Publié par (l.peltier) le 16 août 2008 | En savoir plus |
6 08 2019
Au milieu d’une quantité de courses envahies de sponsors, de coureurs couverts de publicités, de battage médiatique jusqu’à la nausée, de caravane qui distribue par milliers des maillots Leclerc à pois rouges – le meilleur grimpeur – des spectateurs qui laissent des déchets à la tonne, s’est glissée une épreuve bien sympathique en vélo, dès 2013 : la Transcontinentale Race, 4 000 km à parcourir en complète autonomie et sans assistance pour raviver l’âge d’or du cyclisme, avec les moyens du XXI° siècle : hormis quatre passages obligatoires [Buzendzha en Bulgarie, Vranisca Benica en Serbie, Passo Gardena 2 121 m, à l’ouest de Cortina d’Ampezzo, dans les Alpes de l’Ötztal italien, et l’Alpe d’Huez en France], chaque participant choisit lui-même l’itinéraire qui lui convient le mieux ; pas de voiture suiveuse, pas de soigneur, pas de cirque, pas de tintamarre, pas de route interdite à la circulation. À ce jeu paisible et silencieux c’est une Allemande de Heidelberg, Fiona Kolbinger, 24 ans, tout juste diplômée de médecine, qui va faire une spécialisation en chirurgie, qui est gagnante en dix jours, deux heures et quarante-huit minutes : elle devance ses 263 concurrents : 223 hommes et 40 femmes, en s’étant offert – cerise sur le gâteau – le col du Galibier à 2 649 m en France. Le second est à 200 km derrière… Son jour le plus long aura été le quatrième : 475 km à 26.9 km/h de moyenne. Ils sont partis de Burgas, sur la côte bulgare de la Mer Noire pour arriver à Brest. Elle a dormi au maximum quatre heures par nuit, soit entre 15 et 17 heures par jour sur son vélo. Dormir ? Quelques fois dans un lit, mais aussi dans les fossés, les abribus … C’est la première fois qu’elle participe à pareille affaire.
Son créateur, en 2011, l’Anglais Mike Hall, inspiré par le cyrénaïsme, école de philosophie hédoniste et éthique, a fait le premier tour du monde en 107 jours, en pédalant quatre-vingt-onze jours et dix-huit heures. Sa victoire en 2014 sur la Trans Am Bike, d’ouest en est aux États-Unis, sur 6 900 kilomètres, a été l’objet d’un film, Inspired to Ride. Mike Hall est mort en 2017, fauché par une voiture alors qu’il était en tête de l’inaugurale Indian Pacific Wheel Race, en Australie.
08 2019
Décision est prise de ne pas poursuivre le projet ASTRID, initié en 2012 : Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration. C’était un projet de prototype de réacteur nucléaire français de quatrième génération, de type réacteur rapide refroidi au sodium, porté par le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), faisant suite à l’arrêt du surgénérateur de Creys-Malville, en moins puissant, et à l’accident de Fukushima. Wikipedia en donne un comte rendu complet.
4 09 2019
La gare du Nord de Paris, la plus grande d’Europe, ne doit pas devenir un mall.
Quand un collectif d’architectes, d’historiens et d’enseignants dit NON ; un Non qui n’est pas, pour l’essentiel le rejet d’un projet architectural, mais un Non à la primauté de la loi du fric sur l’intérêt général, en l’occurrence l’intérêt de l’usager de la gare du Nord à Paris, un Non à la primauté du consommateur sur le citoyen, en l’occurrence le voyageur. NON, une gare ne doit pas devenir un Mall. Un Mall, on y va si on le veut, mais il ne doit pas d’imposer sur le parcours de quelqu’un qui ne souhaite pas y aller ; ce projet a été pensé comme un magasin Ikea, où le consommateur est pris en otage. Et comment se fait-il donc qu’il ait fallu attendre le coup de gueule d’architectes, d’historiens et d’enseignants de renom pour tenter de barrer la route à cette abdication de la défense de l’intérêt général ? Si le projet est suffisamment avancé pour que la demande de permis de construire vienne d’être déposée, c’est bien qu’il a déjà reçu l’assentiment de nombreux décideurs : direction de la SNCF, mairie d’arrondissement, mairie de Paris, ministère des transports, etc… : et il n’y aurait personne parmi eux pour dire haut et fort : ça suffit ! tous ces gens ont acquiescé à ce projet dément sont irresponsables et imbéciles.
La SNCF, associée à Auchan [2] (par le biais de sa filiale Ceetrus), publie depuis quelques mois des dessins et des discours lénifiants sur son projet de transformation de la gare du Nord, qui créerait plus de 50 000 m² de surfaces construites nouvelles, dont un immense centre commercial de près de 20 000 m² et des bureaux, le tout rebaptisé pour la circonstance lieu de vie. Ce projet est inacceptable, et nous demandons qu’il soit repensé de fond en comble.
Il s’agit d’abord d’une grave offense aux usagers du transport. La gare du Nord est le principal pôle d’échanges de France et d’Europe : 700 000 voyageurs par jour, dont 500 000 pour le seul trafic de banlieue. Le premier objectif d’une réorganisation de la gare doit être de leur offrir un lieu et un moment d’échanges aussi confortables que possible, dans des parcours quotidiens souvent harassants. Obliger des centaines de milliers de personnes à traverser des espaces commerciaux devient insupportable lorsque ce cadeau au commerce se paie de parcours allongés et inutilement compliqués. Or le projet prévoit d’interdire l’accès direct aux quais tel qu’il se pratique aujourd’hui. Qu’il aille à Soissons (Aisne) ou à Bruxelles, le voyageur devra d’abord monter à 6 mètres de hauteur dans le centre commercial, tout à l’est de la gare, puis accéder aux quais par des passerelles, des escaliers et des ascenseurs. Cela veut dire : plus de distance à parcourir, des temps d’accès nettement augmentés. Indécent.
Ce projet est aussi une grave erreur urbaine. Implanter une telle masse de commerces et d’activités à la gare du Nord, dans un ensemble fermé sur lui-même, dans une zone déjà saturée de trafic, à une station de RER de Saint Denis, cœur de l’agglomération des neuf villes de Plaine Commune, est une atteinte à la volonté de rééquilibrer les activités dans Paris, et plus encore dans l’espace du Grand Paris. Faut-il rappeler que les centres commerciaux récents sont à la peine partout : Le Millénaire, à Aubervilliers (Seine Saint Denis), végète, comme Aéroville, à Roissy (Val d’Oise). On comprend l’attrait que représente pour Auchan l’énorme flux de la gare du Nord, mais cette captation se fera au détriment des territoires desservis par la gare. Absurde.
Ce projet est inacceptable sur le plan patrimonial. La gare du Nord est l’une des six gares mythiques de Paris, sans doute la plus illustre et la plus belle. Chef d’œuvre de l’architecte Jacques Ignace Hittorff, qui la conçut en 1864, elle figure à l’inventaire des Monuments historiques. Outre qu’il prévoit de raser purement et simplement la lumineuse gare d’échanges créée en 2001 par l’architecte ingénieur Jean-Marie Duthilleul (moins de vingt ans après sa construction : apprécions le coût économique et écologique !), le projet dénature complètement le volume magique des halles d’Hittorff. La mise en place de passerelles et la construction de dalles générales au-dessus même de l’actuelle plateforme transversale se surimposent brutalement aux espaces existants, sans respect pour leurs qualités architecturales. La majestueuse façade nord composée par Hittorff pour faire face au boulevard de la Chapelle est elle-même barrée par une immense passerelle couverte. Inacceptable.
Enfin, ce projet met en péril la gare des Jeux olympiques de Paris en 2024. La gare du Nord est la plaque tournante des transports d’accès aux grands sites du nord de Paris et au village olympique. Il est ridicule d’affirmer que les travaux envisagés pourraient être terminés à cette échéance, alors même qu’un permis de construire vient seulement d’être déposé et que les travaux devraient être conduits sans arrêter les flux considérables de voyageurs quotidiens passant par la gare, flux qui vont augmenter encore en 2022 avec la mise en service de la branche ouest du RER E. Si ce projet n’était pas stoppé, la France risquerait de se trouver privée d’un instrument essentiel de la desserte des sites. La gare du Nord n’a pas besoin de ce projet pharaonique. Des transformations aussi efficaces, beaucoup plus légères en coût et en temps, peuvent lui être apportées pour qu’elle remplisse son rôle premier, celui d’une gare, en commençant par dégager la grande plateforme transversale et le hall du Transilien des kiosques commerciaux qui, depuis quelques années, ont pris la place des voyageurs et compriment l’espace laissé à ceux-ci. Il faut arrêter ce projet et s’attacher à composer en ce lieu, dans le respect de son histoire, un espace civilisé de mouvement et de rencontre.
Marc Barani, architecte, Grand Prix national de l’architecture 2013 ; Barry Bergdoll, historien de l’art et de l’architecture, Columbia University et Musée d’art moderne de New York ; Patrick Bouchain, architecte, Grand Prix de l’urbanisme 2019 ; Karen Bowie, historienne de l’architecture ; Roland Castro, architecte ; Jean-Louis Cohen, historien de l’architecture et de l’urbanisme, professeur invité au Collège de France ; Bruno Fortier, architecte et urbaniste, Grand Prix de l’urbanisme 2002 ; Michael Kiene, historien de l’architecture, université de Cologne ; François Loyer, historien de l’art et de l’architecture ; Jacques Lucan, architecte, historien, professeur à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne ; Ariella Masboungi, architecte et urbaniste, Grand Prix de l’urbanisme 2016 ; Jean Nouvel, architecte, Praemium Imperiale 2001, Pritzker 2008 ; Dominique Perrault, architecte, Praemium Imperiale 2015 ;Philippe Prost, architecte ; Andrew Saint, historien de l’architecture, professeur émérite à l’université de Cambridge et à l’University College de Londres ; Nathan Starkman, ingénieur et urbaniste, Grand Prix de l’urbanisme 1999 ; Jean-Louis Subileau, urbaniste, Grand Prix de l’urbanisme 2001 ; Laurent Théry, économiste, urbaniste, Grand Prix de l’urbanisme 2010 ; Pierre Veltz, ingénieur, sociologue, Grand Prix de l’urbanisme 2017
Le Monde du 4 septembre 2019
La Mairie de Paris se mettra à l’unisson de cette protestation le 1° octobre 2019. Il faut noter qu’en l’occurrence, c’est l’État qui délivre le permis de construire, via la CNAC – Commission Nationale d’Aménagement Commercial – qui délivrera un avis favorable le 11 octobre 2019. Trois mois plus tard, on retrouvera la même situation conflictuelle à l’Hôtel Dieu, dont le projet de rénovation fait une part belle aux requins.
Mais, pour finir, le Ça suffit finira par l’emporter : ce sera le 21 septembre 2021 par un communiqué de SNCF- Gares et Connexion qui déclare : mettre fin au contrat de la Gare du Nord conclu avec Ceetrus en 2019. Et pan sur le bec de la famille Mulliez ! avec cet Allez donc voir ailleurs pour faire vos profits. Des 600 millions annoncés en 2018, on était passé à 1.5 milliard en 2021 etc … Les grands gouffres à dépassement de budget que sont l’EPR de Flamanville, les travaux du Grand Paris sentiront probablement passer le souffle du boulet et se mettront à devenir raisonnables… mais rien n’est moins sur : quand on est fou …
23 09 2019
FM Global assure l’usine Lubrizol (chimie) de Rouen. Il remet un rapport, compte-rendu des expertises menées les jours précédents : Lors d’un incendie, les conteneurs intermédiaires en plastique (IBC) fondraient rapidement et le liquide combustible et/ou inflammable se répandrait sur le sol, créant comme un grand feu de piscine. En raison de l’insuffisance de l’espace de séparation et du manque de système de confinement et de drainage adéquats, ce feu se propagerait rapidement à l’ensemble du bâtiment A5, entraînant sa destruction totale, et pourrait même s’étendre aux bâtiments environnants. [..] Ce qui pourrait conduire à l’arrêt des activités d’enfûtage du site pendant plusieurs semaines ou mois avant qu’une solution temporaire ne soit trouvée.
26 09 2019
Mort de Jacques Chirac. Avec lui s’en va le dernier représentant des dernières ramifications du gaullisme. Il aura eu l’intelligence et le courage de prendre les bonnes décisions en politique étrangère – renversement des alliances dans l’ex Yougoslavie, refus de suivre les États-Unis dans leur guerre criminelle et d’origine mensongère contre l’Irak – et il aura en même temps manqué de flair politique en dissolvant l’Assemblée nationale pour se retrouver avec Lionel Jospin premier ministre socialiste, en supprimant le service militaire obligatoire, le meilleur garant d’un noyau de consensus national, à même de contenir la fracture sociale. Persona non grata, Marine Le Pen n’assistera pas aux obsèques ; Claudia Cardinale non plus d’ailleurs, et Fabienne Burgeat Boulin, 64 ans, fille de Robert Boulin assassiné en 1979, de même.
Sur un site Seveso, au sein de l’usine Lubrizol, 5 253 tonnes de produits chimiques prennent feu ; il sera bien difficile au gouvernement de ne pas tomber dans le ridicule du nuage de Tchernobyl qui s’est arrêté à la frontière de notre pays, tout en cherchant à minimiser auprès de la population la gravité de cette énorme pollution : dans cette gamme de produits, certains étaient un vrai danger pour la fertilité, d’autres étaient cancérigènes…. À coté de Lubrizol, une autre entreprise, Normandie Logistique dont les stocks se montent à 9 050 tonnes dont on ignore combien ont été gagnées par l’incendie du voisin.
3 10 2019
Mickaël Harpon, 45 ans, originaire de Fort de France en Martinique, seize ans de service en catégorie C comme informaticien à la DRPP – Direction du Renseignement de la Préfecture de Police -, habilité secret défense, tue au couteau (en céramique, indétectable au portail) quatre de ses collègues avant d’être abattu. Consternation, incantations, as usual, mais personne n’osera pointer du doigt le fait qu’en septembre 2015, cet homme avait fait l’apologie de l’attentat contre Charlie Hebdo d’un c’est bien fait et cela n’avait été suivi d’aucune mesure : c’est un déni du climat de dénonciation du terrorisme ; François Hollande avait parlé de guerre … elle est devenue drôle la guerre, ce n’est plus qu’une drôle de guerre. Le relâchement de tousaura coûté la vie à Brice Le Mescam, Damien Ernest, Anthony Lancelot, Aurelia Trifiro. Emmanuel Macron fera un discours bien sur martial mais le chef du service concerné à la DRPP restera en place. Surtout pas d’actes… des paroles. Cette schizophrénie française – côté pile, le domaine de la parole : le discours officiel, les commentaires des médias, le conformisme qui avale volontiers l’anticonformisme, côté face, le vécu quotidien, les habitudes corporatistes, la philosophie de café de commerce, les petites arrangements au quotidien entre la règle et ses applications, le faut bien vivre, le faut être cool, merde, quoi, toute cette horreur épidermique de la rigueur -, fait souvent de nous la risée des étrangers..
6 10 2019
Michel Barnier est l’invité du Monde Festival au théâtre des Bouffes du Nord pour dire, une heure et demi durant, sa conception, de la négociation du Brexit au nom de l’Europe. Applaudi à son arrivée, il termine sur une standing ovation :
Le Royaume Uni a choisi d’être solitaire plutôt que solidaire. […] Avec les évolutions du monde actuel, les pays européens, individuellement, ne seront plus à la table des grand pays de ce monde en 2050. Si nous voulons participer au nouvel ordre mondial, il faut être autour de la table. Le seul moyen, c’est d’être ensemble, à vingt-sept.
Cet homme-là a les épaules, l’étoffe d’un président de la République. On ne sait s’il le sera un jour, mais il s’en rapprochera en étant nommé premier ministre par Emmanuel Macron, président de la République le 5 septembre 2024 à 73 ans, succédant au plus jeune premier ministre : Gabriel Attal, 35 ans.
15 10 2019
Contrairement aux autres peuples du Moyen Orient, les Kurdes n’ont jamais trouvé de puissance occidentale pour les soutenir franchement : ce qu’avait tricoté le traité de Sèvres : une quasi indépendance pour l’Arménie et le Kurdistan avait été détricoté par le traité de Lausanne en 1923 ; il n’y avait plus d’Arménie indépendante et les Kurdes, avaient vu leurs espoirs s’évanouir devant la volonté de fer de Mustafa Kemal qui avait fait taire les faibles voix occidentales. Les Kurdes étaient partis pour des dizaines d’années d’intégration forcée et ratée entre Turquie, Syrie, Irak et Iran. Et aujourd’hui Erdogan envahit le nord de la Syrie pour en chasser les Kurdes et y installer les réfugiés que la Turquie reçoit depuis des dizaines d’années.
Les seuls amis des Kurdes sont les montagnes.
Proverbe kurde
Il existe un gros mot, qui commence par un G et que l’on n’a pas le droit de prononcer en ces heures en Turquie, il s’agit du mot guerre. Au mépris de toute vérité, M. Erdogan [le président turc] et ceux qui le soutiennent attaquent des civils kurdes, et qualifient cette invasion militaire d’opération : opération Source de paix, en fait. En Turquie, parler de guerre revient à se désigner comme traître. Les quelques voix libres qui s’élèvent dans le pays doivent s’attendre à des représailles atroces : prison, diffamation, mise au ban de la société. La dissidence n’est guère permise. Le carnage des Kurdes, la négation de leur indépendance, de leurs droits, de leurs rêves, sont selon Erdogan une nécessité vitale pour le peuple turc.
Face à tout cela, et afin de faire échec à ce récit mensonger de la réalité, l’Europe doit faire preuve d’unité, de détermination et de cohésion. Nous n’avons pas le droit d’abandonner les Kurdes à leur sort. Après la trahison de M. Trump, leur dernier recours est de faire appel à l’Europe. La cause des Kurdes nous concerne parce que des guerres sont menées avec des armes que nous fabriquons et que nous vendons (la décision des ministres européens d’interdire les ventes d’armes à la Turquie était une mesure nécessaire, quoique tardive), elle nous concerne aussi parce que les Kurdes étaient le seul groupe capable de contenir la pression de Daech [l’organisation État islamique], et elle nous concerne enfin tous, car la Turquie reçoit de l’argent de l’Europe pour retenir sur son territoire les migrants syriens. Tout cela nous concerne parce que l’Europe, que certains voudraient voir éclater, doit maintenant montrer qu’elle existe en tant qu’entité politique, territoriale, économique et, surtout, culturelle. Elle doit montrer à tous que chez elle la démocratie existe et que même si elle est menacée, elle résiste.
Traduit de l’anglais par Lazare Bitoun. Svetlana Alexievitch, romancière biélorusse, Prix Nobel de littérature en 2015 ; Fernando Aramburu, écrivain espagnol ; Marc Augé, anthropologue français ; Martin Caparros, écrivain argentin ; Annie Ernaux, écrivaine française ; Elena Ferrante, écrivaine italienne ; Hanif Kureishi, écrivain britannique ; Bernard-Henri Lévy, écrivain et essayiste français ; Herta Müller, Prix Nobel de littérature en 2009, écrivaine allemande ; Salman Rushdie, écrivain britannique ; Mario Vargas Llosa, écrivain péruvien ; Roberto Saviano, écrivain Italien.
La Republica 16 octobre 2019
La revendication d’un territoire enclavé, sans accès à la mer, pourrait être envisageable et rencontrer le soutien de nombreuses nations. Mais dès lors que les Kurdes ne peuvent envisager qu’un territoire avec un accès à la mer – par Dürtyol, Osmanye, sur la Méditerranée – cette demande devient irrecevable pour l’ensemble des nations.
Alain Juillet, ancien directeur de la branche Action du SDEC, sur Thinkerview en 2018
17 10 2019
Les Jeux militaires mondiaux d’été débutent à Wuhan, en Chine : ils doivent durer jusqu’au 27 octobre. Ils rassemblent près de 10 000 athlètes, dont 402 pour la délégation française. Il y a 21 disciplines : équitation, escrime, athlétisme, basket, boxe, course d’orientation, cyclisme, football, golf, judo, lutte, natation, parachutisme, pentathlon militaire et pentathlon moderne, taekwondo, tir, tir à l’arc, triathlon, voile, volley-ball. Plusieurs d’entre eux seront malades à leur retour sans que qui que ce soit puisse dire de quoi il s’agit… il en va de même dans les autres délégations.
23 10 2019
Dans une zone industrielle proche de Londres, un chauffeur nord-irlandais ouvre la porte arrière de son camion réfrigéré : il se trouve face à 39 corps de Vietnamiens tous morts asphyxiés. En janvier 2021, il sera condamné en Angleterre à treize ans et quatre mois de prison pour homicide et à six ans pour trafic d’être humains, aux côtés de six autres personnes. Mais l’affaire va traverser la Manche et le 6 avril 2021, le parquet de Paris demandera le renvoi devant le tribunal correctionnel de 19 hommes de nationalité vietnamienne, française, marocaine, algérienne et chinoise, dont 4 pour homicide involontaire.
29 10 2019
Nirmal Purja, 36 ans, – Nims Dai pour ses proches – est originaire du Népal, 36 ans , est, pour le petit monde de l’alpinisme, très majoritairement occidental, un parfait inconnu, et il en termine avec l’ascension des 14 plus hauts sommets du monde, les plus de 8 000 m. Il avait commencé le 23 avril 2019, soit six mois et sept jours. Le premier à effectuer cet enchaînement avait été Reinhold Messner, mais il y avait mis plus de dix ans. Le Polonais Jerzy Kukuczka avait accompli ces ascensions en 7 ans, 11 mois et 14 jours dans les années 1980. Le dernier record était à Kim Shang Ho, un Coréen qui avait eu besoin lui aussi de sept ans. Ses détracteurs lui reprocheront d’avoir utilisé de l’oxygène, d’avoir une logistique lourde : équipes le précédant pour installer des cordes fixes, hélicoptères transportant l’équipement d’un camp de base à l’autre etc… Ces arguments ne sont pas à jeter par la fenêtre. Mais au nom de quoi exiger d’un homme né au Népal, à l’économie fragile, avec une importante mortalité infantile, de la misère en ville comme dans les champs, qu’il ait la même sensibilité de la montagne qu’un occidental qui s’offre une belle âme avec l’argent des très nombreux sponsors. Il s’agit bien d’un fabuleux exploit, et Reinhold Messner saura le dire.
Il n’est probablement pas souhaitable de voir érigées des règles pour que tout le monde soit sur un pied d’égalité… pas souhaitable et pas réaliste. Mais, et c’est là une question qui concerne le monde de la communication, il est souhaitable de mettre un bémol sur la manie des records, car on ne peut comparer que des choses comparables et en l’occurrence, il n’y a rien de comparable entre celui qui fait une longue marche d’approche à pied, en partant de 2000 m, 2 500 mètres d’altitude et celui que se fait déposer en hélicoptère à 4 000 voire 5 000 mètres d’altitude ; il n’y a rien de comparable entre celui qui monte sans oxygène et celui qui monte avec oxygène…. Donc, que chacun commence par dire ce qu’il a réellement fait, de quelle altitude il est parti, à pied, comment a été transporté le matériel… et les choses seront plus claires.
Camps de base | Dénivelé | ||||||
1 | Annapurna | 8091 m | Népal | 4130 m | 3961 | 23 avril 2019 | |
2 | Dhaulaghiri | 8167 m | Népal | 4740m | 3427 | 12 mai 2019 | |
3 | Kanchenjunga | cristal clair | 8586 m | Népal / Inde | 5140 m | 3446 | 15 mai 2019 |
4 | Everest | En tibétain Chomolungma ou Qomolangma litt : Mère du Monde. En Chinois Zhūmùlngm Fēng ou Shèngm Fēng | 8848 m | Népal / Chine | 5364 m | 3484 | 22 mai 2019 |
5 | Lothse | 8514 m | Népal / Chine | 5364 m | 3150 | 22 mai 2019 | |
6 | Makalu | 8485 m | Népal / Chine | 4870 m | 3615 | 24 mai 2019 | |
7 | Nanga Parbat | 8124 m | Pakistan | 3300 m | 4824 | 3 juillet 2019 | |
8 | Gasherbrum I | 8068 m | Pakistan / Chine | 5150 m | 2918 | 15 juillet 2009 | |
9 | Gasherbrum II | 8035 m | Pakistan / Chine | 5150 m | 2885 | 18 juillet 2019 | |
10 | K 2 | 8611 m | Pakistan / Chine | 5135 m | 3461 | 24 juillet 2019 |
11 | Broad Peak | 8047 m | Pakistan / Chine | 5135 m | 2912 | 26 juillet 2019 | |
12 | Cho Oyu | 8201 m | Pakistan / Chine | 4900 m | 3301 | 23 septembre 2019 | |
13 | Manaslu | montagne de l’Esprit | 8163 m | Népal | 3690 m | 4203 | 27 septembre 2019 |
14 | Shishapangma | 8027 m | Chine | 5700 m | 2327 | 29 octobre 2019 | |
Total dénivelé | 47 914 |
En 2023, la Norvégienne Kristin Harila, née en 1986, et le guide népalais Tenjin Sherpa iront plus vite : trois mois et un jour – 92 jours -. Mais de quelle altitude sont-ils partis à pied ? on ne le sait pas vraiment. Quelle a été la logistique de leurs ascensions ? Quel a été le prix de la location des hélicoptères qui acheminaient dans les camps supérieurs vivres et matériel ? On lira d’inqualifiables inepties sur les réseaux sociaux, l’accusant d’avoir enjambé le corps de Muhammad Hassan pour aller plus vite, sans se soucier de lui porter secours, quand elle laissa son cameraman lui tenir compagnie pendant une heure en le réconfortant de son oxygène. Et, impardonnable confusion mentale : ce Mohammad Hassan n’était pas en solo, il faisait partie d’un groupe, et c’est ce groupe qui l’a abandonné sous la pente sommitale du K2 ; il faut que cela soit dit ! À bas le crétinisme véhiculé par ces réseaux sociaux !
3 11 2019
Quatre maxi trimarans de la Classe Ultim 32/3 (32 pour la longueur, 23 pour la largeur, le mât pouvant atteindre 35 mètres) prennent le départ de la Brest Atlantiques au départ de Brest, pour faire un grand huit qui les emmène dans l’Atlantique Sud. Sur Macif, François Gabart terminera deuxième, derrière Frank Cammas ; puis la Macif dénoncera son sponsoring avec François Gabart et revendra son trimaran à Actuel Leader avec Yves Le Blevec comme skipper. François Gabart continuera néanmoins à construire son futur trimaran à Lorient avec les 57 employés de sa société MerConcept.
Il est bien possible que ce soit le chant du cygne de ce genre de course au large, le coronavirus se chargeant de faire des ravages dans tout ce qui va du loisir à la restauration en passant par le culturel et les manifestations sportives.
11 11 2019, 11 h 52′
Un séisme de magnitude 5.4 frappe le village du Teil près de Montélimar . 4 blessés, 900 maisons et bâtiments sont endommagés dans les villages du Teil, Saint Thomé, Viviers, pour un montant de 50 millions €. La secousse provoque le déclenchement d’une alerte sur l’un des quatre réacteurs de la centrale nucléaire de Cruas, à 12 km de là.
La Turquie plante 11 millions d’arbres : trois mois plus tard, 90 % de ces pins et sapins seront morts de soif : de la com et rien d’autre… plus con que ça, tu meurs.
23 11 2019
Un cocasubmarine de 20 mètres de long est arraisonné au large de la Galice, porteur de 3 tonnes de cocaïne. Il sera acheminé au port d’Aldan. On savait que cela se faisait déjà depuis 2005 en Amérique du sud, mais pour l’Europe c’est une première. Le mot est mis entre italique car, fabriqué en forêt équatoriale, il ne peut guère plonger au-delà de 30 mètres : pour ne pas être repéré par les sonars, il est construit en polyester : avec ce genre de matériau, on peut aller loin, mais pas profond. Mais il a tout de même traversé l’Atlantique ! Et dans la rubrique on n’arrête pas le progrès, la marine colombienne en arraisonnera un autre en mai 2023 : 30 mètres de long, 3 mètres de large, transportant 3 tonnes de cocaïne, d’une valeur estimée à 103 millions $. En Colombie la coca est cultivée sur 204 000 ha et la production de chlorhydrate de cocaïne s’élève à 1 400 tonnes, selon l’Onu.
25 11 2019
Lancés dans une opération de capture de terroristes dans la vallée d’Eranga, au sud d’Indelimane, au sud-est de Gao dans le Liptako, une province du nord du Mali, deux hélicoptères militaires français entrent en collision : treize militaires français, six officiers, six sous-officiers, un caporal-chef y laissent la vie. Ces hélicoptères sont récents : un hélicoptère de combat Tigre et un hélicoptère de manœuvre et d’assaut Cougar. Les pays concernés – Burkina Faso, Mali, Niger, Côte d’ivoire, Cameroun (le Tchad fait exception) – étant rigoureusement incapables de lutter avec efficacité contre le terrorisme, c’est la France qui fait le boulot, pendant que ministres et généraux locaux détournent l’argent du budget des armées.
27 11 2019
Aidan Jacobson, 26 ans et Brad Cobright, 31 ans, grimpeurs américains en ont terminé d’El Sendero Luminoso, au Mexique , une longue voie de 900 mètres de dénivelé. Brad Cobright est un as de l’escalade : il a détenu un temps le record de vitesse du Nose une voie très difficile d’El Capitan, dans le Yosemite. Ils redescendent en rappel par la voie de montée. Et c’est l’accident : tous deux chutent, Aidan se reçoit sur une corniche, sur laquelle Brad ne fait que rebondir et meurt de la chute suivante, 300 mètres plus bas. Comment cela a-t-il pu arriver ? Un rappel, c’est une corde passée à son milieu dans un mousqueton au sommet de la voie et jetée vers le bas. Ce sont donc deux brins qu’empoigne celui qui fait le rappel. Le premier descend sur les deux brins et, arrivé en bas, le second prend la suite. Cela s’appelle rappel, car le dernier descendu, récupère la corde et tirant sur un brin jusqu’à ce que l’autre brin passe le mousqueton du départ, et ainsi, chute jusqu’au sol … si rien ne l’en empêche. Mais si on est pressé d’être en bas, eh bien, les deux grimpeurs descendent en même temps, mais chacun sur un seul brin : c’est évidemment deux fois plus rapide, mais c’est de la pure folie : la corde supporte un poids double : personne ne localise précisément les points de frottement de la corde sur la paroi : elle peut très bien frotter sur une arête vive et ainsi aller jusqu’à la rupture. Seule une telle manœuvre ultra dangereuse peut expliquer cet accident.
20 12 2019
La justice n’est donc pas toujours soumise à la loi des puissants : pour ses options en matière d’objectifs fixés à ses employés dans les années 2000 – il faut que 20 000 employés quittent France Télécom dans les 10 années qui viennent, que ce soit par la porte ou par la fenêtre – disait alors la direction, l’entreprise est lourdement condamnée pour harcèlement moral visant à déstabiliser les salariés, à créer un climat anxiogène et ayant eu pour objet et pour effet une dégradation des conditions de travail. Enfin, serait-on tenté de dire, ce n’est pas trop tôt ! Outre l’entreprise, qui devra payer 75 000 €, l’ex-PDG de France Télécom Didier Lombard, l’ex-numéro deux Louis-Pierre Wenès et l’ex-DRH Olivier Barberot ont été condamnés à un an de prison, dont huit mois avec sursis, et 15 000 € d’amende. Ceux-ci ont fait appel.
23 12 2019
Vladimir Poutine inaugure le plus long pont ferroviaire d’Europe et de Russie, entre la Crimée et la Russie : 19 km. Parallèle, le pont routier avait été inauguré en mai 2018 .
2019
Les vingt dernières années ont vu quantité de découvertes de gisements de gaz off-shore en Méditerranée orientale. Comme le solaire et l’éolien ne sont pas près de remplacer le pétrole, c’est le gaz seul qui pourra le faire. Par ordre chronologique :
Soit, au total, une quantité qui approche celle du seul gisement algérien d’Hassi R’mel. Un gazoduc approvisionne la Grèce, via Chypre. La condition sine qua non pour que ces multiples gisements proposent du gaz à un prix compétitif serait la mutualisation des structures de transformation, mais est-il raisonnable d’espérer voir réunis autour d’une table pour en discuter des Israéliens et des Palestiniens ? On peut toujours rêver… Plus concrètement, des difficultés sérieuses apparaîtront fin 2019 entre Chypre et la Turquie : deux États se partagent l’île de Chypre : la partie sud est la République de Chypre, reconnue internationalement, proche de la Grèce, et la partie nord, rattachée à la Turquie et reconnue par cette seule Turquie. La Turquie revendique la propriété de 44 % des très importants gisements [à peu près ceux de la mer du Nord] de gaz découverts en mer au large de l’île quand la République de Chypre s’apprête à les mettre en totalité en exploitation … problèmes, d’autant que Grèce comme Turquie ne sont jamais parvenues à se mettre d’accord sur la délimitation de leur eaux territoriales.
Jeanne Socrates, veuve anglaise de 77 ans, boucle un tour du monde à la voile en solitaire, sans assistance, sans escale sur Nereida II !
1 01 2020
Pour illustrer le dicton selon lequel il ne faut pas se moquer des riches car on ne sait jamais ce qui peut vous arriver, un moment d’harmonie en guise de bons vœux, par petite brise, dans la baie de Saint Tropez :
Mais vous préférez peut-être la haute mer et les kite-surf qui jouent les dauphins en accompagnant un grand : là encore la poésie est au cœur du jeu :
Et encore, des Classe Ultime, seuls en mer ; la bande son : juste le vacarme du vent et de l’eau.
Et, à plusieurs avec du plaisir pour tous :
et encore, vers – 120 m de profondeur, en saturation, avec un mélange hélium-oxygène, le très beau film de Laurent Ballesta : Planète Méditerranée, au large de la côte française, de Marseille à Menton. Laurent admet que la Méditerranée soit malade, mais pas qu’elle soit morte et il en donne la preuve, et on se prend à paraphraser Prévert : Notre Père, qui êtes aux cieux, restez-y, et nous nous resterons en la mer, qui est, quelquefois, si jolie.
2 01 2020
Donald Trump ordonne la mort du général Ghassem Soleimani, stratège iranien, maître des opérations militaires iraniennes en Irak : un drone s’en charge, tuant dix personnes, près de l’aéroport de Bagdad. C’est peut-être la faute de trop, car c’est toujours une faute que de fabriquer un martyr. Six jours plus tard, deux missiles iraniens abattront par erreur un Boeing 737 d’une compagnie ukrainienne, faisant 176 morts. Vous avez dit une erreur ? Vous avez dit : Après la frappe sur une base américaine en Irak, nous étions en état d’alerte maximum. Mais c’est précisément quand on est en alerte maximum qu’il faut faire preuve d’un maximum de sang-froid ! On comprend mieux l’opposition farouche des pays détenteurs de la bombe atomique à voir entrer dans leur club pareil partenaire à même de commettre un tel carnage et de demander ensuite pardon car c’était une erreur.
Le Consentement de Vanessa Springora, est annoncé pour ce jour en librairie. Vanessa Springora, aujourd’hui directrice des Éditions Julliard, a été il y a quelques dizaines d’année la proie de Gabriel Matzneff et elle raconte. Mais avant même la sortie du livre, on assiste à un tir groupé de soutien : Christine Ango, Sylvie Brunel, Christine Clerc, Laure Murat se livrent à un réquisitoire impitoyable contre Gabriel Matzneff, dont il n’est pas sûr du tout que celui-ci parvienne à se relever ; on verra aussi Gallimard retirer certains titres de Matzneff, tel un marchand de fruits et légumes qui retire de son étalage fruits et légumes pourris ; c’est tout de même bien embêtant que Gallimard, au départ, ait estimé normal de mettre des fruits pourris sur ses étals….
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Gabriel Matzneff, en réaction au livre de Vanessa Springora Le Consentement [Grasset, 216 pages, 18 euros], écrit dans L’Obs : Apprendre que le livre que Vanessa a décidé d’écrire de mon vivant n’est nullement le récit de nos lumineuses et brûlantes amours, mais un ouvrage hostile, méchant, dénigrant, destiné à me nuire, un triste mixte de réquisitoire de procureur et de diagnostic concocté dans le cabinet d’un psychanalyste, provoque en moi une tristesse qui me suffoque.
Apprendre que le livre que Vanessa… Vous l’appelez Vanessa ? Vous pensez pouvoir vous autoriser à l’appeler par son prénom, alors qu’elle vient de publier ce livre ? Vous prétendez encore à cette intimité ? Vous pensez avoir ce genre de droits ? Elle est toujours, pour vous, la petite fille que vous avez rencontrée dans un dîner où elle accompagnait sa mère, attachée de presse dans l’édition ? À l’époque, vous étiez important dans ce milieu. Vous comptiez. Vous vendiez des livres. Vous aviez des fans. J’en ai fait partie quelque temps. J’avais une vingtaine d’années. Je vous lisais. Je n’avais pas encore été dans le cabinet d’un psychanalyste. Je commençais à avoir des insomnies, des difficultés dans ma sexualité, mais je n’étais pas encore prête à me dire, à admettre, que mon père s’était autorisé à commettre un inceste sur moi parce qu’il ne m’avait jamais aimée, qu’il n’avait aimé que lui-même, son bon plaisir, sa propre autorité, au mépris total de mon avenir, de ma vie amoureuse future, de ma vie sexuelle, notamment. Je ne le voyais plus à l’époque où je vous lisais. J’avais réussi à couper, à dire à ma mère. Mais je continuais à me raconter qu’il m’avait aimée, comme vous disiez aimer les jeunes filles dont vous parliez dans vos livres. Je voulais continuer de croire à un amour de sa part, certes hors norme, mais un amour, sinon c’était insupportable. Je n’étais pas prête à ce moment-là à prendre la mesure de la haine, notamment sociale, qui avait été à l’œuvre.
Vous appelez lumineuses et brûlantes vos amours avec les moins de seize ans. C’est vrai, l’humiliation peut aller avec des flambées de passion. La perversion n’est faite que de ça. En fait, la jeune fille, vous ne faites que l’humilier, la dégrader, profiter de la difficulté qu’a une adolescente à se séparer de sa mère, à s’en distinguer, de la rivalité possible, de toute cette toile de sentiments qui se déchire au passage de l’enfant à la femme adulte, avant de se retisser autrement. Vous la catapultez au firmament des objets sensuels, elle sort de l’école, mais non, pas du tout, vous la décrétez femme, bien plus désirable que sa mère, ah mais oui c’est toi que je préfère, tes seins fermes, tes fesses, etc. Ce que vous aimez avec elle, en réalité, être son maître, son professeur, jouer à l’esclave que vous n’êtes pas, puisque c’était elle. Qu’elle ne sache rien, pouvoir tout lui apprendre, tout lui montrer. Voir le choc que faisait la réalité physique sur elle.
Plus tard, j’ai commencé à écrire. Un jour, j’avais vingt-cinq ans, j’étais à Paris pour quelques jours. Je vous vois traverser le boulevard SaintMichel, mon cœur se met à battre, je cours derrière vous, je vous aborde. Je dis j’aime vos livres, ou un truc dans ce style. Je ne les aimais déjà plus, mais ça ne se fait pas de dire à quelqu’un j’ai aimé vos livres. Ce que j’aimais, c’était écrire, l’écriture, le traitement du réel par l’écrit. Voilà ce que j’aimais. J’ai confondu avec vous. J’ai été impressionnée, c’était la première fois que je voyais un écrivain en vrai dans la rue. Quelqu’un qui essayait d’écrire le réel. Génial. Sauf que vous n’écriviez pas le réel en fait. Vous êtes, comme on dit, un bon écrivain, mais limité, puisque vous ne compreniez pas ce qui se passait dans la tête de la jeune fille. Obnubilé que vous étiez par votre propre image, combien de pages dans vos livres sur vos yeux clairs et votre minceur.
Vanessa Springora a écrit un livre. Vous vous rendez compte que vous preniez vos désirs pour des réalités. Vous ne voulez pas l’admettre. Elle était là sans être là. Elle était dans votre lit sans y être. Elle ne savait pas où elle était. Elle avait quatorze ans. Elle venait tout juste d’avoir ses règles. Est-ce qu’elle avait fait le deuil de ne plus être une petite fille ? Vous vous êtes posé la question ? Vous vous êtes pris pour le prince charmant, mais vous l’avez réveillée de la mauvaise manière. Vous la voyez dans ce dîner où elle accompagne sa mère, attachée de presse dans l’édition. Vous n’êtes pas n’importe qui. Vous décidez de la hisser plus haut que sa mère, de la sortir de l’ombre de cette femme, d’inverser les générations, de la faire vivre dans un interdit. Sauf pour vous. Dans le cabinet de l’amant. Vous ne comprenez pas que ce soit invivable ?
Vanessa a décidé d’écrire de mon vivant… Vous pensez à votre vivant, à votre respectabilité. Vous déplorez un ouvrage hostile, méchant, dénigrant, destiné à [vous] nuire. Ç’aurait été un tel pied de nez si elle avait fait un truc à votre gloire. Vous ne comprenez pas son hostilité. Et encore moins qu’en analyse elle ait pu découvrir peu à peu votre vrai visage. Vous trouvez ça triste. C’est gai au contraire.
Vous pensiez qu’il n’y avait qu’une version, la vôtre ? La perversion. La version du père comme disait un psychanalyste dans un autre cabinet. Elle vous a servi la soupe à quatorze ans, maintenant c’est fini. Maintenant elle dit ce qu’elle veut.
Dans mon tout premier manuscrit, qui n’a pas été publié, à la toute fin il y avait une vague allusion à l’inceste, que j’ai vécu entre treize et seize ans. Je l’ai fait lire à mon père. Je m’attendais à une réprimande. Pas du tout. Il m’encourageait à aller plus loin, à raconter, mais un peu à la manière de Robbe Grillet, qu’on ne sache pas si c’était vrai ou faux.
L’amour pour les enfants est souvent mêlé de haine. C’est tellement énervant ces êtres qui ne voient pas les choses comme nous. Qui vivent dans un autre monde. Qui rêvent. On a tellement envie parfois de leur mettre la réalité sous le nez, ou sa queue gonflée. C’est tellement marrant de voir la gueule qu’ils font quand ils découvrent que la vie ne va pas être comme prévu.
Le plus drôle, mais ça vous ne l’avez pas vu, c’est qu’ils dissimulent leur déception. Sinon ils ne tiennent pas. Ils ne savent pas exprimer leur angoisse. Ils ne peuvent pas. À la rigueur, une crise de sanglots, pour une bêtise. Ils veulent bien se raconter que c’est délicieux et brûlant pour vous faire plaisir. C’est ce qu’ils veulent vous faire plaisir. Vous en profitez ! Vous trouvez que c’est gentil ? Je vais vous apprendre quelque chose : ce qui sauve les enfants, dans ces situations, c’est qu’ils peuvent faire semblant. Sinon ils étoufferaient avec votre queue dans la bouche ou dans l’anus. Votre odeur d’adulte. Le bruit de vos ablutions dans la salle de bains. Ils font semblant. Ils se dédoublent. Ils disent qu’ils sont contents de vous voir. C’est vrai, mais pas seulement. Ce qu’ils veulent recueillir : votre approbation, être adoubé. Ils ont besoin de ça pour grandir. Vous représentez le savoir, le pouvoir, l’autorité. Tout ce que nos sociétés respectent. Le pouvoir de la culture, celui de l’argent, l’autorité symbolique. On veut être adoubé. Vous en profitez. Abus de pouvoir, classique.
Ça ne dure pas. Surtout si la personne va régulièrement dans le cabinet d’un psychanalyste. Vous trouvez ça triste. Peu à peu les pouvoirs qui se sont exercés contre elle s’évaporent. Elle a cru que vous l’adoubiez alors que vous la mettiez au ban. Son consentement était une fiction, un leurre pour se protéger, en attendant des jours meilleurs. Et vous, candide, aussi naïf que peut l’être un pervers, comme aurait dit Nabokov, vous y avez cru. Ivre, non pas du vin perdu, mais de vous même, de vivre une situation incestueuse sans avoir eu d’enfants. Vous réussissiez un bon coup. Maintenant, c’est fini. Le charme a dû se rompre dans le cabinet du psychanalyste. Et ça, ça provoque en vous une tristesse qui [vous] suffoque.
Ça provoque en moi une tristesse qui me suffoque. Vanessa, beaucoup d’autres, moi-même, c’est exactement ce qu’on a ressenti, une tristesse qui suffoque, quand on avait la queue d’un père ou d’un homme qui aurait pu l’être dans la bouche. Pendant que nos copines vivaient leur adolescence. On se disait : j’ai pas de chance. Je le fais quand même, je fais tout bien comme il a dit. On pensait : ça ne va pas durer, en attendant, fais semblant. Ne lui montre pas que tu es triste.
Vous, vous ne vous gênez pas. Vous vous épanchez. Une tristesse vous suffoque. Ben oui, on ne peut pas jouir tout le temps. Ça s’arrête à un moment.
Au printemps 2018, le gouvernement réfléchissait à une loi qui aurait dit qu’un mineur de moins de quinze ans ne pouvait pas donner son consentement à un acte sexuel avec un majeur. Mais ils ont abandonné l’idée. C’était pourtant tellement logique. On ne peut pas à la fois faire semblant, et donner son consentement à un acte sexuel avec un majeur. Mais ils ont abandonné l’idée. C’était pourtant tellement logique. On ne peut pas à la fois faire semblant, et donner son consentement.
Christine Ango. Tribune libre du Monde du 2 janvier 2020
Je suis née en 1960. Dans les années 1980, je préparais l’agrégation de géographie à l’École nationale supérieure de Saint Cloud. Très souvent je croisais, rôdant dans le parc du même nom, l’écrivain Gabriel Matzneff, reconnaissable entre mille avec son allure de dandy et son crâne soigneusement rasé. Il errait en quête de proies, vous déshabillait du regard, pesait sa chance et poursuivait son chemin. Beaucoup trop vieille pour lui déjà ! Matzneff venait de publier Ivre du vin perdu (La Table ronde, 1981), une apologie de la pédophilie où, comme dans l’ensemble de son œuvre, les mères étaient systématiquement dépeintes comme des empêcheuses de baiser en rond, petits garçons comme très jeunes filles. D’ailleurs, toutes les femmes, dès qu’elles dépassaient l’âge nubile, devenaient répugnantes aux yeux de celui qui se qualifiait complaisamment de libertin, alors qu’il n’était qu’un prédateur sexuel, adoubé par une certaine élite parisienne. Cet entre-soi commis au nom de la littérature lui valait de participer à de multiples émissions, où il pouvait épandre sans retenue et sans honte son penchant, sous l’œil émoustillé de barbons persuadés de faire œuvre d’ouverture d’esprit. Et Pivot n’était pas le dernier à déguster la prétendue provocation de Matzneff, quoi qu’il prétende aujourd’hui. Ne croyez pas que l’époque était libertine ou tolérante. Cette complaisance ne reflétait absolument pas les mœurs de l’époque. La France profonde n’en pensait pas moins, mais n’avait pas voix au chapitre. La coupure entre une élite hors sol, totalement déconnectée des réalités quotidiennes et des valeurs de la société, qui est apparue clairement avec la crise dite des gilets jaunes, a été un des moteurs des révolutions sociales françaises.
L’indécence Matzneff choquait profondément déjà. Je tiens à le dire car l’histoire s’écrit souvent de façon biaisée, et laisser penser que les années 1980 étaient celles de l’acceptation de la pédophilie serait un mensonge. Les jeunes que nous étions alors ressentions ces écrits et ces paroles comme d’insupportables offenses. L’indécence avec laquelle cet homme, qui avait l’âge de nos parents, se complaisait dans l’étalage de sa débauche, de la façon dont il trompait la confiance des familles, séduisait et abusait des enfants qu’on lui confiait en toute naïveté – car justement les mères étaient loin d’imaginer pareille perversion – nous était simplement insupportable. Mais nous n’avions pas voix au chapitre, nous ne pouvions que subir. Aujourd’hui, je suis heureuse que les femmes qui ont été des jeunes filles osent enfin prendre la parole, et que les jeunes femmes d’aujourd’hui se rebellent, dénoncent, racontent. Il est temps que la honte change de camp, résume ma fille, l’écrivaine Ariane Fornia. Le livre de Vanessa Springora, que je n’ai pas encore lu, remet sans doute enfin les pendules à l’heure : non, il n’est pas et il n’a jamais été acceptable que des personnages abusent de leur position d’autorité pour saccager la jeunesse d’êtres vulnérables et sans défense, chez nous comme dans les pays pauvres, puisque le tourisme sexuel continue d’être assidûment pratiqué.
Sylvie Brunel. Tribune libre du Monde du 2 janvier 2020
C’était votre bon vieux temps. On s’habillait en jean ou en dandy. Les uns rêvaient d’une révolution menée par les adorateurs de Mao. Les autres, comme vous, regrettaient les églises où l’on chantait en latin. Mais l’on respirait en tout cas un parfum du XVIII° siècle à la cour du Duc d’Orléans : tout était permis à l’élite intellectuelle – ou supposée telle – à commencer par le viol des enfants. La littérature n’était elle pas, rappelait ce samedi un célèbre animateur d’émissions littéraires, au-dessus de la morale ? Or, vous étiez écrivain. Un écrivain sans best-seller, malgré votre prix Renaudot 2013, au point que la Ville de Paris et le Ministère de la Culture avaient dû vous loger et vous verser une pension, mais non sans talent et sans élégance. Jean d’Ormesson ne voyait-il pas en vous un séducteur intellectuel, et François Mitterrand un séducteur impénitent, mélange de Dorian Gray et de Dracula, tandis qu’un grand journal du soir, publiait en 1977 une pétition contre une révision du Code Pénal qui aurait pu protéger les enfants des prédateurs sexuels, vous comparait à Gide et Casanova et vantait votre œuvre d’homme cultivé qui ose briser les tabous ? Un admirait votre charme slave hérité de parents russes, forcément princes plutôt que bourgeois. On admirait aussi votre audace : non seulement vous êtes capable de dépenser en une nuit avec une adolescente ou deux petits garçons toute la subvention de la République française dans un palace de Venise ou de Bangkok, mais au contraire de ces minables curés condamnés à assouvir leurs désirs en cachette, vous vous en vantiez. Sartre, Beauvoir, Sollers et bien d’autres adoraient ça. Et quand Denise Bombardier osait vous le reprocher, on la traitait de mal baisée Mais voilà, les temps ont changé. L’affaire d’Outreau nous a dévoilé en 1997 la hideuse vérité des pédophiles. L’une de vos anciennes proies, Vanessa Springora vous dénonce aujourd’hui en utilisant vos propres armes : un livre (Le Consentement Grasset) et le talent. Nous découvrons soudain que l’an dernier, 8 700 viols de mineurs – plus d’un par heure – ont été commis en France.
Et nous en sommes scandalisés. Ce grand retournement des mentalités, vous, l’artiste trop imbu de son talent, n’avez pas su le pressentir. Vous en voilà donc, à 83 ans, la victime expiatoire.
Christine Clerc. Le Midi Libre du 5 01 2020
Gabriel Matzneff est passé, depuis quelques jours, de sujet à objet. Lui, le sujet, le sujet désirant, tout puissant, sulfureux, le sujet écrivain, admiré, l’invité d’Apostrophes, récompensé, adoubé par le président de la République (François Mitterrand, à l’époque), gratifié de 12 000 euros puis de 6 000 euros par an par le Centre national du livre [le CNL, qui lui accordait une aide de l’État réservée aux écrivains en difficulté financière], décoré par Jacques Toubon (en 1995), logé par la Ville de Paris, est tombé de l’autre côté. Du côté de l’opprobre. De la chosification. Objet de la vindicte populaire, objet de haine, d’abjection. Il est tombé du côté de sa proie, du mauvais côté du manche : il est devenu la victime. Autrement dit, de prédateur, il est devenu l’objet d’une prédation. Le loup pris à son propre piège. Faut-il s’en réjouir ? La réponse est non.
Tomber à bras raccourcis sur un homme qui n’a jamais caché ses préférences et les a publiées noir sur blanc avec l’assentiment ravi et vaguement excité de ses pairs confine à la plus pure hypocrisie. Plutôt que de vouloir retirer à Matzneff sa pension du CNL ou l’insigne des Arts et Lettres qu’il reçut du gouvernement, je propose plus logiquement qu’on demande des comptes aux instances officielles qui l’accablent aujourd’hui et le célébraient hier. Je propose le procès du ministère de la culture, l’examen de conscience de la société tout entière, et le procès de la complicité de l’intelligentsia, mieux que celui d’un homme seul et aux abois, si contestable soit-il. L’époque, qui aime la polarisation et porte aux nues le couple infernal du bourreau et de la victime, se divise en deux : d’une part, ceux qui le défendent ou l’excusent au nom d’une contextualisation qui menace de tout relativiser, de l’autre ceux qui l’accablent et le vouent aux gémonies au risque de l’anachronisme. Double myopie antihistorique. Résultat ? La curée, l’épuration, les hurlements. Les deux camps ont tort, en ce qu’ils sont enfermés dans le jugement moral, libéral ou conservateur, dans une forme d’inquisition qui ne sert personne, et certainement pas la principale intéressée : Vanessa Springora, auteure du Consentement (Grasset, 216 p.), récit de sa relation avec G. M. alors qu’elle avait à peine 14 ans et lui 50. La lente emprise de l’ogre.Or ce que ce récit sans afféteries évite, précisément, c’est le manichéisme. Ce qu’il décrit, ce sont les manœuvres d’encerclement, l’emprise lente de celui qu’elle nomme bien un ogretout en détaillant un système qui fait d’elle une proie consentante. La question que ce livre pose est celle de son titre : qu’est ce que le consentement, a fortiori lorsque celui ci est non pas donné spontanément, mais supposé, subodoré, entendu, extorqué, exigé et, finalement, dénaturé ? Victime consentante, voilà l’oxymore, si commodément accepté et même plébiscité par la société, qui rapporte les femmes à leur acception élémentaire : des putes qui veulent réussir. Ce que dénonce Vanessa Springora résonne de façon troublante avec les propos d’Adèle Haenel, harcelée adolescente par le metteur en scène Christophe Ruggia : la violence d’un système qui oblige l’enfant ou la très jeune fille à penser qu’elle désire ce qu’on lui impose. C’est un système très pervers et subtil, parfaitement huilé, celui de l’abus de pouvoir, dont la compréhension exige des années d’analyse, d’introspection et de bonne foi de chaque partie.
Le mouvement #metoo a ouvert le débat. Tant mieux. Les femmes parlent, on les écoute, c’est bien. Elles s’expriment, expliquent, témoignent. Elles passent, enfin, d’objets à sujets. Mais aucun homme n’a, jusqu’ici, en France, fait amende honorable. Et dit : Oui, j’ai violé/agressé/ harcelé/untel, une telle. Comment est ce possible ? Polanski s’enferre, Matzneff persiste et signe, Besson fait le gros dos. Des millions de menteuses contre des artistes intouchables et innocents ? Allons donc.
Laure Murat, essayiste et historienne, enseigne la littérature à l’université de Californie à Los Angeles (UCLA) Tribune libre dans Le Monde du 9 01 2020
Ayant franchi la barre des soixante ans, je me souviens du climat ambiant des années 1980 concernant la complaisance plus ou moins générale vis à vis de la pédophilie, défendu […] par les milieux intellectuels, c’est à dire par ceux qui avaient la parole, puisque bien sûr ce sont eux qui font l’opinion et cela à toutes les époques, à tort ou à raison. C’était le temps ou Serge Gainsbourg pouvait écrire une chanson intitulée Lemon Incest et la chanter avec Charlotte, 13 ans, sans que personne ne formule d’objection. Pourtant, il y aurait eu matière à être choqué ! Aujourd’hui, les curseurs ont changé et voilà que l’on somme les interviewers de l’époque (Bernard Pivot) de se justifier. Il faut des coupables collatéraux, coupables de n’avoir pas, en 1980 adopté à l’avance le mode de pensée et la morale des années 2020. Curieux temps, pas forcément rassurant.
M. Charreyron , courriel à Téléprama 3653 du 18 au 24 janvier 2020
Tu récolteras ce que tu as semé.
La Bible. Ezéchiel 18, 1-32
8 01 2020
Recep Tayyip Erdoğan et Vladimir Poutine inaugurent le TurkStream, un gazoduc à 2 tubes entre la Russie [Anapa] et La Turquie d’Europe [Lüleburgaz]. Le premier tube de 1 090 km de long acheminera 15.85 milliards de m³ vers l’Europe, le second, pour le seul usage de la Turquie, fait 930 km sous la Mer Noire et 65 km sur le sol de la Turquie : il approvisionnera le réseau turc déjà en place à raison de 15.75 milliards de m³ par an..
11 01 2020
Les autorités australiennes sont coupables de non-assistance à nature en danger : leur pays brûle et ils regardent ailleurs : On croirait l’apocalypse. Une catastrophe nationale est en train de se produire, qui, chaque jour, crée de nouveaux chocs. Le ciel est en feu, Une telle rapidité et une telle furie, On dirait une zone de guerre. Voilà quelques unes des phrases employées pour saisir la violence des incendies par ceux qui les combattent. Cela fait maintenant trois mois que le feu ravage des terres déjà grillées par la sécheresse et des arbres assoiffés par des vagues de chaleur précoces [l’été débute en décembre dans l’hémisphère Sud]. La surface de forêt rasée à ce jour est six fois supérieure à celle de la forêt amazonienne détruite pendant toute l’année 2019. Une superficie équivalente à celle d’un cercle de rayon Paris-Rouen a été réduite en cendres. Le sud du littoral de la Nouvelle Galles du Sud, à cette période de l’année plein à craquer de familles en vacances, est en train d’être évacué alors qu’une localité après l’autre disparaît sous les flammes. Dans l’État de Victoria, des milliers de personnes se sont retrouvées piégées sur une bande de terre coupée du continent par le feu et la marine a été mobilisée pour les secourir par bateau. Le nombre d’animaux qui ont déjà péri est estimé à 1 milliard. Des colonies entières de koalas ont été réduites à néant. Des renards et des chats errants attendent aux abords des fronts de flammes que de petits mammifères et reptiles en fuite leur courent tout droit dans la gueule. Et cela fait des semaines que Canberra, pour l’heure épargnée par les flammes, suffoque sous un épais manteau de fumée provenant des gigantesques incendies qui ravagent l’est et le sud-est de la capitale. Depuis des jours, la ville affiche l’indice de pollution le plus élevé de toutes les métropoles du monde, un indice plus élevé que celui de New Delhi ou de Pékin, avec des niveaux souvent dix à vingt fois supérieurs aux seuils jugés dangereux. La journée du samedi 4 janvier a été la plus chaude depuis l’existence des relevés de température, avec 44 °C à Canberra. À Penrith, dans la banlieue de Sydney, le thermomètre a atteint la température écrasante de 49 °C, une chaleur qui coupe le souffle rien qu’à y penser. Ces feux ont quelque chose de fou. Des pompiers chevronnés racontent n’avoir jamais rien vu de la sorte. Nous ne disposons pas des concepts ni de l’expérience qui nous permettraient de saisir ce qui est en train de se passer. Les Australiens qui ne combattent pas les feux et ne participent pas aux secours regardent les images médusés. Les incendies des étés précédents étaient un spectacle, un spectacle que l’on regardait en sécurité, de son salon, en ville. Mais pas cette fois. Le spectacle s’est métamorphosé en une bête qui sillonne le pays en détruisant tout sur son passage. Les incendies créent des phénomènes météorologiques alors qu’ils traversent les forêts. Les personnes qui restent pour défendre leur propriété contre le feu parlent de gigantesques murs de flammes qui projettent des pluies de braises, lesquelles enflamment tout alentour. Un rugissement de trains de marchandises se fait entendre, tandis que les animaux hurlent. Les Australiens, qui ne prêtaient jusque là pas attention aux discours des climatologues du monde entier, observent ces scènes avec horreur. Ce que nous redoutions est en train de se produire ; mais nous pensions que nous aurions encore deux ou trois décennies avant d’avoir l’impression de vivre l’apocalypse. Or, l’avenir est arrivé, et ce que les prochaines années ont à nous apporter nous remplit d’effroi. L’ampleur de la catastrophe est telle qu’il est impossible de nourrir un quelconque sentiment de satisfaction à l’idée d’avoir eu raison. Mais il est également impossible de faire taire la rage ressentie à l’encontre des responsables politiques et des lobbyistes du charbon [l’extraction de la houille est un secteur important en Australie] qui font semblant de prendre les avertissements des scientifiques au sérieux ou les traitent de chimères. Ces incendies nous envoient un message : Voilà ce que la Terre fait lorsque l’homme consomme des énergies fossiles à tout va et réchauffe la planète. Cela fait des années que l’on nous dit que, parmi les pays industrialisés, l’Australie est le plus exposé aux conséquences du réchauffement climatique. Or, le gouvernement australien est aux mains de climatosceptiques qui ne reconnaîtront pas que ces incendies infernaux surviennent plus souvent et avec plus de violence à cause du réchauffement mondial. Notre gouvernement s’oppose à des réductions plus massives des émissions mondiales de CO2 et encourage activement le développement de la colossale mine de charbon du groupe Adani dans le Queensland. Une vague de dégoût
Je pensais autrefois que des catastrophes manifestement causées par le changement climatique feraient tomber les murs psychologiques du déni. Mais je me trompais. Il est à présent clair que ceux qui sont dans le déni regarderaient le pays entier partir en fumée plutôt que d’admettre qu’ils avaient tort. Leurs maisons peuvent brûler, leurs familles finir calcinées qu’ils continueraient de trouver le moyen de nier les preuves du changement climatique. Le premier ministre conservateur, Scott Morrison, contraint par la colère des Australiens de rentrer des vacances qu’il passait à Hawaï tandis que le pays brûlait, déploie tous les talents qu’il a développés au cours de sa précédente carrière dans le marketing pour pointer du doigt des facteurs autres que le changement climatique. En 2019, 23 anciens responsables de services de gestion de situations d’urgence et d’incendies se sont regroupés et ont tenté d’obtenir un rendez vous avec le premier ministre pour l’avertir des catastrophes sur le point de se produire et de la nécessité de s’y préparer. Les catastrophes sont bien plus désastreuses qu’ils ne le pensaient et ils ont peur. Mais le premier ministre a ignoré leurs demandes de rendez vous. Et maintenant ? Difficile de savoir comment le traumatisme s’exprimera quand les feux se seront éteints et que le pays commencera à se relever. Certes, il y aura la gratitude pour les pompiers qui se sont battus jusqu’à l’épuisement. Il y aura l’aide aux personnes traumatisées et la détermination de reconstruire les vies brisées. Mais on peut aussi s’attendre à une vague de dégoût envers ces responsables politiques qui nous ont si magistralement trahis, et à une poussée de militantisme en faveur d’un changement. Au-delà de tout cela, il y aura le deuil. Le deuil de ceux qui ont péri, des villes détruites, des magnifiques forêts carbonisées et désormais silencieuses, des innombrables oiseaux et autres animaux calcinés ou morts de faim parce que leur habitat a été détruit. Mais nous devrons aussi faire le deuil de quelque chose de plus difficile à définir : la mort de l’avenir. Ces incendies, comme les catastrophes causées à travers le monde par le changement climatique, font voler en éclats notre vision du monde. D’une façon ou d’une autre, nous devons commencer à imaginer un nouvel avenir sur une Terre de plus en plus chaude, une Terre de plus en plus hostile à la vie humaine.
Clive Hamilton. Philosophe, professeur d’éthique publique à l’université Charles-Sturt à Canberra et ancien membre du Conseil australien sur le changement climatique. Il a notamment écrit Requiem pour l’espèce humaine (Presses de Sciences Po, 2013) et Apprentis sorciers du climat (Seuil, 2013) Traduit de l’anglais par Valentine Morizot
Netflix s’installe en France :
Netflix inaugure son premier bureau à Paris, situé proche de l’Opéra Garnier. L’installation coïncide avec un accord passé entre Netflix et le gouvernement français qui implique davantage de soutien pour les productions françaises. 100 millions € devraient être investis dès 2020 pour un objectif de 20 créations par an, contre 24 au cours des six dernières années.
Netflix est un opérateur OTT – Over The Top – il utilise les infrastructures des fournisseurs d’accès à Internet pour proposer ses offres en direct aux consommateurs. Autrement dit, il n’est ni une chaine de télévision (comme Canal +) ni un opérateur Télécom (comme Orange, qui a créé le service video à la demande OCS) ni même une entreprise établie dans le secteur du cinéma ou de la télévision.
Les activités principales de Netflix sont l’exploitation et la distribution de films et de séries télévisées. Elle a majoritairement recours à la diffusion d’œuvres déjà sorties au cinéma ou déjà diffusées à la télévision. L’entreprise détient aussi les licences de contenus qu’elle distribue en exclusivité. Ceux-ci, appelés Netflix Originals, ne représentent en 2023 que 16 % du contenu proposé par la plateforme. En distribuant ces contenus, l’entreprise négocie avec les sociétés de production la diffusion exclusive dans tous les pays et l’absence d’exploitation commerciale en DVD en contrepartie de la couverture des coûts de production. Dans d’autres cas, Netflix acquiert les droits de diffusion d’un contenu en exclusivité sur des marchés où celui-ci n’est pas déjà diffusé, ce qui lui vaut l’appellation de Netflix Original sur ce marché
Deuxièmement, le nombre de clients de Netflix ne cesse de croître au cours de la décennie, atteignant 41,43 millions d’abonnés payants en 2013, 54,48 millions en 2014, 70,84 millions en 2015, 89,09 millions 2016, 110,64 millions en 2017, 139,26 millions en 2018, 158,33 millions 2019, pour enregistrer en 2020 plus de 200 millions d’abonnés payants, dont 750 000 en France.
La première série exclusivement distribuée sur la plateforme est le drame américain House of Cards diffusé à partir de 2013 (les droits de diffusion ont été accordés à Canal +en France avant que Netflix n’y soit disponible en 2014).
À la fin de la décennie 2010, Netflix procède à un changement radical dans sa stratégie de distribution et diversifie ses activités. En 2018, elle projette trois de ses films en avant-première au cinéma avant de les proposer à ses abonnés sur Internet. Cette nouvelle orientation vise à entrer dans le giron de l’Académie des Oscars pour attirer des réalisateurs ou des acteurs prestigieux, qui ne souhaitent participer à des films que s’ils sont susceptibles d’être récompensés. C’est aussi un moyen pour Netflix de radoucir ses relations avec Hollywood et l’industrie cinématographique traditionnelle. En parallèle, Netflix se lance en 2017 dans le développement et l’édition de jeux vidéos avec un premier jeu inspiré de la série Stranger Things : The Game développé pour smartphones. Puis la plateforme édite en 2019 le jeu Stranger Things 3 : the Game pour consoles de salon.
Deux obstacles s’opposent à l’essor de Netflix en France : la domination des box élément clé de l’accès à la télévision. Or, au moment de son lancement, Netflix n’a conçu un accord qu’avec Bouygues Télécom, le plus petit du quatuor des opérateurs télécoms. Mission accomplie : Orange et SFR se rallient quelques mois plus tard. Et Free ferme la marche en décembre 2018.
L‘autre obstacle se trouve dans le cœur de l’activité du site de streaming : sa richesse créative et l’étendue de son catalogue. Compte tenu des contraintes réglementaires, la chronologie des médias imposant de longs délais pour diffuser des films récents par exemple, et d’autres facteurs (la diffusion de l’emblématique House of Cards par Canal+, qui en détient alors les droits), les contenus disponibles pendant les premiers mois font pâle figure par rapport à ceux proposés aux Britanniques. La parade ? miser sur des séries plébiscitées dans d’autres marchés, aux Etats-Unis comme dans le reste du monde.
Mix de La Tribune Dimanche et de Wikipedia
25 01 2020
C’est le premier jour de la nouvelle année lunaire chinoise. Xi Jinping déclare l’état d’urgence sanitaire pour lutter contre le coronavirus nommé 2019-nCoV dans un premier temps, puis SARS-CoV-2 ; le Covid-19 ne désignera pas le virus, mais la maladie qu’il provoque. – découvert à Wuhan, 11 millions d’habitants, sur les bords du Yangzi. Plus précisément, la bestiole se serait mise au contact des humains sur le marché d’animaux sauvages, vivants et infectés, caché dans une chauve-souris ou dans un pangolin. Mais peut-être aussi serait-elle sortie d’un laboratoire au sein du Centre de contrôle et de prévention des maladies, tout proche – 280 mètres – de ce marché de fruits de mer. L’un de ses chercheurs serait parti plusieurs mois pour capturer des chauve-souris dans des grottes et aurait du rester confiné quelques semaines au retour… Il existe aussi à Wuhan un National High Level Biosafety Laboratory, laboratoire de niveau P4, dirigé par Shi Zhengli, à la création duquel a participé la France : Bernard Cazeneuve y est venu le 23 février 2017 pour l’inauguration et le consul de France à Wuhan, Olivier Guyonvarch y était le 24 janvier 2019. Mais il semble que la collaboration franco-chinoise se soit limitée au principe d’un versement d’un million d’€ par an, car il est certain qu’aujourd’hui ce laboratoire n’emploie aucun chercheur français, et sa directrice finira par disparaître. Il se trouve à 12 km du marché. Le rapport entre le nombre de contaminés déclarés (symptomatiques) et le nombre réel (asymptomatiques) est à peu de choses près celui de la partie émergée d’un iceberg et sa partie immergée.
Cinq ans plus tard, de nombreux chercheurs de tout aussi nombreux pays disent ne pas pouvoir être en mesure de déterminer l’origine du virus, entre le laboratoire de Wuhan et son marché aux animaux sauvages et infectés.
De toutes façons, quelle que soit la nocivité de ce coronavirus, on connait aussi ses limites, car on sait qu’en aucun cas, il ne sera à même de faire disparaître la connerie et la cupidité, et cela impose aussi des limites au monde nouveau que l’on va essayer d’inventer à la sortie de crise, à grands renforts d’effets de manche et d’incantation qui viendront se fracasser contre les murs de la connerie et de la cupidité qui seront restés debout.
Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos dans une chambre.
Blaise Pascal
Bon… on est tout à fait en droit de dire que le jour où Pascal a écrit cela, il aurait mieux fait de rester au lit…
Disons que je suis fou et que je veux tuer un bébé : je ne lui fais rien, je le laisse seul dans une chambre, dans le silence, privé de la tendresse des siens : il mourra, même bien nourri… Nous avons des yeux pour voir, des oreilles pour entendre, un nez pour sentir, une bouche pour manger, boire et surtout parler, et un sexe pour faire l’amour : se refuser à faire fonctionner tout cela n’est que perversion, et croire que cela peut fonctionner dans l’espace confiné d’une chambre est pure sottise. L’homme est un être profondément social : les moines et moniales, reclus de tout poil, ne sont que l’exception qui vient confirmer la règle. Ne parlons pas des prisonniers à l’isolement : ce n’est pas leur choix, c’est celui de la société, ni des confinés qui se voient imposer la mesure comme le meilleur moyen de lutter contre le coronavirus, mais, c’est bien à contre cœur. Donc, il convient bien de dire le contraire de ce que disait Pascal :
Toutes et tous, sauf Monsieur Blaise Pascal
Marie Fontanel, conseillère Santé à L’Élysée en part le 31 janvier, pour aller à Strasbourg soutenir le candidat aux municipales de Strasbourg qui n’est autre que son mari et ce jusqu’à la fin février : ainsi donc, à la veille d’une crise majeure de santé, le président de la République a estimé qu’il était préférable pour elle d’aller apporter son soutien pour les municipales au candidat d’une grande ville de l’est, qu’elle connait bien pour y avoir dirigé [directrice adjointe] l’ARS – Agence Régionale de Santé – avant d’être nommée à l’Élysée. Est-ce donc cela le sens de l’État ?
Agnès Buzyn, ex-ministre de la Santé, puis candidate à la mairie de Paris à la mi-février a remplacé le pitoyable Benjamin Griveau qui s’est embourbé dans une sex-tape plus minable que ça, tu meurs ; elle fera un score qui ne lui laisse aucune chance au second tour ; mauvaise perdante, elle lâchera ce qu’elle a sur le cœur : Dès la fin janvier, j’ai averti le président de la République et le Premier ministre que le coronavirus allait provoquer une catastrophe en France. Avec le poste qu’elle occupait, elle-même étant médecin, entourée d’une kyrielle d’experts scientifiques tous plus compétents les uns que les autres, on serait très imprudent de contester ses affirmations. Dès lors que pas plus Emmanuel Macron qu’Édouard Philippe n’ont voulu tirer les conséquences de ces déclarations, il ne lui restait plus qu’à démissionner et dire publiquement ses raisons : ainsi la parole d’Agnès Buzyn aurait pris tout son poids et ils auraient été mis devant leurs responsabilités ; au lieu de quoi, ils ont préféré la faire taire en lui offrant la place de Griveau, qu’elle a eu la naïveté d’accepter ; dans le cas présent, ce départ valait désertion de poste. S’ils l’avaient écoutée, fin janvier, ils auraient gagné six semaines dans cette guerre, le gain de ces six semaines étant capital en termes de vies humaines sauvées. Mais nos gouvernants ont du goût pour les drôles de guerre. Peut-être bien aussi que, quoiqu’on en dise, quoi qu’on en pense, une femme a encore beaucoup de mal à être entendue au sein d’un gouvernement.
La Chine ne nous a pas inquiété pendant plusieurs semaines. On a l’habitude de voir régulièrement des pathologies très graves dans la région de Wuhan qui n’atteignent jamais l’Europe ou très peu. Ça a été les cas du Sras et du H1N1 pour lequel on s’était affolé pour rien. Donc, on s’est dit, cette fois, que ce serait la même chose, qu’en contrôlant les arrivées d’aéroport en provenance de Chine, ça suffirait, comme d’habitude. On a vraiment commencé à avoir peur quand on a découvert les milliers de cas italiens, on ne comprenait pas pourquoi il y avait tant de malades en si peu de temps. On a alors compris qu’il y avait beaucoup de personnes atteintes mais asymptomatiques qui étaient contagieuses sans que personne ne le sache. Et puis, au même moment, on a vu quatre cas en Allemagne que l’on pouvait rattacher à une simple réunion en entreprise. Or, jusque là, la contagion semblait intra-familiale. Ces cas allemands montraient que le coronavirus était extrêmement contagieux, beaucoup plus qu’on ne l’imaginait. Ça a été le signal d’alarme.
Anonyme, haut-responsable dans les milieux ministériels. L’Obs 2890 du 26 mars au 1° avril 2020
27 01 2020
Dans la foulée, Robert Badinter, 91 ans, va donner du canon, à l’instar de de Gaulle en 1968 : LA CONTESTATION, OUI, LA CHIENLIT, NON ! et d’un Beuve Méry titrant à la Une du Monde, fin mai 1968 : ÇA SUFFIT !
On ne pas admettre dans la République française, qu’on promène la tête de quelque homme ou femme politique que ce soit au bout d’une pique avec ce que cela signifie, ce n’est pas admissible, je le dis du fond du cœur. […]
Rien n’excuse ce degré de violence, non pas encore physique mais verbale. La représentation d’une tête au bout d’une pique, qui n’est rien d’autre que la continuité de la guillotine, est à mes yeux absolument, totalement condamnable. Derrière le symbole il y a la pulsion, et s’il y a la pulsion il y a la haine, et la volonté de détruire physiquement l’adversaire. Vous avez tous les moyens, toutes libertés, l’expression, le défilé, la manifestation, le slogan, ce que vous voulez, mais pas la violence physique, pas l’agression des êtres humains, pas non plus la symbolique de la mort, parce que la mort n’est pas compatible avec nos idéaux.
Robert Badinter à C dans l’air sur France 5 le 27 janvier 2020
Il était grand temps qu’une grande voix s’élève… Voilà qui est fait. Monsieur Badinter, merci, merci, et encore merci.
Mais cet appel sera-t-il suivi d’effet… on peut en douter quand, trois ans plus tard on entendra Izïa Higelin, 32 ans lancer un appel au lynchage d’Emmanuel Macron, sur scène, à Beaulieu sur Mer, près de Nice, pour s’en défausser quelques heures plus tard, – plus faux cul que ça, tu meurs – et en en découvrant l’aspect contre productif : la pauvre fille à la cervelle fracassée ne pensait pas qu’il était aussi facile que cela de se tirer une balle dans le pied.
30 01 2020
La Cour Européenne des Droits de l’Homme condamne la France pour les conditions de détention dégradantes et inhumaines des détenus. La surpopulation carcérale est chronique – parfois 3 détenus dans une cellule de 9 m², absence de tout recours judiciaire effectif à disposition des prisonniers. Un bon tiers des détenus souffre de troubles psychiatriques sans être soignés. Il y a plus de cinquante ans qu’aucun gouvernement n’est parvenu à améliorer de façon significative le sort des prisonniers.
02 2020
Le Burkina Faso avance à vitesse grand V vers une des pires catastrophes humanitaires : au 10 février, on compte déjà plus de 600 000 déplacés, qui fuient les djihadistes fous, qui violent, tuent, les vieux, les enfants, les femmes et surtout n’oublient pas d’emporter le bétail. C’est le nord, quasiment désertique qui est touché, et le désert est le meilleur allié de ces barbares. 160 morts en un seul jour le 5 juin 2021 à Solhan, au nord-est. 53 morts, dont 49 gendarmes, à Inata, dans le nord le 14 novembre 2021. 31 morts, 17 blessés, près de Bandiagara, au Mali, le 3 décembre 2021. 1 400 morts de 2015 à 2021.
Avancement des travaux de reconstruction du pont Morandi de Gênes, 18 mois après la catastrophe. Ils sont effectués par l’entreprise PerGenova, consortium de deux géants italiens du TP : le groupe Salini et l’armateur Fincantieri. Architecte : Renzo Piano. Pareille rapidité et efficacité sont incroyables… dans le monde entier, mais encore plus en Italie : travail 7 j/7, 24 h/24, 12 chantiers menés de front. Le dynamitage des piles restant debout est de fin juin 2019. Et pourtant, il n’y a là aucun miracle : il a suffi de faire en sorte que la mafia ne puisse venir planter ses crocs sur ce pactole… c’est là le plus grand exploit, certes, mais ce n’est tout de même pas un miracle. Et le pont San Giorgio sera inauguré le 3 août 2020, 23 mois après la catastrophe – un ralentissement pendant la crise sanitaire, mais aucun arrêt -. L’Italie a des problèmes, certes mais si pareille prouesse est possible, c’est bien que la maladie n’est pas incurable.
03 2020
Les accords de Doha entre les Talibans afghans et les États-Unis de Donald Trump, ont été signés deux jours plus tôt, mettant fin à la guerre que livrent les talibans au gouvernement afghan légalement en place. Les talibans n’auront donc pas attendu plus de deux jours pour reprendre les hostilités ? Et qu’y -a-t-il d’étonnant à cela ? La seule chose étonnante c’est d’avoir cru que cela pourrait marcher, d’avoir cru qu’un pays tiers pourrait négocier avec l’un des belligérants, à l’insu du pouvoir politique légal, lui imposant ainsi des mesures qu’il n’était pas du tout prêt à prendre. Comment peut-on être aussi naïf en même temps que stupide à en pleurer ?
Angus Campbell, chef d’état-major des armées d’Australie, Greg Moriarty, secrétaire à la Défense d’Australie, Michael Noonan, amiral, chef d’état-major de la marine d’Australie sont réunis autour de Scott Morrison, premier ministre, conservateur, d’Australie, qui lance : pourquoi pas de doter de sous-marins nucléaires ? Le ver était ainsi dans le fruit, qui aboutira, complicité aidante des États-Unis et de la Grande Bretagne, à la dénonciation du contrat passé avec la France quatre ans plus tôt pour la livraison de 12 sous-marins à propulsion diesel ; donc le changement de cap veut se dire technique au départ, mais c’est faux, car lorsque la France dira, dans les mois suivants : mais si vous voulez, on peut faire de la propulsion nucléaire, les Australiens feront la sourde oreille.
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[1] 250 tonnes de plomb pour la flèche, mais il y en avait aussi 210 sur l’ensemble de la toiture, soit 460 tonnes de plomb qui ont fondu.
[2] Gérard Mulliez, actionnaire principal et fondateur d’Auchan [Hauts Champs] est une des premières fortunes de France. L’architecte de ce projet est Valode et Pistre architectes.