juillet 1244 à 1257. Les derviches tourneurs. Les Pastoureaux. 14657
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Publié par (l.peltier) le 5 décembre 2008 En savoir plus

11 07 1244

Les Turcs khawarezmiens, chassés de leur territoire d’Iran par les Mongols, tentent de prendre Damas : n’y parvenant pas, il prennent Jérusalem où ils épargnent les Franj mais pillent et incendient la ville. Quelques mois plus tard, une coalition de princes ayyoubides les décimera  et Jérusalem repassera aux mains de l’Égypte.

1244 

Djalal al-Din Rumi, -1207 – 1273 – plus connu sous son surnom de Mawlana, poète mystique persan né à Balkh,  dans le Khorasan, vit à Konya, au cœur de l’actuelle Turquie où il a repris la suite de son père, à la direction d’une madrassa – école coranique -. Il rencontre Shams, venant de Tabriz, dans l’Azerbaïdjan iranien : c’est un derviche errant dont on sait très peu de choses sinon qu’il devint son maître spirituel : Ma vie tient en trois mots : j’étais cru, j’ai été cuit, je suis consumé. La mort tragique de Shams l’amena à créer le Samã, le concert accompagnant la danse de la confrérie qu’il créa : la tariqa, plus connue en Occident sous le nom de derviches tourneurs, dont la danse n’est autre qu’un office liturgique : le blanc du vêtement symbolise le linceul, le noir du manteau la lourdeur terrestre, la tombe, dont ils se libèrent, comme pour une nouvelle naissance. La haute toque représente la pierre tombale. Le sheikh, au milieu des danseurs, représente le point d’intersection de l’intemporel et du temporel. Les derviches commencent par trois tours, qui signifient les trois étapes rapprochant de Dieu : shari’a ou voie de la science, tariqa, celle qui mène à la vision ; haquqa, le chemin qui conduit à l’union. Les bras sont étendus comme des ailes, la main droite dirigée vers le ciel, y recueille la grâce, la gauche, dirigée vers la terre, l’y répand. En dansant autour d’eux-mêmes et en même temps dans un mouvement qui leur fait faire le tour de la salle, ils représentent le mouvement de notre système solaire. La Samã des derviches tourneurs représente un double symbolisme : cosmique, par le tourbillonnement de tout ce qui se meut, de l’atome aux planètes, et mystique, les âmes tournant autour de la réalité suprême sans pouvoir l’atteindre. La tariqa prône un esprit de large tolérance, l’amour de la science et de la beauté, n’établit pas de hiérarchie entre les différentes religions.

Mawlana , ce grand voyant,  – ne déclarait-il pas que si l’on coupait un atome, on y trouverait un soleil et des planètes tournant autour -, se voulait constamment à l’écoute d’un cosmos sacralisé où tout célèbre les louanges de Dieu et où la beauté est l’un de ses plus grands signes. Le monde est tout entier un miroir de l’Unicité divine, qui y apparaît réfractée dans la diversité des phénomènes. L’homme né une seconde fois, devenu ce qu’il est, en se trouvant lui-même, retrouve l’univers. L’œuvre de Mawlana est une somme de la mystique de l’Islam.

Résumé de l’Encyclopedia Universalis

La vie du poète soufi Rumi, vraisemblablement né en 1207 dans la région de Balkh, ville située dans l’actuel Tadjikistan, a très vite été marquée par le voyage. Agé de 5 ans, il quitte sa région natale avec sa famille pour Bagdad, puis La Mecque, avant de s’installer dans les environs de Konya, puis à Konya même, située dans l’actuelle Turquie. Au total, le voyage de la famille aurait duré treize ans.

La poésie de Rumi s’en trouvera considérablement marquée. Lorsqu’il évoque, par exemple, la nostalgie de la patrie céleste(comprendre : l’état primordial dans lequel se trouvait l’âme unie à Dieu) ou lorsqu’il déclare, soulignant la nécessité pour l’homme de rester en mouvement et de ne jamais rien considérer comme acquis dans notre monde frappé d’impermanence : L’homme véritablement homme est celui qui chaque jour s’accroît, avance, progresse. Dans cette voie, s’attacher ou s’arrêter te mènent à la mort (cité par Leili Anvar dans Rumi. La religion de l’amour, Médicis-Entrelacs, 2011).

En 1244, Rumi rencontre Shams de Tabriz, moine et derviche errant. Il en sera bouleversé. Comme compagnon de route, écrit Rumi, Shams fut le soleil, lointain, insaisissable, mais dont la lumière et la chaleur irradient en permanence, à l’image de Dieu. Rumi tentera, en vain, de le retrouver, voyageant jusqu’à Damas, où il déclame : Pourquoi le chercher ? Je ne fais qu’un avec lui. Son être parle à travers moi. C’est moi que j’ai cherché.
Gaëtane de Lansalut. Le Monde du 11 août 2023

Tourneurs de Galata, tekeh rond, galerie autour en bas et en haut, petites lampes et lustres de verre : ça a l’air bastringue. – Iman, vieillard en robe verte. – Procession à la file, dix-sept derviches, ils saluent le Merab après l’avoir passé et se saluent eux-mêmes.  Bientôt la ronde commence. Cela n’est pas assez vanté : chacun a une extase particulière, vous pensez aux rondes des astres, au songe de Scipion, à je ne sais pas quoi ? Un jeune homme, les bras tout levés et la figure perdue de volupté ; un autre qui ressemblait à un archange avec un air d’autorité ; un vieux, pointu, à barbe blanche ; un de teint blanc-jaune (maladie de cœur ?), de même teinte morte que son bonnet de feutre. Nul étourdissement quand ils s’arrêtent. – Mouvement de leur robe qui tourne encore et les drape.

[…] Le matin visite d’un tourneur, le beau jeune homme qui tourne avec une expression si navrante de volupté mystique. Il nous dit que tous, dans son ordre, boivent, quelques-uns s’en font mal ; il n’éprouve nullement de vision béate, mais seulement demande à Dieu la rémission de ses péchés ; le Diable ne peut entrer en eux quand ils tournent ainsi. L’apprentissage dure de vingt à quarante jours, ils s’exercent sur un disque posé sur un pivot. Selon lui, la corruption est maintenant à son maximum, autour de lui il ne voit que p… : Qu’est-ce que fait un Turc ? Il prend une femme, la b…. trois jours ; puis il voit un jeune garçon, lui soulève son bonnet, le prend chez lui et quitte la femme, qui se fait… par le jeune garçon ! ! L’ordre des tourneurs me paraît très tolérant : la véritable Mekke, selon eux, est dans le cœur ; ils ne refusent aucune explication ni communication avec les giaours. Selon ce derviche, le nombre des pèlerins diminue sensiblement et les mosquées deviennent vides.

Le soir, nous avons été encore une fois les voir tourner ; même chose que la fois précédente. Ce n’est pas devant le Merab qu’ils saluent, mais devant la chaise de l’iman, et c’est eux-mêmes qu’ils saluent. Chacun part les bras croisés sur la poitrine, fait quelques tours, puis les détend. (Notre ami est capable de tourner les bras croisés six heures de suite.) Ils tournent sur le pied gauche, le droit envahissant par-dessus, la pointe du droit décrivant, pendant que le gauche tourne, un demi-cercle pour aller rejoindre celui-ci. Ces derviches sont mariés, quelques-uns exercent des métiers. Ils sont à peu près trois cents en tout, dans l’Empire ottoman. – Bruit de leurs mains tombant toutes ensemble par terre lorsqu’ils s’agenouillent.

Gustave Flaubert. Voyages. Arléa 2007

Ce soir, [Vendredi 29 août 1913] pour célébrer la grande nuit sainte du Ramazan, nous avons été invités à souper chez les derviches tourneurs, dont le couvent est situé hors des murs de Stamboul, au milieu de l’immense et silencieux désert des morts. À Constantinople, il existe d’autres couvents de tourneurs plus accessibles que celui-ci, il en existe même en plein Péra, où les étrangers sont admis ; mais, ici, n’entre pas qui veut, et il faut avoir des intelligences dans la place.

On est saisi, dès l’entrée, par l’aspect, le calme et la blancheur de ce grand réfectoire de couvent aux murs garnis d’inscriptions coraniques. Les derviches, en très haut bonnet brun, soupent là, par petites tables, une douzaine de petites tables rondes, basses, presque au ras du sol, autour desquelles ils sont gravement accroupis sur les nattes du plancher ; des bougies, longues comme des cierges, les éclairent ; pendant le repas, l’un des religieux lit des prières, les autres l’écoutent en pieux silence, et, à chaque pause, lorsque le lecteur s’arrête, tous, d’une voix profonde, prononcent en s’inclinant le nom d’Allah.

Notre hôte, le chef des derviches, est un homme encore jeune, instruit, très au courant de toutes les questions modernes ; mais qui a su garder, ainsi qu’il sied à ses fonctions, la noblesse et la tranquille courtoisie des Turcs d’autrefois. D’ailleurs il porte le titre de saint et son haut bonnet, qu’entoure un turban noir, sa robe sombre lui donnent très grand air. La table, autour de laquelle nous sommes assis à ses côtés, est cependant aussi basse et aussi petite que les autres, seulement la vaisselle y est plus précieuse ; c’est de la vieille porcelaine chinoise, venue sans doute de là-bas en des temps reculés. Après le souper, il nous emmène dans son salon particulier. Ici encore, bien entendu, aucun objet d’Occident ne vient rompre l’harmonie purement orientale. Trois ou quatre panneaux noirs, où des phrases du Coran sont écrites en caractères d’or, ornent seuls les murs ; de larges divans, quelques très petites tables pour poser le café et les cigarettes, c’est tout ce qu’il y a dans ce salon d’une austérité étrange.

Ensuite nous nous rendons à la mosquée du couvent pour assister à la cérémonie de la nuit sainte. Là, de la tribune où nous avons pris place, sur des tapis de prière, nous dominons l’espace réservé à la danse des tourneurs ; c’est un grand cercle vide qui occupe tout le centre de la mosquée et qu’entoure une barrière. Le chef est resté en bas, à l’intérieur de ce cercle sacré ; debout et nous faisant face, il se tient immobile, rigide, comme anesthésié, les yeux en rêve. Un à un, les derviches arrivent, sortis sans bruit des lugubres solitudes d’alentour ; ils arrivent les yeux baissés, les mains jointes sur la poitrine, dans la pose hiératique des momies égyptiennes. Ils ont revêtu de longues robes sombres, très amples, à mille plis, mais que des ceintures serrent beaucoup à leur taille mince. Ils commencent leurs exercices par une lente promenade rituelle, à la file, autour de la salle ronde. C’est déjà comme en rêve qu’ils se meuvent, et chaque fois qu’ils passent ou repassent devant le chef de la confrérie, ils lui adressent une très profonde révérence, qui leur est rendue avec la même gravité. La danse religieuse sera menée par un petit orchestre de flûtes et d’énormes tambourins caverneux, elle durera pendant tout l’office, accompagnée de chants discrets à plusieurs voix. D’abord les derviches déploient les bras par saccades comme des automates dont les ressorts engourdis joueraient difficilement, et quand ils ont fini par les étendre tout à fait, presque en croix, la tête penchée sur l’épaule avec une grâce un peu morbide, c’est alors seulement qu’ils commencent à tourner, d’un mouvement d’abord très doux, mais qui de minute en minute s’accélère et arrondit en cloche leurs larges robes sombres ; on dirait bientôt de grandes campanules renversées, devenues maintenant si légères qu’il suffirait d’un souffle imperceptible pour les faire glisser comme cela en rond, tout autour de la salle ronde, comme des feuilles mortes que le vent balaye. Ils ont pris tous un mouvement de toupie lancée sans heurt sur une surface plane. En passant ils ne font aucun bruit, on ne voit même pas s’agiter leurs pieds rapides, et leurs si hauts bonnets ne chancellent même pas sur leurs têtes aux yeux d’extase. Ils tournent, ils tournent ainsi, toujours du même côté ; tant on s’est identifié à leur mouvement, il semble que, s’ils en changeaient le sens, on en ressentirait une commotion douloureuse et qu’une rêverie ultra-terrestre en serait rompue sans recours… Ils tournent interminablement, à donner le vertige…

Le décor en pénombre, où tournoient ces personnages si légers, est un grand décor funèbre ; ils dansent devant un parterre de morts, de morts qui, toute leur vie, avaient tournoyé comme eux, ici, au milieu de ce même sanctuaire, mais qui aujourd’hui se contentent de surveiller, dans un silence attentif et intimidant, de quelle manière ces derviches actuels continuent la sainte tradition du vertige religieux. En effet, la mosquée est ouverte par de larges arceaux sur des bas-côtés profonds tout peuplés d’immenses et très hauts catafalques que drapent des étoffes vertes, la couleur du Prophète. Tous ces tombeaux vert émir, qui se pressent les uns derrière les autres comme pour mieux voir si les rites du tournoiement séculaire sont bien conservés de nos jours, tous ces tombeaux des différentes époques de l’Islam sont d’autant plus élevés et imposants que le mort endormi en dessous était plus saint et plus vénéré dans le milieu des dervicheries, et chaque catafalque est du reste surmonté d’un haut bonnet pointu de derviche que supporte un champignon en bois et qui donne à l’ensemble une sorte de vague aspect humain.

Devant ces spectateurs immobiles et cachés, ils tournent, les derviches, ils tournent de plus en plus vite, au son de leur toujours même petite musique flûtée que l’on dirait étrangement lointaine et entendue du fond des temps passés ; c’est si invraisemblable, la continuation de leur tournoiement sans un à-coup, ni un faux pas, ni une hésitation, qu’on les dirait dématérialisés ou plutôt réduits à l’état de machines tourbillonnantes, dont les robes s’enflent de plus en plus en forme de campanules renversées. Les morts, qui tant s’intéressent sous les catafalques verts, semblent de plus en plus captivés par cette danse facile qui ne fait pas de bruit ; ils ont l’air d’étirer leur cou raide et de se hisser pour mieux voir. Du reste, ce que cherchent les danseurs, c’est la fatigue qui grise, c’est l’ivresse élégante, éthérée, c’est le vertige favorable à l’envol dans les régions où réside le dieu inaccessible sous la forme spéciale de cet Allah, Dieu de l’Islam et des grands déserts. À force de regarder, le vertige vous prend aussi, et les bonnets géants, qui coiffent les morts attentifs, ont tout à fait maintenant l’air de se soulever pour s’approcher des danseurs.

Tout de même, on a peur à la fin qu’ils ne tombent, ces vertigineux valseurs, et voici que tout à coup la petite musique si monotone paraît vraiment fatiguée, elle aussi, et hésitante, près de finir, et les tambours caverneux battent quelque chose de déréglé, comme serait une sorte de berloque qui voudrait dire : c’est assez, finissez. Les danseurs commencent à s’affaisser par terre, d’abord un seul, puis deux, puis trois, puis tous… C’est fini. On se sent presque aussi épuisé qu’eux-mêmes et les grands bonnets des catafalques font l’effet de s’affaisser aussi, de rentrer leur cou de bois. C’est fini…

Pendant toute la cérémonie, on n’avait pas perdu la notion d’être environné d’une région absolument mortuaire, et maintenant on frissonne un peu à l’idée que, pour s’en aller, il va falloir se replonger là-dedans, cheminer longtemps parmi les stèles, parmi les cyprès au feuillage noir, aux ramures blanches dont les pointes, sous la pâleur du ciel de minuit, simulent, elles aussi, de colossales, d’obsédantes coiffures de derviches.

Pierre Loti. Suprêmes visions d’Orient. Voyages 1872-1943 . Bouquins Robert Laffont 1991

Autre confrérie musulmane rattachée au soufisme : le Bektashisme avec pour fondateur Sayyid Hünkart hadju Bektas Veli 1209-1271, Turkmène né dans l’actuel Iran, mort en Cappadoce, auteur de préceptes où prédomine la tolérance et qui offrent une grande ressemblance avec les Droits de l’Homme. C’est autour de cette confrérie que l’Albanie, frontière entre l’empire romain d’occident et l’empire romain d’orient, partagée entre catholiques et orthodoxes lors de son passage sous le joug turque au XV° siècle, assimila ce changement de religion, et, au XX° siècle sut continuer à vivre sous la dictature communiste d’Enver Hojda. Les Janissaires turcs appartenaient aussi à cette confrérie. Elle revendique aujourd’hui 7 millions de fidèles.

Albanie tournée

château de Kruja, haut-lieu du Bektashisme, où se trouve le musée Skanderberg, héros de l’Albanie mort en 1468.

16 04 1245

Le pape Innocent IV va réunir un concile à Lyon afin de trouver un remède aux Tartares et autres contempteurs de la Foi et persécuteurs du peuple du Christ. Il n’est pas inutile de rappeler qu’à cette époque, Lyon était en terre du Saint Empire, du royaume d’Arles et de Vienne, et non en France ; la Saône faisant frontière et la plus grande partie de la ville étant rive gauche de la Saône. D’un coté il va faire construire – en la finançant – une ligne de défense (fossés, barrière etc..) pour empêcher l’envahisseur de passer, mais d’un autre coté, il va envoyer un émissaire au Grand Khan pour tenter de le convertir : le franciscain Jean du Plan Carpin de Pérouse, accompagné d’un autre franciscain : Etienne de Bohême. Ils voyageront deux ans, parvenant en trois mois et demi à Karakorum, capitale de la Mongolie, à la cour de Guyuk Khan, que la religion chrétienne n’intéressait guère. Mais ils repartirent tout de même avec des missives pour le pape, non sans avoir refusé d’être accompagné par des ambassadeurs mongols, craignant qu’ils ne découvrissent nos dissensions et nos guerres, et que cela ne les incitât à marcher contre nous.

[…] À Kiev, nous nous sommes informés au sujet de notre route auprès du millenier et d’autres personnes de rang. Ceux-ci nous avertirent que nos chevaux ne sauraient pas comme les bêtes tartares creuser l’épaisse couche de neige pour trouver l’herbe nécessaire à leur subsistance et que nous ne pourrions nous procurer d’autre nourriture : que le pays étant dépourvu de paille, de foin  et de fourrage, nos bêtes périraient toutes. Nous nous sommes donc décidés à laisser celles-ci sous la garde de deux enfants et avons offert au millenier des cadeaux en échange de chevaux mongols et de guides. Avant d’atteindre Kiev, à Danilon, nous étions tombés malades à mourir et avions été obligés de nous faire traîner dans un chariot par le gros froid et la neige. Dans la métropole russe, nous avons pris toutes les dispositions nécessaires dans la crainte que des imprévus nous empêchent de traiter des affaires de la chrétienté. Le second jour après la fête de la Purification, nous nous sommes mis en route avec les chevaux et les guides de l’officier mongol vers les stations barbares.

[…] Nous voyageâmes tout l’hiver, nous reposant la plupart du temps dans la neige du désert, excepté lorsque, dans l’immense plaine sans arbre, nous pouvions gratter avec nos pieds un emplacement à même le sol ; et souvent, lorsque le vent soufflait, nous nous retrouvions au réveil le corps entièrement couvert de neige.

Les tentatives de conversion du Grand Khan ne s’arrêtèrent pas là : Saint Louis se mêla aussi de l’affaire, envoyant à sa cour le frère franciscain et flamand Guillaume de Rubrouck en 1252 qui trouva Mongka Khan entouré de nestoriens, des chrétiens hérétiques.

Saint Louis fit envoyer à la cour des chefs asiatiques une chapelle de drap écarlate, et pour les attirer à notre croyance, il fit sur celle-ci tailler en image l’Annonciation de l’Ange, la Nativité, le Baptême que Dieu reçut, toute la Passion, l’Ascension et l’avènement du Saint Esprit. Il y joignit des calices, des livres, tout ce qu’il faut pour dire la messe, et deux frères prêcheurs pour la chanter devant eux

Georges Duby. Le temps des cathédrales. Gallimard 1976

Les découvertes de Guillaume de Rubrouck se transmirent par le rapport qu’en fit Roger Bacon dans son Opus Majus.

Les Mongols, venus d’un coup à la civilisation, n’étaient les prisonniers d’aucun dogme, les défenseurs orgueilleux d’aucune tradition. Bouddhistes, taoïstes, confucéens, musulmans, manichéens, juifs, sectateurs dissidents du Lotus Blanc ou du Nuage Blanc, chrétiens nestoriens ou catholiques se pressaient autour d’eux ; les Mongols les accueillaient avec une tolérance égale, concédant à tous des exemptions d’impôt et de corvées, pour ce qu’il pouvait y avoir d’efficace dans l’aide de chacun de leurs dieux.

Paul Pelliot

Les chapelles coexistaient, mais la coexistence n’était pas toujours vraiment pacifique :

Il y avait là une foule de chrétiens hongrois, alains, russes, géorgiens, arméniens, qui tous avaient été privés de sacrements depuis leur captivité, parce que les nestoriens ne voulaient pas les admettre dans leur église, s’ils n’étaient pas baptisés par eux.

1255 

Guillaume de Robrouck savait aussi tout simplement décrire une yourte : Les Tartares (Mongols) n’ont pas de résidence fixe et ne savent jamais où ils seront le lendemain. Ils se sont partagé la Scythie qui s’étend du Danube jusqu’au Levant, chaque capitaine, selon qu’il a plus ou moins d’hommes sous ses ordres, connaît les limites de ses pâturages, il sait où il doit faire paitre en hiver et en été, au printemps et en automne. En hiver, ils descendent vers des régions plus chaudes, au sud ; en été, ils remontent vers des régions plus fraîches, au nord. En hiver, quand il y a de la neige, ils ont des pâturages sans eau, parce que la neige leur en tient lieu.

La maison où ils dorment (yourte), ils l’édifient sur une base circulaire de baguettes tressées ; la charpente de la maison est faite de baguettes qui convergent au sommet en un orifice circulaire d’où sort un conduit analogue à une cheminée ; ils la couvrent de feutre blanc qu’ils enduisent assez fréquemment de chaux ou de terre blanche et de poudre d’os afin d’aviver l’éclat de sa blancheur. Parfois aussi, ils usent de feutre noir.

Le feutre qui entoure l’orifice supérieur est décoré de dessins d’une belle variété. Devant la porte, ils suspendent de même une pièce de feutre ouvré, historié avec art. Ils cousent, feutre sur feutre, des motifs colorés qui représentent vignes, arbres, oiseaux et bêtes. Ces maisons, ils les font si vastes qu’elles atteignent parfois trente pieds de large. Moi-même, une fois, j’en ai mesuré une : entre les ornières laissées par son chariot il y avait vingt pieds, et la maison posée sur le chariot dépassait bien de cinq pieds de chaque côté. J’ai compté, attelés à un même chariot, jusqu’à vingt-deux bœufs qui tiraient une maison : onze de front et onze autres devant eux. L’essieu du chariot était grand comme un mât de navire, et un seul homme était debout sur le chariot, devant le seuil de la maison, pour mener ces bœufs.

En outre, ils fabriquent avec de fines baguettes tressées des caisses quadrangulaires qui ont la taille d’un grand coffre entièrement recouvert d’un couvercle bombé de même facture. Ils y pratiquent une petite ouverture à l’extrémité antérieure. Puis ils couvrent ce coffre – ou maisonnette – de feutre noir enduit de suif ou de lait de brebis pour le protéger de la pluie et l’ornent comme leurs maisons d’un décor par application ou de broderies multicolores. Dans ces coffres, ils mettent tous leurs ustensiles et leur trésor. Ils les lient solidement sur des chariots élevés que tirent des chameaux et qui sont conçus pour passer les gués. Ils ne les descendent jamais des chariots. Lorsqu’ils arrêtent leurs maisons d’habitation, ils en orientent toujours la porte vers le sud, et, ensuite, ils placent les chariots à coffres de part et d’autre de la maison à une demi-jet de pierre ; de telle sorte que la maison se trouve comme entre deux murs.

Les femmes se font faire de très beaux chariots que je ne pourrais vous décrire qu’avec une peinture ; bien plus, je voudrais vous les peindre tous, si je savais peindre ! Parmi les riches, un Moal ou Tartare a bien cent ou deux cents de ces chariots à coffres. Batou a vingt-six épouses ; chacune d’elle a une grande maison et, derrière celle-ci, quelques petites qui sont comme des chambres, où habitent les servantes. Et à chacune de ces maisons s’adjoignent bien deux cents chariots. Quand ils déposent leur maison, la première épouse installe sa cour à l’extrémité occidentale, et après elle, chacune prend place selon son rang, si bien que la dernière épouse sera à l’extrémité orientale ; l’espace entre la cour d’une épouse et celle de la suivante sera d’un jet de pierre. La cour d’un seul riche Moal apparaîtra donc comme une grande ville, mais on y verra cependant très peu d’hommes.

Une seule femmelette mènera vingt à trente chars, car le sol est uni. On attache l’un derrière l’autre les chariots attelés de bœufs ou de chameaux ; la petite femme s’assiéra sur le premier chariot pour mener l’attelage et tous les autres suivront du même pas. Si on arrive à un passage difficile, on détache les chariots pour les faire passer séparément. Car on avance à pas lents, à l’allure d’un agneau ou d’un bœuf.

Lorsque les maisons sont installées, la porte orientée au sud, ils placent le lit du maître au nord. Les femmes se placent toujours du côté oriental, c’est-à-dire à la gauche du maître de maison lorsqu’il est assis sur son lit, et qu’il a la tête tournée vers le sud. Les hommes sont placés à l’occident, c’est-à-dire à sa droite.

[…] Dans le pays des Kerkis, on trouve aussi les Orengaï qui se lient sous les pieds des os polis [mammouth, baleine ? ndlr ] et s’élancent sur la neige gelée ou sur la glace avec tant de vitesse qu’ils attrapent des oiseaux et des bêtes.

Guillaume de Rubrouck Voyage dans l’empire mongol (1253-1255) traduit et commenté par Claude-Claire et René Kappler Paris, Payot 1985. Guillaume de Robrouck n’est pas allée aux approches du détroit de Behring ; il ne fait que rapporter ce que lui ont dit des Chinois rencontrés en Mongolie.

Le tableau de l’église nestorienne laisse songeur : Le nestorianisme n’était pas une découverte pour les Occidentaux. Mais quelle singulière figure au dire de Rubrouck, lui donnait, dans l’isolement des steppes, un clergé ignorant, superstitieux, simoniaque, ivrogne, quoiqu’en principe il considérât le coumys, breuvage national, comme impur, tolérant la polygamie, et capable d’ordonner prêtres des enfants au berceau. Pire encore, l’église nestorienne s’était laissé contaminer par le bouddhisme voisin.

Michel Mollat. Les Explorateurs. NLF 1955

Les affaires ne pouvant être traitées rapidement, on s’adaptait : Arghun, un Khan de Russie occidentale avait demandé la main d’une infante chinoise. Les émissaires ayant pris quinze ans pour faire l’aller-retour et rapporter une réponse favorable, l’affaire s’était finalement conclue …à la génération suivante.

Grousset. L’empire des steppes. Rapporté par Nicolas Bouvier, dans L’Usage du monde.

Pour l’épouse, c’était souvent la promesse de tout un futur d’amertume et de tristesse :

La tente ronde est mon palais
Les murs y sont de feutre
La viande sèche est mon seul mets
Ma boisson est le koumis
Sans fin, je rêve à ma patrie
Mon cœur en est meurtri

Liu Xijun

Les explorateurs occidentaux des routes de l’Asie ont emprunté, avec bien des variantes, deux grands itinéraires bien différents. Les premiers ont tout naturellement pris la route de la soie, celle dont on connaissait l’existence sur les marchés de la Méditerranée orientale et de la mer Noire. A Alexandrie comme à Antioche, à Byzance comme à Trébizonde, les marchands et les religieux savent fort bien qu’il est une route des plus fréquentées qui traverse la Perse et l’Asie Centrale, qui côtoie à l’ouest la Caspienne et à l’est le désert de Gobi. Par la suite, les voyageurs s’aviseront des avantages procurés par la route maritime, celle qu’il faut aller prendre à Ormuz et qui, avec quelques traversées et beaucoup de cabotage, permet de gagner l’Inde, les îles de Sumatra et Bornéo, la Chine enfin…un voyage complet coûte, en gros, une année de route.

Jean Favier. Les grandes découvertes. Livre de poche Fayard 1991

02 1247

Une charte de l’archevêque de Narbonne autorise les comparsonniers – les copropriétaires –  de l’étang de Montady, à construire un aqueduc souterrain pour assécher l’étang. Le tracé prévu de cette galerie se situe sur les terroirs de Nissan, village dont il est le seigneur.

Quid de cet étang ? en Languedoc, en Roussillon, durant la période périglaciaire (-2.6/-0.12 millions d’années), dans un climat très froid et sec, des vents violents ont animé des éléments minéraux (sables, graviers) qui, en tourbillonnant entre ces terres plus dures, ont créé une cuvette. Il y a maintenant plus de 12 000 ans, la montée temporaire du niveau de la mer a permit sa mise en eau. Par la suite, l’étang, ainsi crée, a fonctionné de façon indépendante, alimenté uniquement  par les eaux de ruissellement.

Dans ce pays, l’eau douce est un bien précieux, qui attire les troupeaux, permet la chasse et la pêche, la récolte des roseaux et des herbes aux usages multiples. Les Romains s’en étaient déjà rendus compte, qui avaient construit un oppidum à Ensérune, proche de l’étang de Montady.

On sait qu’en 1268, les travaux auront été terminés. Le parcellaire sera devenu une tarte ou un fromage découpé en parts inégales, selon les possibilités et objectifs du propriétaire. La périphérie du parcellaire n’est pas vraiment circulaire, mais il n’est pas question ici de géométrie. Des fossés bordent les parts  pour conduire l’eau dans un fossé circulaire, le redondel, au centre de la cuvette, et trois grands canaux drainent les ruisseaux du bassin de l’étang. Fossés et canaux se déversent dans le canal principal, la grande maïre qui évacue l’eau hors de l’étang. Ce canal quitte l’étang par une galerie souterraine de 1 360 mètres sous la colline de l’ancien oppidum d’Ensérune pour rejoindre les étangs de Poilhes et de Capestang, après un parcours de plus de 4 kilomètres et de là jusqu’à l’Aude et à la Méditerranée.

Dans un paysage de campagne, des champs disposés en rayons convergent vers un espace herbager central de forme circulaire.

Géologie et aménagement du territoire, un exemple de réussite : l'aménagement de l'étang de Montady (Hérault) — Planet-Terre

Le réseau actuel de drainage de l'étang de Montady | Download Scientific Diagram

1247  

L’Université se porte bien et commence à vouloir se débarrasser de la tutelle ecclésiastique ; aussi l’Église encourage-t-elle ses moines à créer des collèges d’enseignement à même de dispenser un enseignement qu’elle supervise : c’est ainsi que le cistercien Étienne de Lexington, abbé de Clairvaux crée à Paris le collège Saint Bernard,  au lieu-dit du Chardonnet, dans l’enceinte des murs de Philippe Auguste, entre la Bièvre et la Seine. Les Parisiens le nommeront très vite Collège des Bernardins. Alphonse de France, comte de Poitiers, frère de Saint Louis, en sera le principal bailleur. Le collège va former l’élite de la communauté cistercienne. Les lieux connaîtront les affres de la Révolution et les vicissitudes postrévolutionnaires : prison, caserne, école de police, internat puis finira par être magnifiquement restauré de 2006 à 2008, rue de Poissy, dans le V°, sous l’égide de Jean Michel Wilmotte.

collège des Bernardins rue de Poissy Jean-Michel Wilmotte

26 04 1248 

Consécration de la Sainte Chapelle, merveille gothique aux quinze fabuleuses et monumentales verrières montées autour de la rose de l’Apocalypse sur un squelette métallique, qui sont, encore aujourd’hui, aux deux tiers d’origine. Cette BD raconte en 1 113 scènes colorées l’histoire du peuple élu et la vie du Christ.  Louis IX en a demandé la construction, – qui a coûté 40 000 livres – pour abriter les reliques de la Passion, dont un morceau de la Croix du Christ, et la Couronne d’épines, qu’il a achetée [1] à Baudouin II de Courtenay, l’empereur latin de Constantinople, pour la somme de 135 000 livres. Une pauvre croix de bois dans un aussi bel écrin, cela ne se pouvait : et on l’enserra dans du cristal, des dorures ; on la sertit de pierres précieuses.

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25 08 1248 

En marche pour la septième croisade, Saint Louis s’est régalé à Sens d’un plat de riz aux amandes : c’est la première mention de cette céréale en France. Il s’embarque d’Aigues Mortes [car entourée d’étangs], qui a un accès à la mer via le canal du Bourguidou qui  rejoint le Petit Rhône. Il y a aussi un autre accès à la mer via le canal Vieil par le Grau Louis qui deviendra Grau du Roi. Le royaume ne possédait alors aucun port d’importance sur la Méditerranée : Marseille était terre d’empire et Montpellier et Cette [Sète] étaient à Jacques d’Aragon. Les croisades nécessitaient un port français d’embarquement, et Saint Louis jeta son dévolu sur Aigues Mortes, pour laquelle il avait fait entreprendre les premiers travaux dès 1241. Il avait édicté une charte de franchise en 1246. Les travaux des remparts seront entrepris plus tard, en 1272, sous le règne de Philippe le Hardi : un quadrilatère de 1634 m. de périmètre : les architectes en seront Eudes de Montreuil, puis Cominelli ; les fondations seront constituées d’une plate-forme de bois reposant sur des pieux de chêne enfoncés jusqu’au sol dur ; la pierre provenait des carrières de Beaucaire et des Baux.

À cette époque et jusqu’au XVII° siècle, on peut aller d’Aigues Mortes à Agde par un seul étang : le Melgueil. La bourgade des Saintes Maries était alors à plusieurs kilomètres du rivage ; en 1814 elle en était encore à 600 mètres. Aujourd’hui, il a fallu construire une digue pour que les tempêtes ne cassent pas le bâti du bord de mer. Plus à l’est, l’ancien phare de Faraman, construit en 1840 à 700 m. à l’intérieur des terres, sera disloqué et englouti en 1917, et reconstruit en retrait du nouveau littoral. Érosion et recul du littoral ici, comblement et avancée du littoral plus loin, comme à l’Espiguette et aux Sablons. Quand on sait que le Rhône il y a 5 millions d’années se jetait dans l’actuel étang de Mauguio, à l’est de Montpellier, on mesure l’importance des changements permanents dans la configuration de ce delta. Ainsi, au milieu du XIII° siècle, on assiste à un changement important pour la Camargue, jusqu’alors archipel verdoyant, peuplé et cultivé. Les changements de lit des différents bras du Rhône, de probables affaissements de terrain provoquèrent une remontée des eaux marines, d’où un assèchement des brassières et des rièges, un déboisement des îles : le paysage de l’actuelle Camargue se mit alors en place.

Aigues Mortes ressemble à un vaisseau de haut bord échoué sur le sable où l’ont laissé Saint Louis, le temps et la mer.

Châteaubriant.

À peu près dans le même temps, celui qui va devenir le chroniqueur du roi, s’embarque lui aussi pour la Croisade, mais il le fait à Marseille :

Au mois d’août, nous entrâmes dans nos vaisseaux à la Roche de Marseille [une des îles de la rade : Pomègues, Ratonneau ou Château d’If]

Le jour que nous entrâmes dans nos vaisseaux, l’on fit ouvrir la porte du vaisseau, et l’on mit dedans tous nos chevaux que nous devions mener outre-mer, et puis on referma la porte et on la boucha bien, comme quand on noie un tonneau, parce que quand le vaisseau est en mer, toute la porte est dans l’eau.

Quand les chevaux furent dedans notre maître nautonier [pilote] cria à ses nautoniers [matelots] qui étaient à la proue du vaisseau et leur dit :
Votre besogne est-elle prête ?
Et ils répondirent :
Oui, Sire.
– Que les clercs et les prêtres s’avancent.
Et aussitôt qu’ils furent venus, il leur cria :
Chantez, de par Dieu!
Et ils s’écrièrent tout d’une voix :
Veni Creator Spiritus.
Et le maître cria à ses nautoniers :
Faites voile, de par Dieu !
Et ainsi firent-ils.
Et en peu de temps, le vent frappa sur les voiles, et nous ôta la vue de la terre que nous ne vîmes que ciel et eau, et chaque jour, le vent nous éloigna des pays où nous étions nés.

Et par là je vous montre que celui-là est un fou bien hardi qui s’ose mettre en tel péril avec le bien d’autrui ou en péché mortel ; car l’on s’endort le soir où l’on ne sait si l’on se trouvera au fond de la mer au matin.

Jean, sire de Joinville

24 11 1248

Décrochage d’une bonne partie du Granier, près de Chambéry, qui engloutit dans les Abymes de Myans plusieurs milliers d’habitants de la ville de St André, punition collective de populations rebelles à la loi divine. Il avait beaucoup plu pendant tout l’automne… la terre était lourde, les galeries naturelles dans le calcaire s’étaient gorgées d’eau. L’effondrement de la montagne atteint dans certains endroits une épaisseur de 100 mètres. 500 millions de m³ sur 7.5 km le long et 6.5 de large, qui modelèrent le lac de Saint André. Mystère de la botanique : l’Aphyllanthe de Montpellier y fit alors son apparition. Les sols argilo-calcaires ainsi constitués s’avéreront propices au Jacquère, un cépage régional, qui donneront de bons petits vins blancs come les Abymes et l’Apremont.

Il remettra le couvert le 7 mai 2016 :

filmé par André BUFFLE depuis le Lac Saint André le 7 mai 2016 à 8h34

1248

Pour que les prostituées soient facilement reconnaissables des honnêtes femmes, Saint Louis demande aux premières de se teindre en roux.

10 02 1250 

Saint Louis prends la ville de Mansourah, en amont de Damiette sur le même bras du Nil, quand entrent en scène les Mamelouks qui infligent une sévère défaite aux Croisés. Au large, sa flotte est elle aussi défaite. Il n’y a plus qu’à négocier ; Saint Louis est prisonnier à Mansourah. Il sera relâché contre une rançon de 500 000 livres et ses troupes quitteront l’Égypte.

2 05 1250

Baibars, chef des Mamelouks tue le sultan Touranshah mais n’ose pas prendre directement le pouvoir. Les Mamelouks intronisent une des épouses du sultan ayoub, Chajarat-ad-dorr, qui, une fois devenue reine et sultane, épousera un des chefs mamelouks, Aibek.

24 05 1250

Le roi de France, Saint Louis donne une charte aux Maronites du Liban : c’est beau, c’est grand, c’est généreux, mais malheureusement, c’est un faux, fabriqué en 1845, quand Guizot sera ministre des Affaires Etrangères de la France.

Louis, roi de France, à l’Emir des Maronites, au mont Liban et aux patriarches et évêques de ladite nation.

Notre cœur fut comblé de joie, lorsque nous avons vu notre fils Simân venir à nous, accompagné de 25 000 hommes, nous portant le témoignage de vos sentiments d’amitié, et nous offrant ces magnifiques cadeaux. En vérité notre amitié sincère que nous avons commencé à ressentir envers la maison Maronite, lors de notre relâche à Chypre, où ils sont établis, s’est redoublée aujourd’hui davantage, et nous sommes persuadés que cette nation, que nous trouvons établie sous le nom de saint Maron, est une partie de la nation française ; car son amitié pour les Français ressemble à l’amitié que les Français se portent entre eux. En conséquence, il est juste que vous et tous les Maronites jouissiez de la protection dont les Français jouissent près de nous, et que vous soyez admis dans les emplois comme ils le sont eux-mêmes.

C’est pourquoi nous vous exhortons, ô émir très noble, de faire tous vos efforts pour rendre le peuple libanais heureux, et de prendre soin d’établir des nobles parmi les hommes que vous trouverez les plus dignes, comme c’est l’habitude en France. Pour vous, seigneurs patriarche et évêques, clergé et peuple maronite, ainsi que votre grand émir, nous avons vu avec une grande joie votre constant attachement à la religion catholique, et votre vénération pour le chef catholique, successeur de saint Pierre à Rome : nous vous exhortons à conserver cette vénération, et à rester inébranlables dans cette foi.

Pour nous et nos successeurs sur le trône de France, nous promettons de vous donner, à vous et à tout votre peuple, notre protection spéciale, comme nous la donnons aux Français eux-mêmes, et nous nous emploierons en toute circonstance à tout ce qui contribuera à votre prospérité.

Charte de Saint Louis, roi de France, donnée aux Maronites, à Saint Jean d’Acre

1250  

Hambourg, Lübeck, Wismar, Rostock, Greifswald, Stettin, Dantzig, Riga, Dorpat et Reval se regroupent dans un syndicat maritime pour défendre leurs intérêts commerciaux : c’est la Ligue Hanséatique, ou encore Hanse teutonique, à la réglementation très précise, qui a placé en exergue de son texte : Si l’Empereur prétend exercer sur nous son autorité,  nous appartenons au Pape ; si c’est le Pape qui se réclame d’une telle autorité, alors nous appartenons à l’Empereur. C’est par elle que passent le poisson salé ou séché des mers scandinaves, les fourrures, le miel, la cire, les bois de Suède et de Russie, le cuivre et le fer de Suède, les grains de Russie puis de Pologne et de Prusse pour approvisionner Novgorod, Bergen, Londres, Bruges, mais aussi la France du sud-ouest et le Portugal. Le fret de retour est fait de laine et étain d’Angleterre, de draps de Flandre et du Brabant, de vin et de sel de France. Les drakkars ont perdu leur prépondérance au profit de navires plus lourds, à même de transporter un fret plus important : les kogge.

De tout de fret emplissant leurs navires pour approvisionner la Russie autant que l’Europe du sud, il en est un qui est de beaucoup le plus important : le hareng :

Le hareng que l’on trouve dans les eaux de la mer Baltique est particulièrement gros et facile à pêcher; à la fin de chaque été, les poissons s’y rendent pour pondre leurs œufs. Ainsi, dès le IX° siècle, les Scandinaves, comme les Frisons avant eux, ont profité de ce moment, et, chaque automne, des groupes de pêcheurs partaient en mer au son de la cloche tandis que des marchés organisaient des échanges sur les côtes.

Si une production préindustrielle, attestée par des vestiges de manufactures et les milliers d’arêtes retrouvés sur certaines îles danoises, existe donc dès le IX° siècle, des marchands le rapportent d’ailleurs, notamment des régions slaves avec lesquelles les Scandinaves, échangent toutes sortes de biens (poissons, esclaves, or, argent, bijoux). Mais ce n’est qu’au XI-XII ° siècle que l’ouverture d’une nouvelle route, liée à l’extraction du sel de Lunebourg, en Basse-Saxe, permet un échange d’échelle dans la production, sous l’égide des marchands allemands.

Sans conteste le plus pur d’Europe du Nord, ce sel est généralement exporté depuis le port de Lübeck, sur les rives de la Baltique, qui devient une immense plaque tournante et dont le fortune se construit en partie sur ce marché du sel. Les marchands allemands profitent de la faiblesse des pouvoirs locaux, dont certains sont encore païens, pour s’infiltrer dans le marché régional, en conservant une certaine autonomie. Ils mettent alors sur pied un premier système qui consiste à apporter le sel à Lübeck, à acheter le poisson aux pêcheurs locaux, à le saler voire à le fumer sur place, pour finalement repartir avec fin de le commercialiser dans des régions plus lointaines.

Ce faisant, les marchands allemands profitent pleinement de la situation exceptionnelle de Lübeck, entre la Baltique et la mer du Nord, entre les côtes septentrionales de l’Allemagne et le sud de la Scandinavie. Vers 1200, la ville devient le passage obligé entre les marché de l’Ouest et ceux de l’Est. Des marchands de toute l’Europe s’y rendent, venus notamment d’Angleterre, de Flandre ou du nord de la France. C’est à ce moment que le marché du hareng de la Baltique, élargit son rayonnement, exportant dans une très large partie de l’Europe de 1250  à 1420, de l’Irlande à l’Italie du Nord, écrasant au passage ses concurrents européens. Avant cette date, par exemple, le marché parisien achetait plutôt du hareng anglais ou normand.

Plusieurs éléments se combinant pour éclairer ce succès, à commencer par une augmentation de la demande. Celle-ci s’explique principalement par deux facteurs : la croissance démographique générale aux XI°- XIII° siècles et la christianisation de l’Europe du Nord et continentale, qui vient considérablement grossir le besoin en poisson, en particulier à Pâques et lors de l’Avent. Or il s’agit là d’un bien qui se raréfie quand il fait froid et que les rivières sont gelées. Dans ce contexte le hareng saur a une vraie valeur ajoutée par rapport au poisson séché (le Stockfisch) par exemple qui doit être arrosé à l’eau claire pendant plusieurs jours avant d’être comestible, alors qu’il suffit de sortir le hareng de son baril et de le rincer pour qu’il soit immédiatement consommable. Pour les travailleurs, les soldats ou les religieux, le hareng saur constitue un repas pratique, qui peut se conserver jusqu’à trois ans sans problème. Il reste en plus assez peu cher : avec un tonneau de 860 harengs, il est possible de nourrir un petit bourg pour la journée !

Un autre élément du succès du hareng, sans doute le plus important, réside dans la valeur ajoutée que lui apportent les marchands allemands, à savoir un système de règlement et de contrôle-qualité du produit. À tous les niveaux, des standards fon en sorte que l’achat d’un baril de harengs de la Baltique ne s’accompagne pas de mauvaises surprises. D’abord l’acquéreur est certain de trouver dans la baril au moins 860 harengs. Pas de triche. Pas de pierre cachée au milieu du tonneau pour l’alourdir. Les quantités d’eau et de sel sont standardisées; la préparation des poissons est étroitement surveillée pour que le hareng soit vidé intégralement. Les tonneaux sont également standardisés : ils sont généralement en chêne, avec des dimensions et des qualités identiques. À l’origine , les tonneliers de la ville de Rostock assurent un quasi monopole sur leur production. Ils préparent des tonneaux semi-manufacturés, puisqu’il serai absurde de les transporter vides, les pièces étant assemblées sur place. La demande devenant trop forte, d’autres villes de mettent à produire leurs propres tonneaux, en adoptant les dimensions reconnues de Rostock. La standardisation se généralise. (…)

Pour contrôler la qualité de la production, des superviseurs (les Wracker) inspectent chaque baril et y apposent leur marque (leur Zirkel) attribuant aux harengs une note de 1 à 7, la croissance en chiffre étant inverse de la qualité.

Carsten Jahnke. Le hareng, argent de la mer. La mer, 5 000 ans d’Histoire. Les Arènes – L’Histoire 2022

La technique particulière qui, probablement à partir du XII° siècle, différencia le hareng de toute autre salaison était le saurissage, qui le rend imputrescible, le colore et lui donne un goût et un arôme délicats […]. On maintient en salaison pendant huit ou dix jours, puis on dessale un ou deux jours en eau douce ; on égoutte, on sèche et enfin on expose plus ou moins longtemps à la fumée de hêtre (ou de chêne) en copeaux ou en sciure et de 24° à 28 ° au maximum, de manière à ne pas le cuire. Au bout de dix-huit heures, on obtient le hareng bouffi ; douze à dix-huit heures donnent le franc saur (ou plus récemment kipper s’il est peu salé).[…] Les harengs à l’huile, ou roulés et aromatisés (roll-mops), ou marinés au vin blanc ou au vinaigre, ou en filets, sont, quant à eux, des accommodements récents.

Restait à résoudre le problème du transport […] C’est peut-être le Hollandais Beukels, mort en 1397 ou en 1447, qui inventa le fameux caquage du hareng. Caquer consiste à entasser méticuleusement, dans un mélange spécial, le maximum de harengs dans un minimum de place. Ils pouvaient alors voyager pendant des semaines sur des centaines de kilomètres, dans des véhicules cahotant, sans en subir le moindre dommage.

R. Delort. Les animaux ont une histoire. Seuil 1984.

Kieler Hanse-Kogge — Wikipédia

Elle deviendra vite la première puissance maritime… jusqu’à ce que l’aveuglement né de l’observation stricte de ses propres règles l’empêche de s’adapter aux innovations : elle ne voit pas l’importance des changements qu’apporte le compas dans la navigation… ce sera une des causes de sa rapide disparition au XV°.

Les Allemands ne sont pas seuls à commercer : les Flandres ont développé une industrie textile et rapidement la production locale s’avère insuffisante ; il leur faut en importer : il existe trois marchés : la Bourgogne, l’Espagne, l’Angleterre, et c’est cette dernière qui aura leur préférence, de par sa proximité : l’estuaire de la Tamise est juste à l’ouest de celui du Zwin, qui traverse Bruges. À la fin du XII° siècle, on ne comptait pas moins de 1 700 navires par an qui faisaient la ligne Londres-Bruges ! Les marchands flamands s’étaient eux aussi organisés en guilde, hanse, et avaient construits leurs propres dépôts dans les grandes villes britanniques. En 1240, la Hanse de Londres représente les intérêts de 17 villes flamandes. Cette prospérité durera encore un bon siècle, puis l’Angleterre va se mettre à développer sa propre industrie textile et, pour la favoriser, prendra les mesures de protectionnisme qui vont avec : augmentation de la taxe à l’exportation de laine jusqu’à un taux de 33 % ! Ils parviendront ainsi à court-circuiter les marchands flamands en vendant leurs draps directement aux Italiens.

Avaient-ils si grand tort d’être fiers, ces braves Flamands ? Tout gros et grossiers qu’ils étaient, ils faisaient merveilleusement leurs affaires. Personne n’entendait comme eux le commerce, l’industrie, l’agriculture. Nulle part le bon sens, le sens du positif, du réel, ne fut plus remarquable. Nul peuple peut-être au moyen-âge ne comprit mieux la vie courante du monde, ne sut mieux agir et compter. La Champagne et la Flandre sont alors les seuls pays qui puissent lutter pour l’histoire avec l’Italie. La Flandre a son Villani dans Froissart, et dans Commines son Machiavel. Ajoutez-y ses empereurs historiens de Constantinople. Ses auteurs de fabliaux sont encore des historiens, au moins en ce qui concerne les mœurs publiques.

[…] Cette frontière des races et des langues européennes, est un grand théâtre des victoires de la vie et de la mort. Les hommes poussent vite, multiplient à étouffer ; puis les batailles y pourvoient. Là se combat à jamais la grande bataille des peuples et des races. Cette bataille du monde qui eut lieu, dit-on, aux funérailles d’Attila, elle se renouvelle incessamment en Belgique, entre la France, l’Angleterre et l’Allemagne, entre les Celtes et les Germains. C’est là le coin de l’Europe, le rendez-vous des guerres. Voilà pourquoi elles sont si grasses, ces plaines ; le sang n’a pas le temps d’y sécher ! Lutte terrible et variée ! À nous les batailles de Bouvines, Roosebeck, Lens, Steinkerke, Denain, Fontenoy, Fleurus, Jemappes ; à eux celles des Éperons, de Courtray. Faut-il nommer Waterloo ?

Jules Michelet. Histoire de France. 1867

Les mamelouks prennent le pouvoir en Égypte : ils vont remporter des victoires sur les Croisés et sur les Mongols dix ans plus tard. Ce sont d’anciens esclaves d’origine turque, sur le pourtour de la Mer Noire, recrutés par la dynastie des Ayyoubides.

vers 1250

Les Italiens se firent les passeurs des croisés, et aussi leurs banquiers. On a vu récemment la guerre rendre une activité fébrile à tel de leurs ports : la guerre finie, il retombait dans le marasme. Les croisades ont duré deux siècles et, lorsque l’effort militaire s’interrompait, c’était au bénéfice d’une activité d’export-import entre l’Italie et les colonies franques de Terre Sainte. Enfin, quand reprit, avec les grandes foires, la vie économique de l’Europe occidentale, les Italiens en furent aussitôt un des principaux éléments, comme commerçants et comme changeurs :

Ces Lombards qui dévorent et ravagent les fortunes et les richesses des peuples, qui n’apportent jamais avec eux un ducat, rien qu’une feuille de papier dans une main et une plume dans l’autre ; avec cela, ils tondent la laine sur le dos des habitants des villes et leur prêtent ensuite leur propre argent.

A. Sapori. Le Marchand italien au Moyen âge.

Florence ne peut pas vivre si elle n’est pas maîtresse de la route qui conduit à Rome et à la mer. Et comme les deux grandes lignes qui la rejoignent à la Cité Éternelle sont barrées par Sienne et par Arezzo, comme le débouché à la mer l’est par Pise, elle n’aura de cesse qu’elle n’ait assujetti ces trois villes. Pise, à son tour, lutte avec Lucques parce que Lucques domine les débouchés vers l’ouest de la grande route qui, de Rome, va à Lucques et à Plaisance, la route parcourue par les caravanes étrangères venant des Alpes occidentales et centrales ; et aussi parce que le territoire de Lucques s’étend jusqu’à Fucecchio, empêchant la libre circulation sur le cours moyen de l’Arno. Dans la plaine du Pô, on se bat pour la conquête des passages des Alpes, pour la possession des grandes artères routières qui arrivent aux ports de Gênes et de Venise, pour le contrôle des voies qui descendent vers les Apennins, pour la conquête des Stations sur le Pô et sur ses principaux affluents. Aussi Asti combat-elle les seigneuries féodales et les petites communes qui lui font obstacle à l’Occident ; aussi Milan et bien d’autres cités lombardes luttent-elles férocement contre Côme, qui leur barre une des principales lignes à travers les Alpes ; aussi Milan a-t-elle juré une haine éternelle à Lodi et à Pavie qui l’empêchent d’arriver jusqu’au Pô.

Barbagallo. Storia universale il Medioevo

À Milan, tout homme de bonne santé, qui ne soit pas un bon à rien, peut avoir le train de vie honorable qui convient à sa condition… Les jours de fêtes de sa ville, la foule des nobles et des gens du peuple vont se divertir, des bandes bruyantes d’enfants courent çà et là sans répit, des groupes de dames ou de jeunes filles se promènent ou s’arrêtent à converser devant la porte des maisons. Qui peut dire qu’il a trouvé, de ce côté ou de l’autre de la mer, des gens aussi aimables ?

Bonvesin de la Riva. De magnalibus civitatis Mediolani.

Boccace tracera le même tableau pour Naples ; et Ambrogio Lorenzetti le peindra sur les murs du palais communal de Sienne. Amabilité et aisance provenant de l’extraordinaire activité économique et spirituelle de ces villes italiennes du Moyen âge. Bonvesin déclare innombrable la multitude des tisserands de laine, de coton, de soie de sa ville, incalculable celui des artisans de toute sorte. Il met au nombre des merveilles de Milan son abondance en bureaux d’affaires, en officines de ventes aux enchères, ses marchés quotidiens et hebdomadaires, ses mille boutiques, ses quatre foires annuelles, l’activité de ses marchands qui courent le monde et tiennent une des premières places dans toutes les foires européennes.

C’est l’industrie qui est à la base de la prospérité de Milan, et des autres villes non maritimes de l’Italie. Elle avait dû répondre primitivement aux nécessités d’une économie fermée, mais bientôt l’habileté de ses ouvriers et de ses maîtres l’avait fait travailler pour une exportation même lointaine et sur des produits étrangers. Florence affine, tisse et teint des laines des Flandres, d’Espagne, de la côte barbaresque. Mais elle travaille aussi la soie, comme Lucques. Le coton commence à alimenter une industrie milanaise. Et l’on ne peut oublier les ébénistes, les joailliers, les verriers qui créent le décor déjà luxueux des classes riches et fournissent également les amateurs étrangers. À ces activités, qu’elles partagent, les villes maritimes joignent leurs spécialités naturelles : Venise et Gênes ont des chantiers renommés de constructions maritimes ; cette dernière ville y travaille pour les croisades de saint Louis.

Cette industrie bientôt tournée vers l’étranger alimente un commerce international dont nous avons dit les origines. Soutenu, en cette seconde période de son histoire, par des Compagnies auxquelles leur personnel et leurs techniques assurent déjà la primauté dans toute l’Europe, par un système de banques et d’effets en avance sur tous les autres pays, par une monnaie d’or particulièrement recherchée (notamment le florin de Florence depuis 1252, le ducat de Venise depuis 1284), ce grand négoce commence alors à se répandre sur toute la terre alors connue.

[…] Il est significatif que Bonvesin de la Riva, observateur plein d’intérêt et de sympathie pour l’activité mercantile de ses compatriotes italiens, ait été un religieux, car, ailleurs, les gens d’Église se plaisaient à répéter et à apprendre à leurs élèves la maxime Homo mercator vix aut nunquam potest Deo placere, – un marchand peut difficilement, s’il y arrive jamais, plaire à Dieu -. L’Italie avait, depuis le premier quart du XII° siècle, l’Université de Bologne ; elle vit naître, quelque cent ans plus tard, celles de Padoue (1222), de Naples (1224), de Vercèil (1228), de Sienne (1247), de Plaisance (1248). Alors que la théologie avait la première place dans les établissements semblables du reste de l’Europe, c’était – et depuis Irnerio, le grand juriste des débuts de l’Université de Bologne – le droit qui dominait dans les fiudia generalia d’Italie. À côté de ces grandes institutions les communes créaient des écoles, en grande partie destinées aux futurs commerçants.

Une Italie de tout temps particulièrement sensible à la beauté, et alors plus que prospère, devait être poussée par le patriotisme local à doter chacune de ses villes de beaux monuments civils et religieux. Mais sa constitution communale et les luttes de partis expliquent qu’elle se soit beaucoup occupée de construire de puissants palais municipaux, de revêches sièges de factions (palais du capitaine du peuple à Florence et à Orvieto, palais di parte guelfa à Florence) ; son système de corporations nous a laissé de sobres et solides immeubles comme l’Arte della Lana de Florence ; l’orgueil et l’inimitié de ses tribus nobiliaires, les tours de Bologne ou de San Gemignano ; le faste de ses grandes familles, le palais Dandolo et le palais Loredan de Venise, la Casa dei Spinola de Gênes.

Emile G Léonard. L’Italie médiévale. 1986

1251 

Les manifestations ne se cantonnent pas dans l’enceinte d’une ville et c’est au pouvoir de l’Église qu’elles s’en prennent : En 1251, juste après Pâques, se mit à régner une folle effervescence parmi les pastoureaux qui dégénéra en début de croisade mystique contre la puissance séculaire de l’Église et des clercs. Henri Martin fait une synthèse de ces événements, d’après les chroniqueurs de Saint Louis, Guillaume de Nangis, (Geste de Louis IX), Matthew Paris, chroniqueur d’Angleterre, et Tillement (Vie de St Louis) :

Un inconnu, racontent les chroniqueurs, un vieil homme, à grande barbe, au visage maigre et pâle, qui parlait avec une égale facilité le latin, le françois et l’allemand, se mit à errer ça et là par les campagnes, prêchant sans l’autorisation du pape ni le patronage d’aucun prélat, et assurant que la bienheureuse Marie, mère du Seigneur, lui était apparue entourée d’une troupe d’anges, et lui avait donné mission d’assembler les pasteurs de brebis et d’autres animaux.

Ses paroles étaient corroborées par sa haute éloquence et par la vue de sa main toujours fermée, dans laquelle il prétendoit avoir une cédule contenant les instructions de la sainte Vierge. Les pâtres, sitôt qu’ils entendaient sa voix, laissaient là leurs troupeaux, leurs étables, leurs écuries, et le suivaient sans consulter parents ni maîtres, et sans songer le moins du monde aux moyens de subsister. Le maître [2] et ses pastoureaux parcourent d’abord la Flandre et la Picardie, attirant à eux les plus simples du peuple, comme l’aimant attire le fer : ils étaient déjà plus de trente mille lorsqu’ils vinrent en la cité d’Amiens, où les bourgeois les reçurent en grand’ fête, et s’agenouillèrent devant le maître aux pastoureaux, comme devant un très saint homme. Ils se dirigèrent de là sur la France (l’Ile de France), se grossissant toujours de pâtres, d’enfants, de laboureurs. Quand ils traversaient les villes et les cités, ils défiloient comme une armée sous des chefs et des capitaines, élevant en l’air des massues, des haches et d’autres ustensiles de guerre, et se rendant si terribles à tous, qu’il n’étoit ni prévôt ni bailli pour oser les contredire.

Beaucoup de gens d’ailleurs leurs accordoient faveur et assistance, disant que Dieu choisit souventes fois les humbles pour confondre les forts ; c’est pourquoi Blanche, reine et régente des François, espérant que ces pastoureaux recouvreraient la Terre Sainte et secourraient son fils, les avait en sa grâce et protection. Les pastoureaux se multiplièrent donc merveilleusement jusqu’au nombre de cent mille et plus ; sur l’étendard de leur maître étoit figuré un agneau portant la bannière de la croix : l’agneau en signe d’innocence et d’humilité, la bannière et la croix en signe de victoire. Ils eurent bientôt jusqu’à cinq cents autres enseignes semblables. Sur certains de leurs étendards étaient peints la Vierge Marie et les anges apparaissant au maître des pastoureaux. De toutes parts affluoient vers eux les bannis, les proscrits, les excommuniés, les larrons, toutes gens qu’en France on nomme communément ribauds. Armés d’épées, de haches à deux tranchants, d’épieux, de dagues et de couteaux, les pastoureaux sembloient désormais les adorateurs de Mars plutôt que ceux du Christ.

Quand le maître et ses principaux acolytes se virent en si grand état, ils commencèrent à dévier de la foi dans leurs prédications, à célébrer des mariages, tout laïques qu’ils fussent, et non seulement à distribuer des croix à tout venant, mais à donner l’absolution des péchés à quiconque recevait ces croix. Et, lorsque le chef suprême des pastoureaux prêchoit, entouré d’une foule de gens armés, il gourmandoit et condamnoit tous les ordres monastiques, surtout les frères prêcheurs et mineurs, les traitant de vagabonds et d’hypocrites ; il reprochait aux moines de Cîteaux (ou moines blancs) leur passion avaricieuse pour les troupeaux et les terres, aux moines noirs (les moines de Cluni et les autres anciens bénédictins) leur gloutonnerie et leur orgueil ; il appelait les chanoines des mondains et des dévorateurs de viandes, et accusait les évêques et leurs officiaux de ne songer qu’à la chasse, aux écus et aux plaisirs de tout genre. Quant à la cour de Rome, il la couvrait d’opprobres qu’on n’oserait dire.

Or le peuple écoutoit et applaudissait ces déclamations en haine et en mépris du clergé : il estimoit le maître doué du don des miracles, et croyoit que les mets et les vins que consommaient les pastoureaux augmentaient au lieu de diminuer. Les clercs furent mult dolents de voir le peuple tomber en si grande erreur, et l’en voulurent détourner ; mais par là ils se rendirent tellement odieux aux pastoureaux et aux peuples, que beaucoup de gens d’église qu’on rencontra par les champs furent mis à mort. Ainsi alla le maître, avec tous les siens, par la contrée jusqu’à Paris. La reine Blanche, sachant leur venue, commanda que nul ne fut si hardi que de s’opposer à eux ; car elle pensoit, comme les autres, que ce fussent bonnes gens envoyés de par Notre Seigneur ; elle fit venir le grand maître devant elle, et lui demanda comment il avait nom : il répondit qu’on l’appelait le maître de Hongrie ; la reine l’honora grandement et lui donna grands dons. Le maître monta pour lors en tel orgueil, qu’il se revêtit comme prêtre en l’Église St Eustache de Paris, et prêcha la mitre en tête, et fit eau bénite à la manière d’un évêque. Les autres pastoureaux se répandirent parmi Paris et occirent les clercs qu’ils trouvèrent, et on ferma les portes du Petit-Pont, de crainte qu’ils ne tuassent aussi les écoliers qui étoient venus de diverses contrées pour étudier en l’Université.

Quand ils eurent ainsi passé par la ville de Paris, ils pensèrent n’avoir plus rien à redouter nulle part, et se vantèrent d’être les plus gens de bien du monde, puisqu’à Paris, où est la source de toute sapience, personne ne les avoit contredits en quoi que ce fût. Au sortir de Paris, le maître les partagea en trois corps ; car ils étaient tant, qu’ils ne trouvaient point de ville qui ne pût les héberger, et tous se dirigèrent vers le midi. Le jour de St Barnabé (11 juin) les pastoureaux entrèrent à Orléans, malgré l’évêque et le clergé, mais du plein consentement des citoyens. Quand le maître de Hongrie eut annoncé qu’il prêcherait comme un puissant prophète, les peuples vinrent à lui en multitude infinie ; mais l’évêque défendit, sous peine d’excommunication, à tous les clercs d’écouter ces discours et de suivre les pastoureaux, assurant que ce n’étoient que souricière du diable ; quant aux laïques, ils n’eussent respecté ni les défenses ni l’autorité épiscopale. Les clercs les plus sages obéirent, et se renfermèrent en leur logis ; mais quelques clercs des écoles ne se purent retenir d’aller voir et entendre cette étrange nouveauté ; car c’était chose inouïe qu’un laïque, un homme du peuple, qui plus est, osât ainsi prêcher audacieusement en public, malgré l’évêque, dans une ville où florissait une docte université, et attirât à lui les oreilles et les cœurs de tant de gens. Le maître, étant monté en chair, commença à mugir des erreurs qu’on ne saurait répéter ; mais voici qu’un des écoliers, s’approchant soudain avec témérité, éclate en ces mots : Méchant hérétique, ennemi de la vérité, tu en as menti par ta tête, et tu déçois les innocents par tes fausses harangues !

À peine avait-il dit, qu’un de ces vagabonds lui fendit la tête avec une hache à bec. Ce meurtre fût suivi d’un affreux tumulte ; les pastoureaux coururent sus aux clercs, brisèrent leurs portes et leurs fenêtres, brûlèrent leurs livres, et tuèrent ou jetèrent à la Loire un certain nombre d’entre eux, mais non pas sans une résistance sanglante de la part des écoliers. Quand les pastoureaux furent partis, l’évêque mit la ville en interdit, parce que les citoyens, autorisant et secondant ces précurseurs de l’Ante Christ s’étaient rendus coupables et infâmes.

Les cris et les plaintes de l’évêque montèrent jusqu’aux oreilles de madame Blanche, des grands et des prélats. Le changement qui s’était opéré dans les dispositions de la reine commençait aussi à s’effectuer dans l’esprit de la bourgeoisie, devant la violence croissante de cette multitude. Les laïques, disent nettement les chroniqueurs, avaient vu avec indifférence le meurtre des gens d’Église ; mais lorsqu’ils se crurent menacés eux-mêmes, ils commencèrent à se lever contre les séditieux. Néanmoins les pastoureaux furent encore accueillis dans Bourges par le peuple, qui leur ouvrit les portes, malgré l’archevêque. Les pastoureaux envahirent les synagogues des juifs, nombreux à Bourges, déchirèrent leurs livres et pillèrent leurs maisons. Puis le grand chef de ces séducteurs annonça, dit-on, qu’il ferait un sermon et de grands miracles devant ce peuple, et une foule immense se rassembla pour ouïr ce qui n’avait point été ouï depuis des siècles et voir ce qui n’avait pas été vu.

L’histoire, à partir de là, semble s’être terminée en queue de poisson. Les bandes se dispersèrent, l’une vers Bordeaux, l’autre à Marseille, où les meneurs furent suspendus aux fourches patibulaires, tandis qu’à Bourges même le maître de Hongrie était tué avec plusieurs de ses compagnons. On les jeta aux chiens. Les pastoureaux grossirent les troupeaux de mendiants.

Claude Duneton. Histoire de la chanson française. Seuil 1998.

1252 

Les grands maîtres de la théologie enseignent à Paris : l’Italien Thomas d’Aquin, doctor angelicus, de 1252 à 1259, puis de 1269 à 1272, – après avoir écrit une Somme contre les Gentils, il terminera la Somme théologique en 1273 -, synthèse capitale de la pensée grecque, surtout celle d’Aristote et de la doctrine chrétienne qui restera la référence de l’Église en matière de doctrine intellectuelle et théologique pendant des siècles, en dépit de très nombreux coup de boutoir depuis le concile de Vatican II à la fin du XX° siècle.

Comme Augustin a marqué le christianisme des premiers siècles, Thomas va faire du mariage de la foi et de la raison l’un des piliers non seulement de la théologie, mais aussi de la civilisation tout court. Nous passons progressivement de la vision abrupte de l’évêque d’Hippone à la vision rationnelle de Thomas. Nous entrons dans un univers qui annonce déjà Descartes.

Georges Suffert. Tu es Pierre. Éditions de Fallois 2000

On le verra aussi écrire des textes où tout n’est que spirituel, que l’intégration au rituel de la messe fera connaître de tous, tel le Tantum ergo, et d’autres restés plus confidentiels, mais tout aussi mystiques, comme le Panis Angelicus.

Latin Français
Panis angelicus
fit panis hominum ;
Dat panis coelicus
figuris terminum :
O res mirabilis !
manducat Dominum
Pauper, servus, et humilis.
Te trina Deitas
unaque poscimus :
Sic nos tu visita,
sicut te colimus ;
Per tuas semitas
duc nos quo tendimus,
Ad lucem quam inhabitas.
Amen.
Le pain des anges
Devient le pain des hommes.
Le pain du ciel met
Un terme aux symboles.
Ô chose admirable!
Il se nourrit de son Seigneur
Le pauvre, le serviteur, le petit.
Dieu Trinité
En Un, nous te le demandons,
Daigne par ta visite
Répondre à nos hommages.
Par tes voies, conduis-nous
Au but où nous tendons,
À la lumière où tu demeures.
Ainsi soit-il.

Un autre Italien, Jean de Fidanza, plus connu sous le nom de Bonaventure, doctor seraphicus, de 1248 à 1256, puis de 1267 à 1274, un Dominicain allemand, Albert de Bollstädt, dit Albert le Grand, doctor universalis, miracle de son siècle de 1245 à 1248, place Maubert, [sur laquelle donne encore une rue Maître-Albert]. Il rédige une immense encyclopédie qui englobe l’ensemble de la science grecque, latine, arabe et juive. De l’observation de fossiles dans les calcaires parisiens, il avait déduit qu’ils étaient des restes d’animaux qui avaient vécu dans des mers aujourd’hui disparues. Quand on connaît un tout petit peu le nombre d’hypothèses émises en matière de connaissance de la terre avant que l’ensemble du monde scientifique ne se rallie à l’explication de la tectonique des plaques dans les années 1960, on ne peut que remarquer qu’une hypothèse confirmée par les faits était alors chose plutôt rare. En 1951, Ivan Illich, prêtre, s’inscrira à l’université de Princeton pour y préparer un doctorat sur Albert le Grand et l’alchimie, mais finalement donnera sa préférence à une situation de curé de paroisse dans un quartier Portoricain de New-York.

L’Université de Paris crée les premières messageries pour permettre aux élèves de recevoir les correspondances de leur famille.

Les mots d’alors ne devaient pas recouvrir alors exactement les mêmes réalités qu’aujourd’hui : Thomas d’Aquin, tout angelicus qu’il fut, pouvait néanmoins écrire : Outre qu’il est légitime de retrancher les hérétiques du corps de l’Église par l’excommunication, il est nécessaire de les retrancher de la communauté humaine en leur ôtant la vie.

À la même époque, Saint Louis n’était pas en reste : Le seul moyen de discuter avec les hérétiques est de leur planter l’épée dans le ventre.

En Espagne, la Reconquista [3]  est en bonne voie : Lorsque meurt saint Ferdinand dans cet Alcazar de Séville d’où les Almohades avaient gouverné l’Espagne musulmane, la Reconquista est presque achevée. Après la prise de Cadix (1262), l’Islam ne conservera plus dans la péninsule que la haute Andalousie, avec le riche bassin agricole de Grenade et le littoral méditerranéen dont Malaga et Alméria constituent les ports principaux. Mais la reconquête n’a pas eu seulement pour résultat d’arracher à la domination musulmane les quatre cinquièmes de la péninsule ; elle a introduit d’importants changements dans la structure religieuse, politique et sociale de l’Espagne chrétienne.

Le rattachement au domaine chrétien de la majeure partie d’Al Andalus a incorporé à la population des royaumes hispaniques des éléments ethniques et religieux allogènes. Les Mozarabes, que seule leur liturgie particulière distinguait de leurs coreligionnaires du Nord se sont fondus rapidement dans le reste de la population chrétienne (sauf quelques cas isolés, celui de Tolède par exemple, où la colonie mozarabe garda jusqu’au XIII° siècle son statut particulier). En revanche les Mudéjars (musulmans passés sous l’autorité chrétienne) posaient un problème à la fois politique et religieux. Ils étaient trop nombreux pour qu’il fût possible de les assimiler ; du reste, dans la plupart des cas, l’occupation des cités musulmanes avait été précédée ou accompagnée de la signature de capitulations garantissant à la population le libre exercice de son culte et le respect de ses biens (la mosquée principale étant cependant parfois convertie en église, comme ce fut le cas de la Grande Mosquée de Cordoue). Les Mudéjàrs bénéficièrent même, moyennant le paiement d’une redevance spéciale, de l’égalité civile avec les chrétiens. Quant aux juifs, leur situation fut meilleure encore : non seulement ils conservèrent un rôle économique important, comme marchands ou banquiers, mais ils furent fréquemment employés par les souverains chrétiens comme percepteurs d’impôts ou comme ambassadeurs interprètes dans les négociations entre princes musulmans et chrétiens. Comme l’avait fait Alphonse VI au lendemain de la prise de Tolède, le pieux Ferdinand III n’hésita pas à se proclamer roi des trois religions.

Marcelin Defourneaux. La Péninsule ibérique. 1986

Récupérée par les catholiques la Mezquita de Cordoba suscitera la polémique, amenant Charles Quint, quelques deux cent cinquante ans plus tard à regretter son accord pour y construire un chœur : Je ne savais pas ce dont il s’agissait, sinon je n’aurais pas permis que soit touché l’ancien ; pourquoi faites-vous ce qui peut être fait dans d’autres endroits, et avez-vous défait ce qui était singulier dans le monde ? En 2014, l’évêque espagnol de Cordoue continue à faire preuve de la même étroitesse d’esprit, cherchant à tout propos à évacuer le passé musulman du lieu.

1253

À Sparendam, les Hollandais construisent le premier canal de navigation comportant une écluse simple.

10 07 1254

De retour de la VII° croisade Saint Louis débarque à Hyères avec un éléphant, qu’il offrira à Henri III d’Angleterre.

12 10 1254

Aliénor de Castille, fille de Ferdinand III, roi de Castille épouse le futur roi d’Angleterre, Edouard I°, fils du roi Henri III d’Angleterre. Elle a 13 ans et, de 1266 [25 ans] à 1284, va lui donner 16 enfants dont six atteindront l’âge adulte : le dernier deviendra Edouard II, roi d’Angleterre. Entre le 3° et le 4°, elle prendra le temps d’aller faire un tour en Terre Sainte, pour y soutenir son oncle Louis, roi de France ; il mourra à Carthage avant qu’ils n’arrivent, mais ils continuèrent sur Saint Jean d’Acre. Elle sera reine d’Angleterre de 1272 à sa mort en 1290. 10 enfants morts avant l’âge de 10 ans, et vu le rang des personnes, ce n’était pas de faim ! Le nombre de grossesses avait été évidemment bien supérieur à celui des naissances, puisqu’il intégrait les fausses couches : elle perdit dix enfants l’un après l’autre ! Qu’est ce que ça devait être chez ceux qui avaient du mal à nourrir leurs enfants !

1254 

Premier acte officiel rédigé en langue d’oïl. Le Midi continue à employer le latin.

1256

Deux ans plus tôt, Saint Louis a interdit la prostitution, mais l’édit n’a pas été respecté. Qu’à cela ne tienne, il les envoie hors les fortifications, sur les bordes (au-delà des murs)… et c’est ainsi que naquirent les bordels.

Houlagou fonde en Perse un État mongol, et compte bien ne pas en rester là : deux ans plus tard, le 17 janvier 1258, il arrivera devant Bagdad, ouvrant une digue qui inonde l’arrière pays puis assiégera la ville avec des ponts de bateaux construits sur le Tigre en amont et une grande palissade qui entoure la cité en aval. Archers et arbalétriers mongols envoient pierres et flèches, certaines d’entre elles enflammées. Le 10 février, il entrera dans la ville, faisant étrangler le calife abbasside Musta’sim, brûlant les livres, faisant exécuter les savants. Sur le million d’habitants que compte la ville, il en fera passer 80 000 de vie à trépas. Ainsi prend fin la dynastie des Abbassides, dans l’indifférence du monde musulman. Il poursuit ses conquêtes en prenant possession de la Syrie et de la Perse : c’en est fait de l’empire arabe.

Houlagou est un personnage complexe. Passionné de philosophie et de sciences, recherchant la société des gens de lettres, il se transforme durant ses campagnes en bête sanguinaire, assoiffée de sang et de destruction. Son attitude en matière de religion n’est pas moins contradictoire. Très influencé par le christianisme – sa mère, sa femme préférée et plusieurs de ses collaborateurs appartiennent à l’Église nestorienne – il n’a toutefois jamais renoncé au chamanisme, religion traditionnelle de son peuple. Dans les territoires qu’il gouverne, notamment en Perse, il se montre généralement tolérant à l’égard des musulmans, mais emporté par la volonté de détruire toute entité politique capable de s’opposer à lui, il mène contre les métropoles les plus prestigieuses de l’islam, une guerre de destruction totale.

Amin Maalouf. Les Croisades vues par les Arabes.  J.C. Lattès 1983

La situation était d’autant plus pénible pour les musulmans que Houlagou semblait protéger les chrétiens. L’armée mongole comprenait, à côté de bouddhistes et de quelques musulmans, un certain nombre de chrétiens nestoriens. La sympathie du khan venait surtout de l’influence de son épouse, qui était chrétienne : les premiers Mongols apparaissent donc aux musulmans comme des vengeurs de la chrétienté.

Le mouvement des troupes mongoles de l’empereur Houlagou vers la Syrie avait été sollicité à la fois par le roi d’Arménie et par les Croisés. L’Égypte mobilisa toutes ses forces. Une rencontre sanglante se déroula à Ain Djalout, en Palestine : le sultan mamlouk Koutouz s’y distingua par des prodiges de valeur, ainsi que le général mongol, qui y trouva la mort. La victoire égyptienne fut décisive, grâce à la ténacité d’un sultan qui avait eu toutes les peines du monde à mettre sur pied une armée. Un officier, Baibars, avait combattu à l’arrière-garde, et, sans que nous soyons parvenus à connaître la raison précise de son attitude, il fait partie d’un complot qui supprime Koutouz, à la suite de quoi Baibars fut proclamé sultan.

Baibars eut un règne prodigieux de dix-sept années, au cours desquelles il entreprit et réussit des actions dont les conséquences furent désastreuses pour les Croisés.

Le contraste est évident à cette époque entre les colonies franques et l’empire mamlouk en formation. Les premières commencent à être minées par les particularismes nationaux et par des soucis de lucre qu’accroît un funeste esprit de concurrence : les bourgeois établis à demeure, d’autre part, voient arriver d’un très mauvais œil les nouveaux Croisés, qui viennent encore avec l’idée fixe de reconquérir Jérusalem.

Au contraire, le royaume égyptien puise dans ses orages politiques un besoin d’union. Baibars entend chasser définitivement les Croisés, tout au moins les affaiblir par un état de guerre permanent. Les Francs parlent encore de la délivrance de Jérusalem, mais ils semblent imaginer naïvement qu’on va les laisser se fortifier grâce à des trêves plus ou moins longues et leur abandonner, par surcroît, l’initiative des opérations.

Pourtant, dès le début du règne, Baibars, recevant des ambassadeurs francs, ne cache nullement ses intentions futures : Notre seule préoccupation, dit-il, est de faire la guerre aux infidèles.

C’est bien là que gît le malentendu : les Croisés, après une randonnée épique, s’étaient installés en Palestine, pendant que les Fatimides admettaient en partie le fait accompli. L’échec relatif de Saladin permit ensuite aux Francs de subsister sans trop de peine grâce aux discordes des Ayyoubides, qui ne s’aimaient pas. Baibars ne pouvait pas avoir ignoré ces trahisons, dont il avait été le spectateur. Il avait aussi compris le danger mongol, qu’on l’envisage isolément ou par sa connivence avec les Francs. Sa conduite s’expliquera donc aisément : constitution en Égypte d’un gouvernement fort ; suppression de toute indépendance en Syrie musulmane ; enfin, pour que la politique musulmane conserve un certain prestige, rétablissement du califat aboli par les Mongols. En tout cas, pour le souverain égyptien, Croisés et Mongols ne sont qu’un même ennemi.

Ce sont bien les efforts soutenus de Baibars qui allaient donner le coup de grâce aux Croisés. Mais la situation des chrétiens est, de toute façon, en baisse, et nous pouvons procurer quelques détails significatifs, d’ordres divers. C’est Frédéric II qui fait prévenir l’Égypte des intentions belliqueuses de saint Louis. En 1248, les Pisans et les Génois se livrent des combats de rue dans Saint Jean d’Acre. En 1252, pendant que saint Louis traite avec le sultan d’Égypte pour la cession éventuelle de Jérusalem, le grand maître des Templiers entame des négociations avec le prince ayyoubide de Damas. Chaque incident met en lumière l’avarice des uns et la cupidité des autres, lorsque ce n’est pas la veulerie : ce sont des prisonniers qui se convertissent pour échapper à de mauvais traitements, les marins italiens qui exercent une manœuvre de chantage sur la reine Marguerite de Provence, les Templiers qui se refusent presque à avancer les fonds nécessaires à la rançon des prisonniers.

Il y a des faits d’une particulière gravité : en 1260 les barons d’Acre autorisent le passage sur leur territoire des troupes égyptiennes en route pour combattre les Mongols. Un historien arabe affirme que Charles d’Anjou, ancien combattant de Mansourah, entretenait des relations amicales dès 1264 avec le sultan Baibars. On enregistre la même année des tractations du sultan avec les Génois, lesquels, par vengeance, avaient songé à coopérer à la conquête musulmane de Saint Jean d’Acre. Et nous n’insistons pas sur la mésintelligence qui régnait dans la principauté d’Antioche entre Latins et Grecs. En 1271, ce sont les chevaliers de Chypre qui refusent de combattre en Palestine. Que dire, enfin, de l’attitude de la petite cour de Beyrouth, qui met la jeune princesse régnante sous la protection du sultan Baibars, avec l’appui des Templiers contre le roi de Chypre ? En résumé, les trahisons mutuelles dans le camp des Francs étaient telles que même les Mongols n’avaient plus confiance en eux, et ces vilenies n’entretenaient guère dans l’esprit du sultan Baibars l’éclosion d’un sentiment chevaleresque, tel qu’on le rencontrait encore à l’époque de Saladin.

On peut mesurer les pertes territoriales du royaume franc à la mort de Baibars. La principauté d’Antioche n’existe virtuellement plus. Au sud, la frontière a été portée de Jaffa à Saint Jean d’Acre. Dans l’ensemble, les Croisés ne possèdent plus qu’une étroite bande de littoral, tandis que les Mamlouks tiennent toutes les crêtes. C’est bien la fin, et le royaume latin n’aura plus que vingt ans d’existence.

Les Mamlouks sont des parvenus, sans doute, mais ils n’en ont pas les petitesses. Bien mieux, dégagés de tout préjugé par leur origine servile, ils eurent toutes les audaces : quelques-uns d’entre eux furent des souverains de premier ordre.

Ce qui donne au régime mamlouk, encore que nous le connaissions mal, un intérêt si passionnant, c’est de considérer l’aspect curieux, si mêlé de la cour du Caire et de la population égyptienne. Des commerçants, des cultivateurs, chrétiens et musulmans, habitués à vivre côte à côte, dont la majorité musulmane est dans l’ensemble très tolérante, voisinent avec des fonctionnaires, avec des hommes de loi prêchant l’austérité et la contrainte. De l’opinion de ceux-ci le sultan et ses officiers doivent en partie s’inspirer, mais avec un esprit qui ne connaît ni la routine ni le fanatisme. Et le tout nous a laissé des pages d’histoire glorieuses.

À l’intérieur, ce n’est pas parfait et l’on ne pouvait guère s’attendre à une docilité à toute épreuve des officiers mamlouks. Mais il faut remarquer un fait, qui laisse croire que l’on tenait compte de l’état d’esprit d’une population que nous voyons mal vivre, c’est que les révoltes, même lorsqu’elles se produisent à Damas ou à Alep, n’offrent pas le caractère de sécession, ce qui fut la plaie de l’Afrique du Nord. Les rebelles revendiquent le trône du sultanat, avec la possession du territoire dans son intégralité : grâce à la rigide administration qu’ils avaient sinon créée, du moins améliorée, l’unité politique devenait de jour en jour plus solide. Les Mamlouks ont réussi à instaurer la paix musulmane, quelque chose d’analogue à la pax romana, ce qu’on ne rencontrera presque jamais dans l’Iran du Moyen âge, ce que les populations berbères de l’Afrique du Nord n’ont jamais connu.

Il est admirable de voir que l’Egypte est menée, et avec une énergie qui nous surprend, par des hommes sortis de rien, en face d’une Europe qui n’accepte que les services de gens pouvant exciper de titres nobiliaires. De leur temps déjà, l’Égypte n’était plus en Afrique et l’on peut dire que c’est aux Mamlouks que le pays doit une partie de son prestige. Leurs victoires contre les Croisés et le barrage de leurs troupes en face des hordes mongoles assurèrent à l’Égypte une situation économique de premier ordre, avec une continuité qui ne se trouva dans aucune contrée de l’Islam au Moyen âge. La catastrophe qui survient à la fin du XV° siècle ne saurait leur être imputée, puisqu’elle est complètement extérieure au pays, ruiné soudain par la découverte de la route du cap de Bonne-Espérance. Ce n’est donc pas l’incapacité de ses maîtres qui allait plonger l’Égypte dans l’ombre.

Gaston Wiet, de l’Institut.  L’Islam. 1986

Est-ce à Houlagou que Saâdi adressait ses vers ?

Celui qui a pour loi le goût de la violence ne peut pas plus régner qu’un loup sur un troupeau.
L’injuste souverain qui creuse des cachots rase les murs de sa puissance.
Garde toi de la furie des cœurs blessés, la blessure du cœur se rouvrira sans cesse.
Tant que tu le pourras n’oppresse pas un cœur, le soupir d’un seul cœur renversera le monde.

Saâdi – poète persan né à Shiraz, 1184-1283 ou1291 -, au complet : Abu Muhammad Muslih al-Din bin Abdallah Shirazi

1257 

Fils de paysans ardennais, devenu chanoine de Paris et de Cambrai, maître régent en théologie au cloître Notre-Dame, Robert de Sorbon fonde la première université française, que l’on nommera Sorbonne 200 ans plus tard, en 1554, quand le collège accueillera les délibérations générales de la faculté de théologie. C’était en fait une résidence universitaire, où parfois les professeurs venaient donner leur cours, faute de lieux appropriés. Mais la plupart des facultés avaient leurs bâtiments propres. Saint  Louis lui avait concédé quelques maisons pour y loger les étudiants nécessiteux, dans la bien nommée rue Coupe Gueule – future rue de la Sorbonne -. Le quartier était si mal fréquenté que des grilles avaient été installées à l’entrée et à la sortie de la rue afin de pouvoir la fermer durant la nuit. Fi des mauvais garçons, Sorbon fait racheter le reste du pâté de maisons par Guillaume de Chartres et ouvre son collège. Le collège de Sorbon est née, qui se dote d’une devise, Vivere socialiter et collegialiter et moraliter et scholariter – Vivre en bonne société, collégialement, moralement et studieusement.

Le commentaire de texte constitue la forme d’enseignement dominante, mais il laisse peu à peu la place, dans un climat d’effervescence scientifique, technique et philosophique à la dispute, durant laquelle maîtres et étudiants se portent la contradiction sur une grande question philosophique ou théologique. La dispute perd souvent son sens d’origine au profit de l’actuel : les bagarres y sont fréquentes, souvent contre les prévôts du roi, qui ferme les yeux ne voulant pas de priver par une fermeture intempestive des retombées que lui procure la renommée de l’université. On y vole aussi beaucoup, car la punition est quasi symbolique : payer la tournée. La Sorbonne devra sa renommée à celle de ses anciens élèves, à la richesse de sa bibliothèque, et à l’habileté de Robert de Sorbon pour se tenir à l’écart des querelles entre Dominicains et ordres mendiants – franciscains et capucins -, installés à Saint Germain des prés et sur les pentes de la montagne Sainte Geneviève.

Le rôle essentiel y est joué par l’Eglise : c’est le légat du pape, Robert de Courson, qui lui donne ses statuts. Seul le pape peut fonder un studium generale, c’est à dire une université. Lorsque la Sorbonne ne sera plus sous le contrôle du chancelier de l’évêque de Paris, elle passera sous le contrôle de Rome ! Toutefois, sans le soutien royal, celle-ci n’aurait jamais pu connaître son développement. Elle se subdivisera en facultés : de Droit ou de Décret, de Théologie, et des Arts : Arts mineurs : Grammaire, Rhétorique, Dialectique, et Arts majeurs : Arithmétique, Géométrie, Musique et Astronomie. Il s’en créera d’autres, plus tard, essentiellement à Toulouse – pour éradiquer les restes de sympathie cathare – mais qui ne connaîtront pas le rayonnement de celle de Paris : elle sera un des importants facteurs d’unification du royaume. Cent cinquante ans plus tard, un pape d’Avignon dira son sentiment :

Je souhaite que les hommes instruits abondent dans l’Église de Dieu. Tous ceux que je fais élever et soutiens ne seront pas ecclésiastiques, j’en conviens. Beaucoup se feront religieux ou séculiers ; les autres resteront dans le monde et deviendront pères de famille. Eh bien ! quel que soit l’état qu’ils embrasseront, dussent-ils même exercer des professions à travaux manuels, il leur sera toujours utile d’avoir étudié.

Urbain V, né Guillaume de Grimoard, en Gévaudan.

Bien plus tard, à la Renaissance, elle ne se montra pas à même de s’adapter aux temps nouveaux  et François  I° ouvrira, à deux pas, son Collège royal – futur Collège de France – et les jésuites inaugureront, rue Saint-Jacques, le collège de Clermont – futur lycée Louis-le-Grand.

À Londres, Éléonore, l’épouse du roi Henri III doit interrompre une visite à Nottingham à cause des fumées de charbon.

En Indonésie, sur l’île de Lombok, par 8°24’28″ S et 116°24’51″ E,  le Samalas, un volcan s’élevant à 4 200 mètres, de 8 à 9 km de diamètre explose et s’effondre sous la poussée d’une nouvelle éruption. Le panache volcanique se serait élevé à 43 km… des nuées ardentes auraient fait 25 km. Probablement l’éruption la plus importante des 10 000 dernières années, et pour certains, une des causes du début du petit âge glaciaire. La capitale Pamalan, est engloutie comme l’avait été Pompéi. Ce sont des carottages effectués dans l’inlandsis du Groenland qui nous apprendront cela en 2013, avec une forte teneur en sulfates, teneur que l’on retrouvera dans d’autres carottages en … Antarctique : c’est dire si le cataclysme a concerné la terre entière.

Cette éruption aurait émis environ 40 ± 3 km3 DRE (équivalent roche dense ou magma non vésiculé) de produits volcaniques, volume qui dépasse les 30-33 km3 DRE calculés pour l’éruption du volcan voisin Tambora en 1815, jusqu’alors considérée comme la plus forte des trois derniers millénaires. L’éruption de 1257 a engendré la mise en place de trois unités principales de retombées de ponce qui recouvrent une vaste région (> 120 km de distance) et d’épaisses coulées de ponces qui atteignent une épaisseur de 30 m à plus de 25 km de distance de la caldera. Avec une magnitude de 7, une intensité de 12 et un panache volcanique qui a atteint plus de 43 ± 9 km de hauteur, l’éruption ultraplinienne du Samalas est l’une des plus violentes de l’Holocène. Elle a provoqué l’effondrement des volcans Samalas et Rinjani, formant une vaste caldera (cratère d’effondrement) de 6 x 8,5 km de largeur et d’au moins 800 m de profondeur, aujourd’hui occupée par un lac.

https://www.ipgp.fr/fr/eruption-volcan-samalas-1257

Après son effondrement en 1257, le volcan indonésien Samalas, qui culminait à 4.200 m d'altitude, a donné naissance à la caldeira de Segara Anak. © zulz, Flickr, cc by nc nd 2.0

Après son effondrement en 1257, le volcan indonésien Samalas, qui culminait à 4.200 m d’altitude, a donné naissance à la caldeira de Segara Anak.

Il n’est pas impossible que cette éruption soit à l’origine de la famine qui frappa l’Angleterre l’année suivante, par la simple baisse de l’ensoleillement du aux poussières répandues dans l’atmosphère par l’éruption.

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[1] Acheté pour les uns, offerte par Baudouin pour les autres, en remerciement de son soutien financier… les deux versions étant finalement bien proches. D’autres parlent aussi d’un achat à Venise. La couronne d’épines du Christ, c’est encore Sainte Hélène, mère de Constantin qui l’avait trouvée et rapportée à Constantinople.

[2] Que certains disaient aussi moine de Cîteaux, Jacob ou Job.

[3] À l’instar de bien d’autres mots [Cathares, Routes de la Soie etc…] le terme ne verra le jour que bien longtemps après l’histoire qu’il raconte : à la fin du XVIII°. Jusqu’alors, on parlait de perte, et de restauration.