Depuis la base militaire hawaïenne de Kauai, la Nasa envoie à l’aide d’un ballon une sorte de soucoupe volante dans la haute atmosphère pour tester des technologies qui pourraient un jour servir à poser de lourdes charges et des hommes sur Mars. Il s’agit en fait de reprendre les techniques déjà mises en œuvre pour l’amarsissage des robots sur Mars : ouverture de parachute en fin de descente pour diminuer la vitesse. L’énorme ballon gonflé à l’hélium avait été lâché à 18 h 40 GMT transportant un vaisseau de la forme d’un disque appelé Low-Density Supersonic Decelerator, ou LDSD. Après deux heures et demie d’ascension, le ballon a atteint comme prévu 36.600 mètres et près de quinze minutes plus tard a largué le vaisseau LDSD dont le moteur de fusée s’est allumé dans la foulée pour l’amener à 54.900 mètres d’altitude, à 3,8 fois la vitesse du son, soit 4.651 km/h. Le ralentisseur supersonique aérodynamique gonflable en forme de beignet rond avec un trou au milieu, appelé SIAD – Supersonic Inflatable Aerodynamic Decelerator – s’est ensuite déployé pour freiner la descente du vaisseau jusqu’à une vitesse d’environ 2,5 fois la vitesse du son (3.060 km/h). Tout se déroulait comme prévu, quand le gigantesque parachute de 34 mètres de diamètre a refusé de se déployer complètement. Normalement, ce parachute supersonique aurait dû permettre un amerrissage en douceur du LSDS dans l’océan Pacifique 40 minutes après son largage du ballon. Le coût de ce test est de 150 millions de dollars. Ce que nous avons vu est un très bon test, a déclaré Dan Coatta. N’oubliez pas que les objectifs de cette expérience étaient de gonfler le ballon, de le lancer, de l’amener jusqu’à la bonne altitude, de déployer le LSDS, et d’allumer son moteur de fusée pour atteindre la vitesse prévue…. Ces nouvelles technologies sont testées à très haute altitude, car les conditions y sont similaires à celles de la haute atmosphère de Mars. La Nasa prévoit deux autres vols du LDSD pour tester plus spécifiquement les deux technologies de freinage et d’amarsissage, le ralentisseur gonflable et le ballon. Depuis les années 1970, la Nasa utilise le même système de parachute pour freiner ses atterrisseurs et robots qu’elle pose sur la planète rouge, alors qu’ils descendent à travers la fine atmosphère martienne. Mais, avec les projets d’exploration de Mars plus ambitieux, la Nasa aura besoin de vaisseaux spatiaux beaucoup plus lourds. Cela complique l’amarsissage et requiert un système de parachute beaucoup plus puissant et élaboré. Des vents trop forts à Kauai avaient contraint la Nasa à repousser à plusieurs reprises cette expérience initialement prévue dans une fenêtre de lancement de deux semaines, début juin.
29 06 2014
L’État islamique en Irak et au Levant (EIIL) l’annonce urbi et orbi sa naissance, lors du premier jour du ramadan. Renommé Etat islamique (EI), le mouvement djihadiste a décrété l’instauration d’un califat sur les territoires qu’il contrôle d’Alep, dans le nord de la Syrie, à la province de Diyala, dans l’est de l’Irak, sous l’autorité de son chef, Abou Bakr Al-Baghdadi, proclamé calife Ibrahim. Le califat est une théocratie musulmane : pouvoir politique et pouvoir religieux sont détenus par une seule et même personne ; le dernier en date est le califat turc, aboli par Mustafa Kemal en 1924. Al Quaida a un fils, plus extrême, plus radicalement borné que le père.
Juin 2014
La France renoue – il y avait un certain temps que ce n’était arrivé – avec sa sacro-sainte liturgie de la grève. Il en est à qui cela déplaît, et il ose le dire : enfin quelqu’un qui ne craint pas de dire que ce qui manque le plus, c’est le courage, et plus précisément celui de dire non. Lui, au moins, n’en manque pas. Cette grève des agents de la SNCF aura coûté 160 millions d’€, entre le manque à gagner et les remboursements aux abonnés.
L’Histoire, en tout cas en France, est une vieille alzheimerienne dont il n’y a, pour l’heure, plus grand-chose à attendre. Observez comme une partie de notre pays gagatise, ces temps-ci, avec la conviction idiote de vivre l’antépénultième page du roman national, avant le grand soir qui ne saurait tarder.Ce qu’on vit aujourd’hui rappelle les grandes grèves de 1995, quand une certaine France, confite de bêtise et de naïveté, s’était dressée comme un seul homme contre les excellents projets de réforme du Premier ministre de l’époque, Alain Juppé, qui s’était inspirés de travaux de la CFDT. Répétant en chœur les slogans éculés de syndicalistes antédiluviens, elle avait paralysé le pays jusqu’à ce que le gouvernement remballe tout : contre toute logique, les agents roulants avaient obtenu le maintien de leurs exorbitants régimes spéciaux de retraite.Le mouvement était déjà mené, en ce temps-là, par les syndicats des agents roulants de la SNCF, présentés par la presse bien-pensante comme les fers de lance de la France qui souffre. La farceuse ! Enamourée, voire extatique, elle nous expliquait même qu’ils se battaient, en fait, pour les salariés du secteur privé avec un sens admirable de l’intérêt général. Défense de rire. À les fréquenter dans les trains, on ne peut pas nourrir de griefs contre ces agents, bien au contraire. Ils sont courtois, efficaces et professionnels. Une majorité d’entre eux est même contre cette grève. Mais ce n’est pas le sujet.Les syndicats ont inventé la grève préventive comme il y a des guerres préventives. Le projet de regroupement du trafic (SNCF) et du réseau (RFF) défendu par le pouvoir ne vise en rien les agents roulants. Mais leur statut étant mirifique (retraite à 50 ans jusqu’en 2017, ensuite à 52 ans), ils sont bien conscients que ces avantages risquent d’être, un jour, remis en question. C’est pourquoi certains de leurs syndicats s’y accrochent comme la bernique à son rocher. Rien de plus humain. Ce que l’on ne comprend pas, en revanche, c’est la complaisance insane à leur égard de ceux qui réclament le retrait de la réforme, à gauche mais aussi dans l’opposition, comme Luc Chatel, un ancien ministre sarkozyste, incarnation de la droite « oui-oui », celle qui, au premier conflit, n’écoutant que son courage qui lui dit de se cacher, passe sous la table.Le syndrome Chatel est une maladie dont la droite doit se guérir au plus vite si elle ne veut pas continuer, en alternance avec la gauche, à précipiter la France dans le déclin. C’est ce mélange neuneu de mollesse et de lâcheté qui, depuis plus de trois décennies, a tenu lieu de politique à nos grands partis. Il serait temps que l’UMP cesse d’être aussi sectaire que le PS quand il est dans l’opposition. Qu’elle commence à ne plus avoir peur de son ombre. Qu’elle songe enfin au bien commun et refuse les réflexes à la Chatel, qui commande de se coucher devant la première grève venue.Ceux qui ont mis la France dedans, ce sont évidemment les corporatismes chauvins, représentés jusqu’à la caricature par les braillards de la CGT ou de Sud, qui, avec 14 % seulement de grévistes à la SNCF, bloquent le pays. Les profiteurs sans gêne de la SNCM qui, depuis si longtemps, travaillent avec acharnement à couler leur instrument de travail, pour le grand bonheur de Corsica Ferries. Les lois débiles sur les RTT grâce auxquelles la France est en bas du tableau en matière d’heures travaillées annuellement.La liste des naufrageurs du pays est sans fin. Les jean-foutre de l’idéologie du déficit budgétaire qui plombe la croissance au lieu de la relancer. Les Don Quichotte de la dépense publique et les pythonisses de l’impôt-roi. Les autruches franchouillardes qui refusent de prendre exemple sur les réussites économiques allemandes, suédoises ou canadiennes. Sans oublier la culture irresponsable de l’endettement de l’État avec laquelle M. Balladur, son champion infatué, tenta de gagner la présidentielle de 1995 en faisant des chèques à la chaîne, avec le succès que l’on sait. Les niquedouilles des médias ne sauraient être exonérées, qui ne savent pas séparer le bon grain de l’ivraie, les conflits sociaux justes et les opérations de racket syndical comme celle de la SNCF. La pleutrerie bonasse de la gauche ou de la droite a fait le reste.Plus que jamais, notre pays a besoin d’une classe politique qui sait dire non : ce n’est pas une histoire de droite ou de gauche, mais de simple bon sens. Pour une fois que le pouvoir socialiste fait preuve de fermeté face aux corporatismes, le minimum de patriotisme, pour l’opposition, serait de le soutenir avant de le vitupérer sur le reste de sa gestion, comme c’est son devoir. Il n’y aura pas de redressement sans esprit de responsabilité.
Franz-Olivier Giesbert. Le Point 20 juin 2014
17 07 2014 16 h 20′
Le Boeing 777 de la Malaysia Airlines, vol MH 17 partie d’Amsterdam pour la Malaisie, survole l’est de l’Ukraine : à 33 000 pieds – 10 000 mètres, il explose, touché par un missile sol-air Bouk -SA 11, qui peut aller jusqu’à 49 000 pieds, appartenant à la 53° brigade antiaérienne de Koursk, très vraisemblablement fournie aux séparatistes du Donetsk avec l’accord de Vladimir Poutine. 298 morts, dont 196 Néerlandais. L’affaire a été tirée au clair par un simple particulier Eliot Higgins, créateur du site bellingcat, qui n’a même pas eu besoin de quitter son bureau : il est arrivé à ça uniquement en travaillant sur son ordinateur. Les quatre principaux accusés ne se présenteront pas au procès ; ils sont donc jugés par contumace depuis le 9 mars 2020 : trois ex-officiers du renseignement militaire (GRU) : Oleg Poulatov, Igor Guirkine, Sergueï Doubinski, et un Ukrainien pro-russe Leonid Khartchenko. En 2021, Poutine refusera que Sergeï Mutskayev, commandant cette 53° brigade, aille témoigner devant le tribunal hollandais comme ce dernier le demandera. En décembre 2021, le ministère public demandera la perpétuité contre les quatre hommes. Le 8 février 2023, l’enquête sera suspendue, faute de preuves irréfutables.
Lorsque l’on arme des voyous, on ne doit pas être surpris qu’ils se comportent comme des voyous.
Gérard Araud, ambassadeur de France à l’ONU
29 07 2014
Découverte dans le grand nord sibérien de 3 cratères dont l’origine pourrait bien être les premiers signes d’un dégazage venus des profondeurs, jusque là contenus par le permafrost, et qui, réchauffement climatique aidant, arrive en surface :
Cratère dans la péninsule du Yamal, 30 mètres de diamètre, 70 mètres de profondeur.
Péninsule de Taymyr : 4 mètres diamètre, 60 à 100 mètres de profondeur
Taz District , diamètre de 15 mètres.
Comment expliquer ces phénomènes ? Marina Leibman, chercheuse à l’institut de la cryosphère terrestre de l’Académie des sciences russes, interrogée par le New York Times à son retour d’une expédition scientifique pour examiner le premier cratère, explique que le trou se serait formé sous l’effet d’un relargage de méthane, mélangé à de l’eau et du sel, après la fonte du pergélisol. Appelé permafrost en anglais, il représente l’ensemble des sols gelés en permanence, des couches qui peuvent aller de quelques centimètres à 1,5 kilomètre d’épaisseur.
Une thèse partagée par Anna Kurchatova, chercheuse au Centre de recherche sub-arctique, qui pointe en outre le rôle du réchauffement climatique. Le réchauffement climatique, en accélérant de manière alarmante la fonte des glaces souterraines, relâche du gaz à la manière de l’ouverture d’un bouchon de champagne, déclare-t-elle dans les colonnes du Siberian Times.
Depuis une centaine d’années, on observe que le pergélisol dégèle sous l’effet du changement climatique, confirme Gerhard Krinner, chercheur au Laboratoire de glaciologie et de géophysique de l’environnement (CNRS, université Joseph-Fourier à Grenoble). Ce dégel entraîne un relargage de méthane.
Et d’expliquer : Dans les régions où se sont formés il y a des millions d’années des réservoirs de gaz naturel, comme en Sibérie, la glace gelée dans le sol fonctionne comme un couvercle et empêche le méthane de s’échapper. A l’inverse, si elle se dégrade, les pressions qui s’accumulaient à sa base peuvent provoquer une éruption brutale du gaz. La proximité du cratère de la péninsule de Yamal avec le gisement de gaz naturel du champ de Bovanenkovo, à une trentaine de kilomètres, accrédite cette possibilité.
Mais au-delà de la possible formation de ces cratères, le dégel du pergélisol sous l’effet du réchauffement climatique entraîne d’autres conséquences, plus graves : lorsque le sol est moins froid, la matière organique accumulée il y a plusieurs dizaines de milliers d’années dans la glace va être décomposée, soit par des bactéries anaérobies, ce qui produit du méthane (CH4), soit en présence d’oxygène, ce qui entraîne des rejets de dioxyde de carbone (CO2). Des gaz à effet de serre – le CH4 a un potentiel de réchauffement 25 fois supérieur au CO2 – qui augmentent la température terrestre et donc en retour la fonte du pergélisol…
C’est pourquoi le pergélisol est qualifié de bombe à retardement pour le climat. Selon les estimations, les 19 millions de km² de sols gelés dans le grand Nord renfermeraient 1 700 milliards de tonnes de carbone organique, soit deux fois la quantité de carbone présente dans l’atmosphère aujourd’hui. Reste à savoir quelle quantité de ce carbone sera relâché sous l’effet du réchauffement et quand.
Nos prochaines projections seront sans doute un peu moins pessimistes qu’auparavant. Nous nous sommes rendu compte qu’au moins la moitié de la matière organique sera très difficile à décomposer et restera longtemps dans le sol même après un dégel du permafrost. Il est possible au final que ce dégel entraîne un surplus d’émissions de carbone de 10 % par rapport aux émissions actuelles, alors que des estimations précédentes tablaient sur 20 %.
Audrey Garric. Le Monde du 29 07 2014
À l’ambassade de France de Moscou, on a déjà rebaptisé ce NH4… gazpoutine.
Tout ceci n’inquiète pas outre mesure les entreprises en charge d’exploiter les immenses réserves de gaz de la péninsule :
Le groupe pétro-gazier français Total, qui participe au projet gazier à hauteur de 20 %, a invité Le Monde à visiter le site, vendredi 8 décembre 2017, pour le départ du premier méthanier brise-glace rempli de gaz naturel liquéfié (GNL).
Pourquoi être venu si loin pour construire un site grand comme deux fois le quartier de la Défense près de Paris ? Dans la région, le gaz est abondant et facile à extraire. Mais encore faut-il pouvoir l’exporter. C’est précisément ce que permet de faire le GNL : le gaz est refroidi jusqu’à – 165 °C et devient liquide. Il peut donc être transporté par bateau vers une destination – qui peut varier selon les besoins. Contrairement à un gazoduc, cela permet de livrer du gaz dans des zones très éloignées des réserves.
Or la région qui importe le plus de GNL est l’Asie : le Japon, la Chine ou la Corée du Sud, ont des besoins qui augmentent fortement. Et de plus en plus de pays émergents deviennent acheteurs de ce gaz bon marché. Il alimente souvent des centrales électriques à gaz, moins polluantes que les centrales à charbon.
C’est là que réside l’intérêt économique du projet Yamal : les gigantesques méthaniers brise-glace vont transporter ce GNL à travers une route qui était jusqu’ici inutilisable : la route du Nord, à travers l’Arctique. Les conséquences du changement climatique ont peu à peu fragilisé la banquise, ce qui permet à des navires d’emprunter cet itinéraire en été.
Les bateaux pourront ainsi rejoindre l’Asie en quinze jours entre juin et novembre, contre trente à quarante jours le reste de l’année, lorsqu’ils devront passer par l’Europe et le canal de Suez.
Mais lorsqu’on atterrit sur la piste glacée du petit aéroport de Sabetta, c’est surtout la démesure du projet qui saute aux yeux : installer une usine entière dans une zone aussi hostile et inaccessible à de quoi faire reculer les plus téméraires.
Il y a le froid, bien sûr, – 30 °C en décembre, sans compter le vent glacial qui frappe la plaine. Et la nuit polaire qui dure des mois, la neige qui s’accumule, l’impossibilité d’acheminer du matériel, l’absence d’infrastructures pour loger les travailleurs.
C’est prométhéen !s’enthousiasme Jean-Pierre Chevènement, représentant spécial de la France en Russie, venu soutenir le projet et plaider la cause de l’amitié franco-russe.
Partout, un enchevêtrement de tuyaux rappelle qu’ici, il est impossible d’enterrer quoi que ce soit dans le permafrost, ce sol glacé qui ne dégèle en surface que pendant l’été. Dans les quartiers d’habitation, de grosses boîtes orange ont permis de loger les dizaines de milliers de salariés, des ingénieurs aux ouvriers en passant par les snow managers, ces hommes chargés d’empêcher la neige de s’infiltrer en permanence.
Sur le site, quatre immenses réservoirs de béton permettent de stocker le gaz liquéfié avant de le transférer aux méthaniers pour l’exporter. C’est bien simple, on pourrait stocker deux A 380 l’un sur l’autre dans chacun de ces réservoirs, explique Christophe Thomas pour témoigner de leur gigantisme.
Des colonnades de containers enneigés entourent le site, preuve permanente qu’ici les hommes doivent tout importer. C’est comme nos réfrigérateurs, plaisante Micha, un ouvrier russe, au volant de son pick-up.
Sur la toundra gelée, les renards blancs et les ours sont habituellement plus nombreux que les humains. Seuls quelques centaines de nomades, populations autochtones de la péninsule de Iamalo-Nenetsie, vivent encore dans la région, subsistant difficilement du commerce de viande de renne.
À Yamal, le travail s’organise en rotation de douze heures, et les hommes se relaient tous les mois. Lorsqu’ils travaillent à l’extérieur, les ouvriers doivent se réfugier toutes les heures dans des cabanes pour se réchauffer avant de repartir faire face au froid.
Dans un igloo géant surchauffé construit pour l’inauguration, le PDG de Total, Patrick Pouyanné, ne cache pas son bonheur de voir le projet enfin démarrer. On est partis de rien ici !, s’enthousiasme-t-il.
Yamal tient d’autant plus à cœur à l’entreprise française qu’il avait été lancé par l’ancien PDG de Total, Christophe de Margerie, qui a trouvé la mort dans un accident [1] à l’aéroport de Vnoukovo à Moscou le 24 octobre 2014. Le premier méthanier brise-glace qui a quitté Yamal porte d’ailleurs son nom, et ses célèbres moustaches figurent en bonne place à l’avant de sa coque. De son côté, Leonid Mikhelson, patron de Novatek, l’entreprise russe qui détient 50 % du projet – et l’un des hommes les plus riches de Russie – attend sagement Vladimir Poutine.
Le président de la Russie, qui a confirmé mercredi qu’il serait candidat à sa succession en 2018, arrive à Yamal avec dans son sillage le gratin des oligarques russes du secteur de l’énergie. Son message est clair : l’Arctique est un enjeu crucial. Dans un court discours d’inauguration, il répète sa volonté de permettre une exploitation plus intense de la route du Nord : Cela assurera le futur de la Russie. Une manière pour Vladimir Poutine de montrer qu’il n’a pas l’intention de plier face aux Européens et aux Américains.
Car Yamal a croisé un autre défi de taille en cours de route : les sanctions américaines contre la Russie, décidées après l’invasion par celle-ci de la Crimée, en 2014.
Le financement gigantesque du projet devait être en partie assuré par des banques américaines. Mais les sanctions interdisent au consortium de financer le projet en dollars. On avait déjà lancé le projet quand les sanctions sont tombées, et il était trop tard pour arrêter, explique Jacques de Boisséson, directeur de la filiale russe de Total.
Les équipes doivent alors reprendre le travail de zéro et convaincre des partenaires chinois de se joindre à eux : le groupe pétrolier CNPC et le fonds souverain chinois Silk Road Fund. En pensant punir les Russes avec les sanctions, les Occidentaux les ont poussés dans les bras des Chinois, analyse un bon connaisseur du dossier.
D’autant que Yamal ne devrait pas être le seul projet de cette ampleur dans la région. A quelques kilomètres, les Russes de Novatek pourraient commencer en 2019 un nouveau chantier, baptisé Arctic-LNG. Il sera, là aussi, financé sans dollars américains.
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C’est l’amère ironie du Grand Nord : la consommation de gaz et de pétrole est directement responsable du changement climatique, et c’est précisément la fonte de la banquise qui va permettre de faciliter le transport d’hydrocarbures à travers l’Arctique.
Les méthaniers brise-glace, gigantesques bateaux qui vont transporter le gaz liquéfié à Yamal, vont pouvoir emprunter la route du Nord pour accéder directement aux marchés asiatiques, gros consommateurs de gaz naturel. Cette route est cruciale pour Novatek et Total : elle permet de rendre le gigantesque projet de Yamal rentable, alors que les prix du gaz sont au plus bas. C’est aussi un enjeu majeur pour la Russie, qui espère devenir à terme l’un des premiers producteurs mondiaux de gaz naturel liquéfié (GNL).
Ce raccourci par la route de l’Arctique constitue une première à cette échelle et pourrait annoncer un trafic de plus en plus important dans une zone vierge et à la biodiversité importante, ce qui préoccupe les écologistes. De fait, les immenses ressources de l’Arctique constituent une nouvelle frontière pour la Russie, dont l’économie dépend lourdement de la production d’hydrocarbures.
Autre sujet de préoccupation : l’ensemble du chantier de Yamal a été bâti sur le permafrost, ce sol dont les couches profondes restent gelées toute l’année, même pendant l’été. Sur place, l’ensemble des structures ont été construites sur des pilotis, ce qui permet d’amortir les mouvements du sol. D’autant qu’avec la hausse des températures, les couches supérieures du permafrost ont tendance à ne pas regeler pendant l’hiver. Les scientifiques s’inquiètent de ce dégel du permafrost : il pourrait libérer dans l’atmosphère de grandes quantités de carbone, sous forme de dioxyde de carbone et de méthane, qui viendraient s’ajouter aux émissions déjà existantes.
Parce qu’on est dans un univers vierge, on a une responsabilité encore plus grande qu’ailleurs, explique Jacques de Boisséson, directeur de Total en Russie. Afin de limiter les effets des installations, la température des pilotis sur lesquels est bâti le projet gazier est régulée en permanence pour ne pas réchauffer le sol. Nous avons pris toutes les précautions, assure M. de Boisséson, de Total, qui rappelle que le groupe s’est engagé à ne pas exploiter de pétrole sous la glace au-delà du cercle polaire, estimant qu’une fuite sous la -banquise serait incontrôlable.
Chez Total, on défend aussi la production gazière, en rappelant que le gaz est beaucoup moins émetteur de gaz à effet de serre que le pétrole ou le charbon, que consomment encore massivement certains pays asiatiques, et notamment la Chine.
Au-delà des risques de fuite, les défenseurs de l’environnement s’inquiètent de l’industrialisation de la zone et des conséquences pour la biodiversité, notamment pour les réserves de poissons. La présence importante de baleines pourrait également être perturbée par le trafic maritime.
Nous comprenons l’intérêt du gaz comme énergie de transition, c’est moins polluant que du pétrole ou du charbon, explique Alexeï Knijnikov, du WWF Russie, qui dit s’inquiéter plus du transport maritime qui va s’intensifier que de l’extraction du gaz dans le cas de Yamal. De fait, quand le projet Yamal tournera à plein régime, à partir de 2019, un méthanier brise-glace partira tous les deux jours de l’usine de liquéfaction.
Les organisations écologistes reconnaissent que les entreprises responsables du projet ont été plutôt transparentes depuis le début du chantier. Mais elles dénoncent l’opacité des autorités russes qui ne mettent à disposition des ONG quasiment aucune donnée sur les conséquences de la création du port et les travaux réalisés sur l’embouchure de la rivière.
C’est aussi une question de choix d’investissement : pourquoi continuer à investir dans les hydrocarbures ? Nous préférerions voir les groupes français comme Total et Engie investir également dans les renouvelables en Russie, -souligne Vladimir Tchouprov, de Greenpeace Russie.
Nabil Wakim. Le Monde du 10 12 2017
07 2014
Les députés du Parlement européen élisent le président de la Commission européenne : c’est le luxembourgeois Jean Claude Juncker. Il va trouver une situation connue des citoyens que cela intéresse pour la plupart des dossiers, mais aussi un autre dossier tenu jusqu’alors secret : la négociation du traité de libre échange avec les Etats-Unis, par lequel les Européens renoncent à leur souveraineté en matière commerciale pour faire passer l’intérêt des multinationales avant leur législation. C’est un des rares éléments positifs des élections européennes : les citoyens de la Communauté ont subitement découvert qu’une commission en fin de mandat négociait depuis un an un traité de libre-échange avec les Etats-Unis. Le TTIP ou Tafta, selon ses sigle et acronyme anglais, déterminera les futures normes du commerce international. L’omniprésence des multinationales dans les coulisses des négociations laisse craindre une harmonisation par le bas et une gestion des conflits par une justice privée. C’est la conviction de l’écrivaine franco-américaine Susan George, fondatrice d’Attac et plus récemment, avec Pierre Larrouturou, du parti Nouvelle Donne. A 79 ans, cette grande militante alter-mondialiste continue de monter au front. Elle analyse ici les menaces qui, selon elle, pèsent sur la démocratie.
Ledébat sur te TTIP-Tafta a émergé pendant la campagnedes élections européennes. C’est un début de fonctionnement démocratique, non?Qu’on débatte ou non, ces négociations restent antidémocratiques, parce que personne ne dispose des textes, pas même les députés européens. Nous ne pouvons délibérer qu’à partir d’hypothèses. Or, seuls les députés de la Commission du commerce international sont informés de temps à autre par le commissaire européen du commerce, Karel De Gucht, qui leur dit ce qu’il veut bien leur dire.A l’issue de chaque cycle de négociation, nous ne savons pas ce qui a été discuté, ces gens ne sont comptables de rien, c’est secret, et une fois le traité signé, il sera irréversible.Cela fait plus d’un an que les négociations ont commencé. Pourquoi le débat public n’a-t-il pas émergé plus tôt?Déjà, avec l’AMI, l’Accord multilatéral sur l’investissement négocié secrètement entre 1995 et 1998 par les vingt-neuf pays de l’OCDE, nous avions eu beaucoup de mal à mettre le débat sur la table. La mobilisation est difficile à cause du secret, mais aussi parce que les médias considèrent que ces accords, c’est trop compliqué pour les gens. Et, de fait, dans les détails, c’est compliqué. Mais je peux démontrer, dans les grandes lignes, que ce projet de traité constitue un assaut frontal contre les pouvoirs législatif et judiciaire de tous les pays d’Europe. Un gouvernement qui voudra légiférer sur l’alimentation, la médecine, l’environnement, le social, pourra être attaqué devant des tribunaux privés par une entreprise estimant que ses profits actuels, ou même futurs, sont entamés par ces mesures.Pourquoi l’Europe et les États-Unis négocient-ils aujourd’hui?C’est une histoire de vingt ans. Ce traité pour la libéralisation des échanges est préparé depuis 1995 par les entreprises transnationales de part et d’autre de l’Atlantique :on a d’abord eu le Transatlantic Business Dialog, soixante-dix entreprises réunies secteur par secteur, automobile, aéronautique, chimie, dans le but d’harmoniser les normes, selon leurs mots. En Europe, BusinessEurope, dont Ernest-Antoine Seillière a été le président, est aussi très efficace. Et n’oublions pas la Table ronde des industriels européens, composée des pdg des compagnies les plus puissantes, qui ont apporté très souvent des plans à la Commission européenne. C’est beaucoup plus qu’un lobby, chacun de ces grands patrons peut avoir accès à tout instant au plus haut niveau politique. Ce que veut la Table ronde, c’est la régulation des échanges et des tribunaux d’arbitrage. Qu ‘entend-on par régulation ? Les Américains considèrent que nos méthodes sont antiscientifiques. En Europe, lorsqu’on a un doute raisonnable sur la nocivité d’un produit, on applique le principe de précaution. On l’a fait pour les OGM et certains pesticides. Mais les Américains considèrent que notre refus des OGM et des pesticides est une offense quasi criminelle. C’est cela qu’ils veulent changer. Ils veulent réguler, c’est-à-dire, en fait, harmoniser par le bas. Eux aussi font de la régulation, ils ont des bureaux pour ça, pour chaque secteur industriel, mais en l’absence de preuve absolue de la nocivité d’un produit, ils laissent courir. Leur philosophie, c’est : s’il y a des dégâts, il y aura des litiges, et à travers ces litiges, on pourra éventuellement renforcer les régulations. Dans la pratique, General Motors a fini par rappeler un million de véhicules après un bon nombre d’accidents mortels. Une coalition de victimes d’accidents a obtenu des tribunaux qu’on réexamine les voitures. La régulation à l’américaine est fondée sur l’après-coup, et sur les procès. Comment savez-vous que ces questions sont en jeu dans les négociations du traité ? Soixante-quatre grandes fédérations de producteurs agricoles américains ont demandé à leurs négociateurs un chapitre ambitieux fondé sur la science, ils veulent qu’on mette fin aux «restrictions non justifiables qui impactent négativement les exportations des Etats-Unis, aux barrières «qui empêchent la liberté d’exportation du maïs et du soja transformés, et qui imposent des exigences environnementales arbitraires. Les Américains sont hostiles aux étiquettes sur les produits et, pour eux, le Champagne ou les fromages sont des produits génériques qui n’ont pas besoin d’appellations d’origines contrôlées. Ils attaquent aussi la directive européenne sur les produits chimiques Reach. Aux Etats-Unis, pour la fracturation hydraulique qui permet d’exploiter les gaz de schiste, une entreprise n’est pas obligée de dire quel produit chimique elle injecte dans le sol. Que faut-il craindre si le traité voit le jour? Il faut comprendre que ce traité, qui s’appelle en anglais Transatlantic Trade and Investment Partnership (TTIP), portera peu sur le commerce (trade), parce que nos tarifs douaniers sont déjà très bas, mais bien sur l’investissement. Les investissements croisés entre l’Europe et les Etats-Unis représentent 3 000 milliards de dollars. Avec ce traité, toute firme qui estime que ses profits sont entamés par l’action quelconque d’un gouvernement pourra avoir recours à un système d’arbitrage privé, et attaquer ce gouvernement. Pourquoi les États se laissent-ils faire ? Les tribunaux d’arbitrage – qui sont des tribunaux privés – existent déjà dans de nombreux traités de commerce bilatéraux. Après l’enlisement des négociations mondiales qui ont suivi l’adoption en 1994 des accords de l’OMC, beaucoup d’Etats, poussés par leurs grandes entreprises, ont signé des traités bilatéraux. Et dans tous ces traités ou presque, il y a un chapitre arbitrage. Par exemple, Veolia environnement fait un procès au gouvernement égyptien, notamment parce que celui-ci a augmenté le salaire minimum, ce qui entame les profits de l’entreprise. Ce système d’arbitrage est aux mains de grands cabinets d’avocats, surtout britanniques et américains. Ça se passe toujours entre avocats : un avocat peut devenir arbitre puis, au procès suivant, se retrouver avocat. Les multinationales attaquent les Etats, et cela coûte très cher aux contribuables, puisque les avocats sont payés 1000 dollars de l’heure, l’arbitre 3 000 dollars par jour, et ça peut durer très longtemps. C’est ainsi que l’Equateur a dû payer un milliard de dollars, soit 20% de toutes ses dépenses de santé, à une compagnie pétrolière américaine qui s’estimait lésée par une zone de forage déclarée protégée. Qu’est-ce qui fonde ce recours à des tribunaux privés ? Ces derniers sont nécessaires, je veux bien l’admettre, quand des Etats peuvent être soupçonnés d’avoir des tribunaux publics corrompus, achetables. Mais peut-on dire ça des Etats-Unis et de l’Europe? En tout cas, les avocats spécialisés prévoient dans les années à venir une explosion des litiges, ils sont ravis, ils ont eu un grand congrès à Noël à Bruxelles, le New York Times était là, ils ont mangé du foie gras au chocolat…Mais beaucoup de voix, celles des sénateurs français ou de Pascal Lamy (ex-directeur général de l‘OMC), s’opposent aux tribunaux d’arbitrage pour le futur traité transatlantique…Pascal Lamy n’est pas chargé de cette négociation ! Cette négociation, ce sont les multinationales qui l’ont voulue, et elles veulent des tribunaux d’arbitrage. L’ONG Corporate Europe Observatory a réussi à savoir que sur les cent vingt-sept réunions préparatoires qu’a tenues la Commission européenne, 93 % étaient organisées pour les multinationales et leurs lobbies. 7% seulement pour les associations de consommateurs, les syndicats… Comment expliquez-vous que le gouvernement français, socialiste, entre dans un tel processus ? Tous les gouvernements aujourd’hui plient devant la puissance des entreprises transnationales. Et puis, ils croient de façon erronée que cette libération absolue des échanges va créer de l’emploi. En 1994, l’accord de l’OMC, c’était promis, allait doper l’emploi. 2,5 millions de paysans mexicains ont été ruinés parce que le maïs subventionné des Etats-Unis est entré à flots. Maintenant, les États-Unis construisent un mur de plus en plus haut pour empêcher ces paysans d’entrer. Ce grand marché américano-européen va-t-il s’élargir au reste du monde ! Depuis plus de deux ans, les Etats-Unis mènent aussi des négociations avec onze pays du Pacifique, dont le Japon. Si les deux traités sont signés, ils vont couvrir 75 % du commerce et 65% du PNB mondiaux. Aucun pays émergent, Brésil, Inde, Chine, ne sera dans ces accords, ils seront obligés de plier, les normes américaines s’imposeront, le commerce sera régulé dans l’intérêt des très grandes entreprises. Ce sera le triomphe du slogan Approved once, accepted everywhere, c’est-à-dire approuvé par nous, accepté partout. Que pensez-vous de l’exception audiovisuelle obtenue paria France ? C’est minime. Où sont les exceptions travail, santé, alimentation, environnement, droits sociaux? Ce projet est pourri dans tous les domaines, et il ne faut pas s’asseoir à cette table, accepter que les entreprises fassent notre législation et privatisent le juridique. Des gens sont morts pour qu’on ait des institutions judiciaires indépendantes, ils ne sont pas morts pour qu’on ait des juges privés payés 3 000 dollars par jour, et des compensations juteuses payées par les citoyens contribuables. Pensez-vous que la mobilisation peut monter en puissance ? Bien davantage de gens qu’il y a deux ou trois mois ont entendu parler du traité. Je commence à espérer. Mais la politique est devenue tellement compliquée ! C’est aujourd’hui une affaire pour les intellectuels. Quand j’ai commencé, on disait US hors du Vietnam ou Arrêtez l’apartheid. D’accord ou pas d’accord, chacun comprenait. Maintenant, si je dis Votez contre le traité, il faut expliquer de quoi il s’agit.Mais on a le sentiment, dans notre société en réseau, qu’un mouvement peut partir de n’importe où, à n’importe quel moment, pour n’importe quelle cause…Cela ne part jamais de rien, toujours de quelques personnes bien informées. Pour le référendum sur la Constitution européenne, au cœur de la mobilisation, il y avait les collectifs d’Attac, un millier en France. Le terrain était préparé, les militants au travail. A un moment donné, si on a de la chance, ça fait tilt et tout le monde veut y être. Ça peut être le cas aujourd’hui ? On peut gagner comme on a gagné en 1998 sur l’AMI – accord qui menaçait les aides au développement et la protection de l’environnement -, grâce à ce que j’appelle la stratégie de Dracula. Si vous exposez le vampire à la lumière, il meurt. Cela s’est passé avec l’AMI, c’est vraiment nous qui avons eu sa peau, je m’en souviens bien car c’est une des très rares victoires de ma longue vie militante. Aujourd’hui, les lobbies font tout pour diminuer la conscience des citoyens. Etre au courant de tout ce que les multinationales développent de nocif pour l’humanité et l’environnement demande un temps énorme. Beaucoup de gens sont désespérés mais n’ont pas l’énergie d’être furieux. Nous essayons de les rendre un peu furieux. Dracula opère, il n’est pas mort, mais on peut retirer quelques clous de son cercueil…
Susan George. Propos recueillis par Vincent Remy. Télérama n° 3364 du 5 au 11 juillet 2014
Tant qu’au centre de l’économie mondiale il y a le dieu argent et pas la personne, c’est ça le premier terrorisme. C’est un terrorisme de base contre toute l’humanité.
Le pape François le 31 juillet 2016
Ainsi, quand il sera assassiné, si on ne sait pas par qui, on saura au moins pourquoi.
Xavier Niel, patron de Free, s’adresse à Juan Branco : Le prochain président de la République sera Emmanuel Macron. Il ne lui dit pas que c’est lui, son beau-père Bernard Arnault et Mimi Marchand qui en ont décidé ainsi.
6 08 2014
La sonde Rosetta de l’Agence spatiale européenne (ESA) se trouve à 500 millions de kilomètres de la Terre, à 100 km de la comète 67P/Tchourioumov-Guérassimenko, simplifié en Tchouri : elle effectue une série de manœuvres pour s’installer en orbite autour d’elle durant plus d’un an, et l’observer sous toutes les coutures. Le 11 novembre, elle tentera de poser à sa surface un petit engin.
La sonde est formée de deux éléments ; d’une part, un orbiteur de 3 tonnes, alimenté en électricité par des panneaux solaires et bardé d’instruments de mesure, spectromètres et autres caméras à haute résolution : c’est ce croiseur qui va désormais accompagner la comète dans sa course vers le Soleil. D’autre part, un atterrisseur, Philae, d’à peine 100 kg mais doté, lui aussi, d’une batterie d’instruments : c’est ce robot, sorte de mini laboratoire, qui sera chargé du travail de terrain.
L’attraction de Jupiter contrôle l’orbite elliptique de Tchouri autour du Soleil. Comme toutes les comètes, c’est un agrégat de glaces et de poussières – une boule-de-neige sale pour l’astronome américain Fred Whipple – de petite taille : environ 4 km sur 3,5 km.
Sous l’effet du rayonnement solaire, le dégazage du noyau pare celui-ci d’une chevelure, la coma, un nuage de poussières qui peut s’étendre sur des centaines de milliers de kilomètres et former une ou même deux queues. Des traînes spectaculaires, longues parfois de centaines de millions de kilomètres, dont l’une, blanchâtre, réfléchit l’éclat du Soleil, tandis que l’autre émet une lumière bleutée.
Tchouri a la particularité d’avoir un noyau constitué de deux lobes de dimensions inégales. Cette structure inédite, qui pourrait être le résultat de l’accouplement de deux comètes, lui donne un petit air de canard, même si les scientifiques préfèrent parler de binaire en contact.
Pour rejoindre sa promise, Rosetta aura effectué un voyage au long cours de 6,4 milliards de kilomètres, qui a duré plus de dix ans, dont une hibernation de plus de deux ans et demi, de juin 2011 à fin 2013 : elle se trouvait alors trop loin du Soleil, dans un froid sidéral, pour en recevoir l’énergie nécessaire au fonctionnement de tous ses équipements. Mais le 20 janvier 2014, comme son horloge interne l’avait programmé, la voyageuse assoupie s’est réveillée, prête à reprendre sa route pour être pile à l’heure au rendez-vous.
Depuis, avait commencé la phase d’approche, qui a obligé à freiner la sonde pour caler sa vitesse sur celle de la comète. Dans les semaines qui viennent, elle s’en approchera jusqu’à 30 km pour repérer les sites d’atterrissage possibles, avant de descendre à 3 km pour y larguer le robot-laboratoire, le 11 novembre. Une date choisie parce qu’ensuite, la trajectoire de la comète la ramènera vers le Soleil, provoquant des dégazages qui rendraient périlleuse cette opération de haute voltige.
L’atterrisseur n’aura que quelques jours d’autonomie – cinq au maximum – pour prélever et analyser des échantillons. Ensuite, dans un délai de quatre à six mois, il succombera à un excès de chaleur. L’orbiteur, lui, restera opérationnel au moins jusqu’à fin 2015.
Le temps de remonter jusqu’aux premiers âges du système solaire. Car les comètes sont des vestiges de la nébuleuse primitive qui a donné naissance au Soleil et à son cortège de planètes. Et les impacts de ces petits astres, gorgés d’eau et de matière organique, sur la Terre ont pu contribuer à la formation des océans et à l’émergence de la vie.
Il s’agit en somme de déchiffrer l’énigme de nos origines, comme l’a fait la Pierre de Rosette pour Champollion. Et l’atterrisseur, Philae, c’est le nom de l’île égyptienne dont l’obélisque a ensuite aidé à en compléter la traduction.
Pierre Le Hir. Le Monde 6 août 2014
Pour la première fois, une sonde va escorter une comète pendant plus d’un an pour étudier son activité, c’est-à-dire l’émergence des jets de gaz et de poussières qui s’en échappent au fur et à mesure que son orbite la rapproche du Soleil et qu’une partie de sa glace se volatilise. Pour la première fois aussi, un atterrisseur va se poser sur un noyau cométaire et y réaliser des forages, afin d’analyser in situ sa composition moléculaire et atomique. Il s’agit de science très fondamentale. L’Europe devient le leader mondial de l’étude des comètes.
La matière dont sont faites les comètes est la même que celle qui a formé le système solaire, il y a 4,5 milliards d’années. Cette matière n’a pas évolué, elle a été conservée intacte, comme si elle avait été placée au congélateur, et elle est donc le témoin de ces premiers instants.
Ces corps primitifs ont deux propriétés uniques. Ce sont, dans tout le système solaire, les plus riches en gaz : on y trouve, outre de l’eau congelée qui en est la composante principale, une trentaine d’éléments gazeux – monoxyde de carbone, gaz carbonique, méthane, méthanol… -, figés à basse température.
Ce sont aussi les plus riches en carbone, dont la nature, c’est-à-dire la forme moléculaire, est pour l’instant inconnue.
L’une des questions que se posent les scientifiques est précisément de savoir quelle proportion de l’eau et du carbone terrestres provient des comètes. Pour répondre, il faut étudier les différents isotopes, ou formes atomiques (hydrogène et deutérium, carbone 12 et carbone 13), des éléments présents sur Terre et dans la matière cométaire, afin de comparer leurs proportions respectives. C’est l’un des objectifs de Rosetta.
Il y a quelques dizaines d’années, les manuels enseignaient que les océans de notre planète s’étaient constitués à partir de l’atmosphère primordiale créée par son gigantesque dégazage. Ce scénario est aujourd’hui largement remis en question.
On sait que la Terre a connu un intense bombardement – des pluies d’astéroïdes et de comètes – postérieur à sa formation. En particulier, elle a subi, il y a environ 3,9 milliards d’années – donc 600 millions d’années après sa formation – ce qu’on appelle le grand bombardement tardif.
Des études suggèrent que les impacts d’astéroïdes – corps célestes rocheux – sont la principale source de l’eau terrestre. Mais une partie de l’eau de nos océans provient sans doute aussi de comètes après leur collision avec la surface de la Terre.
On n’imagine pas une seconde que la vie soit apparue sur les comètes. La vie a besoin d’eau à l’état liquide et ces corps sont en quasi-permanence congelés. Mais l’hypothèse que des molécules carbonées d’origine cométaire aient pu apporter sur Terre certaines briques élémentaires du vivant est possible. On sait, par exemple, que certaines météorites sont riches en molécules organiques complexes, comme des acides aminés.
Or la frontière entre les astéroïdes, parents des météorites, et les comètes, n’est pas aussi tranchée qu’on le pensait auparavant. Certains astéroïdes sont aujourd’hui considérés comme des comètes éteintes. La météorite d’Orgueil – commune du Tarn-et-Garonne où elle s’est écrasée en 1864 – serait issue d’une comète. Peut-être Rosetta lèvera-t-elle un coin du voile.
L’atterrisseur Philae est la cerise sur le gâteau Rosetta. Perdre Philae, ce serait perdre la possibilité de sonder par radar la structure interne du noyau cométaire, donc de connaître l’histoire de sa formation, plus ou moins tumultueuse selon qu’elle est homogène ou hétérogène. De savoir, en particulier, si sa forme de comète double est ou non le résultat de l’accrétion de deux comètes.
Mais pour le reste, la sonde Rosetta dispose d’instruments similaires et elle pourra collecter des grains de matière près du noyau, pour en déterminer la composition. Par la suite, elle analysera les gaz libérés par la sublimation des glaces, au fur et à mesure que la comète approchera de son périhélie, le point de son orbite le plus proche du Soleil.
La mission de Rosetta court jusqu’à la fin 2015, voire à l’été 2016. Au-delà, l’Europe n’a encore rien décidé. Rien n’interdirait de remettre la sonde en hibernation lorsqu’elle se sera à nouveau éloignée du Soleil, avant de la réactiver à nouveau. Mais nous avons le temps d’y réfléchir.
Francis Rocard, [fils de Michel] responsable du programme Rosetta au Centre national d’études spatiales (CNES)
Rosetta rendra l’âme en se posant sur Tchouri le 30 septembre 2016, à la vitesse du petit corbillardde nos ancêtres. Résultats de cette mission : l’identification de quelques nouvelles molécules : la glycine, l’acétone, l’isocyanate de méthyl. Rosetta a encore détecté la présence de gaz comme l’argon, l’azote, l’oxygène. L’eau contenue dans le noyau sous forme de glace n’a pas la même composition que celle de nos mers et océans : il est donc exclu que les comètes de ce type puissent être à l’origine de l’apport de l’eau sur la terre. Bien sûr, si Philae avait connu un atterrissage comme prévu, la moisson de données aurait été beaucoup plus importante.
17 08 2014
Aux Championnats d’Europe d’Athlétisme à Zürich, l’équipe de France féminine est en finale du relais 4 X 400. À la fin du 3° relais, elle est en quatrième position, sans aucun espoir de décrocher un podium tant les anglaise, ukrainienne et russe sont loin devant, à au moins quinze mètres. Floria Gueï, 24 ans, prend le dernier relais, et reste à la troisième place jusqu’à 100 mètres de l’arrivée. Elle place une accélération, et rejoint le trio de tête à cinquante mètres de l’arrivée, et là, seconde accélération et elle coiffe les trois autres en se jetant en avant sur la ligne : elle a bien 30 cm d’avance ! fabuleux exploit ! Mais où donc est-elle allé chercher cette niaque ? Comme Colette Besson en 1968 à Mexico, le 16 octobre 1968.
Dans une video associée à celle-ci, il est encourageant pour le devenir de la langue française, de voir Floria Gueï, commenter sa course et de prononcer à plusieurs reprises les mots : Et pourquoi pas ? qu’elle se mit en tête arrivée à mi-course. Elle aurait pu parler de niaque, ou plus même emprunter un mot anglais – il doit y en avoir à la pelle -. Mais non, c’est et pourquoi pas ? qui lui vient aux lèvres, le même mot que celui que prit le commandant Charcot pour baptiser son navire en partance pour l’Arctique, peut-être aussi celui qu’employa Jacques Balmat pour partir à l’assaut du Mont-Blanc ? Walter Bonatti parlera lui des grandes heures. Sur ce terrain de la langue, là encore, elle nous fait plaisir. La tête et les jambes : la grande classe !
22 08 2014 9 h 27’ heure locale de Kourou
Une fusée Soyouz emporte les cinquième et sixième satellites opérationnels du système de navigation Galileo, – une charge de 1.6 tonne au décollage -. Mais, un problème technique survient au bout de trois heures et quarante huit minutes, mettant sur une orbite elliptique à 17 000 km les deux satellites Galileo Sat-5 et Sat-6 quand l’orbite aurait du être circulaire et à 23 522 km. Sera-t-il possible de modifier les paramètres des deux satellites pour qu’ils soient opérationnels sur cette orbite ? Peut-être tous ces savants auraient-ils mieux fait de rester au lit ce jour-là : le même jour une fusée de Space X explosait au-dessus de cap Canaveral, une poignée de secondes après son départ ; c’était une version à trois moteurs de l’appareil en développement F9R, qui succède au prototype de Space X Grasshopper. Lancé voici quinze ans, en 1999, et malgré six ans de retard dû à de multiples déboires, le projet européen se concrétise. La constellation de vingt-deux satellites de ce programme sera déployée progressivement d’ici à 2017. Les premiers services seront proposés à partir de la fin 2015 dès qu’une dizaine seront en orbite.Comme pour tous les grands projets européens, les coûts ont dérivé, passant de 3,3 milliards d’euros, à l’origine, à 5,5 milliards jusqu’à la phase de déploiement actuelle. En 2013, la Commission européenne a ajouté une nouvelle tranche de 7 milliards d’euros pour compléter le système de déploiement et financer les premières années d’exploitation et de maintenance jusqu’à la fin de la décennie.Au total, de 1998 à 2020, l’Union européenne aura engagé près de 13 milliards d’euros de fonds publics pour ses programmes de radionavigation – principalement Galileo, mais aussi Egnos, son prédécesseur, entré en service en 2009 afin d’améliorer l’exactitude du positionnement du GPS américain.Dès le départ, ce programme était parti sur de mauvaises bases. Quand, en 1999, l’Europe décide de briser le monopole américain des satellites de navigation, le projet ne fait pas l’unanimité. Galileo se retrouve même au cœur d’une bataille politico-industrielle entre les pays membres de l’Union.Les plus atlantistes, comme le Royaume-Uni ou les Pays-Bas, estiment que le GPS américain suffit et que les fonds publics doivent être consacrés à d’autres projets. Pour d’autres, comme la France et l’Allemagne, Galileo est perçu comme un instrument indispensable, confortant l’indépendance de l’Europe par rapport à son allié américain. Galileo doit donc être financé sur fonds publics.Un compromis est alors trouvé, le projet sera assuré aux deux tiers par le privé et à un tiers par le public. Pour calmer les pro-Américains, il est précisé que Galileo sera un système civil sous contrôle civil.Mais sur le fond, les industriels restent réticents devant ce partenariat public-privé inédit dans le spatial. Tant Alcatel Alenia Space (futur Thales Alenia Space) que Matra (futur Airbus Defence & Space), pourtant concernés par la fabrication des satellites, s’interrogent sur la rentabilité. Ils soulignent que les futurs services payants de Galileo sont offerts gratuitement par le GPS américain. Seul le développement d’applications militaires leur permettrait de rentabiliser en partie leur investissement.Le dossier se grippe d’autant plus vite que Washington multiplie les pressions contre Galileo. Et celles-ci sont très fortes après les attentats du 11-Septembre.Dans une lettre adressée, en décembre 2001, à tous les ministres européens de l’OTAN, Paul Wolfowitz, le numéro deux du Pentagone, prévient que la réalisation de Galileo entraînerait des conséquences fâcheuses en termes de sécurité pour de futures opérations de l’OTAN. Il prévient que si ses services se situent dans le même spectre d’ondes que les signaux militaires du GPS, cela compliquera la capacité des Etats-Unis à accéder aux services militaires du GPS. Mais après de nombreuses tractations, un accord sera trouvé, en 2004, garantissant la compatibilité entre les deux systèmes de navigation.Toutefois, le projet s’embourbe. En 2007, il a déjà cinq ans de retard et devient, selon Tom Enders, alors coprésident d’EADS et aujourd’hui patron d’Airbus Group, le programme le plus pollué de ces dernières années par les politiques. La constellation de satellites qui devait initialement être déployée un an plus tard se retrouve dans les limbes…Il en va alors de la survie du programme quand, en novembre 2007, les ministres des transports concernés par Galileo se réunissent à Bruxelles.Le partenariat public-privé est alors abandonné et les Etats membres de l’UE se mettent d’accord pour trouver 3,4 milliards d’euros dans le budget européen pour la période 2007-2013. Finalement, une rallonge budgétaire de 1,5 milliard d’euros sera nécessaire l’année suivante.La réalisation de Galileo est confiée à l’Agence spatiale européenne (ESA). A partir de 2007, le programme est vraiment reparti, estime Guilhem Penent, chercheur à l’Institut français des relations internationales, pour qui l’enjeu majeur de ce dossier reste la souveraineté de l’Union européenne face aux Etats-Unis.Pourtant, lors de cette réunion de sauvetage, Berlin vote contre pour des raisons financières. Tout est fait alors pour rassurer le gouvernement d’Angela Merkel, en garantissant à l’Allemagne les retombées industrielles qu’elle réclame. Trois ans plus tard, en 2010, à la surprise générale, la petite société allemande OHB est sélectionnée pour fabriquer les vingt-deux satellites de la constellation. Les deux spécialistes européens, Thales Alenia Space et EADS, sont écartés du marché…Initialement prévue à vingt-six satellites, cette constellation avait été ramenée à vingt-deux par la Commission de Bruxelles pour des raisons économiques.La fusée russe Soyouz, proposée par Arianespace, est sélectionnée pour la mise en orbite de dix d’entre eux d’ici à la fin de 2013.Là encore, les délais ne seront pas tenus. OHB se montre incapable d’assurer seule la livraison des satellites. L’ESA appelle alors à la rescousse les deux concurrents écartés, Airbus et Thales… Ce qui entraîne un nouveau report de septembre 2013 à aujourd’hui. […] Avec le GPS, on peut localiser un train, avec Galileo on sait sur quel quai il se trouve. C’est ainsi que Jean-Yves Le Gall, président du Centre national des études spatiales (CNES) et coordinateur interministériel pour la France de ce programme, décrit l’un des avantages du futur système de navigation européen par satellites.La précision de la datation – elle est obtenue grâce aux horloges atomiques à hautes performances synchronisant les satellites – est l’un des autres atouts de Galileo face à son rival américain. Cette précision est indispensable dans des métiers comme la finance (pour l’authentification et l’horodatage des transactions), l’énergie (pour l’exploitation des réseaux) et les télécommunications (pour la transmission d’une référence de temps universel et la synchronisation des références de fréquence). Mais le premier défi est de déployer la constellation des vingt-deux satellites – du programme, souligne le patron du CNES. Il s’agira ensuite de faire en sorte que Galileo monte en puissance et que les gens l’utilisent. Autrement dit, de faire du business. L’incidence économique de Galileo et d’Egnos – son précurseur – est évaluée à 90 milliards d’euros sur les vingt prochaines années, assurait Antonio Tajani, le commissaire européen chargé de l’industrie, en décembre 2013, pour justifier les 7 milliards d’euros consacrés aux programmes de radio-navigation par satellites sur la période 2014-2020. Ces systèmes offriront de nouvelles perspectives commerciales, et ils permettront aux utilisateurs quotidiens de profiter de services de navigation par satellites de plus en plus perfectionnés, ajoutait M. Tajani.Pour Bruxelles, un système de navigation mondial par satellites constitue, comme Internet, un catalyseur de services plutôt qu’un service autonome. Les domaines évoqués vont du commerce électronique à la téléphonie mobile, en passant par la gestion des trafics routier, maritime et aérien.Il sera néanmoins difficile de rivaliser avec le GPS, déjà omniprésent. L’une des pistes serait de développer des puces bi-compatibles entre les systèmes européen et américain.Galileo fournira quatre types de services de communication. Le premier sera ouvert et disponible gratuitement ; le deuxième proposera des prestations payantes à plus grande valeur ajoutée ; le troisième sera consacré à la recherche et aux secours. Le quatrième est stratégique ; il sera public et réglementé, c’est-à-dire crypté et accessible aux autorités publiques en toutes circonstances, pour la gestion des crises et les activités gouvernementales. Bien que Galileo soit un programme civil, il n’est prévu aucune exclusion dans les usages gouvernementaux, souligne un rapport de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale publié en avril, ils pourront s’étendre à tous les services chargés de la sécurité et à la défense.La démarche est inverse de celle des Américains. Le Pentagone a d’abord développé le GPS pour ses besoins. Jusqu’en 2000, note le rapport parlementaire, les Etats-Unis dégradaient la précision du signal accessible au public pour privilégier l’usage militaire. Ils y ont renoncé compte tenu des enjeux économiques et de la perspective d’arrivée de systèmes rivaux.
Dominique Gallois. Le Monde du 21 août 2014
Une commission d’enquête indépendante va être constituée pour analyser les raisons du fiasco, le premier depuis 2002, Arianespace ayant jusqu’ici réussi 71 tirs depuis la Guyane, 60 avec Ariane 5, 8 avec Soyouz et 3 avec Vega. Les conclusions seront rendues d’ici un mois.A moins d’une panne évidente et facile à corriger, les spécialistes estiment qu’il pourrait y avoir jusqu’à six mois de report du calendrier. Ce serait le temps de réparer et de tester les aménagements faits sur Fregat, l’étage supérieur de Soyouz, à l’origine de l’erreur de position de 6 000 kilomètres.L’une des pistes évoquées est un dysfonctionnement de la centrale inertielle (instrument de navigation qui estime la vitesse et la position de la fusée) qui aurait envoyé de fausses données, et serait dû à une mauvaise programmation ou à un problème de capteur. Cet incident n’était jamais arrivé au cours des quarante-six lancements de cet étage développé dans les années 1990 par le constructeur russe Lavotchkine pour propulser les satellites sur leur orbite, un projet cofinancé par Arianespace.L’anomalie n’a pas pu être détectée rapidement, car contrairement aux avions ou aux autres lanceurs, Fregat ne dispose que d’une centrale inertielle au lieu de deux, ce qui est un gage de sécurité. A Kourou, tout au long du lancement vendredi, les informations transmises de Moscou, où se situe Roscosmos, le centre de contrôle des Soyouz, indiquaient la position prévue. Ces données confirmaient, en différé, les indications d’altitude estimées par le Centre .spatial guyanais.Ce n’est que près de deux heures après la mise en orbite, annoncée comme un succès, au moment de déployer les panneaux solaires, que les ingénieurs ont constaté un problème. L’un de ces panneaux ne pouvait pas entièrement se déployer. Si cet incident est fréquent et peut être corrigé par différentes manœuvres, les données recueillies indiquaient que le satellite n’était pas sur sa bonne orbite.Ironie de l’histoire, alors que Galileo est prévu pour concurrencer le GPS, il semblerait que les Américains se soient rendu compte de la position du satellite avant les Européens et les Russes, grâce à leur système de surveillance permanent du ciel déployé par le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (Norad).Tout en déterminant l’orbite exacte où se trouvent aujourd’hui les satellites et ses caractéristiques, les ingénieurs étudient la possibilité de les amener vers la position initiale prévue. Toute la question est de savoir si les moteurs auront assez de carburant pour retrouver la trajectoire d’origine, et surtout s’il restera suffisamment d’ergol pour faire ensuite fonctionner les satellites pendant plusieurs années.Autre piste explorée par les experts, celle de savoir si les satellites peuvent émettre à partir de leur trajectoire actuelle. Cela semble difficile : l’orbite n’est pas circulaire mais elliptique évoluant de 13 700 kilomètres à 25 900 kilomètres de la Terre. Dans tous les cas, cela va être très compliqué, estimait dès samedi le président du CNES, Jean-Yves Le Gall, également coordinateur interministériel pour la France de GalileoLes conclusions de l’expertise sont essentielles pour la suite du programme car sur les vingt-deux satellites de la constellation, dix seront emmenés par des fusées russes et douze par Ariane 5. Et dans le calendrier des tirs, c’est à Soyouz que revient les premiers lancements, le prochain étant prévu en décembre.D’ores et déjà, le coût de cet échec est élevé pour la Commission européenne, chacun des satellites ayant coûté 100 millions d’euros et le lancement environ 75 millions d’euros. […] Lundi 25 août, trois jours après l’échec de la mise en orbite des deux satellites Galileo par la fusée russe Soyouz, il apparaît impossible de les ramener vers leur position prévue à 23 550 kilomètres de la Terre. Les satellites resteront à 17 000 kilomètres sur leur orbite elliptique et ne pourront donc émettre les signaux nécessaires au fonctionnement du système de navigation européen destiné à concurrencer le GPS américain. En revanche, des tests seront effectués pour vérifier leurs fonctionnements, ces satellites ayant été fabriqués par l’allemand OHB associé au britannique SSTL, qui n’en avait jamais conçu de tels jusqu’alors.Une commission d’enquête de huit personnes a été constituée. Présidée par Peter Dubock, ancien inspecteur général de l’Agence spatiale européenne (ESA), elle devra établir les circonstances de l’anomalie, d’en identifier les causes et facteurs aggravants, et de faire les recommandations permettant de corriger le défaut identifié. Les premières conclusions sont attendues dès le 8 septembre.
Dominique Gallois.Le Monde 26 et 27 août 2014
On est en droit de se demander si, à l’origine de ce échec, avant une faute technique, il n’y a pas une erreur stratégique : celle de s’être associé à la Russie, un pays qui a laissé pourrir ses sous-marins atomiques, qui a permis que survienne sur son territoire la plus grande catastrophe nucléaire en temps de paix, qui a systématiquement caché ses très nombreux échecs en matière spatiale, qui ne sait pas contrôler ses aéroports au point de laisser accéder à une piste d’envol opérationnelle un chasse-neige conduit pur un chauffeur ivre… Comment croire que la déroute du savoir-faire et de la déontologie, la gangrène mafieuse ne puissent pas concerner les fabricants de Soyouz ? L’étonnant n’est pas la défaillance de Soyouz, mais qu’il y ait eu auparavant huit lancements réussis. Il va bien falloir qu’un jour ou l’autre, on dise à qui incombe la responsabilité de cet accident, si c’est à Arianespace ou à Roscosmos.
Quarante jours plus tard, la réponse tombera, et on est donc bien en droit de mettre en question le choix de Soyouz :
Alors que la commission d’enquête européenne chargée d’analyser l’échec de la mission Galileo cet été se réunira mardi 7 octobre, la cause de l’incident est maintenant connue. La fusée russe Soyouz n’a pas réussi à mettre sur la bonne orbite les satellites européens de navigation en raison d’une panne d’alimentation en hydrazine de son étage supérieur Fregat. Ce carburant utilisé pour les moteurs a gelé pendant le vol. La raison : la tuyauterie dans laquelle ce carburant circulait était trop proche d’une autre qui véhiculait un gaz très froid. Si les tuyaux avaient été plus espacés, rien ne se serait produit. Selon les proches du dossier, il ne s’agit pas d’une erreur humaine, mais d’une imprécision dans le schéma de design du Fregat. Les plans de montage n’ont pas été conçus avec assez de rigueur. Les enquêteurs ont constaté que dans l’usine russe de fabrication de cet étage supérieur, un quart déjà réalisé présente la même anomalie.
Dominique Gallois Le Monde 2 octobre 2014
4 09 2014
Thomas Thévenoud, nommé neuf jours plus tôt au poste de secrétaire d’État au commerce extérieur, est mis à la porte par le premier ministre, Manuel Valls : ce monsieur ne payait pas ses impôts depuis plusieurs années. Ce monsieur de 40 ans était député de Saône et Loire, membre de la commission des finances et de la commission d’enquête constituée en avril 2013 sur la gestion de l’affaire Cahuzac ; il avait à cette occasion déclaré : J’ai une question toute simple à poser à monsieur Cahuzac : pourquoi a-t-il menti à la représentation nationale ? Pourquoi s’est-il menti à lui-même ? Oui, il s’agit d’une trahison. Ce monsieur était aussi membre de la mission d’information sur la fraude fiscale des personnes physiques, appelant les fraudeurs à faire repentance. Ce monsieur est l’époux de la chef de cabinet du président du Sénat. Donc ils sont deux à avoir fraudé. Mais comment ces voyous parviennent-ils donc à infiltrer la représentation nationale et à y sévir sans être démasqué, ou trop tard ? Et pourtant, et pourtant, il est prévu dans la loi de 2013 – pour éviter que ne se renouvelle le désastreux épisode de l’affaire Cahuzac -, que la situation fiscale de tout nouveau membre du gouvernement fasse l’objet d’un examen. Il en est à peu près de même pour les députés, mais ça ne devrait pas être seulement pour les députés, mais pour les candidats à la députation. Mais comment donc Hollande et Valls ont-ils pu faire fi de cette loi ? L’affaire Cahuzac ne leur a-t-elle donc été d’aucune utilité ? Comment peut-on se montrer aussi stupide ? Ces indécrottables amateurs font de la France la risée du monde entier. Et puisqu’ils semblent être décidés à faire le lit de Marine Le Pen, qu’ils continuent, sans rien changer : pour ça, ils sont parfaits.
9 09 2014
Une note d’à peine deux pages rédigée par Xavier Hindermeyer, chef du service ressources naturelles et paysages de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) vient contredire les discours officiels sur l’impossibilité d’agrandir l’actuel aéroport de Nantes Atlantique et la nécessité de le transférer vers Notre-Dame-des-Landes. Son destinataire : Henri-Michel Comet, préfet de la région Pays de la Loire, la tiendra secrète pendant un an et demi. Sur ordre de qui ? Hiérarchiquement ce serait de Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, ou bien du premier ministre, Manuel Valls, voire même de l’Elysée. C’est le Canard enchaîné qui la publiera le 17 février 2016 :
L’allongement de la piste de l’aéroport de Nantes Atlantique ne présente pas de risque pour la faune de la réserve naturelle et n’augmente pas le péril aviaire […] Sur le plan du dérangement des oiseaux, le trafic aérien actuel n’a pas d’impact négatif, […] la variation de cette activité ne générerait pas de stress supplémentaire. En effet, les contraintes d’urbanisme autour de l’aéroport entretiennent une ceinture verte constituée d’un bocage ancien et de nombreuses prairies humides entre l’agglomération nantaise et la réserve, qui fait office de zone tampon.
Ce document entache encore un peu plus la gestion du dossier. D’abord parce que sa dissimulation montre que le débat, sensible, autour de la construction de l’aéroport à Notre-Dame-des-Landes est entaché d’irrégularités. Ensuite, parce que l’un des arguments pour légitimer le transfert, écologique de surcroît, n’a pas lieu d’être.
Contrairement à ce qu’on peut entendre dire ici ou là, il – le projet de transfert – est également bon pour l’environnement, car l’actuel aéroport de Nantes est au contact de trois zones Natura 2000, dont le réservoir à oiseaux du lac de Grand-Lieu, affirmera le premier ministre, Manuel Valls, au Sénat le 16 octobre 2015. Et l’association Des ailes pour l’Ouest, qui milite pour le transfert de Nantes Atlantique vers Notre-Dame-des-Landes, ne cesse de répéter que l’extension de l’actuel aéroport est inacceptable pour les (vrais) défenseurs de l’environnement qui ont à cœur de préserver le lac de Grand-Lieu.
Certes, ce lac, situé à une quinzaine de kilomètres au sud de Nantes, qui s’étend sur une surface de plus de 6 000 hectares en hiver, héberge des spatules blanches, des hérons, cendré, pourpré…, soit 270 espèces d’oiseaux, 50 espèces de mammifères dont la loutre, et plus de 550 espèces de végétaux. Mais cette richesse de la biodiversité ne serait pas menacée par l’extension de la piste, un élément essentiel du projet d’optimisation de l’actuel aéroport, défendu par les opposants au transfert.
Irrité par l’utilisation de cet argument écologique, le directeur de la Réserve naturelle du lac de Grand-Lieu, depuis sa création il y a 23 ans, Loïc -Marion, a même écrit au premier ministre le 28 octobre 2015. Sa lettre, que Le Monde s’est procurée, va dans le même sens que la Dreal. » Je n’ai jamais constaté la moindre gêne des oiseaux de ce lac due aux avions utilisant l’aéroport actuel de Nantes Atlantique (…). Tout au contraire, l’abandon de Nantes Atlantique constitue une menace bien réelle pour le lac de Grand-Lieu, dans la mesure où ses périmètres de protection (réserve naturelle, site classé Natura 2000) ont été définis au plus juste près du lac, en tenant compte de la protection de fait assurée par le périmètre de protection antibruit de l’aéroport. (…) Le déplacement de l’aéroport mettrait fin à cette protection, et des élus locaux n’attendent d’ailleurs que cette issue pour pouvoir urbaniser tout ou partie de ce corridor.
Rémi Barroux. Le Monde du 20 02 2016
Cette insulte faite à la démocratie se traduira certainement en temps voulu par une bonne petite fournée de voix pour Marine Le Pen. Ne changez rien à vos sales manières Messieurs, puisque vous avez l’air de beaucoup tenir à faire son lit…
Deux ans plus tard, on aura droit encore à un énième rapport remettant en question le bien-fondé du projet de Notre Dame des Landes :
Selon les calculs des inspecteurs, le recalibrage du projet de Notre-Dame-des-Landes permettrait de diminuer son emprise de 200 hectares, sur les 1 650 que compte aujourd’hui la zone d’aménagement prévue.
Pour Ségolène Royal, la mission répond bien à la question posée :Y a-t-il un projet alternatif ? C’est un très bon rapport, incontestable, qui desserre l’étau du tout ou rien, qui dit qu’on peut recalibrer le projet et que l’aménagement de l’aéroport actuel n’est pas non plus impossible, a expliqué auMondela ministre de l’environnement. Les trois inspecteurs soulignent cependant qu’ils n’ont eu que deux mois pour accomplir leur mission. Durant ce laps de temps limité, ils ont repris l’ensemble des études et documents produits par les porteurs du projet et les opposants et auditionné tous les protagonistes.Ils ont travaillé en toute indépendance, assure la ministre.
Madame Royal, qui n’a jamais caché ses doutes sur la pertinence du projet d’aéroport de Notre Dame des Landes, vieux de plus cinquante ans et dont la déclaration d’utilité publique remonte à bientôt dix ans, a appliqué une méthode déjà éprouvée lors de la contestation du barrage de Sivens, dans le Tarn. Alors que le conflit s’était dramatiquement soldé par la mort d’un jeune manifestant, Rémi Fraisse, tué par les gendarmes lors d’une manifestation des opposants le 26 octobre 2014, la ministre avait lancé une mission d’expertise qui avait proposé de redimensionner la retenue d’eau, en la réduisant fortement et en la positionnant ailleurs.
Une méthode clairement revendiquée aujourd’hui – un des trois inspecteurs, Nicolas Forray, a d’ailleurs travaillé sur l’expertise à Sivens. J’ai réglé le problème de Sivens en pratiquant une politique de vérité, affirme Ségolène Royal. Il faut écouter, ne pas brutaliser les gens, établir la vérité des faits et des informations et arrive le moment où on met les choses sur la table et où il faut choisir.
Le rapport, de fait, ne tranche pas mais apporte de nouveaux éléments en ouvrant la voie à un possible réaménagement de Nantes-Atlantique, confirmant aussi le choix du site de Notre-Dame-des-Landes, un compromis acceptable malgré des difficultés à ne pas sous-estimer.De quoi satisfaire, espère la ministre, les deux camps, violemment opposés.
D’un côté, quelque deux cents anti-aéroport qui occupent la ZAD depuis près de sept ans, forts du soutien de plusieurs dizaines de milliers de personnes, prêtes à rejoindre le bocage au moindre risque d’intervention policière. De l’autre, les collectivités territoriales, région, département, ville de Nantes, au Parti socialiste comme chez Les Républicains, qui ne cessent de réclamer le démarrage du chantier – annoncé par Manuel Valls pour l’automne – et, surtout, l’évacuation de la zone occupée.
Le rapport ouvre une autre problématique, et tout le monde peut y trouver motif de satisfaction. Il devra être versé au débat. Et si les gens sont raisonnables et en recherche d’une solution, cela peut débloquer la situation, espère Mme Royal.
Mais à la question qui devrait être posée aux électeurs du département de Loire-Atlantique, lors du référendum – Etes-vous favorable au transfert de l’aéroport vers Notre-Dame-des-Landes ? –, chaque camp trouvera dans le rapport matière à alimenter ses thèses.
Première hypothèse, le réaménagement de l’actuel aéroport. Il faudrait rénover la piste et agrandir l’aérogare, prévoir la mise en silo des parkings, allonger la ligne de tramway qui s’arrête à quelques kilomètres de l’aéroport, ou encore mettre en place de nouveaux instruments de guidage qui permettraient de modifier les procédures actuelles pour les mouvements d’avions. Les inspecteurs soulignent, au passage, que la mise en conformité de ces procédures devra être posée, car indépendamment de l’option retenue, il est maintenant évident que l’exploitation de Nantes-Atlantique se poursuivra bien au-delà de l’échéance de fin 2017, prévue dans le contrat de concession.
À partir de l’estimation de la direction générale de l’aviation civile, l’ordre de grandeur des coûts d’investissement correspondant à l’horizon 7 millions de passagers– en 2015, le trafic était de 4,4 millions – a été évalué à 300 millions d’euros TTC, compte non tenu des conséquences financières des travaux sur l’exploitation de l’aéroport – l’activité de celui-ci pourrait être interrompue durant la réfection de la piste par exemple – .
Deuxième hypothèse, la construction d’un nouvel aéroport. Le choix de Notre-Dame-des-Landes est, bien sûr, passé au crible par les auteurs du rapport, qui regrettent que le cahier des charges initial – un aéroport international destiné à accueillirles avions gros-porteurs des lignes intercontinentales –n’ait pas été réévalué au fil du temps. Le projet a été conçu dans les années 1960, notamment dans la perspective d’accueillir le Concorde.
Néanmoins, la mission validel’utilité économique du projeten le revoyant à la baisse. La suppression d’une piste pourrait se traduire par une réduction de 10 % des coûts de ce chantier, estimé à 364 millions d’euros dans le dossier de concession. Un coût largement réévalué depuis. Les opposants au transfert évoquent, eux, un différentiel bien plus important entre les deux projets, si l’on prend en compte, notamment, la construction d’infrastructures de transport nécessaires à la desserte du nouvel aéroport : Conserver et rénover Nantes-Atlantique coûtera huit à dix fois moins cher que de construire à Notre-Dame-des-Landes.
Le transfert vers Notre-Dame-des-Landes signifierait-il la fin des activités aéroportuaires à Nantes-Atlantique ? Alors que l’hypothèse d’un maintien de la piste pour l’usine Airbus, en bordure du terrain, est fréquemment évoquée, la mission suggère la fermeture de la plate-forme aéroportuaire. Les inspecteurs suggèrent d’étudier d’autres scénarios, comme le transport des éléments d’avion par barge sur la Loire jusqu’à l’autre complexe d’Airbus à Saint-Nazaire, ou l’utilisation de convois routiers exceptionnels.
Rémi Barroux Le Monde 6 avril 2016
vers le 10 9 2014
Environ 500 émigrants ont embarqué le 6 septembre à Damiette, en Égypte, pour l’Italie probablement. Après avoir été contraints à changer trois fois d’embarcation, ils refusent de le faire une quatrième fois pour embarquer sur un navire trop petit. Les passeurs, depuis une autre embarcation, font couler le navire des émigrants : il y a quelques rescapés, la plupart retrouvés en hypothermie qui raconteront l’horreur : Après avoir touché notre bateau, les passeurs ont attendu pour être sûrs qu’il coule complètement avant de partir. Ils riaient. À peu près 500 morts.
17 09 2014
Sur Europe I, Emmanuel Macron, nouveau et très jeune ministre de l’économie, déclare à propos des 1 500 licenciements de l’entreprise Gad, à Lampaul-Guimiliau et Saint-Nazaire : Il y a dans cette société une majorité de femmes, pour beaucoup illettrées. Pour beaucoup on leur explique vous n’avez pas d’avenir à Gad ou aux alentours, allez travailler à 50 ou 60 km. Ces gens-là n’ont pas le permis de conduire. On va leur dire quoi ? Il faut payer 1.500 euros, il faut attendre un an ? ça aussi ce sont des réformes du quotidien, ça va créer de la mobilité et de l’activité.
Emmanuel Macron n’est probablement pas trop jeune pour être ministre de l’économie, mais il l’est certainement pour avoir perçu à quel point il est dangereux de dire certaines vérités dans le monde politique, dans le monde médiatique, devenus esclaves soumis du politiquement correct et du conformisme intellectuel ambiant.
Ainsi donc, on considère comme insultant le simple fait d’établir un constat : où est donc l’insulte de constater qu’une part importante du personnel licencié est illettrée ? Ce n’est pas une opinion, c’est un fait, un constat. En quoi un constat est-il une insulte ? Comment peut-on faire l’amalgame entre cette parole et le Casse-toi, pauvre con ! de Sarkozy ? Peut-être même pourrait-on saisir l’occasion pour proposer à ce personnel des stages pour maîtriser la langue et l’écriture ? S’en trouveraient-ils diminués ?
Et demain, si mon médecin me dit : Monsieur, vous avez un cancer, je vais dresser contre lui mes millions d’amis de Facebook au prétexte que je me sens ainsi dévalorisé ? Mais où va-t-on à faire ainsi du suivisme derrière la dictature de la démocratie d’humeur ? Il serait temps de réapprendre à appeler un chat un chat, à cesser de fuir le réel pour se planquer derrière des paraphrases stupides comme ces quelques perles :
Bloc mucilagineux à effet soustractif … qu’est-ce que cela peut-il bien vouloir dire ?
Il est vrai que les femmes de ménage sont déjà devenues des techniciennes de surface, les aveugles des non-voyants (ben voyons), et les sourds depuis longtemps des malentendants…
Poursuivre à la lettre nos nouveaux enseignements… voilà qui devrait ravir les amoureux de la langue Française… Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, il ne s’agit pas d’une évolution de la langue, mais de prospective positive modernisée d’un mode de communication oral… !
Déjà cet été, j’ai adoré les campings qui ne veulent plus qu’on les appelle campings parce que ça suscite instantanément dans l’esprit des gens l’image de Franck Dubosc en moule-boules ou de Roger et Ginette à l’apéro avec casquette Ricard et claquettes Adidas. Donc les professionnels de la branche demandent que l’on dise désormais hôtellerie en plein air … Ha ha, mais c’est que ça change tout !!!
Et si jamais je pète un plomb en cognant bien fort ces créateurs d’inepties, le juge ne m’enverra pas en prison, mais dans un espace de privation de liberté…
J’ai aussi appris que je n’étais pas petite mais de taille modeste et qu’un nain était une personne à verticalité contrariée. Si, si !
Mais rendons à César ce qui lui appartient, l’empereur du genre reste le milieu scolaire et ses pédagos à gogo.
J’étais déjà tombé de ma chaise pendant une soirée de parents quand la maîtresse a écrit sur le tableau que nos enfants allaient apprendre à manier l’outil scripteur au lieu de tenir un crayon.
Je me suis habituée au fait que les rédactions sont des productions écrites, les sorties en groupe des sorties de cohésion, les élèves en difficulté ou handicapés des élèves à besoins éducatifs spécifiques.
Mais cette année, sans discussion aucune, la palme est attribuée au Conseil supérieur des programmes en France et à sa réforme du collège. Z’êtes prêts ? Allons-y.
Donc, demain l’élève n’apprendra plus à écrire mais à maîtriser le geste graphomoteur et automatiser progressivement le tracé normé des lettres.
Il n’y aura plus de dictée, mais une vigilance orthographique.
Quand un élève aura un problème on tentera une remédiation.
Mais curieusement le meilleur est pour la gym…Oups pardon !!! pour l’EPS (Education physique et sportive).
Attention, on s’accroche : courir c’est créer de la vitesse,nager en piscine c’est se déplacer dans un milieu aquatique profond standardisé et traverser l’eau en équilibre horizontal par immersion prolongée de la tête,et le badminton est une activité duelle médiée par un volant.
Ah ! C’est du sportif, j’avais prévenu !…
Les précieuses ridicules de Molière, à côté, c’est de l’urine de jeune félidé (je n’ose pas dire du pipi de chat).
Alors, les amis, ne perdons pas ce merveilleux sens du burlesque et inventons une nouvelle catégorie : la personne en cessation d’intelligence, autrement dit, le con.
Signé Martine Meunier, mère d’une élève. Ah ! non, re-pardon… Martine Meunier génitrice d’une apprenante.
Ben oui, un outil scriptutaire, c’est un stylo, un référentiel bondissant, c’est un ballon, et, pour finir et revenir à l’objet de ce courriel, un bloc mucilagineux à effet soustractif, c’est… une gomme !
Je pense que les zzzélites qui ont inventé de telles conneries n’en resteront pas là avant d’être tous en hôpital psychiatrique pour, voyons, voyons… ah ! oui j’y suis : remédiation de cessation d’intelligence …
Il serait temps de se demander pourquoi le réel nous fait peur. Il serait temps d’admettre à voix haute l’existence de la confusion mentale, de la connerie, de les fustiger quand elle sont à l’œuvre. Mais pour cela, il faut du courage et du courage, y’en a pas.
Emmanuel Macron a jugé nécessaire de présenter des excuses. On est en droit de le regretter tant elles ont le parfum de ces aveux arrachésà de faux coupables lors des procès staliniens d’avant guerre, Facebook et les réseaux sociaux ayant pris la place de Staline ; il n’y a pas d’autre différence : même popularité glauque sur fond d’indigence mentale du dictateur, Staline ou l’opinion.
24 09 2014
Hervé Gourdel, guide de Haute Montagne de 55 ans, de Saint Martin de Vésubie, est décapité par des terroristes en Kabylie. L’assassinat de Ghislaine Dupont et Claude Verlon envoyés spéciaux de RFI dix mois plus tôt près de Kidal dans le nord-est du Mali, n’aura donc pas servi de leçon.
Si l’on veut que ces drames reviennent, c’est très simple : il suffit de ne rien changer à nos façons de voir les choses… continuons à rester muets [à l’exception du Président de la République] sur l’impérative prudence, sur la nécessité absolue de garder les yeux grands ouverts, et ça recommencera.
La maladie est profondément ancrée, et il faudra commencer par se défaire du réflexe de classer l’argument : Mais qu’allait-il donc faire là-bas ? dans la catégorie d’arguments de Café du commerce. Il faudra commencer par se demander comment un guide de haute montagne, dont la prudence figure à la toute première place des préoccupations précisément parce qu’il évolue dans un milieu dangereux, peut ignorer toute prudence en matière sociale au point de ne pas hésiter à se rendre en Kabylie quand il lui était très facile de savoir qu’elle servait souvent de base arrière à des terroristes. Et en admettant que ce guide ait commis une erreur de jugement, comment tout son entourage a-t-il pu commettre la même erreur ? Comment en est-on arrivé à ce degré d’endormissement, qui confine à la névrose suicidaire, d’adhésion béate au le monde est beau tout le monde il est gentil, comment en est-on arrivé à mettre la naïveté au premier rang de nos comportements ! Comment a-t-on pu laisser se nécroser l’instinct de tous ceux qui vivent dans un milieu naturel, ce flair à la base duquel se trouve le réflexe : attention, il y a peut-être un danger qui n’empêche pas l’émerveillement, mais qui permet de devenir un vieux guerrier au lieu de se faire tuer par la première balle. Nous sommes en guerre et il nous faut retrouver les qualités du guerrier, elles sont beaucoup plus à même de nous permettre de continuer à vivre plutôt que les litanies d’incantations qui se déclenchent après que le malheur nous soit tombé dessus.
26 09 2014
43 étudiants de l’école normale d’instituteurs d’Ayotzinapa, à Iguala, dans l’État de Guerrero, au Mexique, disparaissent. On ne les retrouvera jamais. La seule chose dont on soit certain, c’est de la collusion entre les autorités et les auteurs du crime, probablement le groupe criminel Guerreros Unidos. De façon générale, on ne peut que constater que, quelles que soient les déclarations des dirigeants, aucun pays au monde n’est parvenu à venir à bout de la drogue. Une dizaine d’années plus tard, le fentanyl se vendra aux États-Unis 400 000 $ le kilo, et fera 130 000 morts par overdose en 2022.
La disparition des normaliens a constitué un crime d’État.
Alejandro Encinas, président de la Commission pour la Vérité
05 10 2014
Un président avec plus de pouvoirs, un parlement de même, et on supprime le poste de premier ministre : Voici donc revenu le casse-tête institutionnel. C’est un grand classique de notre petit théâtre politique. Quand tout va mal en France, ou presque ; quand l’économie piétine, que la justice patine et que l’école décline ; quand le bâtiment va mal et que le chou-fleur ne se vend pas bien ; quand la grève, qui fut jadis le recours ultime des prolétaires, devient l’arme des huissiers et des pilotes de ligne ; quand enfin les Français ne s’entendent sur rien et que les partis se disputent sur tout, alors la classe politique, élargie aux journalistes et aux professeurs de droit, ressort sa potion magique : le changement de Constitution !
Telle est l’illusion institutionnelle qui à intervalles réguliers s’empare des élites. Et pourtant… la réforme des institutions, loin de provoquer le changement de la vie et des mœurs, ne saurait en être que le couronnement. Les pères fondateurs de la IIIe République différèrent de trois ans (1875) la rédaction d’une Constitution, du reste fort sommaire ; de Gaulle fit de même, qui patienta quatre ans (1962) pour donner à la France des institutions selon son cœur ; quant à Bonaparte, une fois parvenu au pouvoir, il donna comme instruction à ses juristes de lui préparer une Constitution courte et obscure…
Or aujourd’hui, dans la classe politique, ce n’est qu’un cri : décidément, le président a trop de pouvoirs ! Voilà la cause de tous nos maux ! Renvoyons-le à ses chrysanthèmes, et tout ira mieux ! Changeons le numéro de la République et l’économie repartira, patrons et syndicats négocieront, les maîtres se feront entendre de leurs élèves, les impôts baisseront, les djihadistes se reconvertiront dans l’épicerie de quartier, M. Cahuzac fermera son compte en Suisse, et M. Thévenoud paiera ses impôts.
C’est se moquer du monde. Et les Français, qu’ils soient de gauche ou de droite, portent sur l’exécutif un jugement inverse. Ils ne regrettent pas que le président ait trop de pouvoirs ; ils lui reprochent au contraire de ne pas en user assez. Ils ne trouvent pas que François Hollande fait trop le président ; ils pensent au contraire qu’il ne le fait pas suffisamment. Ils l’attendent, non au choix des moyens, mais à ses résultats.
Qu’on ne s’y trompe donc pas. Le fameux fossé qui s’est creusé entre le peuple et les élus est en train de devenir un canyon ; il s’étend aujourd’hui à la question des institutions. S’il est en effet une pièce de l’héritage gaullien à laquelle ils sont attachés, c’est bien l’élection du président de la République au suffrage universel direct, le seul moment où ils ont le sentiment de peser directement sur leur destin.
Quant à leur demander d’élire un président ramené à un rôle de potiche, comme y pensent certains, une sorte de reine d’Angleterre sans la pompe ni l’hérédité, ils y verraient du mépris de la part de la classe politique.
C’est pourtant bien le dessein des bricoleurs institutionnels, qui pullulent en ce moment : ramener la politique à un entre-soi politicien. C’est le syndrome de la IVe. Tous ceux qui rêvent d’un gouvernement de législature, qui transférerait la plupart des pouvoirs présidentiels au premier ministre responsable devant l’Assemblée, invoquent l’exemple de nombre de pays européens. C’est oublier que, pour en arriver là, les Anglais se sont dotés d’un système électoral impitoyable, qui déclare élu le candidat arrivé en tête au tour unique, quel que soit le nombre des suffrages obtenus. Un tel système transposé aujourd’hui en France donnerait la majorité absolue des députés au Front national… Quant aux Allemands, leur système complexe, qui fait fantasmer les juristes, n’est viable que grâce au pragmatisme d’outre-Rhin, qui permet, si les circonstances l’exigent, des gouvernements de grande coalition entre la gauche et la droite. Imagine-t-on un instant un gouvernement PS/UMP en France ?
En vérité, la France n’est pas le royaume d’élection de la division droite-gauche, mais au contraire celui d’un pluralisme invétéré, qui, s’il n’était pas ramené au dualisme grâce au scrutin à deux tours, se traduirait immanquablement, comme jadis, par l’ingouvernabilité et l’instabilité permanente.
Mais il y a encore plus grave. Comment des hommes raisonnables peuvent-ils imaginer remettre la totalité du pouvoir entre les mains des partis – car c’est bien de cela qu’il s’agirait en définitive – quand ceux-ci connaissent un discrédit justifié et sans précédent ? Comment ces mêmes partis qui truquent systématiquement leurs élections internes – au PS, Martine Aubry désignée à la place de Ségolène Royal (2008), et, à l’UMP, Jean-François Copé volant sa victoire à Fillon (2012) – pourraient-ils organiser honnêtement la dévolution du pouvoir à la tête de l’Etat ?
À l’autre bout du spectre institutionnel, pour parvenir à la même instabilité, Jean-Luc Mélenchon propose une tout autre méthode : la révocabilité à tout moment de tous les élus, y compris le président, grâce à des consultations populaires. La seule chose qui resterait institutionnellement permanente serait alors la guérilla politique.
Dieu garde la France de cette ivresse déconstructiviste ! La seule chose qui tienne encore le coup, ce sont les institutions, héritage du général de Gaulle. Avec un instinct très sûr, c’est donc à celles-ci que la classe politique entend s’attaquer en priorité.
Est-ce à dire qu’elles sont sans défaut ? Bien sûr que non. La principale de ces imperfections est d’avoir installé l’irresponsabilité là où est le pouvoir. En l’occurrence, à l’Elysée. En ce sens, notre régime n’est pas semi-présidentiel comme disent les manuels de droit, il est archi-présidentiel. Avec pour corrélat, l’abaissement du Parlement.
Il est aisé de pallier cet inconvénient. Il suffit de supprimer le premier ministre, cet homme de paille, qui, comme dans les romans d’éducation des jeunes princes, est chargé de prendre les coups de bâton à la place de ceux-ci. Ce faisant, on obligerait le président, détenteur réel du pouvoir, à négocier directement avec la représentation parlementaire, notamment pour obtenir les moyens financiers de son action. Le président s’en trouverait ainsi contrôlé, et le Parlement revalorisé, comme c’est le cas aux Etats-Unis. Dans le système présidentiel américain, le Parlement, notamment le Sénat, dispose de beaucoup plus de pouvoirs que dans le système hybride qui prévaut en France.
Dans un tel dispositif, le président perdrait le droit de dissoudre le Parlement et le Parlement celui de renverser l’exécutif. Ce serait la fin du système de destruction mutuelle assurée (en anglais MAD, mutual assured destruction, c’est-à-dire un équilibre de la terreur) au profit de l’obligation de respect politique mutuel entre le législatif et l’exécutif. On objectera que, en cas de désaccord persistant entre les deux parties, la machine serait paralysée. Pas plus que dans les cas de cohabitation. Le véritable régime présidentiel devrait acheminer la France vers ce qui lui manque le plus : le sens du compromis démocratique.
Un autre avantage d’un présidentialisme authentique serait la possibilité d’introduire la représentation proportionnelle pour l’élection des députés. Aujourd’hui, ce serait une bombe. Mais dès lors que le Parlement perdrait le droit de renverser l’exécutif, rien ne s’opposerait à ce que la diversité parlementaire reflète la diversité du génie politique national.
Tout discours de la méthode est un discours de circonstance, disait le philosophe Gaston Bachelard. Eh bien ! Dans les circonstances actuelles, une reparlementarisation à outrance n’est pas tenable, remarquait récemment Manuel Valls. Elle ne ferait qu’aggraver la plupart des maux dont nous souffrons, et pas seulement dans le domaine institutionnel.
Il nous faut donc, ici comme ailleurs, suivre notre pente en la remontant. Le système présidentiel véritable est aujourd’hui le seul capable de satisfaire à la fois l’aspiration du peuple à la participation et le besoin incontestable de revaloriser le Parlement, en l’associant à l’élaboration de la politique gouvernementale. Il relève aujourd’hui du bon sens. C’est probablement pour cela qu’il est si peu préconisé, tant il est vrai que nos élites déboussolées ne se résoudront aux solutions de sagesse qu’après avoir essayé toutes les autres.
Jacques Julliard. Le Monde 5 octobre 2014
SOS…SOS…SOS…
Sale temps pour les morses. Ils seraient trente cinq mille, sur cette plage d’Alaska. Réfugiés là, faute de banquise. Car le morse, animal grégaire, n’est pas un gros nageur. Entre deux plongeons pour se nourrir, il se repose sur la glace de mer, où les femelles mettent bas. Mais, réchauffement climatique oblige, fini le paradis blanc. Michel Berger serait surpris, plus question de parler aux poissons d’argent. L’image a fait le tour du monde. Les morses ont eu leur quinze minutes de célébrité. Les autres vertébrés ont moins de chance. On a peu parlé du Living Planet Index, qui nous a appris, la semaine dernière, que 52 % de la population des vertébrés – mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens, poissons – ont disparu en quarante ans. La faute à l’agriculture chimique, la déforestation, l’urbanisation, la chasse, la pêche, etc. C’est-à-dire, à l’activité de l’espèce animale qui ne décroit pas, l’homme, roi des mammifères passé, lui, de 3 à 7 milliards d’individus.
Il faut penser la catastrophe comme ayant déjà eu lieu, pour avoir une chance de l’éviter, nous disait il y a plus de dix ans Jean Pierre Dupuy, sur les pas du philosophe Hans Jonas. La conscience que l’humanité est capable de s’anéantir elle-même a, certes, progressé. Mais pour quel résultat ? Un étourdissement. Car il y a toujours tellement à faire. Un avion à prendre. Une autoroute de l’emploi à construire. Une croissance à chercher. Une guerre à mener. Des frontières à garder. Des gains de productivité à retrouver. Un jour, le roi des mammifères se retournera : personne devant, personne derrière. Pas la moindre espèce animale, ni végétale. Juste des grappes humaines, tentant de survivre. Par exemple, trente-cinq mille, là, sur une plage d’Alaska..
Vincent Remy. Télérama 8 10 2014
Le taux d’extinction, c’est à dire la vitesse à laquelle les espèces disparaissent irrémédiablement, est environ mille fois plus élevé aujourd’hui qu’avant l’apparition de l’homme, et cette vitesse ne cesse de croître d’année en année. Selon certains scientifiques, une espèce animale ou végétale disparaît toutes les vingt minutes. Si c’est vrai, – et cela semble être le cas – nous aurons perdu 26 000 espèces rien que cette année ; dans cent ans, la moitié des espèces du monde auront disparu (il existe des estimations encore plus élevées et plus terrifiantes). Le plus triste est que la plupart des espèces que nous perdons dans cette extinction massive n’ont pas encore été découvertes ni nommées par la science. Cette tragédie est appelée par les biologistes anglophones extinction centinélienne, en référence au massif du Centinela, en Equateur, où les écologues Alwyn Gentry et Craway Dodson ont découvert 90 espèces nouvelles de plantes en 1978. En quelques années, avant même que ces espèces aient pu être décrites scientifiquement, le massif a été transformé en plantation et toutes les espèces nouvellement découvertes ont disparu. Les taxonomistes, des scientifiques qui ont pour tâche de nommer et des classer les espèces, travaillent aussi vite qu’ils peuvent, mais ils ne sont capables de recenser que 16 000 à 20 000 espèces nouvelles par an, beaucoup moins vite qu’elles ne disparaissent.
Piotr Naskrecki. Reliques. Ulmer 2012
7 10 2014
François Hollande écrit à Blaise Compaoré, président du Burkina Faso, sur l’avenir du processus engagé au Mali et l’incite au passage à quitter la présidence avant que la présidence ne le quitte. Il faut donc croire que les ambassades savent bien ce qui se trame dans le pays car, trois semaines plus tard, le 31 octobre, les manifestants le contraindront à prendre piteusement la fuite pour se réfugier dans un des innombrables palais vides de Yamoussoukro, en Côte d’Ivoire. Le courrier sera publié par Jeune Afrique :
Monsieur le Président, cher Blaise [écrit à la main],
Votre courrier du 22 septembre dernier confirme l’engagement du Burkina Faso en faveur du rétablissement de la stabilité au Mali et votre soutien au dialogue mené à Alger. Je tiens à vous en remercier, car je sais à quel point vous avez toujours œuvré en faveur du règlement de la crise malienne.
Les négociations inter-maliennes qui se déroulent à Alger devraient aboutir, nous l’espérons, à un accord de paix entre le gouvernement et les groupes armés. Il importe avant tout que cet accord, respectueux de l’unité et de l’intégrité territoriale du pays et de sa laïcité, puisse permettre au Mali d’en sortir plus fort, de jouir d’une cohésion nationale renforcéeet de voirtoutes les régions du pays d’avoir [sic] un accès égal au développement et à la sécurité.
[pour être correcte, la phrase aurait du être : … « et de donner à toutes les régions du pays un accès égal au développement et à la sécurité. » … même à l’Élysée ! ! ! ]
Il importe également que cet accord soit solide et durable. La région et la communauté internationale auront là un rôle à jouer, pour appuyer, suivre et contrôler l’application de l’accord à venir. Un dispositif de suivi, où la Cedeao aurait toute sa place, sera utile. Le processus de démobilisation et de réintégration des combattants, dans les conditions qui seront décidées lors des négociations, devra être suivi tout particulièrement.
Dans l’attente d’une issue heureuse des négociations d’Alger, la contribution des voisins du Mali à la Minusma est indispensable, notamment en ce qui concerne la sécurisation des zones où l’armée malienne n’est plus présente depuis les événements de Kidal. L’engagement du contingent burkinabè et sa connaissance du terrain est précieux.
Il est important pour le Mali et pour l’ensemble de la région de consolider ses institutions et d’aller encore plus loin en matière de gouvernance et de démocratie. À cet égard, le Burkina Faso pourrait être un exemple pour la région si, dans les mois qui viennent, il avançait lui aussi dans cette direction en évitant les risques d’un changement non consensuel de Constitution. Vous pourriez alors compter sur la France pour vous soutenir, si vous souhaitez mettre votre expérience et vos talents à la disposition de la communauté internationale.
En vous remerciant de nouveau pour votre engagement en faveur de la paix et de la sécurité au Mali, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’assurance de ma très haute considération.
Bien à toi, [écrit à la main]
François Hollande
30 10 2014
Faillite de l’un des produits phares de la culture du livre, du savoir généralisé, couvrant l’ensemble des disciplines … de la littérature à la physique nucléaire, de la peinture à l’architecture etc… : Encyclopedia Universalis est mise en redressement judiciaire pour une période de six mois, pliant sous la concurrence de Wikipedia. Elle est née en 1969, petite sœur de l’encyclopédie Britannica, toutes deux propriétés de l’homme d’affaires Jacqui Safra, qui brasse tous azimuts, de l’hôtellerie au cinéma, en passant par le vin. Après une cure d’amaigrissement drastique – effectifs divisés par deux – elle reprendra de l’activité en 2017 en ne s’adressant plus qu’au monde enseignant et étudiant, en version seulement numérique.
10 2014
Ségolène Royal, ministre de l’environnement, abandonne le projet d’écotaxe, collectée grâce aux 170 portiques mis en place sur 4 000 km de routes à grande circulation [15 000 au départ en 2008, ramenés à 4 000 par Ségolène Royal en 2014], mis en œuvre par la Société italienne Ecomouv : un boitier GPS équipe les camions, qui calcule le montant de leur taxe au prorata des km parcourus. Les portiques enregistrent leur passage. Rentrées fiscales estimées à 1.2 milliards €. L’idée avait 7 ans, née au Grenelle de l’Environnement, sous Sarkozy. Perte sèche pour l’Etat, au bas mot 2 milliards €, entre les indemnités dues à Ecomouv [339 millions €, payées en décembre 2017], le coût du démontage etc… Irresponsabilité, pusillanimité, manque de courage politique… la rengaine. Victoire de la mauvaise foi, du corporatisme sur l’intérêt général, du particularisme breton violent et de ses bonnets rouges : comment voulez-vous que l’on puisse continuer à faire du cochon bas de gamme qui pourrit nos sols de nitrates si vous augmentez le coût de leur transport en Allemagne pour y être abattus et qu’il nous faut ensuite les réimporter pour approvisionner nos supermarchés ?
5 11 2014
Le mariage de raison entre la tradition monarchique – il faut bien qu’ils servent à quelque chose tous ces palais que les multiples révolutions ont laissé debout – et les dérives mortifères de la bureaucratie, donne au sommet de l’État un tableau consternant qui donne envie de hurler. Et ceux qu’indisposent la fréquence des comparaisons de la France avec l’Allemagne ne sont que les cancres qui du fond de la classe ricanent bêtement des bons élèves :
FRANCE
ALLEMAGNE
Gouvernement
1 Président + 1 premier ministre + 25 ministres + 9 Secrétaires d’État Total : 36
Un Chancelier (ère) + 8 ministres : Total = 9
Coût d’un ministre
17 m. € /an
3 m. €/an
à la maison
à Paris, le Premier ministre est dans son logement de fonction à Matignon : 310 m², tandis que ses collègues vont en limousine dans les hôtels particuliers que la République met à leur disposition.
Angela Merkel rentre chez elle, où elle paie un loyer, l’eau, l’électricité. De même pour ses 8 ministres
Personnel
906 à l’Élysée
300 à la Chancellerie
Parc automobile
127 à l’Élysée
37 à la Chancellerie
Voyages
1 Airbus A 330-200, 2 Falcon 7X, 2 Falcon 900, 2 Falcon 50, et 3 Hélicoptères Super Puma
Train ou lignes aériennes régulières
Indemnité
Président de la République : 21 026 € net
Chancelière : 15 830 bruts, soumis à l’impôt
Budget
Élysée : 113 m. €
Chancellerie : 36.4 m. €
Pour le parlement, la chanson est la même : les députés les moins bien payés touchent un peu plus de 13 000 € par mois !
*****
Autres comparaisons, sans lien direct : les commerces extérieurs, en déficit pour la France, en excédent pour l’Allemagne :
FRANCE
ALLEMAGNE
2003
0.3 milliard €
2004
5 milliard €
2005
24 milliard €
2006
30 milliard €
2007
39,171 milliard €
195.3 milliard € d’excédent
2008
57.482 milliard €
2009
43.03 milliard €
2010
51.1 milliard €
154 milliard € en 2010
2011
69.59 milliard €
2012
67 milliard €
189.8 milliard € en 2012
2013
60.8 milliard €
198.9 milliard € en 2013
2014
53.8 milliard €où le prix du baril de pétrole a baissé de 60 %
217 milliard € en 2014
2015
45.7 milliard €
Les chiffres records de l’Allemagne sont la conséquence directe des profondes réformes économiques – l’Agenda 2010 – mises en œuvre par Gerhardt Schroeder dès mars 2003. Principal revers de la médaille : un accroissement de la pauvreté pour les plus démunis, phénomène qui met à mal les valeurs fondamentales d’une démocratie libérale.
8 11 2014
Dans la rubrique Signe des temps, Tout fout le camp, il y a foule à Montpellier aux obsèques de Manitas de Plata, – Petites mains d’argent -, né Ricardo Baliardo – et dans tout ce monde, au milieu de tout ce peuple qui a la musique dans le sang, Tonino Baliardo, son neveu est un des fondateurs des Gipsy Kings, personne, oui, personne, n’aura la fraîcheur nécessaire, la spontanéité pour placer quelques accords et même un peu plus au milieu de cette cérémonie, sur laquelle règnent en maître les pompes funèbres. C’est lugubre ! Abrutissement de la télé, des tablettes, ipad, smartphones, facebook et autres twitter : plus de place pour l’expression directe d’un hommage, circulez, allez, circulez… qu’est-ce que vous faites là avec votre soit disant fraîcheur, avec votre soit disant spontanéité ?
12 11 2014
Ça se passe bien loin de chez nous, à 510 millions de km …
Pari réussi pour l’Agence spatiale européenne (ESA), qui est parvenue, dix ans après son lancement, à poser un mini-laboratoire sur une comète. Le robot Philae, lâché par la sonde Rosetta, a atterri sur 67P/Tchourioumov-Guérassimenko, mercredi 12 novembre à 17 heures, à quelque 510 millions de kilomètres de la Terre. Les scientifiques sont maintenant en train d’analyser les données scientifiques recueillies pendant la descente et à la surface d’un sol cométaire, qui se révèle d’ores et déjà plus complexe qu’ils ne l’avaient imaginé.
[…] En 1986, la sonde Giotto de l’Agence spatiale européenne avait approché la célèbre comète de Halley à quelque 600 kilomètres mais à une vitesse de survol de 70 kilomètres par seconde par rapport à son objectif. En 2004, la mission Stardust de la Nasa a croisé la comète Wild-2 à moins de 200 kilomètres et à seulement 6 kilomètres par seconde. Rosetta est, elle, quasi immobile par rapport à la comète, qu’elle a déjà frôlée à dix kilomètres.
[…] Contrairement au robot Curiosity, qui explore Mars depuis août 2012, Philae n’a pas de pilote automatique à bord pour contrôler sa descente. Ce n’est qu’une boîte métallique de cent kilogrammes lâchée à vingt kilomètres d’altitude, presque sans vitesse initiale et censée tomber sur une zone elliptique de 900 mètres sur 600.Philae est le nom d’une île sur le Nil abritant le temple d’Isis et un obélisque comportant des hiéroglyphes décryptés grâce à la pierre de Rosette. La construction du barrage d’Assouan a obligé à déplacer le temple dans les années 1960 sur l’île d’Agilkia. D’où ce nouveau nom pour nommer l’aire d’atterrissage. Mais, étant donné que Philae a choisi un autre terrain que celui prévu, on opérera un transfert pour ce nom d’Agilkia qui viendra nommer le site réel où s’est finalement posé Philae.
Retour sur une semaine fertile en rebondissements.
Mardi 11 novembre, la tension monte
En début de soirée, vers 20 h 30, les équipes du centre de l’ESA, à Darmstadt (Allemagne), s’apprêtent à donner le premier des quatre feux verts en vérifiant que la trajectoire du lanceur-orbiteur Rosetta est bien celle prévue. C’est capital, car le robot Philae ne possède à bord ni moteur ni ordinateur pour corriger sa descente. Son point de chute sera entièrement déterminé par les conditions initiales de la séparation, donc par la trajectoire précise de son lanceur-orbiteur. Mais jusqu’à présent les pilotes ont été si bons que ce premier feu vert est une formalité : l’assistance sait qu’il a été donné, avant même l’annonce officielle.
Le second top départ, vérifiant les séquences de largage, se passe aussi à l’heure, à 1 heure du matin. Le troisième en revanche, prévu à 2 h 30, prend une heure de retard. Il consiste à vérifier si Philae et ses instruments sont prêts. Or les scientifiques découvrent que la pression du gaz à l’intérieur du système de propulsion destiné à plaquer au sol le robot est plus basse que prévu. Vraisemblablement, le système ne marchera pas…
Mercredi 12, jour J
Le troisième feu vert est pourtant donné et, au matin, les scientifiques n’ont pas l’air de s’inquiéter de ce dysfonctionnement. En fait, ce système a été prévu initialement pour accélérer la chute de l’atterrisseur au moment où la mission visait une autre comète, Wirtanen, plus petite que 67P/Tchourioumov-Guérassimenko. L’accident de la fusée Ariane-5 en décembre 2002 a repoussé la mission Rosetta et l’a obligée à changer de cible pour son lancement en mars 2004. Ce qui fut heureux, car Wirtanen s’est désintégrée avant le rendez-vous prévu…
Après cette première nuit blanche, la tension remonte d’un cran dans l’attente du dernier feu vert, à 8 h 35. Pour peu de temps, en fait : la séparation est décidée. Elle aura lieu une heure et demie plus tard. Quelques minutes avant cette confirmation, les caméras de l’ESA montrent la salle de contrôle avec ses pupitres et ses nombreux écrans. Paolo Ferri, responsable des opérations de l’ESA, Andrea Accomazzo, responsable des opérations de vol, Fred Jansen, chef de la mission Rosetta, et Stephan Ulamec, responsable de Philae, sont évidemment présents, regards fixés vers les écrans, souvent debout. Il n’y a pas le son, mais les échanges sont nombreux.
A 10 h 03, c’est la libération. Les scientifiques s’embrassent : Philae a quitté Rosetta pour une chute de près de sept heures. Alea jacta est, s’écrie Jean-Jacques Dordain, le directeur général de l’Agence spatiale. On ne peut plus rien faire pour Philae, mais depuis vingt ans on a fait beaucoup de choses pour que cela réussisse, rappelle Andrea Accomazzo.
A midi, la confirmation que Rosetta est en contact radio avec Philae arrive. Les paramètres de la descente seront donc bien enregistrés.
Peu après 15 heures, nouveaux applaudissements. Les premières images de la séparation sont dévoilées. Jean-Pierre Bibring, de l’Institut d’astrophysique spatiale de l’université Paris-Sud, montre celle prise par la caméra dont il est coresponsable, CIVA. C’est Rosetta vue par Philae, cinquante secondes après le largage. Emotion.
Quelques minutes plus tard, le responsable de la caméra Osiris, Holger Sierks, fait aussi sensation. Sur l’écran, un point flou sur fond noir serait Philae, vu par Rosetta. Un zoom, et le module apparaît nettement avec ses trois pieds déployés et ses antennes ! Immense joie.
Un peu plus d’une heure à attendre encore pour la confirmation de l’atterrissage. Mêmes images de la salle de contrôle, aussi silencieuse que le matin. Mêmes acteurs, tendus, parfois souriants, remuants. A 17 h 04, Philae touche sa comète ! C’est gagné.
À la tribune, les responsables de diverses agences spatiales en Europe se succèdent. Un grand pas pour la civilisation !, déclare Jean-Jacques Dordain. Waouh !, s’enthousiasme un homologue de l’agence spatiale suisse. Même Klim Tchourioumov, le codécouvreur de cette comète en 1969, est là pour témoigner de sa joie : C’est un triomphe de la mécanique spatiale.
Le champagne coule déjà au buffet. Matt Taylor, le responsable scientifique de la mission, exulte, exhibant son tatouage coloré sur sa cuisse droite représentant Rosetta et Philae. Il enlace, pour les photographes, la maquette de la comète sur scène. Auparavant, il avait déclaré être prêt à l’embrasser. Sa chemisette, bariolée de femmes aux postures assez provocantes, laisse voir sur les bras d’autres tatouages.
Mais soudain, coup de théâtre, tout ne se passe pas comme prévu ! Philae ne s’est pas ancré sur le sol ! Ses deux harpons ne se sont pas déclenchés. Immédiatement, des bruits divers circulent. Les harpons vont être tirés à nouveau. Le module s’est enfoncé dans le sol. Le contact est perdu. Stephan Ulamec et Paolo Ferri passent de caméras en micros, toujours souriants et confiants. Le point d’information prévu à 19 h 30 est reporté.
À 20 heures passées arrivent enfin des informations fiables. Jean-Jacques Dordain plaisante même en disant que Philae s’est posé au bon endroit, sur la bonne comète.
Les responsables disent que des données d’expériences ont déjà été reçues sur Terre, concernant la descente (champ magnétique, radar, images notamment). La communication semble en effet fluctuante entre Rosetta et Philae. Le signal a même été perdu plus tôt que prévu, c’est-à-dire avant que Rosetta ne passe derrière l’horizon de la comète. Stephan Ulamec spécule avec humour : On n’a peut-être pas atterri une fois sur une comète, mais deux !, évoquant ainsi l’hypothèse d’un rebond à l’atterrissage.
Dans les couloirs, Stefano Mottola, responsable de la caméra Rolis, située sous Philae, se déclare outrépar la fuite d’une des images de son instrument. Le cliché a été rapidement diffusé partout, sans légende.
Jeudi 13, atterrissage mouvementé
Réunis dans une petite salle au-dessus de la salle de contrôle, les chercheurs passent une seconde nuit blanche. Ils se creusent les méninges pour comprendre ce qui s’est passé. Ils doivent aussi décider des ordres suivants à envoyer à Philae, qui doit poursuivre sa mission. Seules une dizaine d’heures étaient préprogrammées dans le module. Au matin, l’information tombe. Ce n’est pas un, mais deux rebonds que Philae a effectués ! Dont un saut qui aurait duré près de deux heures en culminant à un kilomètre d’altitude ! Il faut dire que la gravité sur la comète est 100 000 fois plus faible que sur Terre… Le second saut, de sept minutes seulement, a conduit Philae dans un recoin sombre de la comète, près de ce qui ressemble à une falaise ou à un gros rocher qui lui fait de l’ombre. Le robot serait également fortement incliné.
Si le contact radio n’est pas rompu, impossible pour l’instant de localiser précisément l’endroit où il se trouve sur cette surface tourmentée de la comète. Sans doute à plus d’un kilomètre du lieu prévu. L’instrument CIVA envoie son premier panorama de l’environnement de Philae. On y voit la fameuse » falaise » et le pied en l’air du robot. Cette situation oblige à inverser l’ordre prévu des expériences. Le forage, destiné à recueillir et analyser des échantillons du sol et du sous-sol de la comète, attendra encore. » Finalement, nous aurons des informations sur trois points de chute de la comète au lieu d’un « , sourit Anny-Chantal Levasseur-Regourd, professeure au Laboratoire atmosphères, milieux, observations spatiales de l’université Pierre-et-Marie-Curie.
Vendredi 14, fin du premier épisode
Toujours avec émotion, la mission se poursuit, malgré les péripéties. A 14 heures, les responsables font un nouveau point d‘informations. Contrairement à ses collègues toujours souriants, Matt Taylor, moins fringant qu’à l’habitude, a la tête baissée. Il s’excuse d’avoir choqué mercredi à cause de sa chemise trop exubérante. Il semble même essuyer une larme. Puis, après un silence, reprend un exposé plus scientifique. La mission est un succès : chacun des dix instruments de Philae a pu fonctionner. Tous ont envoyé leurs données sur Terre, durant les plus de cinquante heures d’activité. Le dernier contact aura finalement lieu la nuit, à 23 h 29, pendant près de deux heures, juste avant que la pile primaire ne tombe à plat – les chercheurs ne valant guère mieux : Stephan Ulamec nous confie avoir dormi deux-trois heures par jour depuis le début de la semaine.
Le suspense n’est cependant pas terminé. Le forage a-t-il été fructueux ? Les analyses sont toujours en cours pour savoir si de la matière a bien été recueillie, chauffée et identifiée. Autre inconnue : Philae, désormais en hibernation, pourra-t-il se réveiller ? Il faudrait pour cela que sa seconde batterie rechargée par des panneaux solaires ait suffisamment d’énergie. Or, au lieu des six ou sept heures de Soleil toutes les douze heures, Philae reçoit moins de deux heures d’ensoleillement. Celui-ci devrait augmenter au fur et à mesure que la comète se rapprochera du Soleil ; la distance la plus courte étant en août prochain. Dès que les chercheurs seront sûrs de la localisation et de la position dans l’espace du robot, ils simuleront l’éclairement pour estimer la charge possible. L’ombre peut aussi être un avantage malgré tout, car elle empêche l’électronique de trop chauffer et prolonge donc la durée de vie du robot, estime Jean-Pierre Bibring.
Une dernière manœuvre a permis de tourner de 35 degrés les panneaux et de redresser de 4 centimètres le robot, pour augmenter les chances d’un réveil. Samedi matin, une ultime tentative de contact n’avait rien donné. [sept mois de silence et puis, le 13 juin 2015, un contact, certes plutôt mauvais, s’établira avec Rosetta, prouvant que Philae s’était réveillé. Yipi !]
Après l’exploit technique, place dans les prochaines semaines aux révélations dans les revues scientifiques, auxquelles les chercheurs réservent la primeur de leurs observations. Les premières viendront en décembre de Rosetta, qui depuis plusieurs mois accumule des données inédites sur la vie des comètes. Et qui continuera la moisson au moins jusqu’en décembre 2015.
*****
La prouesse technique de l’atterrissage de Philae ne doit pas faire oublier les enjeux scientifiques importants derrière l’exploit. Le noyau de 67P/Tchourioumov-Guérassimenko, comme ceux des autres comètes, est l’équivalent d’un fossile pour les archéologues. Il est resté quasiment dans le même état depuis la naissance du Système solaire il y a plus de 4,5 milliards d’années. Comme s’il avait été conservé au congélateur, loin du Soleil, indique Anny-Chantal Levasseur-Regourd, professeure au Laboratoire atmosphères, milieux, observations spatiales de l’université Pierre-et-Marie-Curie.
A cette époque primordiale, notre étoile se forme au centre de ce qui ressemble à un disque de gaz et de poussières en rotation. En s’éloignant d’elle, la vitesse de révolution diminue et la température chute. De la glace, principalement d’eau, peut donc persister. Elle contribue à agglomérer entre eux les grains de poussières qui s’entrechoquent. Ceux-ci grossissent pour passer du micromètre au millimètre, jusqu’au kilomètre : ils sont les futurs noyaux cométaires, orbitant dans une région située à plus de dix fois la distance Terre-Soleil actuelle. A cause de perturbations gravitationnelles, comme celle intervenue 600 millions d’années après la formation initiale, ils descendent et bombardent des corps plus gros, comme la Terre, lui apportant probablement de l’eau. Mais peut-être aussi des molécules carbonées complexes, qui auraient pu alors activer la chimie du vivant sur notre planète. Personne n’imagine en effet trouver de la vie directement à la surface de la comète, car l’environnement y est trop froid et l’eau n’y existe qu’à l’état solide.
L’histoire des comètes n’est pas finie. Tous ces noyaux ne sont pas sortis de leur congélateur au moment dit du grand bombardement tardif, il y a quelque 3,9 milliards d’années. Certains, dont Tchouri, sont descendus plus tard de leur pouponnière lointaine, aujourd’hui située dans la ceinture de Kuiper, au-delà de Neptune, à plus de trente fois la distance Terre-Soleil. Une comète possède une chevelure et des queues qui se déploient lorsqu’elle se rapproche du Soleil à cause de la vaporisation de la glace. C’est ce que fait Tchouri tous les six ans et demi environ.
Et c’est sur cette trajectoire elliptique que la sonde Rosetta l’a attrapée et continue de la surveiller. Les chercheurs ignorent depuis quand ce nouveau manège a commencé – probablement moins de cent mille ans. Les précieuses traces primordiales sont donc en train de se perdre et les scientifiques ne veulent pas en rater la moindre miette grâce aux instruments de Philae et de Rosetta. Des microscopes étudient la morphologie des grains. Un radar sonde le cœur du noyau pour estimer sa structure, sa composition et sa porosité, qui le rend deux fois moins dense qu’un glaçon d’eau. Plusieurs nez analysent la composition chimique de ce qui se dégage du noyau au fil des évaporations. Des aimants essaient de voir s’il reste la trace du champ magnétique qui régnait à l’origine du Système solaire lors de la formation de ce noyau. Tout cela dans le but de savoir comment des gros grains peuvent devenir encore plus gros sans se briser. Ou comment l’activité dépend des saisons, et finit par creuser ces reliefs particulièrement tortueux observés en surface. Ou bien comment de longues chaînes carbonées peuvent exister. Ou encore savoir si l’eau de la comète est de même nature que celle de nos océans.
Bref, les chercheurs veulent écrire les premiers chapitres de l’histoire de Tchouri pour comprendre µcomment la vie sur Terre elle-même a pu débuter.
David Larousserie. Le Monde du 19 11 2014
En octobre 2015, des traces d’oxygène seront découvertes par Philae dans l’atmosphère de Tchouri, sans que qui que ce soit soit capable d’en expliquer l’origine…. mystère complet
20 11 2014
Revue de presse française… par un journal belge… le Belge n’est plus ce qu’il était, ça, ce n’est pas sur, mais c’est bien peut-être seulement le regard du Français qui change, à force de boire des bouillons, à force de s’engluer dans les turpitudes, à force de tomber lentement mais surement vers la faillite. Le Français, en faisant la fête aux Belges, commencerait – il à écouter Pétrarque qui, en 1373, haussait le ton, déjà fatigué de sa morgue :
Que le Gaulois dresse à présent l’oreille et que sa crête insolente retombe afin d’écouter non pas éternellement ce qui lui fait plaisir, mais parfois aussi ce qui est vrai.
*****
Sommes-nous devenus des dikkeneks ?
[grande gueule, ou monsieur ou madame je-sais-tout]
Longtemps raillé et pris de haut par le Français, le Belge fait toujours des complexes… aujourd’hui de supériorité ! La presse hexagonale en témoigne: notre insolente santé fait un sacré contraste avec le moral de loser de nos voisins.
Il y avait eu une première vague belge au tout début des années 90, avec l’arrivée en France du phénomène Poelvoorde (C’est arrivé près de chez vous), du poète Jaco Van Dormael, du viscéral Arno et de la baroque Amélie Nothomb. Il y eut, une décennie plus tard, une deuxième déflagration, provoquée par l’arrivée outre-Quiévrain de Philippe Geluck, Cécile de France ou les frères Dardenne.
Et voici aujourd’hui la troisième vague, emmenée par de nouveaux rois de Paris : Stéphane De Groodt, dont les chroniques de Canal + s’arrachent en librairie. Walter et Nawell Madani, qui réussissent dans le stand-up en revendiquant leurs racines noir-jaune-rouge (Belge et méchant et C’est moi la plus belge sont les titres de leurs spectacles respectifs). Charline Vanhoenacker et Alex Vizorek, qui avec leur émission quotidienne sur France Inter (Si tu écoutes, j’annule tout) en ont presque fait une antenne régionale de la RTBF. Sans compter François Damiens, dont les caméras planquées continuent de faire un malheur et qui lui ont apporté une visibilité jusque dans le monde du cinéma. Et sans parler, bien entendu, de Stromae.
Durant le mois de novembre, de grands dossiers flatteurs ont été consacrés par Le Point (Heureux comme un Belge en France), L’Obs (Les Belges se paient la France) ou Le Figaro (Le pot belge) à l’excellence des saltimbanques du plat pays.
Petit florilège: Le Belge est un sale gosse qui aurait mal tourné, en fait, tout ce qu’on aime. Et inconsciemment, nous en sommes jaloux. (Le Figaro)
Qu’il semble loin, le temps où les Français ne pouvaient citer que deux humoristes belges: Raymond Devos, certes né en Wallonie mais de nationalité française, et puis Jean-Claude Van Damme, acteur situationniste. Désormais, la belgitude est un label vendeur pour les one-man-shows. (Le Point)
Ils dictent leur loi dans les médias. Ils montent sur scène et hypnotisent la foule française. Ils écrivent des livres que les Français lisent. Les Belges sont entrés dans Paris. (L’Obs)
N’en jetez plus. Et l’Obs de conclure, comme après une folle nuit d’ébats: Nous sommes submergés ! Sacrés Français…
Mais qu’est-ce qui a bien pu se passer ? Il y a vingt-cinq ans, on nous taxait outre-Quiévrain de ringards, de clowns, d’abrutis. Aux dîners de cons, les François Pignon avaient l’accent belge. Coluche s’était payé notre tronche durant une décennie, et avait filé l’héritage des blagues belges aux Grosses Têtes de Bouvard. A la mort de Baudouin, Wolinski titrait dans Charlie Hebdo: Le roi des cons est mort. Une émission de Christophe Dechavanne (Ciel mon mardi, TF1) sur notre génie de la bêtise avait même été jusqu’à susciter la fureur de nos représentants publics. En somme, nous étions la risée de la France entière.
Et aujourd’hui ? D’aucuns commencent à dire tout haut ce que beaucoup ici pensent tout bas: on tient notre revanche ! Car aujourd’hui, et comme le chante Claude Semal, on a la frite, la patate, la baraka, la baraque à frites….
Hier têtes de gondoles, aujourd’hui rois courtisés sur la place de Paris. Stéphane De Groodt et Amélie Nothomb cassent la baraque en librairie. Walter, Nawell Madani, Alex Vizorek occupent la scène. Marie Gillain fait un malheur au théâtre. Les caméras planquées de François Damiens font un tabac. France Inter a l’accent belge. Stromae est le roi du monde. Et, il y a peu encore, nous étions convaincus de ramener à la maison la Coupe du monde de football.
La légendaire modestie, dont on nous a sans cesse affublés, nous aurait-elle quittés ? En prenant confiance, nous sommes devenus de véritables dikkeneks ! Certes, il était temps d’arrêter de sans cesse nous battre la coulpe, pour un oui ou pour un non. Mais là, nous frisons l’autosatisfaction. Et nous avons, l’air de rien, troqué en deux temps, trois mouvements notre fameux complexe d’infériorité contre un tout aussi exaspérant sentiment de supériorité.
On va se calmer
Un Belge, c’est un Français qui a réussi, s’enorgueillit dans Le Figaro le talentueux Stéphane De Groodt. Tandis que dans Le Point, Nawell Madani déclare qu’être belge, c’est un brevet de qualité. On va se calmer ?
Dans L’Obs, Philippe Geluck, plus philosophe, nous ramène -Dieu merci- à la réalité. Et rappelle que le Belge ne descend pas dans la rue, même pour ses droits fondamentaux, au contraire du Français. Quant au culte de notre prétendu surréalisme, mis à toutes les sauces: Nous avons six gouvernements, c’est aberrant. Ça nous coûte un pognon dingue (…) sans compter ces querelles linguistiques, qui n’ont aucun sens, et auxquelles il semble n’y avoir aucune solution.
Étions-nous si catastrophiques avant ? Serions-nous subitement devenus si géniaux ? Bien sûr que non. Et si ce qui avait changé, c’était… notre voisin français ? Si c’était lui qui, abattu par la sinistrose des années Sarkollande, cédait à son tour à l’autodénigrement et nous dévoilait, quel coup de théâtre de la part de cette légendaire grande gueule !, son complexe… d’infériorité ?
On exagère? Lisez plutôt les dossiers français sur l’excellence belge. A commencer, dans L’Obs, par cet aveu de Droopy: Avec nos cernes mauves de dépressifs, on regarde les Belges de moins haut. On se pose des questions. Comment ont-ils fait pour rester de si bonne humeur avec leurs cinq cent quarante jours sans gouvernement, alors que nous prophétisons la mort de la nation au moindre mini-remaniement ? Pourquoi n’y a-t-il pas eu de printemps belge après le mariage gay ? Qui sont ces gens qui peuvent légaliser l’euthanasie pour les mineurs sans passer par la guerre civile ?
Aimez-vous un peu plus
Dans Le Figaro, cette confession digne d’un bon vieux divan freudien : On dit les Français arrogants, et ce n’est sans doute pas faux. Ils sont si lourds. Ils se sentent supérieurs, peut-être, mais question humour, voyons ça. Les Français se sont toujours moqués des Belges, les frites, les frites, les frites. C’est peu dire que le Français a toujours eu cette suffisance (…), alors que le Belge, sans doute plus raffiné (…) a toujours gardé la tête dans les étoiles.
Nos talents exilés commentent. Charline Vanhoenacker : Depuis 2007, vous subissez une crise morale profonde. La presse étrangère se moque de vous. Vous êtes mûrs pour vous faire botter les fesses par votre petit voisin.
Nicolas Crousse. Le Soir Bruxelles 20 novembre 2014
Être belge est une identité en creux. On est flamand, wallon ou bruxellois. Ce qui m’étonne aujourd’hui, c’est le regard que l’on pose sur la Belgique. On est passé du cousinage rigolard en vogue dès les années 60, bien boosté par Coluche, faisant de nous des demeurés à une survalorisation délirante. J’ai accepté, l’autre jour, de participer à une émission sur les Belges, et on était tous là à nous vanter de notre modestie. Ça finissait par être ridicule… Cela dit, il y a beaucoup de choses qu’on a du mal à prendre au sérieux : le mot carrière par exemple. On est un tout petit pays à côté de la France et de sa grande histoire : la Révolution, Molière, Balzac… On est complexé certes, mais aussi moins écrasé, entravé par l’opinion publique… D’où l’acceptation du mariage homosexuel, de l’euthanasie… On n’est pas structurellement contestataire, certaines lois passent dans une relative indifférence.
Virginie Efira. Télérama 3478 du 10 au 16 septembre
18 12 2014
Vincent Bolloré, talentueux entrepreneur breton mais français tout de même, s’est mis en tête un projet fou : réhabiliter et construire 3 000 km de chemin de fer desservant cinq pays d’Afrique francophone : Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Niger, Bénin, Togo. Il a choisi d’inaugurer les quelques centaines de mètres qui ont déjà été réalisés à Niamey, la capitale du Niger. La locomotive est venue à grands frais par la route, par le port de Cotonou, au Bénin. Il est aux côtés du président nigérien Issoufou… mais ça va être comme dans la chanson : j’ai attendu, attendu, elle n’est jamais venu.Elle étant la locomotive qui a déraillé sitôt en route : les rails n’étaient pas parallèles : c’est rédhibitoire ! En Afrique, les grands chefs se voient toujours affublés d’un surnom : pour Vincent Bolloré, ce sera Papa Rallèle.
Il devrait traverser les villes d’Abidjan, Bouaké, Ferkessédougou, (frontière Côte d’Ivoire-Burkina Faso) Bobo Dioulasso, Koudougou, Ouagadougou, Kaya, Dori (frontière Burkina Faso-Niger) Tera, Niamey, Dosso, Gaya (frontière Niger-Bénin) Matanville, Kandi, Parakou, Tchaourou, Cotonou (frontière Benin-Togo) Lomé Blitta. Sur les 3 000 km la moitié sont à faire, l’autre à réhabiliter- ce qui est seulement à réhabiliter, datant du début du XIX° siècle : Abidjan-Kaya et Parakou-Cotonou. Il a mis 2.5 milliards d’€ dans l’affaire. Il n’est pas pensable que cet homme d’affaires très avisé pense un jour gagner de l’argent avec ça, d’autant qu’il opère un peu avec les moyens du bord, – on travaille avec la bite et le couteau, selon la très vieille expression des ouvriers mal équipés reprise par un de ses hommes -, que le résultat sera probablement de médiocre qualité et donc deviendra rapidement inutilisable.
Mais, parallèlement à ces grands travaux, il met en place dans plusieurs capitales d’Afrique de l’Ouest, des Blue Zones, à l’usage des entreprises locales : sortes d’unités complètement autonomes sur le plan énergétique, à même de fournir quantité de services modernes … quelque chose entre la maison de la culture et la maison des entreprises. Leur énergie est fournie par des panneaux solaires et l’électricité fabriquée est stockée dans des batteries Bolloré : LMP – Lithium, Metal, Polymère – le bijou de la maison. En traversant 5 pays francophones de l’Afrique de l’ouest, en longeant le géant anglophone de l’Afrique, le Nigéria, Vincent Bolloré se fait le monsieur indispensable de l’Afrique de l’Ouest et se prépare à l’équiper de ses batteries, coupant ainsi l’herbe sous les pieds de son grand rival sur ce plan : l’Américain d’origine sud-africaine Elon Musk, en train de construire la plus grande usine au monde de fabrication de batteries. Et là, c’est du business !
Face à la demande croissante de véhicules électriques plus abordables, les constructeurs européens diversifient de plus en plus leur portefeuille de batteries. Ils commencent à intégrer la technologie LFP (pour lithium, fer, phosphate), un type de batteries lithium-ion qui domine actuellement le marché en Chine du fait de son coût moins élevé que les batteries NMC (pour nickel, manganèse, cobalt), plus fréquentes en Europe.
De quoi questionner la pérennité des investissements européens dans la production de batteries, qui ont jusqu’ici surtout concerné le NMC. Cela pose aussi la question d’une dépendance potentielle envers les fabricants asiatiques, avec des implications différentes en termes de métaux critiques.
Autrement dit, c’est un enjeu de souveraineté industrielle pour le secteur automobile du vieux continent, qui souligne la complexité d’un écosystème où différentes technologies coexistent pour répondre à la multiplicité des usages de la mobilité électrique. Il implique des choix politiques et industriels qui influenceront l’adoption du véhicule électrique et les dépendances futures de l’Europe.
Les batteries lithium-ion sont au cœur de la révolution des véhicules électriques. Elles sont l’élément stratégique essentiel des voitures électriques, dont elles constituent jusqu’à 40 % du poids. Leur fabrication nécessite un savoir-faire hautement spécialisé, des investissements importants en capital fixe et l’utilisation de matières premières critiques. Un véhicule électrique utilise environ 200 kg de ces matériaux, soit six fois plus qu’un véhicule à moteur thermique.
Le secteur automobile a largement orienté les trajectoires prises par le développement technologique des batteries, notamment pour améliorer leur densité énergétique, leur capacité de charge rapide et leur sécurité d’usage, tout en abaissant les coûts.
Théoriquement, on peut utiliser toutes sortes d’éléments chimiques dans les batteries li-ion. Mais pour l’heure, le marché est dominé par deux technologies : les batteries NMC et LFP. La comparaison entre les batteries LFP et NMC révèle une équation complexe entre rpix, accessibilité, sécurité, performance et autonomie.
En 2023, les batteries NMC (nickel, manganèse, cobalt) représentaient près de deux tiers du marché mondial, tandis que les batteries LFP (lithium, fer, phosphate) occupaient 27 % des parts de marché. En Europe, 55 % des véhicules électriques sont équipés de batteries NMC, 40 % utilisent des batteries NCA (nickel, cobalt, aluminium), et seulement 5 % sont dotés de batteries LFP.
De fait, les constructeurs européens ont jusqu’ici privilégié les batteries NMC et NCA pour leur grande autonomie, tandis que les batteries LFP étaient principalement utilisées par les constructeurs chinois. C’est principalement en raison des exigences des consommateurs en termes d’autonomie, de performance et de recharge rapide que l’Europe s’est jusqu’ici engagée dans la voie des batteries NMC à haute teneur en nickel.
Il n’empêche, les batteries LFP se distinguent par leur coût plus faible, un facteur crucial dans le contexte actuel où le prix élevé des véhicules électriques constitue le principal frein à leur adoption massive.
Ce n’est pas tout : elles offrent également une meilleure sécurité, une durée de vie plus longue et acceptent mieux les charges complètes, ce qui les rend plus pratiques pour une utilisation quotidienne. Cependant, comparées aux batteries NMC, les batteries LFP présentent une densité énergétique inférieure, ce qui se traduit par une autonomie plus limitée à volume égal.
Les constructeurs automobiles européens l’ont bien compris et ont récemment annoncé des changements de stratégie significatifs. ACC (Automotive Cells Company), issue d’une joint venture entre Stellantis, Mercedes-Benz and Total Energies, a récemment suspendu la construction de ses giga factoriesen Allemagne et en Italie, suite à un changement de sa stratégie d’approvisionnement pour y inclure des batteries LFP.
Tesla a décidé d’équiper ses modèles 3 et la Model Y avec la batterie LFP dès 2021. Volkswagen, enfin, prévoit d’adopter la technologie LFP pour rendre ses voitures électriques plus abordables d’ici deux ans.
Ces annonces ont suscité une certaine inquiétude pour la pérennité des investissements dans les batteries NMC, mais peuvent être vues comme une diversification de la part des constructeurs européens, pour répondre à une variété de besoins et de contraintes tout en limitant les risques économiques.
Cela leur permettra aussi de mieux s’adapter à la segmentation du marché : les batteries LFP pourraient dominer le marché des véhicules électriques d’entrée et de milieu de gamme (véhicules destinés aux petits trajets urbains ou pour des applications nécessitant une autonomie relativement faible), tandis que les NMC pourront se segmenter sur le haut de gamme (ou pour les applications nécessitant une plus grande autonomie, comme les véhicules longue distance).
Cette diversification, si elle peut rendre les voitures électriques plus abordables en réduisant le coût des batteries, ne va pas sans risque : elle oblige les constructeurs européens à se tourner vers les acteurs asiatiques.
Ampere, la filiale électrique de Renault, intègre déjà la technologie LFP dans sa stratégie de batteries en collaboration avec LG Energy Solutions (Corée du Sud) et CATL (Chine). Même chose pour Stellantis qui a signé un accord stratégique avec le Chinois CATL en novembre 2023.
Déjà, environ la moitié des capacités de production de batteries situées sur le sol européen sont rattachées à des netreprises chinoises et sud-coréennes, une tendance qui pourrait s’aggraver avec les batteries LFP. En effet, 95 % des batteries LFP sont fabriquées en Chine avec des constructeurs comme BYD et CATL qui maîtrisent parfaitement les procédés de fabrication.
Ces partenariats ne sont pas un problème en soi. Ils peuvent même représenter une opportunité pour bénéficier de l’expertise technologique de ces acteurs, qui produisent des batteries de haute qualité et compétitives au plan économique.
Le vrai problème de dépendance européenne aux matières premières concerne en réalité le NMC.
En effet, les batteries LFP sont constituées de carbonate de lithium, tandis que les batteries NMC sont faites à partir d’hydroxyde de lithium, dont les chaînes d’approvisionnement sont distinctes. L’Europe importe 78 % du carbonate de lithium du Chili (plutôt que de Chine), et a même signé un accord en ce sens avec le Chili. Dans le même temps, les nouveaux projets d’extraction minière en France et en Europe devraient également permettre de renforcer les approvisionnements européens en lithium.
Le problème de dépendance concerne l’hydroxyde de lithium utilisé pour les batteries NMC. En effet, pour transformer le carbonate de lithium en hydroxyde de lithium, il faut le raffiner. Or, ce sont des acteurs chinois qui raffinent 62 % de la production mondiale de lithium. S’il existe un potentiel pour des projets de raffinage de lithium en Europe, les investissements dans ce maillon de la chaîne de valeur tardent à se matérialiser.
La fabrication des batteries NMC nécessite également du nickel et du cobalt, qui sont des matériaux identifiés comme critiques par la Commission européenne en partie de par le risque géopolitique de leur approvisionnement. Le cobalt est principalement extrait au Congo et raffiné par la Chine à 67 %.
Autrement dit, pour les constructeurs européens, miser davantage sur les batteries LFP permettrait aussi de limiter les risques de dépendances en matière d’approvisionnement en métaux critiques.
Mais cette diversification du portefeuille des constructeurs européens a des répercussions sur l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur des batteries en Europe, de leur fabrication à leur recyclage.
Les producteurs de matériaux pour batteries NMC comme Axens pourraient faire face à des difficultés de reconversion si le marché devait basculer de façon significative vers le LFP. Umicore, un acteur majeur dans la production de matériaux actifs de cathode, avait délibérément choisi de ne pas intégrer le LFP dans son portefeuille pour se concentrer sur les technologies NMC qu’elle maîtrise. Cela pourrait compromettre leur capacité à s’adapter rapidement à cette nouvelle demande.
Des questions industrielles se posent également au niveau du recyclage. Le recyclage des batteries usagées est essentiel pour réduire la dépendance à l’importation de matières premières et peut également renforcer la résilience européenne en cas de perturbations de la chaîne d’approvisionnement causées par des tensions géopolitiques.
Or, les matériaux utilisés dans la cathode déterminent l’attrait économique de leur recyclage. Étant donné que les batteries LFP ne contiennent ni cobalt ni nickel, les métaux les plus valorisables, elles remettent en question l’intérêt économique des efforts de recyclage.
Le recyclage des batteries LFP est ainsi beaucoup moins intéressant au plan économique que celui des batteries NMC, d’autant plus que les LFP contiennent environ 20 % de lithium en moins que les NMC.
C’est là tout le paradoxe : le développement des capacités de recyclage de batteries en Europe dépend de la stabilisation future des choix technologiques opérés par les fabricants de voitures électriques. Et ce choix technologique, loin d’être anodin, pose des questions de souveraineté industrielle.
Étant donné les capacités de recyclage européennes actuelles, les batteries NMC peuvent être plus facilement recyclées que les LFP. En effet, les techniques de recyclage dominantes en Europe, basées sur la pyrométallurgie, sont efficaces pour récupérer le nickel et le cobalt, mais moins adptées pour le lithium.
Cela aurait pu changer au regard des projets qui avaient été annoncés par Orano [ex Areva] et Eramet qui proposaient de développer l’hydrométallurgie efficace pour récupérer le lithium. Néanmoins, Eramet a récemment annoncé l’annulation de son projet de recyclage face au recul de la demande pour les véhicules électriques en Europe.
Résumons : le NMC permet une autonomie accrue des véhicules, tout en étant plus coûteux, et entraîne une dépendance accrue à des pays tiers en termes de métaux critiques. Mais son recyclage est rentable, et la filière industrielle déjà là. Le LFP, de son côté, permet une autonomie moindre, mais une meilleure longévité des batteries et moins de défaillances techniques, et permet de limiter la dépendance en métaux critiques. Ce sont toutefois les acteurs chinois qui en maîtrisent pour l’heure la chaîne de valeur, et son recyclage est moins rentable pour les acteurs européens, la filière européenne ne maîtrisant pour l’heure pas les procédés requis.
Dans ces conditions, les constructeurs européens ont-ils raison d’ouvrir prudemment la porte au LFP pour les voitures électriques ? La réponse à cette question tient du dilemme industriel, avec des arbitrages politiques et économiques forts à réaliser tout au long de la chaîne de valeur de la batterie, de la mine jusqu’au recyclage. Une chose est sûre, c’est le bon moment de se poser la question, alors que l’Europe se préoccupe de plus en plus de son approvisionnement en matières premières critiques, dans un contexte de relance minière.
The Conversation 18 novembre 2024
22 12 2014
Rassemblés dans la solennelle salle Clémentine du Vatican, les cardinaux viennent passer un moment agréable à écouter le pape François leur adresser ses meilleurs vœux pour 2015. Et v’là ti pas que celui-ci fait donner le canon et qu’ils se prennent une volée de bois vert comme jamais pendant une demi-heure : les balles sifflent, et sortent de la bouche du bon Pape François des mots aussi horribles que Alzheimer spirituel, schizophrénie existentielle, pétrification mentale et spirituelle, terrorisme du bavardage, maladie du visage funèbre. Il fustige pêle-mêle le carriérisme, l’arrogance, l’hypocrisie d’une vie cachée et souvent dissolue, la recherche de la vaine gloire, le vide spirituel, la médiocrité, la médisance, les meurtriers au sang-froid de la renommée des collègues, ceux qui se sentent immortels ou indispensables.
Bigre, les jésuites ne nous avaient pas accoutumé à pareille vigueur! Mais quand on tient à appeler un chat un chat, il faut bien quelquefois diversifier son vocabulaire.
En réalité, l’ambition réformatrice du pape François va bien au-delà de la seule curie. Elle consiste à recomposer le pouvoir et la gouvernance au sein de l’Église en y faisant plus de place aux églises locales (nationales), aux laïcs, aux femmes. C’est pour cela que le discours prononcé lundi devant la curie dépasse largement l’administration vaticane et s’adresse à tous les clercs. François a d’ailleurs explicitement décrit lundi la curie romaine comme un petit modèle d’Église. Ce n’est pas la première fois que le pape jésuite dénonce avec des mots parfois très durs le cléricalisme comme une véritable menace mortelle pour l’Eglise. Le peuple de Dieu veut des pasteurs et pas des fonctionnaires ou des clercs d’État, disait-il dans un entretien d’août 2013 aux revues culturelles jésuites. Ailleurs, il dénonce les évêques d’aéroport ou ceux qui préfèrent être des généraux d’armées défaites plutôt que de simples soldats d’un escadron qui continue à combattre. Une curie restructurée et allégée irait de pair, aux yeux du pape, avec une décentralisation des lieux de décision dans l’Eglise. Dans l’exhortation apostolique Evangelii Gaudium, texte programmatique de son pontificat, il se prononce pour que les conférences épiscopales soient conçues comme sujet d’attributions concrètes, y compris une certaine autorité doctrinale authentique. Une excessive centralisation, au lieu de l’aider, complique la vie de l’Église et sa dynamique missionnaire.
Cécile Chambraud. Le Monde du 24 décembre 2014
Les chers cardinaux ont très probablement courbé l’échine, le temps que passe l’orage, se disant in petto : le chien aboie, la caravane passe, bien certains que ce n’étaient pas quelques sévères admonestations qui allaient changer le très long cours de la curie romaine. Dix mois plus tard, les faits leurs donneront raison avec l’arrestation de deux membres proches de l’Opus Dei : Francesca Immacolata Chaouqui (juriste de 33 ans entrée à la Cosea sur recommandation de Mgr Lucio Angel Vallejo Balda, espagnol, président et seul ecclésiastique de la Cosea – la commission de huit membres qu’avait précisément mis en place le pape François pour réformer la curie -, pour divulgation de secrets d’Eglise auprès de la presse, et ce, quelques jours avant la sortie de deux livres qui en disent long sur les mœurs de ces chers cardinaux : Le Chemin de croix de Gianluigi Nuzzi (Flammarion, 330 pages, 20 euros) et Avarizia d’Emiliano Fittipaldi (Feltrinelli, non traduit). Francesca Chaouqui sera rapidement libérée. Tant que les cardinaux pourront se comporter comme des malfrats et dans le même temps être bien certains de ne jamais être inquiétés, de ne jamais pouvoir être purement et simplement révoqués, les choses iront ainsi, tout tranquillement : la curie continuera sa vie comme un long fleuve tranquille.
Mais le pape François est opiniâtre : il va mettre en place de nouvelles structures concernant essentiellement la gestion des finances de l’Église : création d’un comité de Sécurité financière, d’un Secrétariat pour l’économie, après l’Autorité d’information financière crée par Benoît XVI. Près de 5 000 comptes bancaires de la banque du Vatican seront fermés… des perquisitions et des enquêtes approfondies effectuées, avec à leur tête, un ancien procureur anti-mafia. En août 2021, le cardinal Angelo Becciu fera l’objet d’un procès à l’issue duquel, en décembre 2023, il sera condamné, en première instance à cinq ans et demi de prison et 8 000 € d’amende ; ils sont dix à être accusés. Donc, avec François, les actes suivent les paroles.
Début des travaux du canal du Nicaragua qui traversera le pays sur une longueur de 278 km, plus de trois fois la longueur du canal de Panama, depuis la bourgade de Brito sur la côte du Pacifique jusqu’à l’embouchure de la Punta Gorda sur la côte de la Mer des Caraïbes. Sur ce parcours, il traversera le lac Nicaragua sur 105 km, à 34 mètres au-dessus du niveau de la mer, jusqu’à ce jour réserve d’eau douce pour les riverains.
C’est le consortium chinois HKDN Nicaragua Canal Development, qui a emporté la concession pour une durée renouvelable de cinquante ans pour la construction, le développement et la gestion du canal. Les coûts estimés sont de 50 milliards de dollars, ou 41 milliards d’euros. Fin des travaux prévue pour 2019 et ouverture en 2020. La loi ne précise pas le tracé du canal, ni les détails de son financement ou même sa viabilité économique. Le projet devrait d’ailleurs comprendre aussi un axe ferroviaire. Il devrait permettre le passage de navires de 250 000 tonnes quand l’actuel canal de Panama, en cours de modernisation, s’arrête aux bateaux de 60 000 tonnes.
27 12 2014
Camille Berthollet, née à Annecy le 4 janvier 1999, s’est mise au violon dès ses huit ans, un peu plus tard au violoncelle ; elle participe à l’émission Prodiges de France 2 au cours de laquelle elle joue l’Eté des Quatre saisons de Vivaldi et remporte le concours alors qu’elle n’ a pas encore 16 ans. Repérée par Warner Music, elle joue avec son aînée Julie, née en 1998, et Gautier Capuçon, violoncelliste, né à Chambéry, frère cadet de Renaud, violoniste : le disque se vendra à 75 000 exemplaires, meilleure vente de classique pour 2015 !
Ayant en tête le succès, cinquante ans plus tôt, de Katia et Marielle Labèque jouant du piano à quatre mains, Warner Music, apprenant que Camille avait une sœur, elle aussi autant violoniste que violoncelliste, se dit : deux jeunes femmes, jolies, pleines de fougue et d’intelligence pour un violon et un violoncelle, voilà un cocktail qui devrait être détonnant. Et effectivement le succès sera au rendez-vous et elles seront vite sur orbite : Londres, Berlin, Paris, Rome, Milan, Vienne, New-York, San Francisco, Pékin, Hong Kong, Sydney etc …
Ah les p’tites femmes, les p’tites femmes d’Annecy !
Katia et Marielle Labèque, un demi-siècle plus tôt, nées en 1950 et 1952 dont la rampe de lancement avait été Rhapsodie in Blue de Gershwin