du 2 08 2022 au 31 12 2022. Le Baluchon. Les cambrioleurs de la Sécurité Sociale. Manque d’eau. La reine d’Angleterre et le dieu du foot tirent leur révérence. Sabotage des gazoducs Nord Stream. 18896
Le navigateur breton Yann Quénet est arrivé ce mardi 2 août au soir à Trébeurden (Côtes-d’Armor), bouclant ainsi un tour du monde de trois ans à bord d’un voilier d’à peine quatre mètres, Baluchon, conçu et construit par ses soins pour 4 000 €.
Après un soleil magnifique et une mer d’huile l’après-midi, le petit navire a fait son entrée vers 19 h 00 au port de Trébeurden dans une épaisse brume de chaleur. Son bateau amarré, Yann Quénet a mis pied à terre, pieds nus, après une dernière navigation depuis les Açores qu’il avait quittés le 12 juillet.
Interrogé sur la portée de son exploit sur une coque de noix, construite en 400 heures, sans moteur et dépourvue de communication avec la terre, il a relativisé la performance, expliquant : c’était un vieux rêve et j’ai réalisé mon rêve, avant d’aller rejoindre ses amis.
Avant de rejoindre son port d’attache, Saint-Brieuc, Yann Quénet devait recevoir mercredi la visite d’un autre grand marin, Olivier de Karsauson , rencontré durant son escale en Polynésie.
Parti au printemps 2019, le jeune quinquagénaire a traversé l’Atlantique, puis le Pacifique jusqu’aux îles Marquises. Après Tahiti et la Nouvelle-Calédonie, le marin avait prévu de faire escale en Nouvelle-Zélande et en Australie mais la pandémie en a décidé autrement : en raison de la fermeture des frontières, Baluchon a dû faire route directement de Nouméa jusqu’à la Réunion, soit 77 jours de mer, en longeant l’Australie par le nord.
Défi parmi les défis dans cette traversée au long cours : les réserves d’alimentation et surtout d’eau. À chaque départ, le cockpit était bordé de bidons d’eau au milieu desquels Yann Quénet trouvait juste la place de s’allonger. En l’absence de dessalinisateur, je me suis rationné à deux litres d’eau par jour, précisait-il en cours de voyage.
Huffpost du 6 08 2022
Le tour du monde avec mon Baluchon sortira en novembre 2022 au Cherche-Midi
Yann Quenet sur son Baluchon, un peu moins de 4 mètres et 4 000 € !
13 08 2022
Le Monde est parvenu à interviewer les ministres de la Santé depuis vingt ans, et cela donne un bon tableau de la situation de la Santé publique.
Tout notre système de santé est à bout de souffle. C’est lors de sa prise de fonctions, en juillet, que le nouveau ministre de la santé et ancien chef des urgences de l’hôpital de Metz-Thionville, François Braun a dressé ce constat alarmiste. La pénurie de médecins, d’infirmières et d’aides-soignantes a déjà provoqué, aux premiers jours de l’été, la fermeture ou le fonctionnement dégradé de plus de cent vingt services d’urgence dans le secteur public.
Pour remonter aux racines de cette crise profonde du système hospitalier, Le Monde a interrogé plusieurs des ministres de la santé qui se sont succédé au cours de ces vingt dernières années : Jean-François Mattei (2002-2004), Xavier Bertrand (2005-2007, puis 2010-2012), Philippe Bas (quelques mois en 2007, mais aussi ministre délégué à la Sécurité sociale de 2005 à 2007), Roselyne Bachelot (2007-2010), Marisol Touraine (2012-2017) et Agnès Buzyn (2017-2020). Nous leur avons demandé, si c’était à refaire, quelles réformes auraient dû être engagées ou au contraire amendées, pour éviter la crise actuelle. Tous ont un regard critique sur la politique de santé engagée depuis le tournant du XXI° siècle, mais souvent moins sévère sur leur propre bilan Avenue de Ségur.
La France estime dans les années 1970 qu’elle risque d’avoir trop de médecins. Un numerus clausus est alors mis en place pour limiter le nombre d’étudiants admis en deuxième année de médecine, sans réelle évaluation des besoins en santé, en partant de l’hypothèse que plus il y a de médecins, plus il y a de prescripteurs et plus le déficit de la Sécurité sociale se creuse. Le monde médical y voit aussi son avantage : contenir le nombre de praticiens permet de limiter la concurrence et de garantir les revenus. La mesure conduit logiquement à un effondrement du nombre de médecins formés, avec une diminution de près de 60 % au milieu des années 1990.
Quand je suis arrivée au ministère en 2017, raconte l’ex-ministre de la santé Agnès Buzyn, je savais que le système de santé était en tension. La première chose que j’ai demandée à mes équipes a été de me montrer les projections démographiques. Quand j’ai vu les courbes, j’ai été paniquée. J’ai vu que les départs à la retraite projetés des médecins formés dans les années 1970 et le nombre de médecins formés faisaient une courbe en V, dans les dix ans à venir. Nous n’avions aucun moyen de maintenir le même nombre de médecins – déjà insuffisant en 2017 – sur le territoire.
Pour celle qui fut ministre sous Emmanuel Macron, il aurait fallu élargir plus tôt et plus largement le numerus clausus. Il a été desserré au début des années 2000, mais de façon trop progressive. On a perdu plus de quinze ans. En 2000, nous étions à 4 000 médecins formés par an, maintenant, avec son remplacement par le numerus apertus [les facultés fixent le nombre de places disponibles en deuxième année de médecine en lien avec l’agence régionale de santé], nous en sommes à 10 000-12 000. Nous aurions dû d’emblée changer la donne, parce que là, nous allons vivre des années horribles.
La responsabilité du numerus clausus dans la pénurie actuelle de médecins fait aujourd’hui consensus. C’était insensé, totalement absurde, lâche Jean-François Mattei, qui est arrivé au ministère de la santé en 2002. C’est moi qui ai amorcé sa remontée. Je suis celui qui a certainement le plus augmenté le numerus clausus, renchérit Xavier Bertrand, en dénonçant un raisonnement complètement technocratique, guidé par une logique imposée notamment par les comptables de Bercy. On a eu un vrai débat, poursuit-il, pour ne pas dire un combat, avec le ministère de l’enseignement supérieur, mais aussi avec les doyens des facultés, qui affirmaient que nous n’aurions pas forcément les capacités d’accueil pour les étudiants en médecine.
La responsabilité du numerus clausus dans la pénurie actuelle de médecins fait aujourd’hui consensus
Tandis que le nombre de médecins chute, la population française vieillit, et le besoin en soins liés aux maladies chroniques explose. Dans les années 1970, la plupart des malades avaient des maladies aiguës, des infections, des infarctus, des AVC, souligne Agnès Buzyn. On n’avait pas perçu à quel point les progrès thérapeutiques allaient permettre de prolonger la vie des gens, mais avec des maladies chroniques. On n’avait pas non plus perçu que le monde de la santé allait se féminiser considérablement et que l’aspiration des jeunes générations à avoir un équilibre vie professionnelle-vie familiale allait grandir. Aujourd’hui, les médecins veulent avoir des horaires décents, ajoute-t-elle. Or, les projections démographiques ne prenaient en compte que le nombre de médecins, et non pas le temps médical disponible. Sans compter que la population aspire à accéder très facilement aux soins, estime que c’est un droit. Tout ça n’a pas du tout été anticipé à cette échelle-là.
En outre, si la France continue aujourd’hui de recruter des médecins étrangers pour compenser son manque de praticiens, l’ancienne ministre prévient que le besoin en infirmières et médecins a incroyablement augmenté dans le monde entier. L’OMS considère qu’il manquait 18 millions de soignants en 2020 et estime qu’il en manquera autour de 30 millions dans les années 2030-2040. Les choses s’aggravent.
En 2002, lorsque Jean-François Mattei, lui-même médecin, arrive au ministère, les urgences sont déjà à la peine. De plus, il a face à lui des généralistes qui ne veulent plus assumer une obligation de gardes, le soir et le week-end. La société changeait, ils voulaient pouvoir bénéficier de la soirée en famille et ils ne voulaient plus assurer la permanence des soins de façon obligatoire.Le ministre accepte moyennant des conditions : Il ne s’agissait évidemment pas de dire aux médecins : Eh bien, maintenant faites ce que vous voulez, car la permanence des soins est un service public obligatoire, mais d’assurer cette permanence avec des volontaires.
Une cellule de concertation entre les syndicats médicaux, l’ordre national des médecins et les associations de médecins d’urgence comme SOS-Médecins est mise en place. Tous devaient s’entendre pour établir un tableau de garde. L’ordre des médecins organisait ce tableau et, s’il n’y parvenait pas, le préfet avait autorité pour imposer, souligne l’ancien ministre. Car il était évidemment exclu qu’on laisse les patients sans solution.
Pourtant, dès cette époque, les gens venaient directement aux urgences le plus souvent, ils avaient pris l’habitude d’avoir une réponse instantanée à leurs problèmes, avance-t-il. Ils ne téléphonaient même plus, ou presque, à leur médecin. Pour faire face au temps d’attente aux urgences, je voulais répondre par les maisons médicales de garde. Implantées à la porte de l’hôpital, elles devaient, avec « un ou deux généralistes, aidés par une ou deux infirmières, permettre de faire un tri des vraies urgences. S’il a inauguré deux ou trois de ces maisons, M. Mattei regrette que les médecins et les hôpitaux n’aient pas mis toute l’énergie et les financements nécessaires. Il explique : Je vous dis la situation que j’ai trouvée et les solutions que j’ai proposées, et je me défausse si vous me permettez sur mes successeurs qui pour la plupart n’ont pas repris ces idées.
Très vite, pourtant, on constate qu’il était très difficile d’obtenir que les médecins fassent les gardes, raconte Philippe Bas. Durant son court passage au ministère de la santé, en 2007, un des seuls actes qu’[il a] posé concerne ce dossier. J’ai envoyé une instruction très ferme aux préfets pour que les médecins libéraux prennent leur part du fardeau, raconte-t-il, et j’en ai rendu compte en conseil des ministres, ce qui est tout à fait exceptionnel. Alors, évidemment, vous voyez bien le ministre qui fait ça à quelques semaines de l’élection présidentielle, ça n’a pas tout à fait la même portée que si c’était en début de mandat…
Marisol Touraine, qui sera ministre de la santé à compter de 2012, déplore elle aussi que les médecins libéraux aient obtenu de ne plus faire de garde obligatoire. Mais, une fois que vous avez dit ça, le fait que ça ait été une erreur ne rend pas la remise en place facile, constate-t-elle.
La question des gardes n’est pas le seul point d’achoppement entre le gouvernement et les médecins libéraux. La France de l’époque fait face à une autre difficulté : la mauvaise répartition des médecins sur le territoire. Trop de praticiens s’installent en bord de mer et dans les métropoles ensoleillées, tandis que les campagnes et les banlieues commencent à devenir des déserts médicaux.
Arrivée Avenue de Ségur en 2007, Roselyne Bachelot tente d’ouvrir le dossier en posant une réforme majeure : le conventionnement sélectif. Avec cette dernière mesure, les patients des médecins libéraux s’installant dans les zones surmédicalisées pourraient ne plus être remboursés par l’Assurance-maladie, afin de dissuader les praticiens d’y ouvrir leur cabinet. Et là je vais susciter le blocage de la médecine de ville, ce qui est exactement le problème à l’heure actuelle, j’ai l’impression de vivre le retour vers le passé, avance l’ex-ministre. La médecine de ville estime qu’on ne doit lui imposer aucune contrainte, ni contrainte d’installation, ni contrainte de déclaration des absences, ils sont maîtres et compagnons. Certains médecins, et en particulier le puissant syndicat de médecins libéraux CSMF [Confédération des syndicats médicaux français], vont mobiliser les internes en leur disant : on va vous obliger à vous installer là et là, et ça, c’est le drap rouge sur le taureau.
Elle estime avoir eu totalement raison. J’étais pour continuer le bras de fer. Les pharmaciens n’ont pas la liberté d’installation et le conventionnement sélectif, on l’a fait avec les infirmières, ça marche. Mais le premier ministre François Fillon m’a demandé de lâcher. La ministre résoudra le conflit avec l’aide d’un garçon dont [elle se] souvien[t] très bien, Olivier Véran [futur ministre de la santé de 2020 à 2022], qui était patron d’un syndicat d’internes.
Plus tard, en 2010, alors qu’elle vient de faire voter une loi hospitalière (hôpital, patients, santé, territoires),Roselyne Bachelot est switchée du ministère de la santé à celui des solidarités. Il m’a été clairement dit que le but était de se réconcilier avec les médecins. On estime que ce sont des leaders d’opinion. Je ne partage pas cette vision, je pense que notre pays a besoin de réformer son système de soins, que certains modèles sont largement datés, je pense notamment à cette phrase du patron de la CSMF, lors de notre premier rendez-vous : Quand même, avoir comme ministre de la santé un pharmacien, quelle déchéance !
Xavier Bertrand, qui a déjà occupé le poste sous l’ère Chirac, revient alors au ministère, sous la présidence Sarkozy pour redonner de la confiance aux médecins, clairement. Il le reconnaît : On vient corriger certains sujets de la loi hôpital, patients, santé, territoires, qui a ébranlé tout un système libéral. Mais, non, le pouvoir politique n’a pas peur de contrarier les médecins. Ils sont pourtant encore nombreux à penser que la défaite de la droite aux élections législatives de 1997 a été largement provoquée par les médecins, hostiles au plan de redressement de l’Assurance-maladie d’Alain Juppé.
Le fond du problème, c’est que, lorsque les médecins ne sont plus en confiance, pointe en germe la crise des vocations, poursuit M. Bertrand. Je suis résolument opposé à la coercition, partant du principe qu’un jeune médecin qui s’installe n’a pas 18 ou 20 ans et ne se balade pas avec un sac à dos ; il a déjà une vie, souvent une famille et on ne les déplace pas comme des pions.
Marisol Touraine a fait preuve elle aussi d’une grande prudence. Beaucoup de ceux qui me disaient : Il faut obliger les médecins à s’installer ici ou à faire des gardes ont été un petit peu moins allants en arrivant aux responsabilités. Quand on peut éviter la contrainte, c’est mieux, dit-elle. J’ai toujours dit aux médecins : saisissez-vous des mécanismes de l’incitation, car sinon un jour viendra où il n’y aura plus d’argument à opposer à ceux qui défendent la contrainte. Je ne sais pas si nous en sommes arrivés là ou pas. La politique de la carotte n’ayant pas produit les résultats escomptés, le sujet de la possible limitation de la liberté d’installation des médecins figurera au menu de la grande conférence sur l’accès aux soins promise par Emmanuel Macron, qui débutera à la rentrée.
En 2012, quand la gauche revient au pouvoir, l’heure est au redressement des comptes. Durant tout le quinquennat Hollande, les dépenses de santé seront sous forte pression, en particulier celles consacrées à l’hôpital. Ce qui permet à sa ministre de la santé, Marisol Touraine, d’annoncer qu’en 2017 le trou de la Sécu aura disparu. Très provisoirement. Sous François Hollande, il y avait l’idée d’une rationalisation, reconnaît-elle, les économies ont toutefois pour l’essentiel porté sur les fonctions support à l’hôpital. On a aussi réduit le nombre de lits en chirurgie, car comment peut-on dire qu’on développe la chirurgie ambulatoire – ce que tout le monde demandait – et garder le même nombre de lits ? Mon principal regret porte en revanche sur la revalorisation des salaires des infirmières et des aides-soignantes. Ce sont des choix de politique qui ont été faits, je crois que François Hollande a dit lui-même qu’on aurait dû faire davantage en la matière.
La crise actuelle s’explique en grande partie par la situation des aides-soignantes et des infirmières, qui sont insuffisamment payées, qui ont une mobilité de carrière insuffisante et des responsabilités insuffisantes, poursuit Mme Touraine. J’ai commencé à mettre en place la délégation de tâches, fondamentale, mais je n’ai pas eu les moyens financiers de revaloriser suffisamment. Elle se souvient avoir demandé une revalorisation très significative pour les aides-soignantes. On m’a dit non, parce que cela aurait un impact sur toutes les autres fonctions publiques. On ne peut pas fonctionner comme ça. Un de mes anciens collaborateurs de l’époque m’a dit récemment : Si on avait enregistré les discours qu’ils nous tenaient à Bercy à l’époque et qu’on leur ressortait, aujourd’hui ils ne pourraient pas les entendre. On me disait : Tu demandes trop pour l’hôpital.
Trois ans après son départ, le Ségur de la santé, cette grande concertation conclue en juillet 2020, en pleine pandémie de Covid-19, débloquera plus de 8 milliards d’euros pour revaloriser les salaires et les métiers des personnels des hôpitaux et des Ehpad. Un rattrapage sans précédent, mais troptardif.
Au tournant des années 2000, les pouvoirs publics décident de modifier le mode de financement des hôpitaux. Jusque-là, ils recevaient une dotation globale pour fonctionner, chaque année la même somme. Le principe qui s’impose alors consiste à prendre en compte l’activité réelle des établissements. Il rallie une grande partie de la classe politique, car certaines petites structures font de moins en moins d’actes, quand d’autres ont une dynamique de soins importante, créent des spécialités, utilisent de nouvelles technologies et rencontrent d’importantes difficultés de financement.
On m’attribue souvent la responsabilité de la tarification à l’activité, alors que ce n’est pas moi qui l’ai instaurée, proteste Roselyne Bachelot. Cela dit, je n’y suis pas opposée, comme la démocratie, c’est le pire des systèmes à l’exception de tous les autres.
C’est en réalité Jean-François Mattei qui la met en place à partir de 2004. Le mouvement vers une tarification à l’acte s’était engagé dès les années 1990, avec l’idée d’un financement à la pathologie, rappelle-t-il. Donc, quand je suis arrivé, j’ai été saisi de cette question, j’ai lancé une réflexion et on a décidé la tarification à l’acte. Cela voulait dire qu’une appendicite, qu’elle soit opérée à Nice ou à Cambrai, c’était le même tarif. Nous avions bien vu la dérive possible d’hôpitaux qui voudraient se développer en donnant la priorité aux actes les mieux payés, se débarrasser des actes les moins payés, et donc essayer de travailler pour un meilleur profit. J’avais donc prévu un système de régulation : à partir d’un seuil, le prix de ces interventions déclinait pour l’hôpital. Et ce système ne pouvait pas être utilisé pour toutes les pathologies, notamment les maladies chroniques.
Très vite, une partie du corps médical dénonce une course à la rentabilité, au détriment de la qualité. La tarification à l’activité a fait dériver le système vers un hôpital-entreprise, qui était insupportable. Je l’ai vécu comme médecin hématologue, témoigne Agnès Buzyn. Je me souviens que le premier jour de mise en place de la tarification à l’activité à l’hôpital Necker, la directrice de l’établissement nous avait expliqué que soigner des enfants atteints de leucémie, ce n’était pas rentable, mais par contre opérer des prostates, si. Ce discours était absolument grotesque. Je suis arrivée avec l’idée de transformer le mode de tarification. On a bien réussi sur la psychiatrie. Le Ségur de la santé s’est, depuis, engagé à accélérer la réduction de la part de tarification à l’activité dans le financement des établissements de santé.
Le père de la réforme, Jean-François Mattei, confirme aujourd’hui qu’elle ne fonctionne pas bien. Tous les ans, les maladies évoluent, il faudrait en faire rentrer de nouvelles dans la tarification à l’activité et en faire sortir d’autres, quand elles deviennent chroniques. Par ailleurs, le montant de la tarification à l’activité pour un acte n’a pas été réévalué suffisamment.
Roselyne Bachelot est arrivée depuis peu au ministère, lorsque le président de la République, Nicolas Sarkozy, lui commande une loi hospitalière. Ce devait être une loi de réorganisation, raconte l’ancienne ministre, avec les formules chères à Sarkozy : il faut un patron à l’hôpital, à l’hôpital, tout le monde a le pouvoir de dire non, personne n’a le pouvoir de dire oui… ce qui est absolument la vérité. À l’hôpital, c’était la lutte entre les mandarins. Il y avait ceux qui avaient l’oreille du président de la République parce qu’on avait soigné le cancer de sa maman, l’oreille du ministre de la santé parce qu’on avait suivi la patte cassée du gamin, etc., ça marchait comme ça.
La loi hôpital, patients, santé, territoires donne donc en 2009 le pouvoir au directeur de l’hôpital, qui est un haut fonctionnaire. « Il est vrai que certains mandarins avaient un fort pouvoir de lobbying auprès des élus, obtenaient tout ce qu’ils voulaient au détriment parfois d’autres professionnels de l’hôpital, note Agnès Buzyn. Si un chef de service très puissant et très médiatique voulait un scanner dernier cri, ce n’est pas le directeur de l’hôpital qui arrivait à avoir le dernier mot. Donc, il y avait des guerres de tranchée au sein de l’hôpital, entre chefs de service, pour savoir qui connaissait le plus de députés et allait faire pression sur le directeur. Mais cette réforme a abouti à d’énormes dérives. On a quelque part déclassé le corps médical, qui a perdu la capacité à s’impliquer dans les décisions de l’hôpital.
La gouvernance aujourd’hui à l’hôpital ne marche pas, estime pour sa part Jean-François Mattei. Le monde médical à l’hôpital est découragé. Ils ne peuvent prendre pratiquement aucune initiative, l’administratif a trop de pouvoir. Quand le président de la République a dit : Il y a un seul chef à l’hôpital, c’est le directeur, il nous a fait prendre dix ans de retard dans l’évolution des hôpitaux. Pour lui, ce choix en faveur du directeur administratif s’explique par le fait que des hôpitaux étaient en déficit, les médecins dépensaient trop, donc le directeur avait pour mission de serrer les robinets. Il y a des situations où c’est incompatible avec le fonctionnement honnête et satisfaisant de l’activité médicale.
Véronique Chocron. Le Monde du 13 août 2022
En fait, et personne ne veut en convenir – ces choses là ne se disent plus aujourd’hui -, le monde de la santé a fonctionné jusque dans les années 2000/2010 sur un héritage très ancien constitué d’une base chrétienne au sein de laquelle un dévouement sans borne était monnaie courante ; médecins, infirmiers et infirmières, aides-soignantes donnaient leur temps sans compter ; ils n’étaient pas forcément chrétiens, mais le moule lui, l’était, et tout le monde tirait avec la même force dans la même direction, le citoyen dominant largement le consommateur en chacun d’eux. Depuis bien longtemps l’ensemble des autres professions avait considérablement évolué, avec au premier rang des syndicats à même de faire passer dans le droit des revendications légitimes. Le monde de la santé continuait lui, à se dévouer sans compter, à ne pas mesurer son temps etc… et nos gouvernants, quelles qu’aient été ses orientations politiques, étaient suffisamment aveugles pour croire que cela ne pourrait que se perpétrer. Erreur majeure qui finit par se manifester à l’entrée du XXI° siècle quand le consommateur rattrapa, puis dépassa le citoyen en chaque personnel de santé, ceci étant tout à fait justifié par ailleurs. Mais, calculette en main, cela se traduit par des horaires moins contraignants, par des congés plus réguliers, bref par une quantité de travail qui demande plus de dépenses qu’auparavant, même si la France est le pays d’Europe qui paie le plus mal ses infirmiers(ères). La Santé coute beaucoup plus cher qu’autrefois. Et puis, seront rendues publiques des enquêtes où il apparaît que la première fraude à la Sécurité Sociale vient non des usagers, des malades, mais bien des professionnels de santé, au premier rang desquels les dentistes ; en juillet 2023, on verra 4 000 policiers manifestant contre la mise en examen d’un de leurs collègues à Marseille obtenir des arrêts maladie signés de médecins particulièrement complaisants : comportements de république bananière. On verra des maires de petites communes où s’est installé le désert médical recevoir des candidats qui acceptaient de s’installer mais à des conditions inacceptables… le maire terminait son interview en disant: c’est tout juste s’ils ne me demandaient pas de fournir la nourriture pour le chien! dès lors la confiance cède le pas à la défiance, la course au fric efface tout le reste, le ver s’installe dans le fruit… quand la confiance s’amenuise, c’est l’ensemble des relations au sein du monde de la santé, soignants comme soignés qui en pâtit.
Petit florilège, évidemment non exhaustif :
Souvent, avec les infirmiers, ce n’est pas grand-chose. C’est apposer un pansement simple sur une plaie, et déclarer un pansement complexe, avec méchage ou irrigation : 12,60 euros, au lieu de 6,30 euros. C’est compter une injection intraveineuse (6,30 euros) alors qu’on a effectué une injection intramusculaire (3,15 euros). C’est facturer quelques euros pour préparer le pilulier et prendre la tension, alors que ces actes sont compris dans la visite de routine, payée 7,95 euros la demi-heure.
C’est se rendre le dimanche chez un patient qui aurait très bien pu attendre lundi : 8,50 euros de majoration. C’est tricher un peu sur l’horaire d’une visite nocturne, parce que la majoration de nuit est plus importante après 23 heures (18,30 euros) qu’avant (9,15 euros). Ce sont quelques kilomètres ajoutés au compteur pour gonfler l’indemnité de déplacement : 0,35 euro par kilomètre en plaine, 0,50 euro en montagne. Un infirmier roule facilement 20 000 kilomètres par an pour ses tournées, qui se rendra compte qu’il en a déclaré 500 de trop ?
La nomenclature des actes que les infirmiers doivent déclarer à l’Assurance-maladie est une usine à gaz constituée de centaines de cotes, qui sont autant d’occasions de se tromper, alors certains, débutants ou étourdis, cochent parfois la mauvaise case sans le savoir. Mais ces centaines de cotes sont aussi, pour ceux qui les maîtrisent, autant d’occasions de filouter. On ne soupçonne jamais un infirmier, constate une avocate de l’Assurance-maladie qui souhaite rester anonyme. Les gens sont tellement contents d’avoir quelqu’un qui vient leur mettre les bas de contention ou leur refaire un pansement.
Quel patient notera qu’un infirmier venu pour une perfusion courte sous surveillance continue (28,35 euros) a déclaré, en sus, un arrêt et retrait d’un dispositif de perfusion (15,75 euros), normalement réservé aux perfusions longues, puisque l’arrêt et le retrait du dispositif sont inclus dans le forfait de la perfusion courte ? Qui relèvera qu’un infirmier a enfreint l’article 11B de la nomenclature en facturant à taux plein les pansements qu’il a faits aux deux jambes d’un patient, alors qu’il aurait dû coter la seconde à 50 % seulement ?
Pour le patient, l’affaire est indolore. S’il a avancé les frais, l’Assurance-maladie le remboursera. Bien souvent, cela n’est même plus nécessaire : avec le principe du tiers payant, auquel obéissent aujourd’hui une large majorité des soins infirmiers, le patient n’avance rien : il tend sa carte Vitale ; l’infirmier l’introduit dans son lecteur et télétransmet les actes effectués ; l’Assurance-maladie le paie. Le système repose sur la confiance, les contrôles de l’organisme interviennent essentiellement a posteriori, avec une efficacité aléatoire, comme l’ont souligné, en 2020, des rapports peu flatteurs de la Cour des comptes et de l’Assemblée nationale.
Alors il peut être tentant de falsifier ou d’inventer une ordonnance ; de facturer quatre visites par semaine chez une personne âgée, comme sur l’ordonnance du médecin, et de ne venir que deux fois ; de se faire rembourser dix fois au lieu d’une les frais de déplacement quand on vient voir dix résidents d’un même Ehpad. Souvent, avec les infirmiers, ce n’est pas grand-chose, mais, avec ces petits actes, ces petites factures, à coups de 3, 6 ou 8 euros, ça peut aller super vite, poursuit l’avocate de l’Assurance-maladie.
Dans quelques cas particuliers, la fraude se pratique à grande échelle, et alors les sommes sont vertigineuses. En 2021, Sandra R., infirmière à Marseille, a été condamnée à rembourser à la Caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM) des Bouches-du-Rhône 720 000 euros perçus en cinq ans pour des soins, en fait jamais dispensés, à trois patients. Les deux premiers étaient ses propres parents. Pour le troisième, elle avait facturé à l’Assurance-maladie des chimiothérapies en nombre tel qu’elles couvraient huit à dix-huit heures de perfusions par jour pendant plus de quatre ans, total d’autant plus aberrant que le médecin traitant du patient niait les avoir prescrites, et pour cause : ce patient n’avait jamais eu de cancer.
En 2022, Marc B. a fait mieux : 1,7 million d’euros à rembourser à l’Assurance-maladie, alertée par un assuré vigilant ayant constaté, sur son compte Ameli, que cet infirmier marseillais avait continué à facturer, à hauteur de 150 000 euros, des soins qu’il avait pourtant cessé de lui prodiguer depuis deux ans. L’enquête avait révélé que ce soignant indélicat avait, par ailleurs, touché plus de 100 000 euros pour des soins censés avoir été effectués à des dates où les patients concernés se trouvaient en réalité à l’hôpital ; 370 000 euros de prestations qui n’étaient justifiées par aucune prescription médicale ; ou encore 650 000 euros de prestations justifiées par des ordonnances dont les médecins prescripteurs contestaient être les auteurs – des prescriptions falsifiées par l’infirmier, donc.
Mises bout à bout, les erreurs de bonne foi, la filouterie du quotidien et l’escroquerie d’ampleur industrielle coûtent cher. La fraude concerne un très faible pourcentage de praticiens, mais l’Assurance-maladie gère des sommes tellement colossales – 246 milliards d’euros de dépenses de santé prévus pour 2023 – que la facture grimpe haut. La Caisse nationale d’assurance-maladie a estimé le montant des sommes indûment versées aux infirmiers entre 286 millions et 393 millions d’euros par an, soit entre 5 % et 6,9 % de ses dépenses en soins infirmiers.
Ce montant atteint 60 à 96 millions pour les chirurgiens-dentistes (de 2,4 % à 4 % des dépenses), 91 millions à 105 millions pour les pharmaciens (de 0,5 % à 0,6 %), 140 à 230 millions pour les médecins spécialistes, c’est-à-dire les ophtalmologues, gynécologues, radiologues, etc. de (de 2,6 % à 4 %), 145 millions à 177 millions pour les transporteurs sanitaires (de 3,9 % à 4,9 %), 166 millions à 234 millions pour les masseurs-kinésithérapeutes (de 5,2 % à 6,7 %), 185 millions à 215 millions pour les médecins généralistes (de 3,1 % à 3,5 %). Au total, entre 1,1 milliard et 1,4 milliard d’argent public égaré chaque année dans les poches des professionnels de santé – sans compter la fraude des laboratoires d’analyses biologiques et celle des fournisseurs de produits et de matériel de soins.
Estimer la fraude est une chose, la détecter et la stopper en est une autre, plus délicate. Pour 2022, le montant de la fraude repérée par l’organisme s’est élevé à 316 millions d’euros, dont 68 % étaient le fait de professionnels de santé, et 21 % seulement celui d’assurés (les 11 % restants étant le fait des établissements de santé et des employeurs): en matière d’arnaque à l’Assurance-maladie, les plus voyous ne sont de fait pas forcément ceux que l’on croit.
Le Monde s’est entretenu avec plusieurs interlocuteurs au sein de l’Assurance-maladie, de l’ordre des médecins ou de celui des infirmiers, a consulté les archives de la presse quotidienne régionale, eu accès à de nombreux jugements pénaux et consulté la jurisprudence de la justice ordinale des médecins, des infirmiers, ou des masseurs-kinésithérapeutes – en accès libre sur le site Internet de chaque ordre. Ces sources regorgent d’histoires d’escrocs en blouse blanche qui profitent de la générosité du système de santé français pour soigner leur compte en banque autant que leurs patients.
Le catalogue d’astuces est riche, mais trois façons de flouer l’Assurance-maladie reviennent en boucle : facturer des prestations inutiles ; surfacturer des prestations ; facturer des prestations fictives.
Ce dernier procédé est le plus répandu. C’est un généraliste, à Nîmes, qui profitait de la visite de ses patients pour compter une consultation à tous les enfants inscrits sur la carte Vitale, et se faire ainsi payer trois, quatre, cinq consultations au lieu d’une : 199 000 euros de préjudice pour l’Assurance-maladie ; une autre généraliste, à Vaulx-en-Velin (Rhône), qui pratiquait la même méthode, et appliquait, en outre, le tarif de nuit même en plein jour : 800 000 euros de préjudice ; un infirmier épinglé pour 45 000 euros d’actes fictifs qui, pour se justifier, expliquait facturer ses visites même quand le patient était absent, comme dédommagement pour le temps perdu.
La fraude se caractérise le plus souvent par de petits montants et de gros volumes, mais certains font exception, comme cette pharmacienne de Vincennes (Val-de-Marne) condamnée en juin à six mois de prison ferme : elle avait facturé 96 fois à l’Assurance-maladie un médicament (l’Ilaris) à 11 000 euros la boîte sans jamais l’avoir vendu, en télétransmettant les quatre mêmes ordonnances dont elle changeait simplement la date : 1,2 million d’euros volés.
Les escrocs en blouse blanche ont tendance à viser les personnes âgées, moins vigilantes, dont il est aisé de conserver la carte Vitale plusieurs jours entre deux rendez-vous afin de déclarer des actes fictifs, ou encore les bénéficiaires de la protection universelle maladie (PUMA, ex-CMU) qui, automatiquement dispensés d’avancer leurs frais médicaux, ne regardent pas le coût des prestations.
Tel était le plan de deux sœurs qui ont ouvert en 2021 un centre dentaire à Trappes, ville pauvre des Yvelines, vite devenu une usine à fraude. Le scandale était arrivé par un patient venu pour un simple détartrage, qui avait découvert en consultant son compte Ameli que le centre avait en outre facturé à l’Assurance-maladie une couronne à 8 000 euros. Pensant à une erreur, il était retourné au centre dentaire, où 4 000 euros lui avaient été proposés – en vain – contre son silence. Il avait porté plainte, l’enquête avait mis au jour des centaines de manipulations identiques, aboutissant à un préjudice de 1,3 million d’euros. C’est pareil dans tous les centres de santé de France, tout le monde fait ça ! , s’était défendue l’une des sœurs face au tribunal de Versailles, sans succès : trois ans de prison dont un ferme, centre déconventionné, interdiction définitive d’exercer dans le secteur médical, et remboursement intégral des sommes perçues.
Seconde façon de frauder : la surfacturation. Il ne s’agit plus d’inventer des prestations, mais d’exagérer plus ou moins celles que l’on fournit. C’est le pharmacien qui vend un médicament générique, et se fait rembourser l’original, plus cher. Ou qui fournit deux boîtes de médicaments à un client mais en facture quatre à l’Assurance-maladie, en remplaçant le 2 par un 4 sur l’ordonnance avant de la télétransmettre.
C’est le transporteur sanitaire qui convoie un patient assis en véhicule sanitaire léger (VSL), mais facture un transport couché en ambulance. Tarif de la prise en charge : 65 euros en ambulance contre 15 en VSL. Prix du kilomètre : 2,32 euros contre 1,02. C’est le généraliste qui pratique les doublons, en facturant, pour un patient souffrant du genou et de la tête, deux consultations, dont une antidatée.
C’est ce kinésithérapeute du Var qui a facturé des centaines d’actes de kinébalnéothérapie prodigués en piscine à des patients, lesquels ont indiqué avoir bien reçu des soins, mais sans piscine – surcoût pour l’Assurance-maladie : 5 euros par séance par patient. C’est cette femme en Haute-Garonne qui déclarait des consultations de médecine générale, alors qu’elle pratiquait la médecine douce, non remboursée (73 000 euros de préjudice).
En octobre 2022, le tribunal d’Orléans a condamné un chauffeur de taxi conventionné, qui pouvait déclarer une course de 70 kilomètres lorsqu’il transportait un patient d’Orléans à Saran (Loiret), alors que les deux villes se touchent. L’étude de sa facturation avait révélé toute la gamme des anomalies suspectes : il était capable de finir une course à Orléans et d’en démarrer une à Paris une demi-heure plus tard, d’entamer une course alors que la précédente n’était pas achevée, de transporter un patient dans le Loiret tout en se trouvant… au Maroc. Total à rembourser à l’Assurance-maladie : 773 000 euros.
Pour la troisième grande méthode de fraude à l’Assurance-maladie, il n’est besoin ni d’inventer, ni d’exagérer des prestations, il suffit parfois de facturer au juste prix un soin bien réel, mais en allant à l’encontre de l’article R4127-8 du code de la santé publique, qui oblige tout médecin à limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l’efficacité des soins. L’organisme se voit ainsi régulièrement facturer des actes inutiles, qu’aucune raison de santé ne justifie. Par cet ORL du Var, par exemple, qui multipliait les audiométries vocales (26 euros), pratique consistant à évaluer l’intelligibilité de la parole, sur des patients n’ayant aucun problème de ce côté-là ; ou les vidéonystagmoscopies (58 euros), jusqu’à neuf pour un seul patient, alors que cet examen destiné à repérer les facteurs oculaires de vertige n’a qu’une finalité diagnostique, et qu’il suffit de le pratiquer une fois.
C’est aussi ce généraliste de la Creuse qui soumettait régulièrement à des tests de dépression des patients soit déjà suivis en psychiatrie, soit ne présentant aucun signe clinique de dépression, des tests (à 69 euros) sans autre intérêt, donc, que de garnir son compte en banque. C’est encore le médecin qui, au lieu de prescrire un arrêt de travail de six jours qu’il sait nécessaire, en prescrit un de trois jours à l’issue desquels le patient devra revenir pour se faire prescrire le second. Cela s’appelle pratiquer la revoyure. Variante : prescrire une prise de sang, demander au patient de revenir avec les résultats, pour une analyse qui durera une minute mais permettra de facturer, là aussi, une deuxième consultation.
Soignants et patients sont parfois de mèche, on bascule alors dans l’escroquerie en bande organisée. En mars 2022, une jeune infirmière récemment installée dans le Finistère, aux revenus anormalement élevés, a avoué que, face à la difficulté de trouver des patients dans sa nouvelle région, elle avait demandé à ses voisins de se faire prescrire des soins par leur médecin, puis de lui remettre les ordonnances qu’elle n’avait plus qu’à télétransmettre avec de fausses factures, en échange de quoi elle leur redistribuait la moitié des sommes que lui versait l’Assurance-maladie.
Plus organisé encore : en 2014, un pharmacien, onze médecins, et plusieurs faux patients avaient été condamnés par le tribunal de Grasse à des peines de prison allant jusqu’à trois ans ferme – en l’occurrence pour le pharmacien, cerveau d’une escroquerie bien huilée à plus de 600 000 euros. Celui-ci fournissait des listes de médicaments particulièrement chers à des patients en pleine forme, qui allaient se les faire prescrire chez les médecins. Les malades imaginaires revenaient ensuite avec les ordonnances chez le pharmacien, qui n’avait plus qu’à se faire rembourser par l’Assurance-maladie les médicaments prescrits – sans les sortir de ses rayons – et à reverser une commission aux faux patients. Certains médecins, pour leur défense, s’étaient dits victimes de menaces des faux patients.
Il fut également question de fraude commise sous la pression dans une affaire passée devant le tribunal d’Orléans en 2021. Une infirmière, à coups de facturation d’actes fictifs, avait escroqué plus de 1 million d’euros à sa CPAM, qui avait porté plainte. Elle avait reconnu les faits, et porté plainte à son tour pour chantage contre la belle-fille d’une de ses patientes. Cette dernière, en se penchant sur le compte Ameli de sa belle-mère, avait découvert que l’infirmière truandait, et avait menacé de la dénoncer. Le chantage lui avait rapporté plus de 300 000 euros. L’infirmière avait été condamnée, comme son maître-chanteur, à deux ans de prison, dont un ferme.
Les infirmiers sont dotés depuis 2016 d’un code de déontologie, qui leur enjoint de respecter en toutes circonstances les principes de moralité (…) indispensables à l’exercice de la profession. Quant aux médecins escrocs, qu’ils soient chirurgiens ou gynécologues, radiologues ou ophtalmologues, généralistes ou psychiatres, ceux qui ont un jour été démasqués ont peut-être songé à ces mots : Au moment d’être admis à exercer la médecine, je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité. Les premiers mots du serment d’Hippocrate.
08 2022
Sécheresse en Europe Occidentale, avec les incendies qui s’ensuivent : quatre fois plus de surfaces brûlées en France que la moyenne. On verra en pays toulousain des champs entiers de tournesols grillés sur pied, noirs. Inondations au Pakistan où en quelques semaines, elle font plus de 1 100 morts !
Les opinions autour de la gestion de l’eau se radicalisent : on aura vu à la Clusaz, une station de ski proche d’Annecy, une pétition contre la création d’un réservoir d’eau sur le plateau de Beauregard, [148 000 m³, une digue de 12 mètres de haut, emprise de 3.8 ha, 10 millions €] dont les 2/3 alimenteraient des canons à neige de culture, et 1/3 en eau potable, recueillir 140 000 signatures. Ce projet serait alimenté par la capture d’une source qui actuellement irrigue une tourbière classée Natura 2000. Dès lors, exit la tourbière. Mais le tribunal administratif donnera raison aux contestataires, et la municipalité votera en 2023 un moratoire sur ce projet en attendant que la justice se prononce sur le fond. Et, cerise sur le gâteau, l’OFB – Office français de la biodiversité – fera part à la presse en août 2024 de ses découvertes au cours de plusieurs années d’investigation d’un prélèvement en toute illégalité d’eau depuis vingt ans : c’est au cours d’un épisode de grande sécheresse en juillet 2022 quand l’arrosage était interdit que l’OFB s’apercevra que la commune arrosait encore ses bosquets avec de l’eau prélevée sur le Mont Lachat, en un point jusque là tenu secret !
On aura vu encore les projets de méga bassines du centre ouest de la France, refusés en septembre 2023, par le tribunal administratif de Poitiers. On aura vu sur les écluses du Canal du Midi des panneaux posés par la FNSEA réclamant la priorité pour l’agriculture à l’accès à l’eau ; en effet, chaque manipulation d’une écluse entraine son volume d’eau vers le bief aval, et finalement la mer. Ceci étant dit pas une seconde la FNSEA ne remet en question la culture du maïs, très grosse consommatrice d’eau, pour nourrir du bétail, pour fournir de la viande. Cela répond il à un vrai besoin ? On aura vu encore les habitants de la haute vallée du Drac, affluent de l’Isère qu’il rejoint à Grenoble, remettre en question le fonctionnement du canal du Drac qui prélève son eau au profit de la préfecture de Gap, qui est situé au sud, sur un autre versant, en passant sous le col de Manse, voisin du col Bayard : agriculteurs demandant de l’eau pour les arbres fruitiers, éleveurs pour leurs animaux, mais peut-être bien aussi gérants d’Orcières-Merlette 1850 gros utilisateurs de canon à neige… On aura vu le 31 janvier 2023 René Hugo, maire de Seillans, président de la communauté de communesdu Pays de Fayence décider ne ne plus accorder de nouveau permis de construire : en mai 2022, il a fallu ravitailler Seillan par camion-citerne : début 2023, les 946 demandes de permis de construire entraineront l’installation de 2 273 personnes, ce qui signifie une augmentation de la consommation d’eau de 300 000 m³/an, quand, en vingt, la population a déjà doublé pour atteindre 30 000 habitants. La fréquentation touristique a explosé: + 30% de 2021 à 2022.
On aura vu sèchement remis en question l’arrosage des golfs, pour garder les green bien green, les propriétaires arguant du coût prohibitif de la remise en état d’une pelouse sèche. Et encore l’existence de piscines, privées comme publiques [2]. On pourrait commencer par mettre au sec celles qui sont à moins d’une heure de voiture d’une plage… Mais nulle demande pour cesser de vidanger nos toilettes avec de l’eau potable, pour construire toute nouvelle habitation avec 2 circuits d’eau : eau brute et eau potable : ce n’est pourtant pas sorcier. Et ce serait une réelle économie, après l’investissement de départ. Par contre les écolos activistes s’activent, y compris dans des actions d’une stupidité sans nom comme des sit-in sur le parcours d’une étape du Tour de France : ils sont sûrs de se rendre impopulaires, ne se rendant même pas compte qu’ils se tirent une balle dans le pied !
Le tribunal administratif de Grenoble puis le Conseil d’État ont stoppé la construction d’une réserve collinaire prévue à La Clusaz. Le tribunal administratif de Grenoble a annulé un projet qui prévoyait en Maurienne la construction de 22 800 nouveaux lits. Et le tribunal administratif de Grenoble a annulé le Plan local d’urbanisme de l’Alpe d’Huez.
Guillaume Desmurs
Et, à l’international, de sérieux conflits se dessinent aussi, avec par exemple, en Afghanistan, ce début des travaux en 2023, du Canal Qosh Tepa, qui prend des eaux de l’Amou Daria, pour irriguer la plaine, désertique jusqu’alors, de Mazar e sharif, la grande ville du nord de l’Afghanistan. Une fois fini, en 2028, il sera long de 285 km, il devrait irriguer 550 000 ha avec la création de 250 000 emplois induits. Il ponctionnera ¼ du débit de l’Amou Daria, soit 17 milliards m³/an. Si le Tadjikistan est en amont, et donc non concerné, le Turkmenistan et l’Ouzbekistan sont en aval. Le premier puise déjà abondamment pour ses villes – Bokhara, Khiva – et ses plantations de coton et de riz et le second, avec son canal de Karakum – 1 300 km de long – pour approvisionner ses 5 millions d’habitants. L’accord d’Almaty signé en 1992 n’a fait que reprendre les dispositions déjà en vigueur sous l’URSS, sans que l’Afghanistan en soit signataire, et pourtant ce sont bien sur ses terres que l’Amou Daria prend en partie sa source, dans les montagnes de l’Hindu Kuch. Si cet accord d’Almaty avait pris en compte la réalité, il aurait intégré tous les pays riverains de l’Amou Daria, dont l’Afghanistan et aujourd’hui, on ne serait sans doute pas à la porte d’un nouveau conflit économique sur le partage de l’eau.
Qui n’a jamais entendu parler du drame de la mer d’Aral, ce gigantesque lac salé aujourd’hui presque asséché par les plans quinquennaux soviétiques et la culture intensive du coton ? Remplissant une dépression continentale à cheval sur le Kazakhstan et l’Ouzbékistan, la mer d’Aral était notamment abondée par le plus grand fleuve d’Asie centrale, l’Amou-Daria. Mais ce dernier n’atteint même plus la dernière nappe d’eau qui s’évapore inexorablement. Et si l’Ouzbékistan a perdu espoir de voir remonter le niveau dans sa moitié de la mer d’Aral, il s’inquiète désormais pour le fleuve Amou-Daria, amoindri par les dizaines de canaux qui détournent l’eau de son lit à travers l’Asie Centrale.
Aussi l’annonce en 2022 de la construction par l’Afghanistan d’un important canal de dérivation baptisé Qosh Tepa a-t-elle fait l’effet d’une bombe. Au nord du pays, les talibans ont en effet décidé de mettre en culture la province de Mazar-e Charif. Cette région plane mais désertique…
Cédric Gras
Et quid du Barrage de la Renaissance en Éthiopie : avec un volume de 67 milliards de m³, avec une puissance installée de 5 150 MW, il devrait être le plus grand barrage hydroélectrique d’Afrique (près de deux fois et demi la puissance du haut barrage d’Assouan par exemple). Il est cependant moins puissant que le barrage de Guri (10 200 MW), le barrage d’Itaipu (14 000 MW), ou le barrage des Trois Gorges (22 500 MW). Mais, en aval, le Soudan et surtout l’Egypte contestent les accords antérieurs quant à la vitesse de remplissage du barrage. Accords partiels en 2020 mais toujours en cours sur d’autres points.
Le volume d’eau n’augmente pas – solide sous forme de glace, liquide ou vapeur qui donne son humidité à l’air, mais le nombre d’humains ne cesse jusqu’alors d’augmenter. Il est impératif que les gros consommateurs réduisent leur consommation. En France, la consommation moyenne des particuliers est de 148 litres/jour/personne. 32 milliards de m³ d’eau douce sont prélevés chaque année en France métropolitaine pour la répartition suivante : (source : La Tribune Dimanche du 3 décembre 2023)
prélèvements
consommation
50 %
refroidissement des centrales électriques
17 %
eau potable
16 %
canaux
9 %
48 %
agriculture
8 %
industrie
Les prélèvements désignent la quantité d’eau prélevée dans le milieu naturel puis rejetée après utilisation (donc à nouveau disponible), tandis que la consommation correspond à une quantité d’eau prélevée, réellement consommée, absorbée. En 2021, 97 % de l’eau douce prélevée par les centrales nucléaires sur les cours d’eau a été restituée au milieu d’origine. Les 3 % restants ont représenté 410 millions m3 d’eau, et représentent aujourd’hui 12 % des consommations totales françaises d’eau douce.
Les Espagnols soucieux avant tout d’efficacité, ne nourrissant aucune prévention contre les solutions du passé, n’hésitant pas à se retrousser les manches, remettent en service nombre d’ acéquia, dont la maintenance était abandonnée depuis longtemps (acéquia et séguia, signifient tous deux la même réalité : canal d’irrigation ; l’un est castillan, l’autre catalan, mais tous deux sont d’origine arabe).
Armés de pioches, de pelles et de cisailles, une vingtaine de bénévoles grimpe sur le chemin rocailleux qui monte du village d’Aldeanueva de la Vera, en Estrémadure, en direction de la Sierra de Tormantos. Ce samedi de novembre, ce groupe varié, formé de petits agriculteurs, de retraités et de jeunes néoruraux, est uni par une même mission : remettre en état une acequia, un canal d’irrigation ancestral.
Nous allons semer l’eau, corrige avec un sourire le secrétaire de la communauté d’irrigants Ocho Caños, José Antonio Jimenez, en avançant à un rythme soutenu sous un ciel radieux. Grâce aux acequias, nous allons faire en sorte que l’eau s’infiltre dans le sous-sol, comme dans une éponge, et circule lentement dans les nappes phréatiques, au lieu de ruisseler, de dévaler les rivières et de se perdre dans le Tage puis la mer. Ainsi, l’eau sera maintenue sur le territoire et récoltée en été, quand elle fait défaut.
Creusées entre le VIII° et le X° siècles, à l’époque musulmane, des milliers d’acequias ont canalisé durant des siècles les eaux de rivières, de pluie, et celles issues de la fonte des neiges pour alimenter des champs et des villages d’Espagne par irrigation gravitaire, avant de tomber en désuétude à partir des années 1960.
Ces dernières années, confrontée aux effets du changement climatique et conseillée par un groupe de chercheurs, une cinquantaine de communautés d’irrigants – des regroupements de propriétaires de terres ayant des droits d’approvisionnement en eau –, d’Andalousie, d’Estrémadure, de Castille-et-Leon et de Castille-La Manche, ont décidé de procéder à leur restauration.
Il ne neige plus comme avant. Or la fonte progressive des neiges permettait d’allonger dans le temps la disponibilité en eau, explique le président de la communauté d’irrigants Ocho Caños, Jesus Valleros, un ancien ouvrier agricole de 63 ans. Il est urgent de trouver une autre manière de conserver l’eau sur le territoire, car, en été, nous pouvons rester trois ou quatre mois sans une goutte de pluie.
Après deux heures de marche, le petit groupe empoigne ses outils et commence à déblayer un sillon de terre, peu profond, de moins d’un mètre de large, envahi par les ronces et les pierres, qui serpente sur le flanc de la montagne. L’acequia, impossible à repérer pour un profane, est connue comme la Pesquera de Navalajarre par les anciens du village. Quand j’étais jeune, ces prés étaient toujours peuplés de troupeaux de chèvres et les bergers s’occupaient de l’entretien de la Pesquera pour qu’ils restent verts, se souvient M. Valleros, casquette et manches courtes sous le soleil d’automne.
Après la construction d’un barrage en contrebas en 1958, autour duquel s’est développée la culture intensive du tabac, et à mesure que les bergers ont quitté la montagne, sous l’effet de l’exode rural, les acequias ont été progressivement laissées à l’abandon. Selon un document de 1969, il y avait plus de 160 acequias autour du village. Il n’en reste qu’une vingtaine en fonctionnement, détaille le président.
C’est une invitation du laboratoire d’archéologie MEMOLab, de l’université de Grenade, en Andalousie, en 2019, qui lui a fait ouvrir les yeux. Des chercheurs, menés par l’archéologue José Maria Martin Civantos, y travaillent depuis 2014 à la restauration d’acequias médiévales de la Sierra Nevada et de l’Alpujarra. Dans les seules provinces de Grenade et d’Almeria, ils ont cartographié 24 000 kilomètres de canaux, et en ont remis 90 kilomètres en état avec une trentaine de communautés d’irrigants. L’effet a été immédiat : une plus grande disponibilité d’eau en été, grâce à la fonction de recharge des aquifères, et la remise en culture de terres abandonnées, souligne M. Civantos.
À Aldeanueva de la Vera, trois acequias ont déjà été remises en état en novembre 2021 et le résultat a été visible cet été. La rivière du Moro, qui est alimentée par l’une de ces acequias, ne s’est pas asséchée cet été, contrairement aux autres, assure M. Valleros, en chaussant ses bottes en caoutchouc.
Après avoir déblayé près de 400 mètres de canal, le moment est venu de semer l’eau. À sa source, une petite cascade, l’acequia a été obstruée par plusieurs rochers. Dès qu’ils sont déplacés, l’eau commence à avancer dans le sillon. Emu, le petit groupe applaudit tandis que la rigole grossit et déborde légèrement, par endroits, inondant les flancs de la montagne. Cet hiver, ce sera notre tour de remettre en état une première acequia, glisse Raquel Tome, secrétaire de la communauté d’irrigants de Talaveruela de la Vera, à vingt-cinq kilomètres, venue apprendre le processus pour le répliquer dans son village.
Steven Morales, chercheur en hydrogéologie, qui a réalisé son master sur la semence et récolte de l’eau à l’université de Grenade, regarde la scène avec satisfaction.
C’est surprenant d’observer la similitude avec ce que j’ai vu dans la Sierra Nevada, souligne le jeune homme. Des systèmes similaires existent aussi en Amérique latine, datant de la civilisation inca. À chaque fois, le principe est le même : en transportant l’eau sur une faible pente tout en inondant les champs adjacents, l’acequia va recharger les aquifères et rejaillir plus tard, plus bas dans les rivières, sans que se soit produit une évaporation notable. En chemin, l’eau filtrée par le terrain régénère les sols, maintient leur fertilité et régule leur salinité, évitant l’avancée de l’érosion.
Les acequias ont d’autres avantages : contrôle de la température des rivières grâce à un apport d’eau souterraine, préservation des forêts et maintien de la biodiversité. Elles jouent aussi le rôle de coupe-feu en cas d’incendie. En 2020, un immense incendie a ravagé cette montagne, brûlant plus de 4 000 hectares : les feux sont de plus en plus destructeurs à cause de la sécheresse, souligne Miriam Verdejo, agricultrice bio de 57 ans, productrice de kiwis. Mon exploitation n’a pas été détruite grâce à une des rares acequias qui n’ont pas été abandonnées. Les remettre en état, c’est aussi protéger la montagne.
Certaines conditions, cependant, sont indispensables à leur existence : une pente suffisante, au minimum 200 millimètres de pluie par an, et un sol formé de roches dures aux couches superficielles perméables, pour que l’eau s’infiltre, sans excès, avant de circuler dans le sous-sol. C’est le cas des montagnes jeunes comme la Sierra Nevada, de la Sierra de Guadarrama, de certaines zones de la Sierra Morena… En général, presque toutes les montagnes méditerranéennes réunissent ces critères, souligne Sergio Martos-Rosillo, chercheur à l’Institut géologique et minier espagnol.
Alors que deux tiers du territoire espagnol se trouvent classés en risque de désertification, les avantages de ces infrastructures ne devraient pas être sous-estimés, estiment les chercheurs. Cependant, le fait qu’aucun lobby industriel ne peut s’enrichir avec cette technologie low tech, basée uniquement sur les ressources naturelles, rend compliquée la levée de fonds… , reconnaît le géologue. La remise en état demande surtout des bras. Pour les paysans, il est essentiel que l’administration s’implique et les soutienne dans cette tâche.
Sandrine MorelAldeanueva de la Vera (Caceres, Estrémadure), envoyée spéciale pour le Monde du 30 11 2022
Mais ces courageuses initiatives ne sont malheureusement que l’arbre qui cache la forêt : la production agricole espagnole, fournisseuse de quasiment toute l’Europe, chutera en 2023 de 54 % !
sans oublier pipo dans le lavabi. Men only.
8 09 2022
Mort d’Élisabeth II d’Angleterre à Balmoral, sa résidence d’été dans les Highlands d’Écosse.
never explain, never complain, et elle s’y sera tenue 70 ans durant. [3] Qui, à part elle est en mesure aujourd’hui de se tenir à pareille discipline ?
L’auteur de ce site demandait un jour à un Canadien anglais installé en France pourquoi, à son avis, des législations en tous point semblables sur la détention par un particulier d’armes en tous genre produisaient des effets aussi différents aux États Unis, où les drames sont réguliers, quasiment permanents et le Canada, où ce genre de drame est quasi inexistant : Que voulez-vous… Nous, nous avons une Reine. Le Commonwealth, fort de 56 États, représente 2.5 milliards d’habitants, plus d’un habitant sur trois dans le monde. On entendra des chiffres de 4 milliards de personnes qui auraient suivi les obsèques à la télévision : 4 milliards, c’est un peu plus que la moitié de la population mondiale !
Certes, la France n’a pas de reine, mais elle a Catherine Deneuve : vous allez voir ce que vous allez voir quand elle tirera sa révérence.
14 09 2022
Il est ennuyeux à la longue de parler toujours et encore du seul et unique but de l’entreprise capitaliste : le profit. Mais, quand on apprend l’existence de l’exception qui vient confirmer la règle, on ne peut s’empêcher de la citer : il s’agit pour l’heur de l’entreprise Patagonia, propriété d’Yvon Chouinard, Canadien français d’origine, qui, lors de son départ à la retraite, annonce qu’il lègue son entreprise à Dame Nature ! Wouaouh !
Yvon Chouinard a toujours été un entrepreneur atypique. Il le sera jusque dans sa succession. À 83 ans, le fondateur de la marque américaine de vêtements de plein air Patagonia a annoncé, mercredi 14 septembre, avoir transmis 100 % du capital de son entreprise et de ses droits de vote à deux structures chargées de protéger la planète, mission endossée par la société depuis 2018.
Dans une lettre adressée à ses 3 650 salariés, celui qui n’a jamais voulu être un homme d’affaires proclame que la Terre est désormais le seul et unique actionnaire de Patagonia. Pour lui succéder au capital, ce militant écologiste convaincu a imaginé son propre modèle, en écartant l’option d’une vente suivie d’une donation de l’argent ainsi récolté, ou le projet d’une introduction en Bourse. À ses yeux, la première solution n’offrait pas la garantie que le nouveau propriétaire maintienne ses valeurs et conserve les salariés employés partout dans le monde.
La seconde aurait été un désastre, puisque, selon lui, toute société cotée, en dépit de ses bonnes résolutions, est soumise à la pression de créer des gains à court terme. Dès lors, il lui a fallu emprunter une autre voie. Le capital de l’entreprise, dont les ventes annuelles excèdent 1 milliard $ (993 millions €), est désormais détenu à hauteur de 98 % par le Hold Fast Collective et de 2 % par le Patagonia Purpose Trust. La première structure récolte les dividendes attachés à ses actions. La seconde, qui dispose de 100 % des droits de vote, décide de leur allocation.
Composé de membres du conseil d’administration, et bientôt d’experts et de conseillers, le Patagonia Purpose Trust a la charge de veiller au bon respect des intentions de son fondateur et de continuer à démontrer (…) que le capitalisme peut œuvrer pour la planète, précise l’entreprise par communiqué. À ce titre, il décidera des montants de dividendes alloués aux investissements de l’entreprise. Le reste sera entièrement distribué à des associations qui luttent contre la crise du climat.
Patagonia est une entreprise jugée pionnière par tous ceux qui militent en faveur de la responsabilité sociale et environnementale (RSE) des sociétés. La marque est née de la passion ancienne de M. Chouinard pour l’escalade, notamment dans le parc national de Yosemite (Californie). Dans les années 1950, l’Américain fabrique d’abord ses propres pitons en acier et, à l’arrière de sa voiture, les vend aux grimpeurs afin de financer son loisir.
En 1965, avec un ami, Tom Frost, il crée Chouinard Equipment, pour fabriquer des pitons à marteler, avant de se raviser et de leur préférer des cales, moins intrusives dans les fissures des parois. De retour d’un voyage en Écosse, il adopte le polo de rugby pour ses séances de grimpe, puis en importe pour les vendre. En 1972, la société devient Patagonia, en souvenir d’un voyage de M. Chouinard en Amérique du Sud. Le catalogue s’étoffe de capes de pluie, de sacs, de mitaines et de bonnets.
Dans la foulée, M. Chouinard et sa femme, Malinda, mettent au point un pull en velours synthétique, chaud, souple et isolant. Cela marque le début de la maille polaire portée sur un sous-vêtement thermique, mode vestimentaire standard aujourd’hui dans les magasins de sport.
S’ensuit alors une période de forte croissance jusqu’en 1991, date à laquelle les banquiers de Patagonia imposent à M. Chouinard de supprimer 20 % des effectifs de sa société. Celle-ci s’exécute puis se relance, notamment grâce à des vêtements fabriqués dans un fil de polyester obtenu à partir de bouteilles de plastique usagées. Elle s’illustre au niveau local, en soutenant une association opposée au projet de barrage d’une rivière proche de son siège social, à Ventura.
Depuis, Patagonia fait figure de modèle en matière de RSE. Depuis 1985, la firme reverse une partie de ses bénéfices à des associations caritatives. En 2002, M. Chouinard a cofondé 1 % for the Planet, une fédération d’entreprises qui s’engagent à reverser 1 % de leur chiffre d’affaires annuel à des associations environnementales. La société a également été l’une des premières firmes américaines certifiées B Corp, en 2011, cinq ans après le lancement, aux États-Unis, de ce label qui certifie des entreprises ayant un impact sociétal et environnemental positif. En 2018, la marque a, d’ailleurs, modifié sa mission, avec pour mot d’ordre : We’re in business to save our home planet (nous sommes dans les affaires pour sauver notre planète mère).
Cependant, rappelle M. Chouinard dans sa lettre, bien que nous fassions de notre mieux pour lutter contre la crise climatique, ce n’est pas assez. Grâce à cette opération, le fondateur espère décupler son soutien à des ONG du secteur. Car, juge-t-il, il faut davantage de moyens pour lutter (…) tout en préservant les valeurs de l’entreprise. En un demi-siècle d’existence, la marque assure avoir distribué 150 millions $ à des actions en faveur du climat. Cette fois, le montant susceptible de leur être alloué pourrait atteindre 100 millions $/an ».
C’est du jamais-vu aux Etats-Unis pour une entreprise de cette taille, assure au Monde la biologiste américaine Ayana Elizabeth Johnson, membre du conseil depuis 2021. À l’en croire, les deux enfants du couple Chouinard, Claire et Fletcher, qui exercent respectivement les fonctions de directrice artistique et de designer au sein de Patagonia, seraient pleinement en accord avec la décision de leur père, dont la fortune est estimée à 1,2 milliard $ par le magazine Forbes.
Patagonia serait alors l’un des premiers argentiers de la cause environnementale aux États-Unis, affirme Madame Johnson. Ces fonds pourraient financer des associations locales, mais aussi des actions en faveur de la protection des écosystèmes, de l’agriculture régénérative ou du changement de politique en faveur du climat. Le champ d’action de la compagnie n’est pas encore défini. Toutefois, elle entend changer la donne grâce à ce nouveau modèle et faire comprendre à d’autres entreprises qu’il est possible d’agir pour le climat au-delà d’une allocation de 1 % de leurs revenus à des causes environnementales, poursuit la biologiste.
Relocaliser sa production à proximité des cimes, des plages et des forêts dont raffolent ses admirateurs n’est toutefois pas à l’ordre du jour. La marque, que ses détracteurs surnomment Patagucci, en référence à ses prix élevés, fabrique majoritairement ses articles chez des sous-traitants en Asie, notamment en Chine, où, en 2021, elle a renoncé à s’approvisionner en coton après avoir été éclaboussée par le scandale du travail forcé au Xinjiang. Ses fournisseurs œuvrent aussi en Thaïlande et au Vietnam. Des pays à faible coût de main-d’œuvre, où la firme assure rémunérer le personnel à des salaires au-dessus des normes locales, mais au prix d’un bilan carbone avéré.
Juliette Garnier Le Monde du 16 09 2022
À Ehzou, sur les rives du Yang Tse, les Chinois mettent des cochons dans des cages à lapin, soit 650 000 cochons dans ce gratte-ciel de 26 étages , soit 25 000 bêtes par étage. Les ascenseurs emmènent 40 tonnes ! Quelle cochonnerie !
Les eaux usées sont retraitées sur place.Notre projet permet d’atteindre le niveau zéro d’émissions d’excréments avec aussi des émissions de gaz à effet de serre très faibles. Par ailleurs, notre système de contrôle sur la biosécurité, ajouté à une alimentation scientifique, permet d’améliorer la qualité de la viande afin de répondre à la demande de la population pour une viande de porc d’un bon niveau et moins chère.
Zhuge wenda, le patron du site.
16 09 2022
Masha Amini, jeune kurde de 22 ans de la ville de Saqqeh, dans l’ouest du pays, décède à Téhéran des suites des coups de la police iranienne qui l’avait arrêtée trois jours plus tôt pour avoir mal mis son voile. Et c’est l’émeute qui va prendre une ampleur sans précédent : les jeunes iraniens en ont marre de quarante ans de dictature des mollahs. Et on va voir les Iraniens faire de Bella Ciao leur hymne, repris dans toutes les manifestations.
22 09 2022
La carence du Liban fait fuir ses habitants, et les naufrages continuent : 100 morts au large de Tartous.
26 09 2022
En mer Baltique, deux explosions occasionnent d’importantes fuites de gaz sur les gazoducs Nord Stream 1 et Nord Stream 2. La première, à 2 h 03′ sur Nord Stream 2 est découverte au sud-est de l’île danoise de Bornholm. À 19 h 03′, deux autres fuites sont décelées à 13 h 52′ puis 20 h 41′ sur Nord Stream 1 au nord-est de l’île. Les pipes de gaz sont posés sur le fond marin à une profondeur variant de 80 à 100 mètres. L’un des 2 gazoducs de Nordstream 2 a été épargné et pourrait donc redevenir immédiatement opérationnel.
Ils font 1222 et 1230 km de long, d’un diamètre de 1.22m., capables de transporter chacun 55 milliards de m³/an de gaz naturel, de la Russie – Vyborg pour Nord Stream 1, Oust-Louga près de la frontière estonienne pour Nord-Stream II – pour déboucher à Lubmin et s’achèvent à Greifswald, à une vingtaine de km à l’intérieur des terres où ils rejoignent les autres pipes qui courent à terre. Nord Stream 1 a été achevé le 22 avril 2011, mis en service en septembre 2011 et coupé sur décision de Vladimir Poutine le 2 septembre 2022, en représailles aux anctions prises contre l’Union Européenne contre la Russie en guerre.
Nord-Stream II a été achevé en septembre 2021, abandonné par le chancelier allemand Olaf Scholz le 22 février 2022, 2 jours avant l’entrée des Russes en Ukraine
Au moment de leur explosion, les deux gazoducs étaient remplis de gaz mais aucun n’était en service.
Christian Harbulot, grand connaisseur du monde de la guerre économique laisse entendre que les États-Unis seraient probablement les auteurs du coup, car techniquement les seuls à être capables de réussir pareille opération – mais dit qu’il est sur et certain que l’on n’aura jamais les preuves de la responsabilité de qui que ce soit dans cette affaire. On parle encore de Roman Tchervinski, à la tête d’un commando ukrainien de 6 personnes, avec location d’un voilier, et aussi d’une opération russe.
Du sabotage des pipelines dans la Baltique, je retiens deux choses. Qu’ils ont explosé et que l’attentat n’a pas été attribué. Pour obtenir l’effet physique d’un trou dans des tuyaux à 80 mètres de profondeur, il n’y a pas besoin d’avoir des moyens extrêmement sophistiqués. Ce n’est pas à la portée de tout le monde, mais des plongeurs professionnels, appartenant à un groupe non étatique qui bénéficierait de l’expertise d’anciens nageurs de combat, sont capables de descendre des charges à 80 mètres, de les placer et de les minuter pour qu’elle explosent en même temps. C’est une opération d’une ou deux heures. Si vous ne voulez pas laisser de traces, c’est plus compliqué.
Pour ne pas être identifié, il faut que vous ayez une charge neutre, dont on ne va pas retrouver au fond de l’eau des débris qui vous désigneront comme celui qui utilise ce type de technique. Il faut que la mise en place de vos plongeurs ne soit pas repérée. Or, la Baltique, ce n’est pas très grand, ce qui veut dire qu’il y a une couverture régulière et permanente. Donc, pour arriver à faire ça, il faut des moyens d’un niveau au-dessus. Peut-être l’utilisation d’un mini-sous-marin pour transporter des nageurs – sur, mettons, 20 nautiques, 36 kilomètres. Tout le monde ne l’a pas. Ça demande une organisation et des moyens plus compliqués que de faire exploser un gazoduc terrestre. Ça exclut les amateurs. L’élément déterminant, c’est l’absence d’attribution. La difficulté n’est pas de commettre un tel attentat. C’est de le faire sans laisser de traces.
Amiral resté anonyme, interviewé le 25 octobre 2022 par Marion Van Renterghem. Le piège Nord Stream. Les Arènes 2023
L’analyste indépendant danois Oliver Alexander, qui effectue un travail de recherche à partir du site de sources ouvertes OSINT, rapporte une information émanant de l’armée danoise : un navire de la marine russe, le SS-750, a été photographié par le patrouilleur danois P534 Nymfen, à l’est de l’île de Borholm, à proximité des gazoducs Nord Stream, quatre jours avant l’explosion du 26 septembre. Or ce navire russe est conçu pour effectuer des opérations sous la mer et dispose à son bord d’un mini-sous-marin de type Priz, le AS-26, précise le quotidien danois Information. […] Le commandement de la défense norvégienne confirme au journal Information être en possession de 26 photos classées secret-défense de ce navire russe, prises depuis le patrouilleur danois P524 Nymfen, qui naviguait sur zone le 22 septembre. D’après les expert interrogés par le quotidien danois, le SS-750 n’avait aucune raison d’être dans la zone : il est conçu spécialement pour les opérations sous-marines et il a la capacité de mener à bien une telle opération (le sabotage de pipelines dans la Baltique à 80 mètres de fond). Pour eux, il s’agit là d’un élément majeur des enquêtes en cours.
[…] À court terme, le groupe russe a bénéficié comme souvent de la hausse des prix du gaz. Mais surtout, à long terme, elle lui permet d’évier de payer des pénalités à tous ses clients européens non livrés. En 2019, le groupe russe avait du payer 2.9 milliards $ à son homologue ukrainien Naftogaz pour non-respect du contrat. Dans le cas de l’arrêt de Nord Stream 1, au début du mois de septembre 2022, soit 3 semaines avant le sabotage – l’évaluation de la somme est approximative faute d’informations publiques sur les contrats de long terme entre Gazprom et les entreprises importatrices de gaz comme l’allemande Uniper en Allemagne. Différents experts de l’énergie parviennent cependant à des conclusions similaires, en calculant les quantités de gaz non livrée par Gazprom en 2022 par rapport au minimum contractuel fourni en 2021, le prix du mégawatt/heure sur le marché européen du gaz, le différentiel payé par les entreprises pour s’approvisionner en gaz ailleurs. Le volume d’argent pour lequel Gazprom pourrait potentiellement être poursuivi en justice serait susceptible de se situer entre 20 et 40 milliards $, estime l’un d’eux. Or le sabotage de Nord-Stream fournit à la Russie le cas de force majeure capable de l’exonérer des pénalités dues. Entre une éventuelle réparation de tuyaux au prix de 500 millions, voire 1.5 milliard $, et un possible dédommagement de 20 à 40 milliards $ pour rupture abusive des contrats, Gazprom et Poutine ont plus à gagner au sabotage qu’au remboursement. Dans l’affaire Nord Stream, les intérêts rationnels sont seulement du côté de l’État russe. Ce qui, pour autant, ne fait pas forcément de lui le coupable du sabotage.
Marion Van Renterghem. Le piège Nord Stream. Les Arènes 2023
Le SS-750 avec son mini-sous-marin AS-26 Priz a été observé autour du site du sabotage quatre jours avant qu’il ne se produise. Ce sous-marin fonctionne par arrimage de son sas sur le sas du sous-marin à secourir. La pression due à la profondeur [1 bar tous les 10 mètres] n’intervient donc pas, les équipages restant en pression atmosphérique.
Concernant la quantité de méthane qui s’est échappée dans la mer Baltique, les estimations varient assez fortement :
Green Peace estime que les fuites ont relâché dans l’atmosphère environ 230 000 tonnes de méthane.
L’ONG Environmental Defense Fund estime plutôt cette quantité à 115 000 t de méthane, l’équivalent de 10 Mt de dioxyde de carbone, émissions annuelles de deux millions de voitures à essence.
Les chercheurs du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) évalue à environ 70 000 t la quantité de méthane relâchée, l’équivalent de 5,8 Mt de CO2, soit les émissions de la ville de Paris pendant un an.
L’Office fédéral de l’environnement, en Allemagne, a calculé que les fuites entraîneraient des émissions d’environ 7,5 millions de tonnes équivalent CO2, soit 1 % des émissions annuelles totales du pays (tous types de GES confondus).
Le , les prix du gaz en Europe bondissent de 12 % après la diffusion de la nouvelle des pipelines endommagés, malgré le fait que Nord Stream 1 n’a pas livré de gaz depuis août et que Nord Stream 2 n’a jamais été mis en service.
Le ministre danois de l’Énergie déclare que les fuites de gaz devraient se poursuivre pendant au moins une semaine. Selon les autorités suédoises, il faudra probablement une à deux semaines avant que les fuites soient arrêtées et que les pipelines puissent être inspectés en toute sécurité. Nord Stream AG, l’opérateur de Nord Stream, déclare le qu’il est impossible d’estimer quand l’infrastructure sera réparée.
Wikipedia
27 09 2022 1 h 14′ heure de Paris
DART – Double Asteroid Redirection Test – une sonde de la NASA, percute à 23 760 km/h l’astéroïde Dimorphos petit astéroïde de 160 mètres Ø, lui-même satellite d’un plus grand, Dydimos. Cela se passe à peu près à 11 millions km de chez nous. Quelques secondes avant l’impact, DART largue DACRO, une caméra de la taille d’une boite à chaussure pour filmer la rencontre et ainsi en transmette les images à la NASA.
6 10 2022
Le Nobel de littérature est pour Annie Ernaux, 82 ans.
10 2022
La dernière née de Citroën – Oli – , est élue par un jury international, à l’unanimité, voiture la plus laide du XXI° siècle. Il faut remonter à l’AMI 6 de 1961 pour trouver pareille caisse à savon, véhicule militaire pour Chasseurs alpins . La Citroën Touch c’est un talent très sur pour les extrêmes, les voitures les plus moches comme les plus belles, avec l’inoubliable DS de 1955.
en option, deux skis de saut fixés sur le toit la semelle regardant le ciel : quand la voiture se retourne la caisse à savon devient luge. On glisse sur la tête.
En 2015, le maire d’Agde avait engagé les démarches nécessaires pour obtenir l’autorisation d’utiliser les eaux usées de la ville pour arroser ses espaces verts. Il lui aura fallu sept ans pour qu’enfin cela aboutisse…. oui, SEPT ANS. Et tous nos politiques qui passent leur temps à se gargariser sur l’indispensable simplification administrative et rien n’est fait, rien ! [4] En campagne, le candidat Macron avait eu la bonne idée de proposer que toute nouvelle norme entraine automatiquement la suppression d’une autre. Qu’en est-il ? La réalité, c’est qu’aucun gouvernement, quelle que soit sa couleur politique n’est encore parvenu à engager une profonde réforme de l’État. La fonction publique est une forteresse inexpugnable, cloitrée dans un farouche conservatisme où elle a cultivé avec le plus grand soin les avantages acquis.
Le recueil des lois est passé de 380 pages en 1964 à 560 en 1978, 1 020 en 1989, 1 300 dix ans plus tard, 1 600 en 2002. Aujourd’hui, il comporte 2 350 pages (…) fermons le livre des records.
Jean-Louis Debré, président de l’Assemblée nationale. Lettre aux députés en 2004, citée par le Monde, repris par le Midi Libre du 2 août 2004.
Entre 2002 et 2023, souvent sous l’effet de l’apparition de phénomènes nouveaux comme les nécessaires transformations écologique et numérique, le droit français a doublé de volume, totalisant désormais 45.3 millions de mots. L’adage nul n’est censé ignorer la loi est devenu une fiction démocratique. Le calcul est simple : admettons qu’un citoyen décide de se mettre au niveau au rythme de 300 mots lus à la minute, il lui faudrait cent cinq jours sans discontinuer pour lire la réglementation française.
2021 a été une année record pour l’inflation normative avec 67 lois, 91 ordonnances, 1 843 décrets et 83 750 pages publiées au Journal Officiel. Même les élus locaux s’inquiètent. Asphyxiés par un stock de plus de 400 000 normes, ils ont dénoncé une forme de harcèlement textuel. Le code général des collectivités territoriales a triplé de volume en vingt ans. Le code du commerce a cru quant à lui de 364 % sur cette période et celui de la consommation de 311 %.
François Asselin (CPME), Patrick Martin (MEDEF), Dominique Métayer (U2P) : extrait d’un courrier adressé à Emmanuel Macron en novembre 2023. Reproduit par La Tribune Dimanche 19 novembre 2023
Et la Tribune du 28 janvier 2024, rapporte une estimation du gouvernement selon laquelle la complexité normative coûterait 3 % de PIB par an, soit 70 milliard €.
Y a-t-il un pilote dans l’avion ?
2 11 2022
Coin Desk, un site spécialisé dans les bit coins publie un rapport interne qui révèle le mode de fonctionnement d’Alameda Research, entreprise au top niveau de la cryptomonnaie, dirigée par Sam Bankman-Fried. Aussitôt, Changpeng, Zhao, le PDG de Binance, première plate-forme mondiale de cryptomonnaies retire toutes ses billes de FTT , et la firme bahamienne dévisse. Le 11 novembre, la firme de trading et plus de 130 sociétés affiliées sont déclarées en faillite. La SEC diligente une enquête. Sam Bakman Fried, 30 ans, laisse son entreprise au liquidateur. Il avait lancé FTX en 2019 et au moment de la faillite possédait 5.8 milliards $. Génie du funambulisme en cryptomonnaies, il n’avait pas eu la sagesse de s’entourer d’un banquier bien rodé qui lui apprenne comment doit être structuré un établissement financier. Ce sont 10 milliards $ qui seront partis en fumée.
14 11 2022
Retour de la petite navette X-37B de Boeing après une mission au service de la défense américaine de presque trente mois. La navette s’est posée seule.
Il existe deux navettes X-37B, qui sont réutilisables et dont Boeing s’occupe lorsqu’elles sont au sol, dans un hangar du centre Kennedy. Avec ses 9 m de long, X-37b rentre sous la coiffe des fusées Falcon 9 ou Atlas V. Ces navettes ont déjà exécuté 6 missions en orbite. Cette rotation en orbite basse a donc duré officiellement 908 jours et 21 heures, un record pour un véhicule qui s’était envolé en pleine première pandémie de COVID-19.
Pour la première fois, la navette emportait à l’arrière un petit module de service avec des expériences, qui a été largué avant le retour… Mais dans sa soute centrale, il y avait également d’autres charges utiles, dont au moins un microsatellite éjecté en orbite et un test sur des matériaux exposés au vide pendant toute la mission (expérience publique de la NASA). La défense aurait également testé la transmission d’électricité de l’orbite au sol via laser… Ainsi que d’autres choses qui resteront dans les rapports du Pentagone.
X-37b est très maniable et même si la majorité des grandes agences spatiales dans le monde effectuent un suivi régulier des objets en orbite (elle n’est pas si discrète), la petite navette de Boeing est très réactive et manœuvrable, elle peut donc périodiquement « disparaître » des radars en n’étant plus à l’endroit attendu.
Généralement, l’arrivée au sol d’une navette X-37b précède de quelques mois seulement le départ de la suivante vers l’orbite… Reste à voir si ce schéma va se répéter pour la mission OTV-7 dans les six à dix mois qui viennent. La Space Force dispose en effet d’autres options pour tester des matériels en orbite sans nécessairement passer par la petite navette de Boeing, mais elle reste un atout privilégié pour tester de nouveaux concepts le plus discrètement possible, loin des yeux du public.
Et il n’est pas exclu de la voir (enfin) évoluer à présent que la Chine joue dans la même cour avec son propre véhicule spatial, pour lequel il n’existe en réalité aucune photographie publique. Lui est encore en orbite pour un deuxième voyage depuis le 4 août dernier.
Eric Bottlaender
Navette X 37b
et encore
29 et 30 11 2022
Massacre à Kishishe, dans l’est du Congo, province du Nord Kivu, du fait du M23, un mouvement terroriste soutenu par le Rwanda : au moins 131 morts.
Depuis treize mois, l’extrême est de la République démocratique du Congo (RDC) est de nouveau le théâtre de combats meurtriers opposant d’un côté des milices locales et des forces régulières congolaises au Mouvement du 23 mars (M23), un groupe rebelle soutenu par le Rwanda. Le docteur Denis Mukwege, Prix Nobel de la paix en 2018, dénonce l’inaction et l’hypocrisie de la communauté internationale, ainsi que la corruption des autorités congolaises face à ce drame qui dure depuis près de trente ans.
Comment expliquez-vous la résurgence des violences meurtrières dans l’est de la RDC depuis novembre 2021 ?
Parce que, au Congo, l’impunité est la norme. Notre pays ressemble à une bijouterie sans porte ni fenêtres. Chacun peut massacrer des populations impunément, comme à Kishishe, piller nos richesses, puis les vendre sur le marché international. Pendant ce temps, le monde entier ferme les yeux. C’est ce qui se passe avec le M23, un mouvement terroriste soutenu par le Rwanda.
Ça ne date pas d’hier. La crise sécuritaire et humanitaire, qui se déroule depuis vingt-cinq ans dans l’est du Congo, est la plus négligée au monde. Une crise qui, pourtant, a déjà provoqué la mort de plus de 6 millions de personnes et déplacé 5,8 millions d’autres. Un tiers de la population a faim.
Que fait l’Etat congolais ?
Dans l’est du pays, il y a là cent vingt groupes armés nationaux ou étrangers. Quelle est la réponse de Kinshasa ? Il appelle des forces armées extérieures [celles envoyées par les pays membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale] qui viennent avec leur propre agenda pour croquer leur part du gâteau. Résultat, c’est à nouveau la population civile qui paie le tribut. C’est dramatique, d’autant que le reste du monde regarde sans rien faire. Le Congo vit dans une situation de chaos organisé, sa population réduite dans une forme d’esclavage moderne, dans le but de piller ses terres rares et ses minerais stratégiques. Tout cela pour répondre aux besoins des nouvelles technologies et de la transition énergétique.
À Luanda, Nairobi ou New York, les diplomates tentent pourtant de trouver une issue à cette crise…
Nous sommes agressés par le Rwanda. C’est reconnu. L’ambassadeur de France aux Nations unies a qualifié d’horreur le massacre de Kishishe. Mais après ? Quelle suite ? Rien. Malheureusement, on ne voit pas la communauté internationale s’émouvoir comme elle le fait pour l’Ukraine, où le pays agresseur – la Russie – est sanctionné, isolé. La politique européenne en direction de la région des Grands Lacs est d’une totale incohérence.
Aucune des mesures annoncées à Luanda ou à Nairobi n’ont été respectées. Cela dit, je ne crois pas que l’externalisation de notre sécurité soit une solution. Notre problème est que le chaos est organisé de l’extérieur, mais aussi de l’intérieur. C’est pourquoi j’appelle le peuple congolais à prendre son destin en main, dès lors que nos autorités censées assurer notre sécurité ne le font pas, et au contraire entendent la sous-traiter à l’extérieur en monnayant on ne sait quoi.
Demandez-vous le départ du président, Félix Tshisekedi ?
Pour le moment, la priorité est de faire cesser l’occupation d’une partie de notre territoire par les terroristes du M23 soutenus par le régime de Kigali. Et contre cela, nous demandons que le droit international s’applique. Nous demandons que la Charte des Nations unies s’applique. Nous demandons qu’il y ait une mobilisation internationale contre l’agression du Rwanda. Nous demandons que l’on mette un terme à ce système de deux poids, deux mesures. Personne ne parle du Congo alors que, tous les jours, il y a au moins une réunion au niveau international sur l’Ukraine. Arrêtons cet humanisme à géométrie variable. Il faut absolument qu’en cas d’agression l’agresseur subisse les mêmes conséquences.
La plus importante mission extérieure des Nations unies est pourtant déployée au Congo…
L’ONU doit faire d’avantage. Au lieu de cela, son secrétaire général dit que les 16 000 casques bleus déployés en RDC ne peuvent pas arrêter un groupe rebelle de quelque 3 000 personnes, parce que leur puissance de feu est supérieure à celle des Nations unies. La résolution 2641 des Nations Unies [adoptée en juin] est pourtant claire : tout Etat ou organisation qui soutient des rebelles ou un groupe armé dans la région des Grands Lacs doit être placé sous embargo et sanctionné.
Pourquoi n’est-ce pas le cas ?
Cela relève du cynisme géopolitique. L’Europe s’est bâtie sur des valeurs démocratiques et d’État de droit. Sauf que l’économie et les finances ne respectent pas ces principes. Je suis triste quand je pense à l’époque de mes arrière-grands-parents. Au temps des colons belges, on tranchait les mains de ceux qui ne fournissaient pas suffisamment de caoutchouc pour que les Européens disposent de pneus. Aujourd’hui, je me sens aussi mal lorsque je vois tout ce qui est fait sur le dos des Congolais. Comment parler de la transition énergétique sans évoquer le cobalt et le lithium congolais nécessaires à la fabrication des batteries ? Pourquoi ne réfléchissons-nous pas autrement qu’il y a plus d’un siècle [au temps de la colonisation par le roi belge Léopold II] ? Pourquoi faut-il toujours tuer, violer, détruire toute une population pour assouvir, aujourd’hui, les besoins en cobalt ? Pourquoi ne peut-on imaginer, plutôt, un commerce transparent gagnant-gagnant où l’industrie se développe et paye les matières premières à leur juste prix ? À l’époque, Léopold II était, soi-disant, venu pour lutter contre l’esclavage et civiliser le Congo. Finalement, il a fait pire. Aujourd’hui, c’est la même chose avec des multinationales.
Le Congo est-il victime de sa richesse ?
Il n’y a pas de malédiction. C’est une question de responsabilités. Ce qui nous arrive n’est pas un problème congolais, mais concerne tout le monde. Et notamment vous, Européens, qui consommez des produits utilisant des minerais extraits grâce aux guerres. Vous avez la liberté de ne pas consommer ces produits.
Avez-vous le sentiment que votre message, depuis votre prix Nobel, porte davantage ?
J’ai accès à des plates-formes pour m’exprimer. Mais les atrocités continuent au Congo. L’homme est toujours exploité. Le corps des femmes est un champ de bataille… Tout cela perdure pour le contrôle de l’économie au nom de la globalisation. Aujourd’hui, on nous parle de voiture verte, d’économie verte, de transition énergétique. Mais, au Congo, la couleur est rouge, le rouge du sang versé tous les jours.
Comment inverser le cours des choses ?
Il faut, en priorité, commencer par une réforme du secteur de la sécurité. Si nous ne sommes pas capables de préserver notre intégrité territoriale parce que nous n’avons pas d’armée, si nous ne pouvons assurer la sécurité des biens et des personnes parce que nous n’avons pas de police, alors qui vient investir au Congo ? Seulement les brigands. Les adeptes de la loi du plus fort. À l’inverse, il faudrait la force de la loi. Etablir un État de droit où chacun se soumet aux règles. Si rien n’est fait alors, au Congo, on continuera de compter nos morts.
Propos recueillis par Christophe Châtelot Le Monde du 15 12 2022
30 11 2022
Open AI lance Chat GPT.
Il s’agit d’intelligence artificielle, qui est aux cols blancs (entreprises, enseignement, édition, médecine, culture, droit et justice etc… ) ce que les robots ont été aux cols bleus. Elle peut résumer des livres entiers, écrire des courriels, synthétiser des réunions ou composer de la musique en quelques secondes. Et c’est une tornade : 1 millions d’utilisateurs en 5 jours, 100 millions en deux mois : une rapidité tout à fait inédite. Goldman Sachs parle de la disparition d’environ 300 millions d’emplois dans le monde. Microsoft a investi dans l’IA 13 milliards $ depuis 2019.
Le lancement de Chat GPT est comparable à celui de l’Iphone en 2007 dans le sens où on peut dater le basculement de la société dans une nouvelle ère.
Medhi Triki, un des directeurs du Hub France IA, qui fédère 140 entreprises du secteur.
Aux États-Unis, c’est donc par milliards $ que se montent les investissements, en France, par millions € : on ne joue donc pas dans la même cour, mais on joue quand même, avec un Xavier Niel, patron d’Iliad, c’est-à-dire de Free qui s’associe à Rodolphe Saadé, patron de la CMA-CGM, la Compagnie de navigation qui a le vent en poupe et Eric Schmidt, ancien PDG de Google pour fonder KYUTAI – sphère en Japonais – qui a pour ambition de devenir la plaque tournante de l’IA en France. Plusieurs start-up existent depuis plusieurs années, dont la principale : MISTRAL AI (valorisé fin 2023 à 2 milliards $, levant des fonds fin 2023 pour 385 millions €), mais encore GISKARD, LIGHTON, DUST, MISTER IA, HUGGING FACE, AIRUDIT, POOLSIDE AI…
L’affaire n’est pas tant de savoir si l’IA va empiéter sur la créativité de l’homme, et donc représenter un réel et immense danger que de savoir qui crée cette IA. Il est impératif qu’une instance internationale soit dotée des pouvoirs nécessaires pour contrôler les fabricants et éventuellement leur interdire « l’AMM » – Autorisation de Mise sur le Marché : nom utilisé pour les médicaments -. On commence déjà à froncer les sourcils quand Poutine parle de s’y mettre, peut-être Xi Jinping est-il déjà en plein dedans, et qu’en sera-t-il lorsque ce seront les innombrables mafias qui s’empareront à leur seul profit évidemment de cette affaire, ou Kim Jung Un ou un président d’extrême droite en Amérique du Sud. Mais quelle autorité ? L’ONU est bien trop nulle pour cela …
Un an plus tard, l’IA entrera dans la presse people, avec le limogeage le vendredi 17 novembre 2023 par l’OpenAI de Sam Altman, son patron, qui sera réintégré le dimanche, après avoir été soutenu par 700 employés sur 770. Sam Altman, c’est le génie de l’IA, aussi l’affaire fera-t-elle grand bruit.
L’opération communication autour de cette révolution en marche se garde bien de donner le revers de la médaille, à savoir, une consommation très importante d’électricité – chaque nouveau Data Center, où sont stockées les données, consomme plus d’énergie qu’une ville de 40 000 habitants ; et encore, en parallèle, une consommation très importante d’eau : un data center qui monte vite en surchauffe, doit avoir des tours de refroidissement, lequel s’obtient avec de l’eau. Les composants des puces qui servent à entraîner les modèles d’I.A. sont en grande majorité fabriqués à Taïwan, dont 90% de l’énergie est fossile.
Au sein de ce milieu, Sasha Luccioni, 34 ans, née en Ukraine, formée à Montréal, s’est faite l’avocate du climat en créant Code Carbon qui permet de mesurer l’empreinte carbone des modèles d’intelligence artificielle. Directrice de la stratégie climat au sein de la start-up franco-américaine Hugging Face, elle travaille à la création d’un dispositif de certification des algorithmes, l’équivalent pour l’A.I. de ce qu’est Nutri-Score pour l’alimentation ; avec pour objectif de l’imposer à tous les concepteurs d’I.A. y compris aux géants allergiques à toute forme de contrôle tels que l’Open A.I. et Google SR.
Sam Altman, directeur général d’OpenAI et inventeur du logiciel d’IA ChatGPT
11 12 2022
Une des vice présidente du parlement européen, (il y a 14 vice-présidence) Eva Kaili, grecque de 44 ans, est écrouée à Bruxelles avec Francesco Giorgi, assistant parlementaire de 33 ans, son compagnon, de Pier Antonio Panzeri, ancien eurodéputé social-démocrate italien et président de l’ONG bruxelloise Fight Impunity ; Luca Visentini, secrétaire général de la Confédération syndicale internationale (ITUC), sera remis rapidement en liberté, ainsi que Niccolo Figa-Talamanca, dirigeant de l’ONG No Peace Without Justice, installée à la même adresse que Fight Impunity, qui quittera la prison mais porteur d’un bracelet électronique. Andrea Cozzolino et Marc Tarabella, tous deux aussi eurodéputés socialistes, sont eux aussi dans le collimateur des juges. Ils ont reçu des pots de vin, – en fait de l’argent liquide – du Qatar, pour en dire du bien dans les médias européens. Son immunité parlementaire n’a pas pu jouer, car prise la main dans le sac, en flagrant délit : la moisson de l’ensemble des perquisitions menées se monte à 1.5 millions d’euros. Le 11 novembre, elle avait déclaré à la tribune du parlement européen : Le Qatar est un chef de file en matière de droits du travail. On ne peut que se réjouir de la rapidité avec laquelle ont réagi les autorités du parlement : on était là dans une atteinte grave aux fondements de la démocratie. Interrogée sur l’origine de cet argent, elle va bien sûr nier tout rapport avec ce beau magot, mais elle restera incarcérée, les juges belges ayant refusé le port d’un bracelet électronique. Cela fait penser à une histoire drôle au sein de l’Église catholique : une mère supérieure entreprend la visite de ses couvents sur tout le territoire du pays, et en rend compte à son retour lors d’un chapitre : Mes très chères sœurs, il faut que je vous dise que je suis revenue enceinte. Et le chœur des sœurs de s’exclamer : Miraculo, miraculo !
Eva Kaili, élue socialiste grecque, vice-présidente du Parlement européen.
17 12 2022
Sofia Goggia, italienne de 30 ans, née à Bergame, considérée comme la meilleures descendeuse mondiale (ski alpin) du moment, s’est blessée la veille lors de la première descente de Saint Moritz, en Suisse – fracture des deuxième et troisième métacarpiens de la main gauche – sans chuter ; elle a pris la deuxième place. Elle téléphone aussitôt à son chirurgien à Milan : il faut m’opérer : j’arrive. Et aussitôt prend un hélicoptère, se fait opérer et revient à Saint Moritz pour prendre le départ de la deuxième descente… qu’elle gagne. Le départ de cette descente étant bien raide, elle n’a presque pas eu besoin de sa main plâtrée pour pousser sur le bâton, la vitesse de croisière étant rapidement atteinte.
Elle a gardé les gênes de ses aïeux, probablement des paysans durs à la peine : deux petites fractures de deux petits os ! on ne va tout de même pas se laisser arrêter par cela !
20 12 2022
Le lanceur léger Vega C d’ESA, deux minutes et vingt-sept secondes après son lancement de Kourou à 22 h 47′, quitte la trajectoire prévue. L’ordre de destruction est alors donné, destruction qui inclut les deux satellites d’observation optique Pléiades Neo 5 et 6 d’Airbus (environ 150 millions € par unité). Une anomalie s’est produite sur le Zefiro 40 (le propulseur à poudre du deuxième étage du lanceur, sous maîtrise d’œuvre de l’italien Avio), dira Arianespace.
[…] Cet échec fragilise Arianespace qui risque de se retrouver plusieurs mois sans lanceur pour honorer ses contrats. Jusqu’à 2022, la firme européenne disposait d’une gamme de trois fusées dont deux européennes : la petite Vega pour les satellites légers en orbite basse entre 300 et 2 000 kilomètres de la Terre et sa grande sœur Ariane 5 pour de lourdes charges charges à placer en orbite géostationnaire à 36 000 kilomètres. Elle compétait son offre avec des lanceurs russes Soyouz vers l’orbite basse, indispensable pour honorer son carnet de commandes. L’année 2022 devait être celle du renouvellement de la gamme avec la mise en service de Vega -C, plus performante que le modèle précédent et Ariane 6, un lanceur polyvalent pouvant couvrir à la fois l’orbite basse et le géostationnaire à des prix 40 % à 50 % inférieurs à ceux d’Ariane 5 pour être compétitifs avec ceux des fusées Falcon lancées par Space X, la firme d’Elon Musk. Mais rien ne s’est passé comme prévu.
À commencer par Soyouz. À la suite du déclenchement de la guerre en Ukraine, Moscou a décidé de rompre toute collaboration avec l’Europe et la équipes russes ont quitté Kourou. Plus question de lancer des fusées. Impossible pour Arianespace de transférer vers Vega-C les satellites prévus sur les missions Soyouz, le plan de charge étant complet. Les clients privés se sont tournés vers d’autres sociétés de lancement. Ainsi, pour continuer de déployer sa constellation de satellites diffusant Internet haut débit, les français One Web a choisi l’américain Space X mais aussi l’indien New Space India Limited.
Deuxième revers : Ariane 6. Dès les premiers mois de 2022, il est devenu certain que le calendrier prévoyant un vol dans l’année serait à nouveau décalé, lui qui avait déjà plus de trois ans de retard. En décembre, l’ESA a annoncé un premier tir de qualification pour le quatrième trimestre 2023, les vols commerciaux devant débuter l’année suivante. Ce décalage compromet le passage de relais entre Ariane 5 et Ariane 6. Il ne reste que deux fusées à lancer pour le programme Ariane 5. Les tirs sont prévus au premier trimestre 2023. Pendant plus d’un an, l’Europe ne pourra pas donc mettre de satellite en orbite géostationnaire.
Et jamais deux sans trois avec aujourd’hui Vega-C. Le 13 juillet, le tir de qualification s’était déroulé sans encombre, ce qui rend plus déroutant encore l’échec du premier vol commercial. Des conclusions de la commission d’enquête dépendront l’utilisation ou non des deux petites Véga restantes. Si le problème vient uniquement du deuxième étage, elles pourraient alors être lancées, car les deux fusées n’ont pas le même modèle de structure à ce niveau.
Le défi est de taille pour Arianespace, qui doit assurer douze tirs de Vega C et vingt-neuf d’Ariane 6 pour respecter son carnet de commandes. La firme a déjà trois années pleines de contrats jusqu’à fin 2026 le plus important étant les dix-huit lancements pour déployer la constellation de satellites Kuiper d’Amazone visant à fournir de l’internet haut débit depuis l’espace. Le moindre décalage lui sera préjudiciable et exploité par ses concurrents, que ce soit Space X, qui domine le marché, ou les nouveaux comme l’Inde.
Dans l’immédiat, le risque d’incapacité de mettre en orbite de nouveaux satellites pendant plusieurs mois pose la question de l’autonomie d’accès à l’espace des Européens, une question essentielle de souveraineté. Déjà, du fait du retrait de Soyouz, cinq missions sont en attente de lanceur : deux pour les satellites de géolocalisation Galileo de la Commission européenne, deux pour l’ESA et une pour le ministère français des armées.
Difficile d’admettre un satellite français de défense embarqué sur une fusée étrangère, tout comme ceux de Galileo, qui pourraient attendre, étant redondants. Par contre, en raison de son programme, le télescope Euclide, de l’ESA, visant à étudier l’expansion de l’univers au cours des dix milliards d’années, devrait partir avec Space X. Une décision prise en octobre.
Quelques semaines plus tard, en novembre, changement de ton. Les trois principaux contributeurs de l’ESA, la France, l’Allemagne et l’Italie, ont signé un accord réaffirmant le principe d’une préférence européenne pour les lancement dits institutionnels, c’est à dire ceux menée au profit des agences spatiales nationales et européennes. Un accord qui risque de rester lettre morte faute de fusées.
Dominique Gallois. Le Monde du 23 12 2022
N’ayant pas la possibilité de lancer impérativement en 2024 deux satellites Galileo avec le lanceur européen Ariane 6, qui a pris beaucoup de retard sur le programme qui prévoyait un premier vol pour le 16 juillet 2020 : le premier vol d’Ariane 6 est prévu au mieux pour avril ou mai 2024, Thierry Breton a du se résoudre à demander à l’américain Space X de faire monter ces satellites à bord du lanceur Falcon 9, pour sécuriser le fonctionnement de la constellation européenne.[…] C’est donc un vrai pari pour l’Europe : la constellation Galileo (2 milliards d’utilisateurs) a pour principale concurrente l’américaine GPS, qui est aujourd’hui moins performante que sa rivale.
Michel Cabirol La tribune Dimanche29 octobre2023
22 12 2022
Les déboires de la Finlande avec son EPD made by AREVA- SIEMENS, ne sont pas terminés.
La Finlande, qui comptait il y a encore quelques semaines sur son nouveau EPR d’Olkiluoto 3 pour passer l’hiver en cours, peut faire une croix sur son réacteur nucléaire de nouvelle génération pour la (quasi) totalité de l’hiver. La mise en service normale de ce dernier est repoussée jusqu’au début du mois de mars (le 8 exactement), a annoncé mercredi TVO, l’opérateur finlandais de la centrale. Il y a une dizaine de jours, ce dernier tablait sur février après l’apparition en octobre de dommages détectés dans les pompes à eau du réacteur. Aujourd’hui, l’examen des dommages sur est en grande partie terminé.
Les pompes d’alimentation en eau ont été utilisées en dehors des plages d’utilisation normales lors des tests de production, ce qui a entraîné une contrainte plus élevée que la normale sur les pompes, a-t-il expliqué.
Le coup est d’autant plus rude pour la Finlande que le pays scandinave comptait sur son nouveau EPR, le plus puissant d’Europe avec une capacité de 1.600 mégawatts, pour compenser l’arrêt des livraisons d’électricité russes décidées par Moscou après l’annonce de la candidature de la Finlande à l’Otan en mai 2022. Celles-ci représentaient environ 900 MW, soit 10% de la consommation finlandaise. Pour pallier ce manque, l’Etat finlandais a déjà dû actionner des centrales de réserve au fioul le mois dernier. La Suède peut par ailleurs lui fournir jusqu’à 2 400 mégawatts mais guère plus car elle est elle-même confrontée à des risques de pénurie et s’appuie régulièrement sur des centrales au fioul de réserve.
Ce nouvel incident intervient alors que le réacteur avait atteint le 30 septembre sa pleine capacité pour la première fois depuis l’annonce de sa construction en 2003. À ce moment-là, il produisait à lui seul environ 20% de l’électricité consommée en Finlande (40% en y ajoutant les deux réacteurs existants Olkiluoto 1 et 2).
Ce nouveau problème s’ajoute à la longue liste de déconvenues rencontrées par ce réacteur construit par le consortium franco-allemand Areva-Siemens. Celui-ci avait démarré en mars dernier avec 12 ans de retard et une longue série d’échecs et de déboires qui ont en partie expliqué la lourde restructuration d’Areva. Dès 2006, trois ans après l’annonce du lancement du chantier, des retards dans la construction de la principale conduite de refroidissement avaient déjà reporté la mise en route du réacteur à 2010-2011. L’agence finlandaise de sécurité nucléaire STUK avait ensuite demandé en 2009 plusieurs centaines améliorations du fait de problèmes liés à la construction [5], ouvrant un conflit entre l’exploitant du futur réacteur, le finlandais TVO, et Areva-Siemens, avec également des critiques sur le gendarme finlandais. Après plusieurs années de litiges et de retards supplémentaires, Areva avait finalement réglé son différend avec TVO en novembre 2018, en payant une compensation de 450 millions d’euros.
Malgré ce fiasco, le soutien au nucléaire civil a progressé ces dernières années en Finlande, stimulé par les préoccupations climatiques et les tensions énergétiques mondiales. Selon un sondage paru en mai, 60% des Finlandais y sont désormais favorables, un record. Depuis l’annulation en mai du projet nucléaire d’Hanhikivi 1 du finlandais Fennovoima et du russe Rosatom, aucun nouveau projet de réacteur nucléaire n’a toutefois été lancé en dehors d’OL3.
[…] Lancé en 1992 comme le nec plus ultra de la technologie nucléaire française, le réacteur pressurisé européen (EPR) a été conçu pour relancer l’énergie nucléaire en Europe, au lendemain de la catastrophe de Tchernobyl de 1986. Le nouveau modèle était présenté comme offrant à la fois une puissance plus élevée et une meilleure sécurité, mais sa construction s’avère un casse-tête, et pas uniquement en Finlande. En France, la construction de l’EPR de Flamanville, entamée en 2007, a, elle aussi, été affectée par des retards massifs, dus notamment à des anomalies dans le couvercle en acier et la cuve du réacteur. Alors que la mise en service était prévue pour la fin de l’année 2023, EDF a annoncé la semaine dernière un nouveau retard de six mois. Le nouveau retard est dû à la nécessaire révision de procédures de traitement de quelque 150 soudures complexes, au sein du circuit secondaire principal du réacteur, a expliqué EDF.
L’EPR a aussi été retenu pour une centrale à deux réacteurs à Hinkley Point, dans le sud-ouest de l’Angleterre, où le chantier a souffert de la pandémie de coronavirus. La production d’électricité est actuellement planifiée pour mi-2027, au lieu de 2025 au départ. En Chine, deux EPR ont été lancés à la centrale de Taishan dans le sud-est du pays en 2019. Un des réacteurs, arrêté pendant un an pour un problème d’étanchéité, a repris sa production en août.
Israël inaugure un approvisionnement en eau dessalée du lac de Tibériade, dont il peut désormais contrôler le niveau et l’empêcher de baisser au-dessous d’un seuil critique. En fait, toutes les infrastructures existaient déjà, usines de dessalement en bord de mer, canaux et aqueducs du lac au désert du Neguev ; il a suffi d’inverser le sens du flux. En vertu des accords de paix remontant à 1994, Israël fournit déjà 55 millions de m³ par an à la Jordanie, à prix cassé ; en octobre 2021, un accord supplémentaire a en trainé la livraison de 50 millions m³ supplémentaires, mais cette fois au prix du marché.
27 12 2022
Après un magistral coup d’épée dans l’eau quelques mois plus tôt, Emmanuel Macron persiste à se croire investi par on ne sait quelle instance supérieure, de la mission de faire du Liban une démocratie à l’occidentale, avec une corruption limitée et il ne trouve personne sur son chemin pour lui dire : mais enfin, de quoi j’me mêle ! Il brandit les constitutions démocratiques occidentales comme les missionnaires du XIX° brandissaient l’Evangile en Afrique. En attendant le service de la dette pour la France est de 85 milliards €, deux fois le budget de la Défense, la dette elle-même flirte avec les 3 000 milliard €, le déficit commercial est de 164 milliards €, en attendant on congédie Marie Lajus, préfète d’Indre et Loire parce qu’elle manifestait un peu trop ostensiblement sa volonté de faire respecter les règles ! Les effets d’annonce, ça ne manque pas, mais le courage, si ! ça manque et terriblement ! Tous ces chiffres ne disent peut-être pas grand chose à la majorité des Français, mais parlent beaucoup à l’Agence Fitch Ratings, l’une des trois principales agences de notation financière au monde, à telle enseigne qu’elle fera passer la 28 avril 2023 la note de la France de AA à AA -. En clair, cela signifie que si la France chute encore de quelques marches, elle ne trouvera plus de sous sur la marché international pour honorer ses innombrables dépenses et là, cela commencera à aller très très mal.
L’augmentation vertigineuse des dépenses de protection sociale participe pour beaucoup à l’augmentation de cet endettement :
Année
Pourcentage du PIB
1959
14.3
1981
24.5
2006
29.6
années 2000
plus de 30
2022
32.2
29 12 2022
Mort du roi Pelé, à 82 ans. Avant Pelé, le foot était un sport. Avec lui, c’est devenu un art.Neymar
Il suffirait presque d’une date, une seule, pour apercevoir l’empreinte de Pelé sur la planète foot. Et au-delà. Le 19 novembre 1969, sur la pelouse du stade Maracana, à Rio de Janeiro, Pelé inscrit sur penalty son 1 000° but. Folie. Plus de 100 000 spectateurs emportent un souvenir d’éternité. Avec ce but s’efface l’humiliation subie par tout un peuple près de vingt ans auparavant, battu dans le même stade par l’Uruguay en finale d’une Coupe du monde 1950 qu’il avait organisée. Cette fois, le Maracana explose.
Au même moment, ce 19 novembre 1969, un homme marche sur la Lune au cours de la deuxième mission lunaire de l’histoire. Sur le balcon de mon enfance, la Lune si blanche ressemble étrangement à ce ballon blanc qu’après avoir marqué Pelé va chercher dans les filets d’Andrada, le gardien de l’équipe Vasco da Gama. Les actualités françaises parviennent même à diffuser ce goal mil quelques jours plus tard. D’une seule feinte, d’une seule image en noir et blanc, si floue et lointaine, mon regard d’enfant envoie Pelé au ciel.
Les hasards de l’histoire créent ainsi une sorte d’étincelle capable de briller longtemps dans notre mémoire. Cela tient évidemment à la présence d’un homme qui devint champion hors norme, dès l’âge de 17 ans. Avec Pelé, c’est toute une beauté folle du jeu qui parvient à nous secouer dès l’enfance. Mais celle-ci reposait bien souvent sur le récit, l’imaginaire de nos pères. Trop peu de retransmissions et de matchs. Peu de comptes rendus.
C’est ainsi. Avant le début des années 1970, tout est si loin de nous en matière d’image et d’émotion fracassante. À la télévision, il faut bien souvent se contenter du képi du général de Gaulle revenu aux affaires en 1958. Le football – le sport en général – est si loin de notre quotidien. Le spectacle du sport est encore brouillé sur nos écrans de la taille de timbres-poste. Et quand les retransmissions parviennent jusqu’à la famille, elles n’en finissent plus de sauter, puis de disparaître en noir et blanc. D’ailleurs, nous louons notre téléviseur la plupart du temps. Les héros de Suède 1958, les Kopa et Fontaine, ont encore la timidité de ceux qui n’auront jamais les moyens techniques de crever l’écran. Puis, ils disparaîtront des Coupes du monde.
Pelé, lui, est enchaîné à la gloire dès sa première Coupe du monde. Ainsi, qu’importe que nous n’ayons pas vu, ou si peu connu, le fabuleux coup du sombrero d’un gamin de 17 ans, au nez et à la barbe de son adversaire direct. Ce défenseur Suédois qui n’oubliera jamais une telle insolence. Qu’importent les larmes suffocantes du jeune Pelé dans les bras du grand Didi, l’un de ses mentors de la Seleçao, après le coup de sifflet final.
Oui, qu’importe puisque nous allions le retrouver douze ans plus tard, libre comme jamais, au Mexique, en 1970. J’insiste sur le Mexique – le Brésil et Pelé ont soulevé la Coupe du monde au Chili, en 1962 – marqueur à jamais de l’arrivée sur la scène mondiale des images de celui que le stade Azteca fit roi.
Au moment où Pelé s’éloigne de nos vies de passionnés, il est grand temps peut-être de préciser les podiums : le style seul fait-il le plus grand des plus grands footballeurs, ou le palmarès est-il la seule et unique réponse ?
Comment s’y prendre avec ce football dont le grand embouteillage de matchs, compétitions de toutes sortes, massification démente, pourrait nous plonger dans une forme d’embarras. Histoire ou pas, réglons la question des chiffres : Pelé est le seul homme à avoir soulevé trois fois la Coupe du monde. Le plus jeune sélectionné de toute l’histoire du tournoi. Le plus jeune premier buteur en Coupe du monde, etc.
Passons ici sur le simple fait que, à lui seul, Edson Arantes do Nascimento, dit Pelé, contribua sérieusement à fracasser les codes racistes d’une société brésilienne construite sur les ruines de trois siècles de colonisation portugaise. Avec Pelé, on n’est plus obligé, dans le repli du vestiaire, de maculer son visage avec de la poudre de riz, à seule fin de cacher sa négritude. Pelé, cette merveilleuse mouche sur le lait du Brésil, note avec justesse mon confrère Yves Bigot, dans son très beau livre Football…
Passons sur les honneurs rendus au Rei… Les chefs d’État – de Nixon à Kennedy -, les artistes – de Mike Jagger à Andy Warhol -, se bousculant pour une photo d’éternité. Oui, passons sur les honneurs – Pelé ministre des sports de 1995 à 1998, Pelé élevé au rang de trésor national, Pelé ambassadeur pour l’Unicef, Pelé qui s’efforce, dès 1974, de développer le soccer aux États-Unis, au Cosmos de New York qu’il rejoint avec la star de l’Europe, l’Allemand Franz Beckenbauer.
Oui, passons et revenons au jeu. À cette folie douce qui nous emporte lorsque nous revoyons les premières images en couleur et en mondovision de la Coupe du monde 1970 au Mexique. Tout au fond du décor de notre amour pour le foot, ce sont les quelques gestes qui demeurent et font la différence. Toujours.
On dirait que Pelé et ses lieutenants – Clodoaldo, Jairzinho, Carlos Alberto, Tostao, Rivelino – participent d’un immense ralenti des corps. Merveilleuse illusion, car c’est le ballon qui compte et fracasse les Italiens en finale, 4-1. Les gestes toujours. La mémoire se régale à retenir la danse de Pelé dans l’espace d’une surface de réparation où Mazurkiewicz, le gardien uruguayen, fut incapable de saisir ce mouvement de l’invisible : Pelé, sans ballon, réalisant le pont du siècle sur le gardien. Faut-il ici noter que la balle récupérée par Pelé échoua d’un rien à pénétrer dans le but ? Aucune importance, n’est-ce pas ?
Et ce coup de tête face au gardien anglais Gordon Banks, dont le vertigineux envol fera dire au roi : J’ai marqué un but à Banks, hélas, il l’a arrêté… Ou cette passe à l’aveugle – marchant comme un flâneur tranquille -, en direction de Carlos Alberto pour le dernier but du Brésil, en finale.
Pelé nous quitte, et c’est chagrin d’observer tout ce qu’il emporte dans ses bagages. Tout ce qui résistait à ce football, dont la massification démente des matchs, le garde-à-vous à la haute technologie, la répétition à l’identique, ne cesse d’abîmer notre désir du jeu. J’ai bien vu Neymar pleurer après son élimination face à la Croatie. La vedette du PSG ne pleurait pas uniquement sur lui-même. Il pleurait sans doute sur ce jeu brésilien, fait d’improvisation unique, de samba et d’échappée belle dont nous avons perdu l’empreinte depuis bien longtemps. Ce temps où Pelé me donnait le sentiment de marcher sur la Lune.
Mais quelle fabuleuse et ultime passe à l’aveugle. Pelé ne pouvait partir sans attendre la fin d’une Coupe du monde dont la finale nous a offert toutes ces merveilleuses réserves d’émotion, de joie et de chagrin mêlés, ciment d’un jeu qui demeure unique et universel à la fois. Jusqu’à cette défaite d’un jeune homme – Kylian Mbappé -, à la fois prodige et bâtisseur des Bleus, lequel nous avait demandé de prier pour Pelé, durant le tournoi.
Seconde défaite en quelques jours pour l’attaquant, dont la présence sur le terrain ne cesse de nous donner le vertige. Défaite sportive face à l’Argentine, mais promesse éclatante de victoires futures. Puis défaite de la vie, puisque la mort finit toujours par emporter les plus forts. Y compris les rois de notre jeunesse.
Pierre-Louis Basse Le Monde du 30 12 2022
Dans sa ville natale de Tres Coracoes, dans la province du Minas Gerais, au Brésil.
31 12 2022
Et, pour finir l’année en musique, du piano tonique, vivifiant, gai, inspiré, par Sofiane Pamart. Il est au théâtre de L’épée de bois à Vincennes. Il s’est produit le 19 décembre en nocturne à l’Hôtel de la Marine, à Paris, revêtu d’un long manteau, blanc crème anglaise, que n’aurait pas refusé de porter Joséphine lors de son sacre le 2 décembre 1804. Il manquait juste les petits pages pour relever la traine ! On se retient pour ne pas éclater de rire tant tout cela est prétentieux, suffisant. Il s’la joue, il s’la pète. Boursoufflure évidente de l’égo. Et jamais un sourire, toujours la gravité du gourou imbu de lui-même… dommage, bien dommage, car il a un sacré talent, même s’il est plus arrangeur que compositeur.
[1] Il s’agit bien évidemment de cambriolages sans effraction, les cambrioleurs ayant les clefs de la maison.
[2] Mais il faut raison garder : les piscines en France, même si nous en avons 3 millions… – une piscine pour 23 habitants – autant que les Américains, ne représentent que 0.12 % de l’eau consommée en France. Donc, a priori, ce n’est pas là qu’il faut mettre les priorité de l’effort, car cela ne servirait pratiquement à rien.
[3] Quant aux commentaires français, disant que c’est, en longueur, le deuxième règne le plus long après celui de Louis XIV, il est la parfaite illustration de la mauvaise foi chère à la France, pour ne pas dire du jésuitisme pur, car c’est là comparer des choses qui ne sont pas comparables : les 69 ans de règne d’Elisabeth II sont 69 ans de règne effectif, quand Louis XIV, lui, n’a régné que 54 ans, de la mort de Mazarin en 1661, à la sienne, en 1715. Le règne de 1643 – mort de son père Louis XIII ; il avait alors cinq ans – à 1661, n’a été bien évidemment qu’une fiction, mais à laquelle nous semblons tenir beaucoup, puisque le pouvoir passera très vite aux mains de Mazarin, la reine mère exerçant la régence.
[4] … rien ? pour être précis, disons, presque rien : entre 2014 et 2016, Thierry Mandon, alors secrétaire d’État à la simplification a mis en place la DSN – Déclaration Sociale Nominative – qui remplace celles faites à l’URSSAF, à l’Assurance Maladie, aux Caisses de retraite etc … Cette solution unique et rapide fait gagner un temps fou aux employeurs… Un cabinet indépendant a chiffré la gain de productivité à plus de 1 milliard €, dit l’intéressé.
[5] Des ouvriers rapporteront que, lorsqu’ils signalaient un défaut d’installation sur le chantier (mise en place du ferraillage pour le béton armé par exemple), on leur ordonnait de noyer tout cela dans le béton !