du quartier, alert\u00e9s, n’ont pas boug\u00e9. Les plaintes d\u00e9pos\u00e9es n’aboutiront pas<\/p>\n

16 11 2018\u00a0 \u00a0<\/strong><\/p>\n

Toutes les r\u00e8gles ont leur exception, mondialisation comprise : ainsi des\u00a0Sentinelles <\/em>qui habitent sur l’\u00eele Nord Sentinelle, plein ouest de Phnom Penh, 11\u00b033’00″N, 92\u00b014’00\u00a0\u00bb E. La seule ville de l’\u00eele principale est Port Blair, \u00e0 quelques 50 km \u00e0 l’est-nord-est. Ils – environ 250 – sont l\u00e0 depuis 60 000 ans. Ils ont tenu le choc au tsunami de d\u00e9cembre 2004. Le territoire fait partie de l’Inde. Le gouvernement s’est essay\u00e9 en vain de les gagner \u00e0 la civilisation ; ils ont tenu farouchement \u00e0 rester chasseurs-cueilleurs. Le gouvernement indien s’est fait une raison. Mais pas John Chau, un am\u00e9ricain de 27 ans, missionnaire\u00a0 qui s’est fait amener l\u00e0 par des p\u00eacheurs d’une \u00eele voisine : mal lui en a pris : perc\u00e9 de fl\u00e8ches, il en est mort.<\/p>\n

ET SI<\/strong><\/p>\n

Et si tous les colonisateurs, missionnaires, militaires, administrateurs\u00a0 avaient \u00e9t\u00e9 ainsi accueillis par les Africains, qu’en serait-il aujourd’hui ? Certainement beaucoup plus de diversit\u00e9, de diff\u00e9rences gigantesques entre les uns et les autres, et dans le m\u00eame temps, beaucoup moins d’horizons cauchemardesques quant \u00e0 la d\u00e9mographie, beaucoup moins de malentendus culturels, de cultures \u00e9conomiques boulevers\u00e9es destructrice des cultures ant\u00e9rieures ; l’esclavage serait rest\u00e9 une tache pour les Arabes, pas pour les Chr\u00e9tiens d’Occident.<\/em><\/h5>\n

26 11 2018\u00a0 \u00a0<\/strong><\/p>\n

La sonde am\u00e9ricaine InSight<\/em> se pose sur Mars \u00e0 20 h 47′ GMT :\u00a0ses deux principaux instruments sont europ\u00e9ens : le sismom\u00e8tre fran\u00e7ais SEIS \u00e9coutera l\u2019int\u00e9rieur de la Plan\u00e8te rouge, \u00e0 l\u2019aff\u00fbt de ses moindres vibrations, tandis que HP3, fourni par l\u2019Allemagne, s\u2019enfoncera jusqu\u2019\u00e0 5 m\u00e8tres de profondeur dans le sol pour y d\u00e9poser des capteurs de temp\u00e9rature. SEIS aura notamment pour but, gr\u00e2ce \u00e0 l\u2019analyse des ondes sismiques, de d\u00e9terminer la structure interne de Mars. Il tentera aussi de comprendre pourquoi Mars est d\u00e9nu\u00e9e de tectonique et pourquoi son activit\u00e9 volcanique, autrefois impressionnante, s\u2019est aujourd\u2019hui \u00e9teinte.<\/p>\n

\"https:\/\/images.ladepeche.fr\/api\/v1\/images\/view\/5c37d3483e454652b0124964\/full\/image.jpg\"<\/p>\n

\"NASA's<\/p>\n

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11 2018\u00a0<\/strong><\/p>\n

Il y a d\u00e9j\u00e0 bien longtemps, Anne Sinclair, lors d’une \u00e9mission radio du soir, demandait \u00e0 Gilles Cl\u00e9ment, paysagiste de grand talent, quel conseil aurait-il \u00e0 donner aux hommes de ce XX\u00b0 finissant ; on aurait pu s’attendre qu’il r\u00e9ponde dans sa sp\u00e9cialit\u00e9 quelques chose comme :\u00a0que chacun, chaque fois qu’il en a l’occasion plante un arbre<\/em> ou quelque chose comme \u00e7a… Rien de tout \u00e7a : ce qui est capital, ce qui est essentiel, c’est que chacun n’oublie jamais de d\u00e9velopper et de faire fonctionner son esprit critique.<\/em><\/p>\n

La confusion mentale se d\u00e9veloppe en effet \u00e0 toute allure. Il en va ainsi dans le monde de l’humanitaire, tr\u00e8s\u00a0chevalier blanc<\/em> de nos soci\u00e9t\u00e9s d\u00e9velopp\u00e9es, au sein duquel le CICR – C<\/strong>omit\u00e9 I<\/strong>nternational de la C<\/strong>roix R<\/strong>ouge -, v\u00e9ritable\u00a0Rolls\u00a0<\/em>de l’humanitaire, dont les membres \u00e9taient jusqu’\u00e0 un pass\u00e9 r\u00e9cent tout \u00e0 fait conscients de faire partie des\u00a0happy few\u00a0<\/em>de l’humanitaire et se chargeaient tr\u00e8s bien de le faire savoir aux autres ONG avec lesquelles elles pouvaient avoir l’occasion de rentrer en contact. Bref, en termes crus, ces gens avaient bien conscience de sortir de la cuisse de Jupiter. Tr\u00e8s longtemps, le CICR aura \u00e9t\u00e9 une chasse gard\u00e9e exclusivement suisse, et ce n’est que dans un pass\u00e9 proche que son recrutement s’est ouvert \u00e0 l’international.<\/p>\n

On savait d\u00e9j\u00e0 que leur grand manitou s’\u00e9tait fait rouler dans la farine pendant la guerre par Hitler lors d’une visite du camps de Theresienstadt, en Tch\u00e9coslovaquie mais il avait fait alors preuve plus de na\u00efvet\u00e9 que de perversit\u00e9. Mais ce qui se passe actuellement dans cette maison est surtout la manifestation d’un perversion mentale \u00e0 tous les niveaux : au niveau du pr\u00e9sident Peter Maurer qui m\u00e9lange les genres avec une stup\u00e9fiante d\u00e9sinvolture, et au niveau de tous ceux qui, proches et moins proches, acceptent cela avec une absence totale de jugeote, de clairvoyance, qui fait d’eux de v\u00e9ritables complices :\u00a0qui ne dit mot consent… <\/em>Et ce qui dans le fond, est le plus ahurissant est que les proc\u00e9dures internes au CICR permettant l’accession au poste de pr\u00e9sident aient autoris\u00e9 cette double casquette de pr\u00e9sident du CICR et de membre de l’instance dirigeante\u00a0du Forum Economique Mondial de Davos. Et ceci illustre parfaitement combien le g\u00e8ne sp\u00e9cifique d’un Suisse – une indestructible bonne conscience – peut l’aveugler au point de r\u00e9pondre aux objections :\u00a0Et alors ? O\u00f9 est donc le probl\u00e8me ? Comment voulez-vous que l’on demande\u00a0 \u00e0 Peter Maurer de partir alors qu’il est parvenu \u00e0 doubler le budget du CICR. Avant lui, nous \u00e9tions riches ; il nous a rendu TR\u00c8S riches.<\/em><\/p>\n

Cette histoire n’est pas sans rappeler celle du fran\u00e7ais J\u00e9r\u00f4me Valcke qui , en 2012,\u00a0 avait d\u00e9clar\u00e9 : Depuis 2007, j\u2019ai augment\u00e9 de 60 % les revenus de la FIFA qui atteignent plus de 4 milliards de $. <\/em>Seulement la diff\u00e9rence, c’est que J\u00e9r\u00f4me Valcke a \u00e9t\u00e9 mis \u00e0 la porte de la FIFA, tandis que Peter Maurer est encore pr\u00e9sident du CICR<\/p>\n<\/div>\n

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La plus v\u00e9n\u00e9rable institution humanitaire de la plan\u00e8te est dans la tourmente. En un si\u00e8cle et demi, la question ne s\u2019est jamais pos\u00e9e en ces termes\u00a0: le pr\u00e9sident du Comit\u00e9 international de la Croix-Rouge (CICR) est-il un visionnaire en train de faire entrer l\u2019organisation dans une nouvelle \u00e8re, ou est-il en train de casser le joyau mondial de l\u2019humanitaire\u00a0? Le CICR, gardien des Conventions de Gen\u00e8ve, vit au rythme d\u2019affrontements politiques et \u00e9thiques qui vont d\u00e9terminer l\u2019identit\u00e9 future de la doyenne des organisations de secours aux victimes de guerre.<\/em><\/p>\n<\/div>\n

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\n

Au d\u00e9part de cette histoire, il y a un homme\u00a0: Peter Maurer, pr\u00e9sident de la Croix-Rouge internationale depuis 2012. Lorsqu\u2019il succ\u00e8de \u00e0 son mentor, Jakob Kellenberger, diplomate comme lui, \u00e0 la t\u00eate du CICR, Peter Maurer a consacr\u00e9 quinze ann\u00e9es au service de la diplomatie suisse. Il a notamment \u00e9t\u00e9 en poste aupr\u00e8s de l\u2019ONU \u00e0 New York et a fini secr\u00e9taire d\u2019\u00c9tat aux affaires \u00e9trang\u00e8res \u00e0 Berne.<\/em><\/p>\n

Ce qui a forg\u00e9 Peter Maurer comme diplomate – la d\u00e9fense de la diplomatie suisse et l\u2019observation des op\u00e9rations onusiennes – a son importance\u2026 Car en six ans de pr\u00e9sidence du CICR, il a r\u00e9volutionn\u00e9 l\u2019organisation et fait doubler son budget de 1 milliard \u00e0 2 milliards de francs suisses (d\u2019environ 900 millions \u00e0 1,8 milliard d\u2019\u20ac), apparaissant parfois comme un d\u00e9fenseur de la Suisse et comme souhaitant b\u00e2tir une ONU bis .<\/span><\/em><\/p>\n

Le Comit\u00e9 international de la Croix-Rouge n\u2019est pas, dans le monde de l\u2019humanitaire, une structure comme les autres. Ce n\u2019est ni une organisation internationale telle que l\u2019ONU et ses agences, ni une organisation non gouvernementale comme M\u00e9decins sans fronti\u00e8res et ses condisciples. C\u2019est une entit\u00e9 internationale \u00e0 part enti\u00e8re, souveraine bien que non \u00e9tatique, avec un statut unique. Le\u00a0CICR signe des trait\u00e9s avec des \u00c9tats. Il dispose d\u2019un statut d\u2019observateur \u00e0 l\u2019ONU.<\/em><\/p>\n

Cr\u00e9\u00e9e en\u00a01863 \u00e0 Gen\u00e8ve, cette organisation est, selon ses statuts,\u00a0<\/em>impartiale, neutre et ind\u00e9pendante<\/span>\u00a0avec\u00a0<\/em>la mission strictement humanitaire de prot\u00e9ger la vie et la dignit\u00e9 des victimes de conflits arm\u00e9s et d\u2019autres situations de violence, et de leur porter assistance.<\/span>\u00a0Elle a contribu\u00e9 \u00e0 la r\u00e9daction des conventions de Gen\u00e8ve de 1949 et de leurs protocoles additionnels de 1977, et la communaut\u00e9\u00a0internationale unanime lui a attribu\u00e9, apr\u00e8s la seconde guerre mondiale, un r\u00f4le de\u00a0gardien du droit international humanitaire (DIH). Le CICR est ainsi reconnu officiellement par les \u00c9tats, il dialogue avec les \u00c9tats, et son financement est assur\u00e9 par les \u00c9tats.<\/em><\/p>\n

Le caract\u00e8re universel de ses valeurs et de ses engagements – \u00e0 l\u2019origine en faveur des bless\u00e9s sur le champ de bataille et des prisonniers de guerre, puis envers toutes les victimes des conflits arm\u00e9s – et ses devises\u00a0\u00a0<\/em>Inter arma caritas<\/span>\u00a0(La charit\u00e9 au milieu des combats) et<\/em>\u00a0Per humanitatem ad pacem<\/span>\u00a0(Par l\u2019humanit\u00e9, vers la paix)\u00a0– font du CICR un bien commun de l\u2019humanit\u00e9.<\/em><\/p>\n

Dans les pays en guerre, le CICR a souvent un r\u00f4le central qui force l\u2019admiration des autres humanitaires. Premiers arriv\u00e9s, derniers repartis, ses\u00a0<\/em>d\u00e9l\u00e9gu\u00e9s\u00a0ont un acc\u00e8s privil\u00e9gi\u00e9 aux champs de bataille et aux prisons. Ils sont re\u00e7us par les chefs d\u2019\u00c9tat et les chefs de guerre, sur la base d\u2019une relation de confiance et de confidentialit\u00e9.<\/em><\/p>\n

Autant dire que lorsqu\u2019un respectable ancien d\u00e9l\u00e9gu\u00e9, Thierry Germond, retrait\u00e9 apr\u00e8s trente-cinq ans de bons et loyaux services \u2013 du Biafra aux relations avec l\u2019Union europ\u00e9enne, en passant par les conflits d\u2019Afrique australe et d\u2019ex-Yougoslavie – \u00e9crit une lettre \u00e0 Peter Maurer pour s\u2019inqui\u00e9ter de\u00a0<\/em>l<\/span>a sauvegarde de la cr\u00e9dibilit\u00e9<\/span>\u00a0et du<\/em>\u00a0respect des principes fondamentaux<\/span>\u00a0du CICR, estimant que<\/em>\u00a0le positionnement que vous revendiquez par rapport aux milieux \u00e9conomiques para\u00eet contraire \u00e0 ce que l\u2019on est en droit d\u2019attendre du CICR<\/span>, l\u2019attaque prend autant la tranquille Gen\u00e8ve par surprise que si un tsunami avait submerg\u00e9 les rives du lac.<\/em><\/p>\n

Thierry Germond s\u2019interroge, dans son premier courrier du 28\u00a0ao\u00fbt\u00a02015, sur\u00a0<\/em>le fait que le pr\u00e9sident du CICR soit membre du\u00a0<\/span>board [conseil de fondation, la plus haute instance]\u00a0du\u00a0<\/span>World Economic Forum (WEF : le Forum \u00e9conomique mondial, ou\u00a0Forum de Davos\u00a0), ce qui lui semble\u00a0<\/em>stup\u00e9fiant, car\u00a0cela cautionne la banalisation et l\u2019affaiblissement des concepts de neutralit\u00e9 et d\u2019impartialit\u00e9 qui sont les pierres angulaires de la sp\u00e9cificit\u00e9 du CICR<\/span>.<\/em><\/p>\n

Un mois plus tard, il \u00e9crit aux membres et\u00a0membres honoraires de l\u2019assembl\u00e9e (ou comit\u00e9) du CICR, la tr\u00e8s discr\u00e8te instance de gouvernance o\u00f9 si\u00e8gent 15 \u00e0 25 citoyens suisses coopt\u00e9s.\u00a0<\/em>Bon nombre des 1\u00a0000 membres du WEF repr\u00e9sentent des forces \u00e9conomiques per\u00e7ues, \u00e0 tort ou \u00e0 raison, comme responsables directement ou indirectement des souffrances des victimes des conflits que le CICR a\u00a0pour mandat d\u2019assister et de prot\u00e9ger<\/span>, \u00e9crit-il.\u00a0Je ne peux imaginer que ce soit en toute connaissance de cause que les membres de l\u2019assembl\u00e9e aient accept\u00e9 que leur pr\u00e9sident soit dans le\u00a0<\/span>board\u00a0d\u2019une organisation qui inclut parmi ses membres les principales industries d\u2019armement de la plan\u00e8te.<\/span><\/p>\n

M.\u00a0Germond pointe deux cons\u00e9quences possibles \u00e0 cette double casquette de Peter Maurer\u00a0:\u00a0<\/em>On peut se demander si le pr\u00e9sident du CICR serait en mesure de prendre le leadership d\u2019une campagne, voire d\u2019y participer, visant \u00e0 l\u2019interdiction de certaines armes d\u00e9velopp\u00e9es par un membre de son organisation<\/span>\u00a0; et le fait qu’<\/em>un\u00a0tel engagement peut non seulement nuire gravement \u00e0 la cr\u00e9dibilit\u00e9 de l\u2019institution, mais \u00e9galement mettre en danger l\u2019int\u00e9grit\u00e9 physique de ses d\u00e9l\u00e9gu\u00e9s sur le terrain<\/span>. M.\u00a0Maurer lui r\u00e9pond que\u00a0<\/em>[sa]\u00a0participation au Conseil de fondation du WEF s\u2019inscrit dans le cadre d\u2019une strat\u00e9gie de diversification des contacts du CICR et d\u2019\u00e9largissement du champ de sa diplomatie humanitaire<\/span>.<\/em><\/p>\n

Au CICR, on esp\u00e8re alors que la passe d\u2019armes avec Thierry Germond en reste l\u00e0. Mais l\u2019ancien d\u00e9l\u00e9gu\u00e9 est en col\u00e8re, il a du temps libre et commence \u00e0 enqu\u00eater. Dans son appartement bruxellois transform\u00e9 en capharna\u00fcm regroupant toute la documentation qu\u2019il a pu trouver sur le CICR et le WEF, ainsi que sur les entreprises priv\u00e9es li\u00e9es \u00e0 l\u2019un ou \u00e0 l\u2019autre, et parfois aux deux, M.\u00a0Germond raconte comment cette histoire est devenue le centre de sa vie.<\/em><\/p>\n

Ce fut au hasard d\u2019un entretien que Peter Maurer a accord\u00e9 \u00e0\u00a0<\/span>La Tribune de Gen\u00e8ve\u00a0en\u00a02015. J\u2019ai achet\u00e9 le journal dans une gare. Le\u00a0titre de l\u2019interview \u00e9tait\u00a0<\/span>Le CICR, poisson\u00a0<\/span>pilote des firmes dans les zones en crise<\/span><\/em>.\u00a0<\/span>M.\u00a0Maurer y raconte qu\u2019il a rencontr\u00e9 \u00e0 Davos les clients d\u2019une banque suisse afin de leur\u00a0livrer des explications utiles pour comprendre dans quel climat d\u2019investissement et dans quel type de march\u00e9 se situe tel ou tel autre pays <\/em><\/span>et que le CICR collabore par ailleurs\u00a0avec une quinzaine d\u2019entreprises<\/em><\/span>.<\/p>\n

C\u2019est hallucinant\u00a0! Le pr\u00e9sident du CICR si\u00e8ge au WEF non seulement avec toutes les industries d\u2019armement de la plan\u00e8te, mais aussi, par exemple, avec Textron Defense Systems, producteur de bombes \u00e0 fragmentation CBU-105 et BLU-108, interdites par la Convention de Dublin sur les armes \u00e0 sous-munitions et actuellement utilis\u00e9es par l\u2019Arabie saoudite au Y\u00e9men<\/span>, s\u2019indigne M.\u00a0Germond.<\/em><\/p>\n

Ce n\u2019est pas uniquement la pr\u00e9sence de Peter Maurer dans les instances dirigeantes du Forum \u00e9conomique mondial qui surprend. Pour Thierry Germond, M.\u00a0Maurer a contamin\u00e9 le CICR lui-m\u00eame, soit en faisant entrer des dirigeants d\u2019entreprises controvers\u00e9es \u00e0 l\u2019assembl\u00e9e, soit en nouant des partenariats \u00e0 risque.<\/em><\/p>\n

Le CICR avait un partenariat avec Holcim au moment de sa fusion avec Lafarge, donc au moment o\u00f9 Lafarge finan\u00e7ait l\u2019organisation \u00c9tat islamique <\/span>[EI]\u00a0en Syrie. Or, dans le cadre de leurs missions, des d\u00e9l\u00e9gu\u00e9s du CICR dialoguaient avec l\u2019\u00c9I, ce qui est normal. Mais l\u00e0, on est en pleine confusion. <\/span>Le partenariat est rompu apr\u00e8s la r\u00e9v\u00e9lation de l\u2019affaire syrienne\u2026 Mais dans le m\u00eame temps, Davos produit un rapport intitul\u00e9\u00a0Trois fa\u00e7ons de vaincre l\u2019\u00c9I<\/em>, loin de la neutralit\u00e9 revendiqu\u00e9e par le CICR. Selon M. Germond<\/em>,\u00a0il s\u2019agit l\u00e0 de la premi\u00e8re fois dans l\u2019histoire du CICR, que l\u2019id\u00e9e de bombarder un bellig\u00e9rant, quelle que soit sa nature, soit cautionn\u00e9e par l\u2019autorit\u00e9 de son pr\u00e9sident<\/span>.<\/span><\/em><\/p>\n

Le m\u00e9lange des genres est vari\u00e9\u2026 Au Nigeria, \u00e0 l\u2019occasion d\u2019une visite apr\u00e8s la lib\u00e9ration de lyc\u00e9ennes enlev\u00e9es par Boko Haram, M.\u00a0Maurer signe un partenariat avec Lafarge Africa afin de\u00a0<\/em>renforcer la position de Lafarge sur le march\u00e9 du ciment dans le nord-est du Nigeria<\/span>. Au Rwanda, o\u00f9 le pr\u00e9sident Paul Kagam\u00e9 refuse de le recevoir comme pr\u00e9sident du CICR, il le rencontre avec sa casquette du Forum \u00e9conomique mondial lors d\u2019une r\u00e9union du WEF Afrique, et tous deux parlent\u2026 du CICR. Aux \u00c9mirats arabes unis, principal membre de la coalition en guerre au Y\u00e9men avec l\u2019Arabie saoudite et par ailleurs fid\u00e8le partenaire du Forum \u00e9conomique mondial, il salue, lors d\u2019un discours au WEF Duba\u00ef, <\/em>le soutien des \u00c9mirats arabes unis aux activit\u00e9s du CICR dans le monde et surtout au Y\u00e9men<\/span>. \u00c0 Gen\u00e8ve, certains s\u2019\u00e9tranglent, et redoutent d\u2019\u00e9ventuelles repr\u00e9sailles contre les \u00e9quipes pr\u00e9sentes au Y\u00e9men.<\/em><\/p>\n

Lors des comm\u00e9morations de la victoire chinoise contre le Japon en\u00a02015, Peter Maurer est \u00e0 P\u00e9kin. D\u2019un c\u00f4t\u00e9, il signe un partenariat avec l\u2019agence de presse Xinhua (Chine nouvelle), louant\u00a0<\/em>la couverture objective et rapide concernant les crises humanitaires internationales\u00a0<\/span>de Xinhua, pourtant organe de communication officiel du Parti communiste chinois. De l\u2019autre, il s\u2019\u00e9merveille du projet de\u00a0<\/em>Nouvelle route de la soie, notant que le CICR est pr\u00e9sent dans une quarantaine de pays impliqu\u00e9s, sans que nul ne comprenne en quoi la Croix-Rouge est concern\u00e9e. \u00c0 moins qu\u2019\u00e0 ce moment pr\u00e9cis, il parle au nom du WEF et du commerce international.<\/em><\/p>\n

Et dans ce pays o\u00f9 le CICR n\u2019a pas acc\u00e8s aux d\u00e9tenus ou\u00efgours, tib\u00e9tains ou dissidents politiques, M.\u00a0Maurer assiste au d\u00e9fil\u00e9 militaire chinois c\u00e9l\u00e9brant la victoire de 1945. On ignore ce qu\u2019ont pens\u00e9 les Japonais de la\u00a0<\/em>neutralit\u00e9\u00a0du pr\u00e9sident du CICR mais, au sein de l\u2019organisation, le fait qu\u2019il c\u00e9l\u00e8bre une victoire militaire aux c\u00f4t\u00e9s de g\u00e9n\u00e9raux d\u2019une dictature a provoqu\u00e9 l\u2019indignation.<\/em><\/p>\n

\u00c0 la suite des alertes de Thierry Germond, trois membres honoraires de l\u2019Assembl\u00e9e du CICR relaient ces interrogations. Cornelio Sommaruga, le tr\u00e8s respect\u00e9 ex-pr\u00e9sident du CICR, fait savoir lors d\u2019une r\u00e9union qu\u2019<\/em>un pr\u00e9sident du CICR ne peut \u00eatre que pr\u00e9sident du CICR <\/span>et que lui avait en son temps\u00a0<\/em>toujours refus\u00e9<\/span>\u00a0d<\/span>e participer aux instances d\u2019autres organisations et avait m\u00eame\u00a0<\/em>d\u00e9missionn\u00e9 de la pr\u00e9sidence d\u2019une fondation familiale<\/span>. Les alli\u00e9s de M. Maurer \u00e0 l\u2019assembl\u00e9e fusillent M. Sommaruga du regard.<\/em><\/p>\n

Puis, le 1\u00b0\u00a0d\u00e9cembre\u00a02016, vingt-cinq anciens camarades de Thierry Germond, dont un ex-directeur g\u00e9n\u00e9ral, trois ex-directeurs des op\u00e9rations et d\u2019\u00e9minents d\u00e9l\u00e9gu\u00e9s, envoient \u00e0 leur tour une lettre \u00e0 Peter Maurer.\u00a0<\/em>Les Vingt-Cinq, comme on les appelle d\u00e9sormais \u00e0 Gen\u00e8ve, font part de leur\u00a0<\/em>vive pr\u00e9occupation<\/span>\u00a0et rappellent que l\u2019un des sept principes fondamentaux du CICR stipule qu\u2019il\u00a0<\/em>s\u2019abstient de prendre part aux hostilit\u00e9s et, en tout temps, aux controverses d\u2019ordre politique, racial, religieux et id\u00e9ologique<\/span>.\u00a0<\/em>Conform\u00e9ment \u00e0 ce principe<\/span>,\u00a0<\/span>\u00e9crivent-ils, <\/em>le\u00a0pr\u00e9sident du CICR n\u2019a pas sa place dans le Conseil de fondation du WEF<\/span>.\u00a0<\/span><\/em><\/p>\n

Les\u00a0<\/em>Vingt-Cinq\u00a0sont convi\u00e9s \u00e0 une r\u00e9union avec la direction du CICR, sans Peter Maurer. On leur assure qu\u2019ils seront consult\u00e9s avant le renouvellement du mandat de\u00a0M.\u00a0Maurer au Forum \u00e9conomique mondial. Mandat finalement renouvel\u00e9 entre-temps, en juin\u00a02017, lors d\u2019une s\u00e9ance \u00e0 huis\u00a0clos\u2026 Son premier mandat avait d\u00e9j\u00e0 \u00e9t\u00e9 gard\u00e9 secret un an, entre novembre\u00a02014 et novembre\u00a02015, puis ent\u00e9rin\u00e9 avec effet r\u00e9troactif par l\u2019assembl\u00e9e.<\/em><\/p>\n

Maurer a tent\u00e9 de dissimuler au CICR son r\u00f4le au WEF,\u00a0<\/span>constate l\u2019ex-d\u00e9l\u00e9gu\u00e9 Nicolas Borsinger.\u00a0<\/em>La mani\u00e8re de faire \u00e9tait trop peu orthodoxe pour \u00eatre neutre. Les agendas cach\u00e9s sont trop rarement innocents pour ne pas en \u00eatre profond\u00e9ment alarm\u00e9.\u00a0<\/span>Le CICR est devenu une sorte d\u2019agent op\u00e9rationnel du WEF et des entreprises partenaires<\/span>, d\u00e9nonce Andr\u00e9 Pasquier, un ex-directeur des op\u00e9rations qui coordonne l\u2019action des Vingt-Cinq. Avec les interventions de Cornelio Sommaruga et des Vingt-Cinq, le CICR comprend que la contestation ne repose plus sur le seul Germond. M\u00eame de la mani\u00e8re feutr\u00e9e qui sied aux d\u00e9bats en Suisse, le sujet se r\u00e9pand en coulisses \u00e0 Gen\u00e8ve.<\/em><\/p>\n

Lorsque la direction du CICR consulte en\u00a02017 ses chefs de d\u00e9l\u00e9gation sur l\u2019appartenance de M. Maurer au Forum \u00e9conomique mondial, les r\u00e9actions sont, selon un document interne, tr\u00e8s claires\u00a0: 14 d\u00e9l\u00e9gu\u00e9s sur 15 critiquent le choix de leur pr\u00e9sident.\u00a0<\/em>Son adh\u00e9sion au WEF n\u2019est pas compatible avec sa fonction de pr\u00e9sident du CICR ; la participation du pr\u00e9sident au WEF ne va amener aucun b\u00e9n\u00e9fice aux victimes des conflits ; les risques, d\u00e9savantages et critiques sont plus importants que les b\u00e9n\u00e9fices ; cela compromet la\u00a0cr\u00e9dibilit\u00e9 et la r\u00e9putation du CICR<\/span>.<\/span>\u00a0Les d\u00e9l\u00e9gu\u00e9s reviennent sur\u00a0<\/em>les<\/span>\u00a0valeurs<\/span>\u00a0et\u00a0<\/em>les principes<\/span>\u00a0du CICR, ainsi que sur le risque pour la s\u00e9curit\u00e9 sur le terrain. M\u00eame si aucun incident d\u00fb aux liens avec le WEF ou avec une entreprise n\u2019a \u00e9t\u00e9 identifi\u00e9,\u00a0<\/em>rien n\u2019indique\u00a0que ce ne sera pas un probl\u00e8me plus tard<\/span>,\u00a0<\/span>note un d\u00e9l\u00e9gu\u00e9.\u00a0<\/em>D\u2019o\u00f9 notre recommandation\u00a0: mieux vaut pr\u00e9venir que gu\u00e9rir<\/span>.<\/span>\u00a0Peter Maurer ne tient pas compte de l\u2019avis des d\u00e9l\u00e9gu\u00e9s et poursuit l\u2019aventure.<\/em><\/p>\n

En Suisse, le public a longtemps \u00e9t\u00e9 \u00e9pargn\u00e9 par ces pol\u00e9miques. Ce n\u2019est qu\u2019en\u00a02018, lorsqu\u2019un journaliste du<\/em>\u00a0Temps<\/span>\u00a0s\u2019en empare, que le sujet arrive sur la place publique.\u00a0<\/em>Les liaisons dangereuses du CICR, titre le journal genevois en mai, relatant, sous la plume experte de St\u00e9phane Bussard, dans la chronique\u00a0<\/em>Gen\u00e8ve Internationale, les interrogations de Thierry Germond et des Vingt-Cinq.<\/em><\/p>\n

Mais, m\u00eame \u00e0 ce moment-l\u00e0, l\u2019absence de r\u00e9actions est \u00e9tonnante. Aucun politique ne s\u2019\u00e9meut. Aucun autre m\u00e9dia n\u2019enqu\u00eate. Et\u00a0les\u00a0membres de l\u2019assembl\u00e9e du CICR restent muets, faisant bloc derri\u00e8re Peter Maurer.\u00a0<\/em>Assister \u00e0 un d\u00e9fil\u00e9 militaire en Chine, contre le Japon, c\u2019est probl\u00e9matique tout de m\u00eame\u2026\u00a0<\/span>,<\/span>\u00a0s\u2019\u00e9tonne le plus haut grad\u00e9 des Vingt-Cinq, l\u2019ex-directeur g\u00e9n\u00e9ral Paul Grossrieder.\u00a0<\/em>Ces articles ont suscit\u00e9 un silence poli. Les gens n\u2019ont pas pris la mesure de\u00a0ce que cela signifie<\/span>,<\/span>\u00a0pense l\u2019ex-d\u00e9l\u00e9gu\u00e9e Marguerite Contat.\u00a0<\/em>Le CICR est un sujet tabou en Suisse, un mythe. D\u2019o\u00f9 l\u2019omerta<\/span>, explique l\u2019ex-d\u00e9l\u00e9gu\u00e9 Serge Nessi.<\/em><\/p>\n

L\u2019autre raison, selon des d\u00e9l\u00e9gu\u00e9s actuels du CICR s\u2019exprimant sous le couvert de l\u2019anonymat, est que le d\u00e9bat de fond se double d\u2019une violente crise manag\u00e9riale. D\u2019o\u00f9, l\u00e0 aussi, une tendance \u00e0 l\u2019omerta.\u00a0<\/em>Peter Maurer a un ego d\u00e9mesur\u00e9 et il est tr\u00e8s autoritaire. Le\u00a0management est si brutal qu\u2019il n\u2019est pas rare de voir des gens sortir de r\u00e9union en pleurant, ce qui est tout de m\u00eame \u00e9tonnant pour une organisation dite \u201chumanitaire\u201d, non\u00a0?<\/span>,<\/span>\u00a0s\u2019interroge S. au si\u00e8ge genevois.<\/em><\/p>\n

Auparavant, la colonne vert\u00e9brale du CICR \u00e9tait sa direction des op\u00e9rations. Maintenant, les gars de terrain sont devenus des ex\u00e9cutants,\u00a0<\/span>raconte K., chef de d\u00e9l\u00e9gation dans un pays en guerre. Le CICR est d\u00e9sormais dirig\u00e9 par une oligarchie bard\u00e9e de dipl\u00f4mes et largement achet\u00e9e \u00e0 l\u2019ext\u00e9rieur, avec des gars tr\u00e8s forts pour concevoir un PowerPoint mais qui n\u2019ont jamais serr\u00e9 la main d\u2019un criminel de guerre ni n\u00e9goci\u00e9 sous les bombes, et chez lesquels on ne sent plus la <\/span><\/em>fibre CICR<\/span>.\u00a0<\/span>K.\u00a0ajoute une anecdote r\u00e9v\u00e9latrice\u00a0:\u00a0<\/em>Lors d\u2019une r\u00e9union \u00e0 Gen\u00e8ve, de nombreux chefs de d\u00e9l\u00e9gation ont exprim\u00e9 un probl\u00e8me de confiance vis-\u00e0-vis du si\u00e8ge. Sauf qu\u2019on s\u2019est rendu compte que le probl\u00e8me \u00e9tait pire dans l\u2019autre sens\u00a0: c\u2019est le si\u00e8ge qui n\u2019avait plus confiance en nous\u00a0!\u00a0<\/span><\/p>\n

Pour le directeur g\u00e9n\u00e9ral du CICR, Yves Daccord,\u00a0<\/em>les p\u00e9riodes de grands doutes sont normales quand on explore de nouvelles voies. Tout ce qui est li\u00e9 au secteur priv\u00e9 est per\u00e7u comme compliqu\u00e9. Mais s\u2019ils nous font confiance pour g\u00e9rer des relations avec les talibans ou le gouvernement Trump, ils devraient aussi nous faire confiance pour g\u00e9rer des relations avec le secteur priv\u00e9. Nous nous sommes positionn\u00e9s pour influencer l\u2019agenda de Davos, et nous demandons \u00e0 \u00eatre jug\u00e9s selon les r\u00e9sultats.<\/span><\/p>\n

Le directeur des op\u00e9rations, Dominik Stillhart, reprend l\u2019argumentaire d\u2019Yves Daccord, avec une pointe d\u2019inqui\u00e9tude.\u00a0<\/em>Nous \u00e9valuons les risques. Avec Lafarge Holcim, nous avons mis fin au partenariat le jour o\u00f9 nous avons appris ce qui s\u2019\u00e9tait pass\u00e9 en Syrie. Nous sommes en contact avec 380 groupes arm\u00e9s non gouvernementaux sur la plan\u00e8te, dont certains sont labellis\u00e9s terroristes<\/em>. Ce ne sont pas toujours des relations confortables, mais nous avons confiance dans le fait de r\u00e9ussir \u00e0 g\u00e9rer des relations complexes<\/span>.\u00a0<\/span>Cela dit, M.\u00a0Stillhart admet que\u00a0<\/em>les \u00e9quipes des op\u00e9rations sont par nature tr\u00e8s critiques des partenariats \u00e0 risque <\/span>et comprend que certains trouvent qu\u2019on d\u00e9passe les limites.<\/span><\/p>\n

Pour les contestataires, c\u2019est l\u2019impasse.\u00a0<\/em>La r\u00e9action de la gouvernance du CICR \u00e0 nos interpellations est inadmissible,\u00a0<\/span>d\u00e9nonce Marguerite Contat.\u00a0<\/em>Le CICR s\u2019est rang\u00e9 du c\u00f4t\u00e9 des puissants, de ceux qui d\u00e9tiennent la puissance de feu et la puissance \u00e9conomique. Maurer est un apprenti sorcier. Un jour, \u00e7a va leur p\u00e9ter \u00e0 la gueule. C\u2019est in\u00e9vitable. Il y a trop de d\u00e9rives\u2026 <\/span>Avec Maurer, c\u2019est comme si l\u2019\u00c9glise avait abandonn\u00e9 les Dix Commandements. La\u00a0rupture est fondamentale<\/span>, constate Serge Nessi.\u00a0<\/em>Il ne s\u2019agit nullement d\u2019un combat entre anciens et modernes, mais d\u2019un affrontement entre des illusionnistes, eux, et des r\u00e9alistes, nous, <\/span>pense Nicolas Borsinger<\/em>. L\u00e0 o\u00f9 cette histoire m\u2019affole, c\u2019est qu\u2019on risque de passer d\u2019un CICR sacralis\u00e9 et intouchable \u00e0 un CICR tra\u00een\u00e9 dans la boue. Je suis trop conscient \u00e0 quel point les \u00c9tats les plus malveillants ont int\u00e9r\u00eat \u00e0 un CICR critiquable et insignifiant.\u00a0<\/span><\/p>\n

Et le constat est identique en interne.\u00a0<\/em>La direction a cass\u00e9 la fronde, vir\u00e9 des vieux et mis tout le monde au pas. Le CICR est une organisation tellement fantastique qu\u2019on a peur de le casser\u00a0: cela a largement contribu\u00e9 \u00e0 tuer la contestation interne<\/span>, t\u00e9moigne T., chef de d\u00e9l\u00e9gation.\u00a0<\/em>Il y a un faux d\u00e9bat, organis\u00e9 par la direction, entre anciens et modernes, alors que du point de vue de la victime, de la souffrance et de la guerre, le monde n\u2019a pas chang\u00e9<\/span>, conclut G., post\u00e9 en Europe.<\/em><\/p>\n

Tous se demandent ce qui fait courir Peter Maurer (qui n\u2019a pas donn\u00e9 suite \u00e0 nos demandes d\u2019entretien) et pourquoi il s\u2019ent\u00eate \u00e0 pr\u00eater le flanc aux critiques.\u00a0<\/em>Berne a remplac\u00e9 Gen\u00e8ve aux commandes du CICR<\/span>,\u00a0<\/span>pense un d\u00e9l\u00e9gu\u00e9. <\/em>Maurer joue un r\u00f4le politique<\/span>.\u00a0<\/span><\/em>L\u2019argent priv\u00e9 repr\u00e9sentant moins de 5\u00a0% du budget du CICR, la vraie raison des actions de\u00a0Maurer est de promouvoir les int\u00e9r\u00eats de la Suisse et de l\u2019\u00e9conomie suisse, et une id\u00e9ologie\u00a0ultralib\u00e9rale qui souhaite l\u2019influence du milieu \u00e9conomique sur la d\u00e9cision politique,\u00a0<\/span>d\u00e9nonce Thierry Germond. <\/em>C\u2019est une d\u00e9rive tr\u00e8s grave. Une trahison<\/span>.\u00a0<\/span><\/em><\/p>\n

Ex-pr\u00e9sident de M\u00e9decins sans fronti\u00e8res et directeur de recherches \u00e0 la Fondation MSF, Rony Brauman est depuis quatre d\u00e9cennies un fin observateur de l\u2019humanitaire. Il pense que\u00a0<\/em>le CICR fait face \u00e0 une d\u00e9rive tr\u00e8s singuli\u00e8re dans le monde de l\u2019humanitaire<\/span>.\u00a0<\/em>Le plus probl\u00e9matique est l\u2019opacit\u00e9 sur les engagements du pr\u00e9sident et l\u2019absence de dialogue interne. On a l\u2019impression que Maurer a affaibli les missions historiques du CICR au profit de projets dont on distingue mal la logique,\u00a0<\/span>analyse M. Brauman. <\/em>Germond et les Vingt-Cinq sont dans une tentative d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9e de sauvetage du CICR<\/span>.\u00a0<\/span><\/em><\/p>\n

\u00c0 Gen\u00e8ve, le temps du silence est peut-\u00eatre r\u00e9volu. Dans son livre, paru en octobre, <\/em>Une certaine id\u00e9e de la justice<\/span>\u00a0(Favre), le juriste suisse Dick Marty vient \u00e0 la rescousse des contestataires, disant\u00a0<\/em>regretter que le pr\u00e9sident du CICR ait accept\u00e9 de faire partie du conseil d\u2019administration du Forum de Davos<\/span>\u00a0et s\u2019affirmant\u00a0<\/em>perplexe aussi au sujet de certains partenariats conclus avec des multinationales<\/span>. Il appelle la Suisse \u00e0\u00a0<\/em>prendre une initiative politique<\/span>. Une question au gouvernement sur la crise que traverse le CICR sera d\u00e9pos\u00e9e au Parlement f\u00e9d\u00e9ral en d\u00e9cembre. Des d\u00e9put\u00e9s veulent ouvrir le d\u00e9bat.<\/em><\/p>\n

Pour Thierry Germond, <\/em>le lanceur d\u2019alerte\u00a0pionnier de la contestation, m\u00eame un improbable changement de pr\u00e9sident ne r\u00e9soudrait pas enti\u00e8rement le probl\u00e8me.\u00a0<\/em>Il faut un geste radical\u00a0: toute l\u2019assembl\u00e9e doit d\u00e9missionner. Il faut une structure int\u00e9rimaire compos\u00e9e de d\u00e9l\u00e9gu\u00e9s, d\u2019anciens d\u00e9l\u00e9gu\u00e9s et de personnalit\u00e9s r\u00e9ellement ind\u00e9pendantes, qui ouvrirait le d\u00e9bat et choisirait une nouvelle gouvernance pour le CICR<\/span>.\u00a0<\/span><\/em>La Suisse a son mot \u00e0 dire et doit se r\u00e9veiller<\/span>,\u00a0<\/span>pense Marguerite Contat. <\/span><\/em>Au CICR, [2]<\/span> vous savez, nous sommes un peu des missionnaires. Nous allons continuer \u00e0 nous battre pour le sauver. Il est hors de question de laisser passer cette histoire.<\/span><\/p>\n

R\u00e9mi Ourdan<\/strong>, envoy\u00e9 sp\u00e9cial du Monde \u00e0 Gen\u00e8ve et Bruxelles. Le Monde du 2 d\u00e9cembre 2018<\/p>\n

1 12 2018<\/strong><\/p>\n

Flamb\u00e9e de violence \u00e0 Paris et en province, surtout au Puy en Velay. L\u2019int\u00e9rieur de l\u2019Arc de Triomphe est tagu\u00e9, les portraits de Jeanne d\u2019Arc, de Napol\u00e9on et quelques autres sont lac\u00e9r\u00e9s. C\u2019est\u00a0 J\u2019irai cracher sur vos tombes <\/em>de Boris Vian, sous le pseudonyme de Vernon Sullivan, aux \u00e9ditions du Scorpion en 1946, dont Michel Gast avait fait un film en 1959. Nombreuses sont les voitures incendi\u00e9es. Les gilets jaunes<\/em>, mouvement remarquable par sa diversit\u00e9, qui tient \u00e0 ne pas se structurer, n\u00e9 de la facilit\u00e9 qu\u2019il y a aujourd\u2019hui \u00e0 mobiliser du monde uniquement par le biais des r\u00e9seaux sociaux, s\u2019est laiss\u00e9 infiltrer par les casseurs et les voyous. Les images font le tour du monde et les r\u00e9servations de tourisme font de la chute libre. Qui sont-ils\u00a0? Pourquoi ce succ\u00e8s, au moins en r\u00e9sonance m\u00e9diatique car sur le terrain, on comptera au plus fort de la mobilisation 282\u00a0000 personnes au total, chiffre qui ira d\u00e9croissant au fur et \u00e0 mesure des manifestations, ce qui n\u2019est tout de m\u00eame pas un raz de mar\u00e9e dans un pays de 70 millions d\u2019habitants. [chiffre qu\u2019il faut mettre en balance avec les 1.16 millions de signataires de la p\u00e9tition lanc\u00e9e par la Martiniquaise \u00e0 la langue bien pendue, Priscillia Ludosky, initiatrice de la p\u00e9tition contre la hausse des taxes sur les carburants]. Et si l\u2019on accepte de prendre comme indicateur valable les cagnottes r\u00e9colt\u00e9es de part et d\u2019autre, les plus nombreux sont tr\u00e8s loin d\u2019\u00eatre les gilets jaunes qui, pour Christophe Dettinger, le boxeur (\u2026 de gendarmes) se montent \u00e0 120\u00a0000 \u20ac en 24 heures, et, pour les policiers bless\u00e9s \u00e0 plus d\u2019un million en 48 h\u00a0! y\u2019a pas photo\u00a0! <\/em><\/p>\n

L\u2019affaire est insaisissable : une tr\u00e8s grande diversit\u00e9 tant dans sa composition que dans ses revendications, diversit\u00e9 professionnelle mais non ethnique : ce sont tous des fran\u00e7ais de souche, blancs de chez blanc \u2026 les quelques Noirs qu\u2019on peut apercevoir sont des Antillais, qui ont eu quelques g\u00e9n\u00e9rations pour se sentir bien assimil\u00e9s ; pour presque tous, un point commun : fans de Johnny. Sont l\u00e0 encore les in\u00e9vitables opportunistes, sans pudeur aucune – on verra des gilets jaunes dans des Porsche Cayenne !\u00a0 et dans des voitures pour lesquelles ce n\u2019\u00e9tait qu\u2019un badge pour circuler plus facilement ; il ne faudrait pas prendre les canards sauvages pour des enfants du Bon Dieu, <\/em>avait dit de Gaulle, en son temps. Au d\u00e9part, une opposition frontale \u00e0 l\u2019augmentation des taxes sur les carburants, de la part de tous ceux qui ont le sentiment d\u2019une corde qui se serre inexorablement autour du cou, de tous ceux qui n\u2019ont pas d\u2019autre alternative\u00a0que de prendre leur voiture pour aller au boulot puisque l\u00e0 o\u00f9 ils sont il n\u2019y a pas de transports en commun. Indicateur int\u00e9ressant : au fil des semaines, il s’av\u00e9rera que la carte des plus fortes mobilisations sera aussi celle des d\u00e9serts m\u00e9dicaux. Jamais l\u2019\u00e9tymologie du mot province<\/strong> n\u2019aura \u00e9t\u00e9 aussi \u00e9clatante\u00a0: Pro vinci\u00a0: pour les vaincus.<\/strong><\/p>\n

Mais le mouvement se diversifiera tr\u00e8s vite, sans craindre les contradictions ni le flirt aigu avec l\u2019utopie\u00a0: le salaire minimum \u00e0 4 000 \u20ac et la suppression de l\u2019imp\u00f4t[3]<\/a>. C\u2019est souvent le pourquoi pas n\u2019importe quoi\u00a0? <\/em>La revendication d\u00e9mocratique traditionnelle est quasi nulle\u00a0; on entend parler de r\u00e9f\u00e9rendum, mais quelles pourraient \u00eatre les questions pos\u00e9es\u00a0?<\/p>\n

Il est certain que Macron est parvenu, avec ses petites phrases qui sont autant de gaffes majeures r\u00e9v\u00e9latrices de sa morgue d\u2019\u00e9narque, \u00e0 cristalliser beaucoup de haine et que cela p\u00e8se dans la balance. Il est certain aussi que les gens qui se sont jusqu\u2019\u00e0 pr\u00e9sent laiss\u00e9 presser le citron en ont assez et aujourd\u2019hui le font savoir, et veulent \u00eatre entendus, de la m\u00eame mani\u00e8re que se font entendre les lobbys repr\u00e9sentant des puissants. Quand on n\u2019a point de ronds, il faut avoir des ronds-points. <\/em>Mais il va falloir que d\u2019une fa\u00e7on ou d\u2019une autre, les politiques apprennent \u00e0 appr\u00e9hender ce genre de contestation, car si elle n\u2019en est qu\u2019\u00e0 ses d\u00e9buts, avec d\u2019autres comme Occupy Wall Street, Nuit debout<\/em>, ne pourra que se d\u00e9velopper : enfants des r\u00e9seaux sociaux, ces derniers ne vont que se d\u00e9velopper et donc vont avoir de plus en plus d\u2019enfants. Il y a quarante ans que les politiques s\u2019\u00e9loignent du quotidien des fran\u00e7ais : on a eu Giscard qui ne connaissait pas le prix du ticket de m\u00e9tro, Sarkozy qui ignorait tout du Bon Coin, Hollande qui payait son coiffeur comme un cadre sup\u00e9rieur, pour lui arranger les trois poils qu\u2019il avait sur le caillou etc \u2026 \u00a0Le politique s\u2019est construit sur le syst\u00e8me de la repr\u00e9sentation et l\u00e0 il faut discuter avec des gens que ne veulent pas du syst\u00e8me repr\u00e9sentatif. C\u2019est la quadrature du cercle ! Une \u00e9quation avec du jamais vu comme nombre d\u2019inconnus ! O\u00f9 est le magicien qui va savoir d\u00e9m\u00ealer le vrai du faux, l\u2019ivraie du bon grain, la vraie col\u00e8re n\u00e9e de ce sentiment de n\u2019\u00eatre plus qu\u2019un esclave qui trime pour peanuts<\/em>, du r\u00e2leur professionnel toujours partant d\u00e8s qu\u2019il s\u2019agit de gueuler, d\u2019\u00eatre contre tout ce qui est pour et pour tout ce qui est contre<\/em> voire de casser et piller pour le seul plaisir de la destruction et du vol [le co\u00fbt de la\u00a0casse, perte de chiffre d’affaire etc\u00a0<\/em>sera estim\u00e9 \u00e0 pr\u00e8s d’un milliard d’\u20ac].<\/p>\n

Les gens en ont marre d\u2019\u00eatre pris pour des cons, et ce ne sont pas les cadeaux de No\u00ebl annonc\u00e9s le 10 d\u00e9cembre qui vont changer le fond de l\u2019affaire. La grande concertation\u00a0? Peut-\u00eatre si elle est bien men\u00e9e et sans arri\u00e8re-pens\u00e9e ni petit calcul politichien.<\/p>\n

De toutes fa\u00e7ons, la tr\u00e8s r\u00e9elle inqui\u00e9tude tient dans le constat des sondages sur la question qui r\u00e9v\u00e8lent que la majorit\u00e9 des Fran\u00e7ais soutient les Gilets Jaunes, que plus de la moiti\u00e9 des sond\u00e9s estiment qu\u2019il ne sert \u00e0 rien d\u2019aller voter, que les journalistes sont tous suspects [de quoi, on ne sait pas tr\u00e8s bien\u2026], que la violence est justifi\u00e9e dans ce genre de situation etc\u2026 autant de r\u00e9v\u00e9lateurs d\u2019une explosion en plein vol de la citoyennet\u00e9, du droit qui ne peut \u00eatre dissoci\u00e9 du devoir\u00a0; on est assez souvent tr\u00e8s pr\u00e8s du degr\u00e9 d\u2019intelligence z\u00e9ro, mais les torrents de d\u00e9magogie dans lesquels nous baignons nous emp\u00eachent de le dire. Les agressions de pompiers grimpent en fl\u00e8che, r\u00e9v\u00e9latrices d\u2019une mont\u00e9e en puissance de la barbarie la plus primaire. L\u00e0 est la gravit\u00e9 de la situation. Et il va bien se trouver un jour un politique ou un autre pour tenter de r\u00e9cup\u00e9rer le mouvement et \u00e0 ce petit jeu cynique des factieux, les gens d\u2019extr\u00eame droite savent mieux faire que tout autre. La volont\u00e9 de coup d\u2019\u00c9tat n\u2019est pas loin et la d\u00e9mocratie s\u2019\u00e9loignera.<\/p>\n

Les r\u00e9dacteurs de la revue des anciens de l\u2019ENA sortiront un num\u00e9ro consacr\u00e9 \u00e0 la gestion de crise le 16 d\u00e9cembre\u00a0: ils parlent de mise en question radicale et instinctive du leadership, \u2026 implosion acc\u00e9l\u00e9r\u00e9e des repaires consensuels, \u2026 mise en cause pavlovienne et radicale de la rationalit\u00e9 comme de la notion m\u00eame de v\u00e9rit\u00e9, \u2026 univers m\u00e9diatique pulv\u00e9rulent, \u2026 passage fulgurent du registre de l\u2019accident \u00e0 celui d\u2019engloutissement.<\/em><\/p>\n

Les rem\u00e8des\u00a0? Correction rapide des erreurs, \u2026 changement de carte mentale si n\u00e9cessaire, \u2026 alliage de logiques nouvelles et de moyens plus conventionnels, \u2026 rep\u00e9rage imm\u00e9diat des initiatives \u00e9mergentes tant de la part des organisations en charge que des acteurs les plus divers comme des citoyens\u2026<\/em><\/p>\n

On pourrait encore ajouter comme rem\u00e8de qu\u2019il suffirait d\u2019\u00eatre moins intelligent, puisque, selon le d\u00e9put\u00e9 Gilles Legendre, ce gouvernement a \u00e9t\u00e9 trop subtil, trop intelligent.<\/em><\/p>\n

Ou encore, comme rem\u00e8de, si on proposait tout simplement\u00a0la suppression de l\u2019ENA\u00a0? Comme \u00e7a, il n\u2019y aurait plus personne pour \u00eatre trop intelligent.<\/p>\n

D\u00e9but 2019, Emmanuel Macron mettra en route un grand d\u00e9bat national, avec comme support d’expression des cahiers de dol\u00e9ances recueillis dans les mairies : 19 989 communes o\u00f9 seront r\u00e9dig\u00e9es 464 748 pages, pour lesquelles il demandera qu’elles soient libre d’acc\u00e8s pour qui le veut : non point, que diantre ! il n’en sera pas ainsi et les documents resteront enferm\u00e9s dans les conseils d\u00e9partementaux, accessibles aux seuls chercheurs !<\/p>\n

[\u2026] Depuis le d\u00e9but, pour qui l\u2019a observ\u00e9 de pr\u00e8s de rond\u00adpoint en rond\u00adpoint, le mouvement des <\/em>gilets jaunes, en partie, mais en partie seulement, spontan\u00e9, non pas apolitique (ce qui ne veut rien dire), mais expression des col\u00e8res et aspirations ambivalentes du pays profond, amplifi\u00e9 par les extr\u00eames droites puis, rapidement, grossi par l\u2019extr\u00eame gauche, portait \u00e0 la fois le pire et le meilleur, le rouge et le noir, une g\u00e9n\u00e9rosit\u00e9 ouverte et des ranc\u0153urs ferm\u00e9es, un besoin de communion et la haine assassine du hors\u00ad communion, le <\/em>sublime et l\u2019abject, comme l\u2019a exprim\u00e9 Christiane Taubira, ou plut\u00f4t le poignant et le poisseux, le v\u00e9cu et le fantasm\u00e9. (Macron, rageusement ex\u00e9cr\u00e9, \u00e9tant trop fr\u00e9quemment rhabill\u00e9, non seulement en agent des riches, mais aussi en homosexuel, en juif et en franc-ma\u00e7on !)<\/em> [\u2026]<\/p>\n

Jean Fran\u00e7ois Kahn. <\/strong>Le Monde du 4 01 2018<\/p>\n

L\u2019intimidation, la menace et la violence sont les armes de toutes les dictatures, qu\u2019elles soient \u00e9tatiques, populaires ou, comme jadis, prol\u00e9tariennes. Il est pour le moins troublant, pour ne pas dire r\u00e9voltant, qu\u2019il faille rappeler de telles \u00e9vidences en 2019 dans un pays qui, jusqu\u2019\u00e0 nouvel ordre, est une d\u00e9mocratie. Que l\u2019on sache, en effet, et quels que soient les arguments sp\u00e9cieux qui voudraient justifier le contraire, la France est bien une d\u00e9mocratie. Chacun y est libre d\u2019\u00e9lire ses repr\u00e9sentants – \u00e0 l\u2019Elys\u00e9e ou au Parlement, dans sa ville ou sa r\u00e9gion -, de s\u2019exprimer, de d\u00e9battre, de d\u00e9fendre ses id\u00e9es, de lire ou d\u2019\u00e9couter les m\u00e9dias de son choix, de manifester ou de faire gr\u00e8ve s\u2019il le juge n\u00e9cessaire. Or le mouvement social qui \u00e9branle le pays depuis bient\u00f4t deux mois s\u2019est laiss\u00e9 peu \u00e0 peu gagner par une vindicte inacceptable, qu\u2019il convient de d\u00e9noncer. Qu\u2019elle soit le fait de <\/em>gilets jaunes radicalis\u00e9s ou de groupuscules d\u2019ultradroite ou d\u2019extr\u00eame gauche qui profitent de l\u2019occasion pour exprimer leur haine de l\u2019\u00c9tat, du <\/em>pouvoir et de la loi r\u00e9publicaine, la d\u00e9monstration de cette agressivit\u00e9 est d\u00e9sormais quotidienne. Cette virulence peut \u00eatre aggrav\u00e9e, mais non justifi\u00e9e, par des violences polici\u00e8res tout aussi intol\u00e9rables. C\u2019est un d\u00e9ferlement d\u2019attaques et d\u2019injures visant tout ce qui ressemble \u00e0 une institution. Le pr\u00e9sident de la R\u00e9publique, bien s\u00fbr, qui est l\u2019objet de tous les ressentiments. Par extension, les ministres et les parlementaires de la majorit\u00e9. Sans m\u00eame parler des journalistes, aimablement trait\u00e9s de <\/em>collabos, emp\u00each\u00e9s de faire leur travail, voire molest\u00e9s, d\u00e8s qu\u2019ils s\u2019avisent d\u2019\u00e9mettre la moindre r\u00e9serve sur un mouvement dont ils ont pourtant rendu compte de fa\u00e7on aussi exhaustive que possible. Pour s\u2019en tenir aux \u00e9lus, une cinquantaine de d\u00e9put\u00e9s ont ainsi \u00e9t\u00e9 victimes, ces derni\u00e8res semaines, d\u2019agressions non seulement verbales, mais physiques ou mat\u00e9rielles contre eux-m\u00eames, leur famille, leur domicile, leur v\u00e9hicule ou leur permanence. Toujours dans les m\u00eames termes, dont beaucoup devraient tomber sous le coup de la loi, puisque, en plus d\u2019\u00eatre orduriers, ils sont tr\u00e8s souvent x\u00e9nophobes, antis\u00e9mites ou sexistes. Et fr\u00e9quemment assortis de menaces de mort : <\/em>On va te pendre, te d\u00e9capiter, te mettre une balle dans la t\u00eate. Cette tentation du lynchage est d\u2019autant plus odieuse qu\u2019elle s\u2019exprime dans le l\u00e2che confort de l\u2019anonymat. \u00c0 commencer par celui que garantissent les r\u00e9seaux sociaux. Que ceux-ci soient un formidable espace de libert\u00e9 d\u2019expression et de communication, fort bien, et il n\u2019y a pas de raison de le d\u00e9plorer. Qu\u2019ils soient devenus un outil de mobilisation sociale instantan\u00e9e et directe, les <\/em>gilets jaunes ne sont pas les premiers \u00e0 en faire la d\u00e9monstration, et l\u2019on sait que Facebook a jou\u00e9 un r\u00f4le essentiel dans l\u2019extension du mouvement. Mais qu\u2019ils contribuent \u00e0 faire circuler en toute impunit\u00e9 les haines de la pire esp\u00e8ce, qu\u2019ils se transforment en pilori permanent est tout simplement inacceptable. D\u2019autant que leurs responsables ne semblent gu\u00e8re s\u2019en \u00e9mouvoir et que leurs syst\u00e8mes de mod\u00e9ration cens\u00e9s servir de garde-fous sont \u00e0 l\u2019\u00e9vidence inop\u00e9rants, d\u00e9pass\u00e9s, voire complaisants. La libert\u00e9 de pens\u00e9e et d\u2019expression est une condition \u00e9l\u00e9mentaire de la d\u00e9mocratie. Elle peut en devenir l\u2019ennemie lorsque, loin de d\u00e9battre, de critiquer, de contester ou de bl\u00e2mer, elle agresse, violente et se laisse gangrener par la b\u00eatise la plus hargneuse. Personne ne devrait l\u2019oublier.<\/em><\/p>\n

\u00c9ditorial du Monde du 11 01 2019<\/p>\n

C\u2019est une r\u00e9volte de notre temps. Ce n\u2019est pas une simple protestation contre la pauvret\u00e9 ou la duret\u00e9 des conditions d\u2019existence, c\u2019est une protestation contre l\u2019imposture d\u2019une soci\u00e9t\u00e9 o\u00f9 le discours moral est omnipr\u00e9sent mais qui ne r\u00e9v\u00e8re que l\u2019argent, la r\u00e9ussite, la comp\u00e9tition, organis\u00e9s par des pouvoirs dont les grands mots ne dissimulent\u00a0 plus leur incapacit\u00e9 d\u2019agir sur les choses.<\/em><\/p>\n

De l\u00e0 d\u2019ailleurs le complotisme, y compris le plus abject, parce qu\u2019il faut bien trouver une raison \u00e0 ce qui n\u2019en a pas. C\u2019est un sentiment de d\u00e9possession qui atteint d\u2019abord les plus vuln\u00e9rables, mais qui au fond nous concerne tous. Ce qui compte \u00e0 nos yeux, la gratuit\u00e9, la g\u00e9n\u00e9rosit\u00e9, est pratiquement d\u00e9valoris\u00e9 par les puissances \u00e9tablies de ce temps.<\/em><\/p>\n

On ne s\u2019en tirera pas simplement en distribuant un argent que collectivement nous n\u2019avons plus.<\/em><\/p>\n

Fran\u00e7ois Sureau, <\/strong>\u00a0avocat. Le Monde du 5 02 2019<\/p>\n

Je reste sid\u00e9r\u00e9 par la phrase de Stanislas Nordey sur les Gilets Jaunes <\/em>qui n’ont h\u00e9las manifest\u00e9 aucune revendication culturelle ! Derri\u00e8re les cris et la col\u00e8re, n’y a-t-il pas l’expression d’une qu\u00eate d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9e de sens ? Ce n’est pas \u00e7a, l’aspiration \u00e0 la culture ? Ou la culture est-elle r\u00e9ductible aux produits, expressions, initiatives des acteurs\u00a0dits <\/em>culturels, r\u00e9pertori\u00e9s par les revues sp\u00e9cialis\u00e9es et valid\u00e9s par les chroniqueurs du <\/em>bon go\u00fbt ? Il y a mille mani\u00e8res de <\/em>faire culture, de <\/em>faire sens, pourrions-nous arr\u00eater d’en faire une chose artistique \u00e0 part, productrice de frustration et d’exclusion ?<\/em><\/p>\n

G Daveau.<\/strong>\u00a0Nantes Courrier des lecteurs T\u00e9l\u00e9rama 3604 du 6 02 2019<\/p>\n

J\u2019ai aim\u00e9 le combat politique que j\u2019ai men\u00e9 avec passion, mais aujourd\u2019hui l\u2019envie me quitte tandis que le contexte change. L\u2019esprit public est devenu d\u00e9l\u00e9t\u00e8re, le discr\u00e9dit est jet\u00e9 sur les hommes et les femmes politiques, r\u00e9put\u00e9s <\/em>tous pourris, avec un rejet des \u00e9lites dont le pays a pourtant besoin. Je suis affect\u00e9 par les mensonges et les haines que v\u00e9hiculent les r\u00e9seaux sociaux. L\u2019esprit public est devenu lourd \u00e0 porter. Je souhaite continuer \u00e0 servir la R\u00e9publique dans un environnement plus serein.<\/em><\/p>\n

Alain Jupp\u00e9<\/strong>, lors de ses adieux \u00e0 Bordeaux, le 14 f\u00e9vrier 2019<\/p>\n

Les r\u00e9seaux sociaux ont g\u00e9n\u00e9r\u00e9 une invasion d\u2019imb\u00e9ciles qui donnent le droit de parler \u00e0 des l\u00e9gions d\u2019idiots qui auparavant ne parlaient qu\u2019au bar apr\u00e8s un verre de vin, sans nuire \u00e0 la communaut\u00e9 et ont maintenant le m\u00eame droit de parler qu\u2019un Prix Nobel : c\u2019est l\u2019invasion des imb\u00e9ciles.\u00a0<\/em>[\u2026] Le drame d\u2019Internet est qu\u2019il a promu le fou du peuple au niveau de porteur de la v\u00e9rit\u00e9.<\/em><\/p>\n

Umberto Eco<\/strong><\/p>\n

L\u2019\u00c9tat ne discute jamais. Le corps social se tait ; et quand il ne va pas bien il s\u2019agite. Le corps social d\u00e9pourvu de langage est min\u00e9 par le silence, il marmonne et g\u00e9mit mais jamais il ne parle, il souffre, il se d\u00e9chire, il va manifester sa douleur par la violence, il explose, il casse les vitres et de la vaisselle, puis retourne \u00e0 un silence g\u00ean\u00e9.<\/em><\/p>\n

Celui qui fut \u00e9lu dit sa satisfaction d\u2019avoir obtenu tous les pouvoirs. Il allait pouvoir gouverner, dit-il, enfin gouverner, sans perdre de temps \u00e0 discuter. Aussit\u00f4t on r\u00e9pondit que ce serait gr\u00e8ve g\u00e9n\u00e9rale, le pays paralys\u00e9, les gens dans la rue. Enfin. Le peuple, qui en a assez de l\u2019ennui, des ennuis et du travail, se mobilise. Nous allons au th\u00e9\u00e2tre.<\/em><\/p>\n

Quand on voit les Anglo-Saxons protester, cela pr\u00eate \u00e0 sourire. Ils viennent un par un avec des pancartes en carton, des pancartes individuelles qu\u2019ils tiennent par le manche, avec un texte qu\u2019ils ont \u00e9crit et qu\u2019il faut lire pour comprendre. Ils d\u00e9filent, les Anglo-Saxons, et ils montrent aux cameras de la t\u00e9l\u00e9 leur pancarte r\u00e9dig\u00e9es avec du soin et de l\u2019humour. Ils sont encadr\u00e9s de policiers d\u00e9bonnaires en tenue habituelle. On pourrait croire que leur police ne dispose pas de boucliers, de jambi\u00e8res, de longues matraques et de camions \u00e0 lance \u00e0 eau pour d\u00e9gager la rue. Leurs manifestations d\u00e9gagent de la biens\u00e9ance et de l\u2019ennui. Nous avons les plus belles manifestations du monde, elles sont un d\u00e9bordement, une joie.<\/em><\/p>\n

Nous descendons dans la rue. Les gens \u00e0 la rue, c\u2019est la r\u00e9alit\u00e9 de tous les jours ; les gens dans la rue, c\u2019est le r\u00eave qui nous unit, le r\u00eave fran\u00e7ais des \u00e9motions populaires. Je descendis dans la rue avec des chaussures qui courent vite et un tee-shirt serr\u00e9 qui ne laisse pas prise \u00e0 qui voulait m\u2019attraper. Je ne connaissais personne, je rejoignais les rangs, je me pla\u00e7ais derri\u00e8re la banderole et repris en ch\u0153ur les slogans. Car nous portons \u00e0 plusieurs de grandes banderoles avec des phrases br\u00e8ves en grosses lettres, avec de gros trous pour diminuer la prise au vent. Il faut \u00eatre plusieurs \u00e0 les porter ces paroles de plusieurs m\u00e8tres, et elles ondulent, elles sont difficiles \u00e0 lire ; mais il n\u2019est pas besoin de les lire, il faut qu\u2019elles soient grandes, et rouges, et ce qui est \u00e9crit dessus nous le crions ensemble. Quand on manifeste, on crie et on court. Oh ! joie de la guerre civile ! Les hoplites de la police barrent les rues, rang\u00e9s derri\u00e8re leur cn\u00e9mide, leur casque, la visi\u00e8re rabattue qui les rend identiques ; ils battent leur bouclier de leur matraque et cela provoque un roulement continu, et bien s\u00fbt cela tourna mal. Nous \u00e9tions venus pour \u00e7a.<\/em><\/p>\n

La caillasse vola, un jet de grenades y r\u00e9pondit ? Un nuage s\u2019\u00e9leva et se r\u00e9pandit dans la rue. Tant mieux, nous combattons \u00e0 l\u2019ombre ! rirent ceux d\u2019entre nous qui \u00e9taient venus casqu\u00e9s, cagoul\u00e9s, arm\u00e9s de barres et de frondes, et ils commenc\u00e8rent \u00e0 descendre les vitrines. Notre gorge br\u00fblait, de gaz et de cris s<\/em>ous le vol de boulons lanc\u00e9s \u00e0 la fronde, des vitrines tombaient en chute cristalline, dans un miroitement d\u2019\u00e9clats.<\/em><\/p>\n

Les policiers harnach\u00e9s d\u2019armes anciennes avanc\u00e8rent dans la rue, man\u0153uvrant avec un ordre de l\u00e9gion, la caillasse gr\u00ealant sur les boucliers de polycarbonate ; des salves de grenade explosaient avec un bruit cotonneux et chargeaient l\u2019air de gaz urticants, des brigades de voltigeurs en civil fon\u00e7aient dans le tas, coxaient quelques agit\u00e9s et les ramenaient derri\u00e8re le mur des boucliers qui avan\u00e7ait dans le roulement implacable des matraques. Quel bruit ! La banderole tomba, je la ramassai, la relevai, la tint au-dessus de moi avec un autre et nous f\u00fbmes en t\u00eate de cort\u00e8ge, puis nous la lan\u00e7\u00e2mes et cour\u00fbmes. Oh ! joie de la guerre civile ! joie du th\u00e9\u00e2tre. Nous cour\u00fbmes \u00e0 c\u00f4t\u00e9 des vitrines qui s\u2019effondraient \u00e0 mesure de notre passage, nous cour\u00fbmes le long de magasins \u00e9ventr\u00e9s o\u00f9 des jeunes gens masqu\u00e9s d\u2019une \u00e9charpe se servaient comme dans leur cave, avant de fuir eux aussi, devant d\u2019autres jeunes gens \u00e0 la m\u00e2choire volontaire. Et ceux-ci couraient plus vite, ils portaient des brassards orange et quand ils avaient plaqu\u00e9 au sol un jeune homme masqu\u00e9 ils sortaient de leurs poches des menottes Moi, je courais, j\u2019\u00e9tais venu pour cela, une manif sans course \u00e9perdue est une manif rat\u00e9e, je m\u2019\u00e9chappais par les rues de traverse.<\/em><\/p>\n

Le ciel virait au rose, le soir tombait, un vent froid balaya les effluves de gaz. La sueur coulait le long de mon dos et ma gorge me faisait mal. Dans le quartier o\u00f9 avait eu lieu le cort\u00e8ge, des voitures roulaient au pas, occup\u00e9es de quatre hommes \u00e0 la m\u00e2choire volontaire, chacun regardant par une fen\u00eatre diff\u00e9rente\u00a0; ils roulaient sur des d\u00e9bris de verre. Il flottait l\u00e0 une odeur de br\u00fbl\u00e9, tra\u00eenaient \u00e0 terre des v\u00eatements, des chaussures, un casque de moto, des t\u00e2ches de sang.<\/em><\/p>\n

Moi, j\u2019avais mal, affreusement mal.<\/em><\/p>\n

Le gouvernement qui s\u2019\u00e9tait trop avanc\u00e9 recula\u00a0; il neutralisa les mesures prises dans la pr\u00e9cipitation\u00a0par des contre mesures\u00a0prises dans l\u2019affolement. L\u2019ensemble s\u2019\u00e9quilibra comme \u00e0 l\u2019habitude\u00a0: le compromis que l\u2019on ne discute pas fut inefficace, et encombrant. Le g\u00e9nie fran\u00e7ais construit ses lois comme il construit ses villes\u00a0: les avenues du code Napol\u00e9on en constituent le centre, admirable, et autour s\u2019\u00e9tendent des b\u00e2tisses au hasard, mal faites et provisoires, reli\u00e9es d\u2019un labyrinthe de ronds-points et de contresens inextricables. On improvise, on suit plus le rapport de force que la r\u00e8gle, le d\u00e9sordre cro\u00eet par accumulation des cas particuliers. On garde tout\u00a0; car ce serait provocant que d\u2019appliquer, et perdre la face que de retirer. Alors on garde.<\/em><\/p>\n

Oh comme j\u2019ai mal\u00a0! <\/em><\/p>\n

[\u2026] \u00d4 douce France ! Mon cher pays de fra\u00eecheur et d\u2019enfance ! Ma douce France si calme et si polic\u00e9e\u2026 passe encore une voiture au ralenti charg\u00e9e de jeunes gens athl\u00e9tiques\u2026 dans l\u2019aquarium de la nuit elle nage sans aucun bruit jusqu\u2019\u00e0 moi, me regarde, puis repart. Les nuits d\u2019\u00e9t\u00e9 sont lourdes et dangereuses et les rues du centre sont quadrill\u00e9es, toute la nuit, ils circulent : la pr\u00e9sence polici\u00e8re affich\u00e9e permet la pacification. Oui, la <\/em>pacification ! Nous pratiquons la <\/em>pacification au c\u0153ur m\u00eame des villes de France, au c\u0153ur m\u00eame de l\u2019autorit\u00e9, car l\u2019ennemi est partout. Nous ne connaissons pas d\u2019adversaire, juste l\u2019ennemi, nous ne voulons pas d\u2019adversit\u00e9 qui engendrerait des paroles sans fin, mais de l\u2019inimiti\u00e9, car celle-ci nous savons la traiter par la force. Avec l\u2019ennemi on ne parle pas. On le combat\u00a0; on le tue, il nous tue. Nous ne voulons pas parler, nous voulons en d\u00e9coudre. Au pays de la douceur de vivre et de la conversation comme l\u2019un des beaux-arts, nous ne voulons plus vivre ensemble.<\/em><\/p>\n

[\u2026] Je pense \u00e0 la France ; mais qui peut dire sans rire, qui peut dire sans faire rire, qu\u2019il pense \u00e0 la France ? Sinon les grands hommes et seulement dans leurs m\u00e9moires.. Qui, sinon de Gaulle, peut dire sans rire qu\u2019il pense \u00e0 la France ? Moi j\u2019ai juste mal et je dois parler en marchant jusqu\u2019\u00e0 ce que j\u2019atteigne la pharmacie de nuit qui me sauvera. Alors je parle de la France comme de Gaulle en parlait, en\u00a0 m\u00e9langeant les personnes , en m\u00e9langeant les temps, confusant la grammaire pour brouiller les pistes. De Gaulle est le plus grand menteur de tous les temps, mais menteur il l\u2019\u00e9tait comme mentent les romanciers. Il construisit, par la force de son verbe, pi\u00e8ce \u00e0 pi\u00e8ce, tout ce dont nous avions besoin pour habiter le XX\u00b0 si\u00e8cle. Il nous donna, parce qu\u2019il les inventa, les raisons de vivre ensemble et d\u2019\u00eatre fier de nous. Et nous vivons dans les ruines de ce qu\u2019il construisit, dans les pages d\u00e9chir\u00e9es de ce roman qu\u2019il \u00e9crivit, que nous pr\u00eemes pour une encyclop\u00e9die, que nous pr\u00eemes pour l\u2019image claire de la r\u00e9alit\u00e9 alors qu\u2019il ne s\u2019agissait que d\u2019une invention ; une invention en laquelle il \u00e9tait doux de croire.<\/em><\/p>\n

Chez soi est la pratique du langage. La France est le culte du livre. Nous v\u00e9c\u00fbmes entre les pages des <\/em>M\u00e9moires du G\u00e9n\u00e9ral, dans un d\u00e9cor de papier qu\u2019il \u00e9crivit de sa main. <\/em>[\u2026]<\/p>\n

Alexis Jenni. <\/strong>L\u2019art fran\u00e7ais de la guerre. Gallimard 2011<\/p>\n

Dans le midi, une formule tr\u00e8s concise reprend tout cela\u00a0: ils s\u2019la jouent, ils s\u2019la p\u00e8tent.<\/em><\/p>\n

\"https:\/\/focus.nouvelobs.com\/2020\/09\/04\/376\/0\/4500\/2250\/633\/306\/75\/0\/e455d67_695643891-080_HL_SGUILLEMIN_658790.jpg\"<\/p>\n

\"\"<\/p>\n

\"Gilet<\/p>\n

Ces gilets jaunes \u00e9taleront leur absence de flair politique en s’en prenant \u00e0 Alain Finkielkraut le 16 f\u00e9vrier, comme s’ils n’avaient pas r\u00e9alis\u00e9 que cela allait d\u00e9clencher contre eux une bronca. On entendra des\u00a0finalement, cette histoire, c’est le match de l’intelligence artificielle contre la connerie naturelle !\u00a0<\/em><\/p>\n

Ils se trouveront un avocat en la personne de Juan Branco, qui voudra nous faire prendre les canards sauvages pour des enfants du Bon Dieu, se posant en r\u00e9volutionnaire christique – venez \u00e0 moi, vous tous, les damn\u00e9s de la terre et je vous montrerai la voie du bonheur<\/em>\u00a0– Il n’aura de cesse de d\u00e9noncer les castes qui nous dirigent, tout en restant coul\u00e9 dans le marbre de cette \u00e9lite, v\u00e9n\u00e9rant au plus haut point l’intelligence gourmande de grands concepts \u00e9tablis pour briller dans les salons parisiens ;\u00a0chouchou\u00a0<\/em> de Richard Descoings, le sulfureux directeur de Sciences Po Paris,\u00a0 il faut voir dans quel m\u00e9pris ce petit monsieur encore bien tendre tient des Jean Castex, Nicole Belloubet, etc … voire m\u00eame un Edouard Philippe ! De la bouillie incantatoire… de la d\u00e9magogie en overdose, sans consistance aucune… , d\u00e9livr\u00e9e par un r\u00e9volutionnaire d’op\u00e9rette, qui voudrait nous faire croire que la quasi totalit\u00e9 des Fran\u00e7ais vivent dans une vall\u00e9e de larmes… Dans le sud de la France on dit : celui-l\u00e0, qu’est-ce qu’il s’en croit<\/em>, et dans l’ensemble du pays on partage volontiers :\u00a0celui-l\u00e0, il a une f\u00e2cheuse tendance \u00e0 p\u00e9ter plus haut que son cul.\u00a0<\/em>ll s’est fait adouber par Michel Onfray qui reconna\u00eetra un jour ou l’autre son faux pas. Un temps dans le cabinet d’Aur\u00e9lie Filipetti<\/strong>, celle-ci garde un tr\u00e8s vilain souvenir du personnage : tr\u00e8s intelligent, dangereux, manipulateur. <\/em>Cette video qui d\u00e9consid\u00e8re \u00e0 tout jamais Juan Branco tant il y \u00e9tale sa stup\u00e9fiante suffisance,\u00a0<\/em>a \u00e9t\u00e9 r\u00e9alis\u00e9e entre la nomination de Jean Castex au poste de premier ministre et celle de G\u00e9rard Darmanin au poste de ministre de l’int\u00e9rieur, en juin 2020 :<\/p>\n