Publié par (l.peltier) le 19 décembre 2008 | En savoir plus |
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En Chine, Zhang Heng invente le sismoscope, premier sismographe. Il s’agit d’une jarre à vin en bronze, d’environ 2 mètres de diamètre, équipée d’un couvercle et d’un pendule très lourd qui n’est pas affecté par les perturbations locales légères, mais qui réagit à la résonance profonde et très grave d’un tremblement de terre.
Sur les parois de la jarre étaient disposées huit têtes de dragon, dont chacune tenait une boule. Au sol, autour de la jarre, huit crapauds de bronze se tenaient assis, bouche béante. Lorsqu’un tremblement de terre se produisait, la gueule d’un des dragons s’ouvrait et laissait tomber la boule dans la bouche du crapaud situé sous le dragon. Ce dragon qui avait craché la boule indiquait de quelle direction était venu le tremblement de terre, et, comme l’appareil se bloquait alors automatiquement de telle façon qu’aucune boule ne pouvait être libérée, l’information fournie n’était pas modifiée.
Colin Ronan. Histoire mondiale des sciences. Seuil 1988
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Hadrien écrase la révolte de Bar-Kokhba en Judée : les Romains interdisent aux Juifs d’entrer dans Jérusalem, qu’il fait entièrement raser, et sur l’emplacement de laquelle il fera construire une ville interdite aux Juifs. Certains Juifs expulsés de Judée fondent des communautés tout autour de la Méditerranée. C’est le début de la Diaspora. Mais la plupart d’entre eux restèrent en Israël : le nombre des convertis au Christianisme augmenta encore et les Juifs, devenus minoritaires en Palestine, durent s’habituer à vivre au milieu des autres.
Dans chaque pays de cette Diaspora, le judaïsme se reconstitue sur des bases religieuses renforcées. Ce sont les communautés de l’exil qui vont élaborer ces monuments de la pensée juive que sont le Talmud palestinien (III° – IV° siècles) et celui de Babylone (V° siècle), interprétations de la Torah, ou Loi écrite, et réflexions sur sa signification.
L’Histoire du Monde. L’Antiquité. Larousse 1996
138 à 161
Il est des époques où tout le monde il est beau tout le monde il est gentil. Enfin, presque …
Sous Antonin, Rome fut heureuse, et durant vingt-deux ans et demi que vécut cet empereur, le monde entier goûta les douceurs de la paix. Cet empereur parut comme un ange sur la terre. Son affabilité, sa patience, sa piété filiale, sa bonté, ses talens le firent estimer et chérir de tous les peuples. Peut-être devroit-on reprocher à ce vertueux empereur son excessive indulgence pour des philosophes pleins d’arrogance, qui traitoient leur souverain d’égal à égal. La clémence étoit la vertu de son cœur ; il l’exerça même envers des scélérats qui ne rougirent pas de conspirer contre le meilleur des princes : les chrétiens eux-mêmes furent épargnés sous ce règne, et Antonin les prit sous sa protection. Heureuses les nations qui, à cette époque, restèrent tranquilles ! À quelques légers mouvemens près, qui entraînèrent des hostilités passagères, l’Univers jouit du calme le plus parfait ; aussi l’histoire est presque vide d’événemens. La reconnaissance devroit longtemps nous arrêter, et dans ce silence si agréable à l’humanité, notre admiration et notre amour devroient se porter vers le bienfaicteur du genre humain.
M.E. Jondot. Tableau historique des nations. 1808
Le même auteur note néanmoins à la ligne suivante que dans cette période, il y eut trois conciles contre les hérétiques…
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Les Romains laissent à Farasan al-Kabir, l’île principale de l’archipel des îles Farasan, proche de la côte de l’actuelle Arabie Saoudite, en Mer rouge, une inscription sur pierre, faisant mention de la présence sur l’île d’un détachement romain avec pour mission de sécuriser le détroit de Bab-el-Mandeb, un peu plus au sud, entre Mer Rouge et Océan Indien. Ce qui signifie l’existence dès cette époque d’un important trafic entre ces deux mers.
vers 150
Claude Ptolémée, (90 – 168. Sans parenté avec la dynastie des pharaons éponymes, Ptolémée signifie simplement qui vient de l’Égypte, quoi qu’aient pu en penser nos aïeux artistes qui l’ont souvent représenté couronné.) Égyptien de Grèce (ou Grec d’Égypte), devient l’indiscutable père de la géographie moderne, avec la Geographike syntaxis et surtout Syntaxis mathematike. Avec la première, il s’essaie à dresser la carte du monde connu avec latitude et longitude : environ 8 000 villes et lieux recensés ! Il inventa et popularisa les termes de latitude et longitude, il fit accepter le principe d’orienter les cartes le nord vers le haut et l’est vers la droite ; à la suite d’Hipparque, il divisa le cercle de la sphère en 360°, eux-mêmes subdivisés en minutes, puis secondes de l’arc. Il réunit tous les faits disponibles pour prouver la sphéricité de la Terre. Mais il ne se fia guère qu’à ses informations, forcément très limitées, et commit ainsi quelques très grosses bourdes dont la principale concerne la circonférence terrestre : ayant tout d’abord rejeté l’estimation étonnamment précise d’Eratosthène, il calcula que chaque degré mesurait seulement 80 km (au lieu de 111,2), ce qui faisait une circonférence de 28 800 km. Elle comprend donc de nombreuses erreurs, mais à cette époque, c’est la compilation la plus monumentale qui ait été faite.
Avec la seconde Syntaxis mathematike – Composition mathématique – devenu He Megiste Syntaxis – La plus grande composition -, traduit par les Arabes Al Majisti, qui, altéré, devint l’Almageste : – le Grand Livre -. Ce livre marque le sommet de l’astronomie grecque. Il résume et met en relief ce qu’elle a produit de meilleur. L’Almageste devint la base de l’astronomie mathématique jusqu’au XVII° siècle et fut utilisé avec succès par des astronomes de la classe de Copernic et de Kepler.
C’était d’une part un vaste résumé de l’astronomie grecque jusqu’à son époque mais, d’autre part, l’ouvrage contenait aussi les nouvelles découvertes dues à ses travaux originaux sur la théorie des mouvements planétaires, un catalogue des positions des étoiles et une nouvelle table complètes des cordes et des arcs. En utilisant les observations d’Hipparque, celles d’Aristyllus et de Timocharis, deux astronomes alexandrins, ainsi que des données vérifiées d’origine grecque et babylonienne, Ptolémée construisit une description mathématique détaillée des mouvements planétaires et de ceux du soleil et de la lune qui sera la base de toute l’astronomie occidentale pendant les quatorze siècles qui suivront, si ce n’est plus.
Colin Ronan. Histoire mondiale des sciences. Seuil 1988
Après la mort de Ptolémée, le christianisme conquiert l’Empire romain et la majeure partie de l’Europe. Apparaît alors un phénomène d’amnésie scientifique, qui frappera l’Europe entière depuis l’an 300 de notre ère jusqu’à 1 300 au moins. La foi et le dogme chrétien vont entièrement occulter la représentation utile du monde qui avait été si lentement, si péniblement, si scrupuleusement élaborée par les géographes de l’Antiquité. Disparue la soigneuse restitution ptoléméenne des côtes, cours d’eau et reliefs, avec sa grille commode établie d’après les meilleures données astronomiques. Au lieu de cela, quelques schémas rudimentaires – simples caricatures pieuses – proclament la vraie forme de la Terre.
[…] Les géographes chrétiens du Moyen Age consacreront toute leur énergie à donner du monde connu [5], ou supposé tel, une vision bien léchée, théologiquement conforme.
Daniel Boorstin. Les Découvreurs. Robert Laffont. Mars 2000.
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Les Jeux se terminent à Olympie : Peregrinus Proteus, autrefois chrétien, aujourd’hui philosophe païen [3], veut protester contre la corruption généralisée par un geste spectaculaire : il dresse un bûcher, s’y attache et y met le feu : les spectateurs seront nombreux car il y avait encombrement pour quitter Olympie.
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C’est à une valse bien rude et virile que s’invitent Iazyges et Romains de Marc Aurèle sur le Danube gelé. Les Yazyges comptaient venir à bout aisément des Romains lancés à leur poursuite dès qu’ils seraient sur la glace : ils firent alors volte face pour les affronter. En riposte, les Romains se groupèrent en masse compacte, posèrent leur bouclier à plat sur la glace et mirent un pied dessus afin d’éviter le risque de glisser ; ils reçurent ainsi la charge de l’ennemi. Attrapant, les uns, la bride des chevaux, les autres, le bouclier et le bois de la lance des assaillants, ils les attirèrent vers eux ; et en venant ainsi au corps à corps, ils firent tomber à la fois les hommes et les chevaux car, emportés par leur élan, les Barbares ne pouvaient plus éviter de glisser. Les Romains glissaient aussi, mais ceux qui tombaient sur le dos, entraînaient leur adversaire au-dessus d’eux tandis que ceux qui tombaient en avant se jetaient positivement à bras raccourci sur leurs antagonistes qui avaient chu les premiers. En effet les Barbares, qui n’étaient pas habitués à cette forme de combat et qui étaient équipés à la légère, étaient incapables de résister ; si bien que rares furent les membres de cette troupe importante qui réussirent à s’échapper.
Dion Cassius
Marc Aurèle sera récompensé pour cette victoire et quelques autres du titre de Sarmaticus (Sarmates et Yazyges étaient très proches cousins).
vers 170
Né de parents grecs à Pergame en Asie Mineure sous le règne d’Hadrien, Galien, (131 – 201) devint médecin, obtenant le poste convoité de médecin des gladiateurs ; il est aussi l’un des écrivains les plus prolifiques de l’époque, – près de 500 ouvrages – exhortant ses confrères à apprendre par l’expérience et à concentrer leurs efforts sur l’acquisition des connaissances utiles à la guérison des malades. Et le corps médical finit par faire de Galien la référence unique, éditant un corpus canonique de 16 ouvrages, dont l’autorité traversera tout le Moyen Age et grandira encore avec l’arrivée de l’impression, 13 siècles plus tard : 10 000 pages, dans l’édition de référence. En 192, il vit partir en fumée une bonne part de ses œuvres lors d’un incendie de Rome… il n’y avait pas de copie : il se remit à l’ouvrage… et légua à la postérité la totalité de ses écrits avant de mourir. La première édition de ses œuvres complètes sortira des presses Alde à Venise en 1525. Il a décrit 473 plantes et les a classées dans des familles thérapeutiques : astringentes, diurétiques, émollientes. Il va laisser son nom à l’art de la préparation médicinale des plantes : la galénique, laquelle est devenue aujourd’hui très confidentielle, beaucoup plus de toutes façons que le nom de son père.
Et pourtant… le champ n’était pas vraiment libre en matière de dissection, car interdite par le droit romain, et en la matière, Galien dû se contenter d’observations sur les blessures des gladiateurs ; 2 fois seulement, il pût observer un squelette, pour l’un dépouillé de sa chair par des oiseaux de proie, pour l’autre, nettoyé par les eaux d’une rivière. Pour tout le reste, toutes ses observations se faisaient sur des singes pour l’anatomie externe et sur des porcs [7] pour l’anatomie interne. Et bien sur, il faisait siennes les connaissances des anciens, par exemple Érasistrate, qui lui-même avait repris celles d’Aristote. Celui-ci recommandait que pour étudier la distribution du sang dans un animal, il fallait l’étrangler avant la dissection pour ainsi pouvoir retenir le sang à l’intérieur du corps. Ce faisant, le coté gauche du cœur et les artères étaient pratiquement vides de sang, et ces dernières apparaissant comme des tubes vides. Erasistrate utilisa alors ce vide pour dire que le pneuma venu des poumons empruntait la voie des artères vides ! on était parti pour des siècles de fourvoiement et d’erreur.
vers 170
Les persécutions des chrétiens sont à leur apogée : Si l’on avait toujours observé les prescriptions de Trajan, interdisant toute initiative à ses fonctionnaires, ou d’Hadrien, exigeant une accusation en règle et ordonnant la punition des calomniateurs, les martyres auraient été fort peu nombreux. La plupart, dans les provinces, sont dus à des mouvements populaires : Polycarpe de Smyrne en 155, les martyrs de Lyon en 177, ceux de Scillium en Afrique en 180 furent victimes des fureurs de la foule qui pesa sur les autorités judiciaires. Il y avait donc une hostilité très vive à l’égard des chrétiens : ils passaient pour athées, parce qu’ils n’adoraient pas les dieux de tout le monde ; pour ignorants et incultes, parce qu’ils se recrutaient surtout parmi les humbles ou les esclaves ; pour magiciens, débauchés, voire meurtriers et anthropophages, parce que leurs cérémonies clandestines étaient mal comprises ; pour mauvais patriotes, parce qu’ils mettaient leur salut personnel et le souci du royaume de Dieu au-dessus de toutes les préoccupations temporelles. Les apologistes tentent, depuis le milieu du II° siècle, de réfuter ces calomnies ; mais les préjugés sont tenaces et la haine du nom chrétien est précisément renforcée à cette époque par les malheurs publics qui marquent le règne de Marc Aurèle, tremblements de terre, épidémies, invasions. Les exécutions en masse des chrétiens lyonnais et scillitains semblent bien en liaison avec ces événements.
Jean Rémy Palanque. L’empire universel de Rome. 1956
vers 180
Irénée, évêque de Lyon, écrit Contre les hérésies, dénonciation virulente de tout ce qui ne marche pas droit dans le sillage de l’Église catholique. Parmi les cibles, un groupe vouant un culte à Judas, qui se réclame d’une histoire fictive qu’ils appelaient l’Évangile de Judas. Donc Irénée avait connaissance du texte original de l’Évangile de Judas, écrit probablement autour de 150. On n’en entendra plus parler jusqu’en mai 1983 quand on le retrouvera… à la vente dans une chambre d’hôtel de Genève. Un marchand égyptien en avait trouvé quelques années plus tôt une copie en copte rédigée entre 220 et 340, sur les bords du Nil, un peu au nord d’El Minya, l’avait alors revendu à un autre marchand du Caire lequel tentera de le vendre à Genève. Pendant 17 ans, le manuscrit aura une vie chaotique, passant de mains en mains, jusqu’à arriver en 2000 dans celle de Frieda Nussberger-Tchacos, suissesse qui en confiera la traduction à Rudolphe Kasser, spécialiste suisse du copte. Dans ce texte, Jésus dit à Judas : Tu sacrifieras l’homme qui me revêt […]. Lève la tête, et regarde ce nuage et la lumière à l’intérieur et les étoiles tout autour. L’étoile qui monte le chemin est ton étoile. Judas n’est plus un traître, mais le héros qui n’a fait qu’obéir aux injonctions de son maître, se faisant le bras du dénouement. Jésus le prévient : Tu seras maudit.
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Un vent de révolte souffle sur la Chine contre le pouvoir des derniers Han : celle des Cinq boisseaux de riz et surtout celle des Taiping – les Turbans jaunes – qui parviendront à rassembler jusqu’à 360 000 rebelles, lesquels tiendront tête pendant 8 ans à toutes les armées.
vers 190
L’Athénien Clément fonde à Alexandrie la première école de théologie, dont l’Égyptien Origène prendra la suite, en restant toujours un peu border line pour l’Église qui condamnera certaines propositions de ses nombreux traités ; mais surtout il avait triché avec la chair en se faisant émasculer pour ne pas connaître la tentation, et ça, c’est pas de jeu ! Il mourra des suites des persécutions du temps de Dèce. À Rome, on dresse de son vivant au prêtre Hippolyte une statue qui reprend les titres de ses premiers ouvrages. L’Africain Tertullien défend sa foi contre les païens, les juifs et les agnostiques.
Plus importante est la longue évolution qui conduira à assimiler le péché originel au péché de chair. Dans la Genèse, le péché originel est un péché de l’esprit qui consiste à concevoir l’appétit de connaître et à désobéir à Dieu. Dans les Évangiles, il n’y a aucune déclaration du Christ sur le péché originel. Clément d’Alexandrie [v. 150-215] est le premier à avoir rapproché le péché originel de l’acte sexuel. Certes, d’après la Genèse, les principales conséquences du péché originel étaient la perte de la familiarité divine, la concupiscence, la souffrance (dans le travail pour l’homme, dans l’enfantement pour la femme), la mort. Mais c’est Augustin qui lia définitivement péché originel et sexualité par l’intermédiaire de la concupiscence. À trois reprises, entre 395 et 450, il affirme que la concupiscence transmet le péché originel. Depuis les enfants d’Adam et Eve, le péché originel est légué à l’homme par l’acte sexuel. Cette conception deviendra générale au XII° siècle, sauf chez Abélard et ses disciples. Dans la vulgarisation opérée par la plupart des prédicateurs, des confesseurs et des auteurs de traités moraux, le glissement ira jusqu’à l’assimilation du péché originel au péché sexuel. L’humanité a été engendrée dans la faute qui accompagne tout accouplement à cause de la concupiscence qui s’y manifeste forcément.
Jacques Le Goff. Un autre Moyen Âge. Le corps. Quarto Gallimard 1997
À quelques dizaines de kilomètres au nord de l’actuel Mexico, à Teotihuacán s’épanouit une civilisation qui dresse d’immenses pyramides aux dieux qu’elle révère : le Soleil et la Lune : celle qui est consacrée au Soleil fait 220 mètres sur 225, 63 mètres de haut. Dans son axe s’alignent d’autres pyramides, le long de l’allée des Morts, 1 700 mètres de long sur 40 de large, le tout sur un axe strictement nord-sud. La stèle de Hauberg, datée de 199, est le plus ancien document maya connu. Ils établirent des réseaux commerciaux, des relations diplomatiques, politiques et militaires en particulier avec Monte Albán et plusieurs villes mayas. Tout cela ne sera mis à jour qu’au XIX° : ni les Aztèques ni Cortès n’en auront connaissance.
L’arrivée de la robotique dans l’archéologie va en accélérer considérablement les progrès. L’archéologie n’a certes jamais dans ses budgets la puissance financière qui est à la disposition des ingénieurs qui conçoivent les merveilles pour Mars ou la Lune, mais ils sont tout de même parvenus à créer de très beaux outils. Le premier robot, baptisé Tlaloque I – chemin sous la terre, en nahuatl -, 25 cm de haut, 40 cm de large, télécommandé, est doté de quatre roues motrices et de deux caméras infrarouges qui pivotent sur 360 degrés. C’était la deuxième fois dans l’histoire de l’archéologie qu’un robot était utilisé pour des fouilles après celles de la pyramide de Khéops, en Égypte commente M. Gomez. Une seconde version plus perfectionnée, Tlaloc II-TC, prend le relais en avril 2013. Capable de se déplacer sur des reliefs très accidentés, son véhicule tout terrain se faufile dans cette cavité, inaccessible pour l’homme. Mieux, le dispositif transporte un petit robot-insecte indépendant qui s’avance sur quatre pattes, en les dépliant telle une araignée. Équipée d’une caméra infrarouge, d’un drone vidéo et d’un scanner laser, cette merveille de technologie fournit des cartes détaillées en trois dimensions du tunnel. Nos hypothèses initiales portaient sur la présence d’une seule chambre funéraire au fond du conduit, mais le robot nous a fait la surprise d’en détecter trois.
Curieusement, les batteries d’ordinateurs se déchargent très vite. Ce mystère a été levé par un physicien nucléaire qui a détecté des doses anormalement élevées de radon affectant nos appareils électroniques, raconte M. Gomez. Ce gaz très toxique et cancérigène est issu de la décomposition de l’uranium. Il se rencontre souvent en explorant des pyramides fermées depuis des siècles. Mais là, le radon était très concentré, comportant plus de 900 particules par mètre cube quand la norme internationale est à 200.
Autre nouveauté technologique, le lidar, [Laser I Detection And Ranging – Détection et estimation de la distance par la lumière] un radar embarqué sur un avion, dans lequel les ondes radio sont remplacées par des impulsions laser, qui gomment la végétation d’une zone en mettant en valeur le bâti qu’elle masque ; ainsi, dans les années 2010, il a balayé une zone de 95 000 km², à cheval sur le Mexique, le Guatemala et Belize. Sur une surface de 2 144 km² de forêt, le lidar a lancé 33,5 milliards de coups de sonde au laser et enregistré le total éberluant de 61 480 structures humaines anciennes ! Cela signifierait des densités d’habitat de l’ordre de 80 à 120 habitants/km² ! [118 hab./km² pour la France en 2016] Le principal problème révélé par ces découvertes est qu’il fait découvrir l’importance du pillage, faisant dire à un archéologue que les pilleurs connaissent les sites archéologiques beaucoup mieux que les archéologues.
Le site de Teotihuacán avait commencé à être fouillé dès 1675, et jusqu’à une époque récente, seulement 5 % de cette ville qui s’étend sur plus de 23 km², avait été fouillé : trois pyramides trônent aujourd’hui sur les ruines, dont la construction aurait débuté aux environs de 200 avant notre ère. À son apogée, vers 450 après J.C., Teotihuacán en aurait compté plus d’une centaine, de tailles diverses aux angles de rues. Avec 150 000 à 200 000 habitants, elle était l’une des plus grandes agglomérations du monde. Durant des siècles, la civilisation des Teotihuacános a prospéré avant de s’effondrer de manière mystérieuse à partir de 650 après J.C.
L’abandon de Teotihuacán par ses habitants pourrait être lié à une révolte contre les élites dans une société avec de fortes inégalités sociales, à une sécheresse ou à une chute de la production agricole due à la destruction des ressources naturelles par la surpopulation.
L’origine ethnique de ces bâtisseurs de génie est très diversifiée : la ville comportait des quartiers distincts pour les Zapotèques, Mixtèques, Totonaques, Mayas et peuples nahuas. Les Aztèques l’ont découverte plusieurs siècles après sa chute, lui donnant le nom nahuatl de Teotihuacán, qui signifie cité des dieux ou lieu de naissance des dieux. La ville a été conçue comme une représentation de l’Univers avec une région céleste, une autre terrienne et une troisième souterraine. Baptisée allée des Morts, l’avenue principale constitue un axe nord-sud, bordé de temples et de palais. À son extrémité nord, la pyramide de la Lune se dresse à 46 m de hauteur. Un peu plus loin à l’est, celle du Soleil culmine fièrement à 65 m. C’est l’une des plus grandes de Méso-Amérique. Construite en roche volcanique, elle forme un carré de 225 m de côté.
En face, une grande artère croise l’allée des Morts, formant un quadrilatère à la symétrie rigoureuse. Vers le sud, à l’intersection avec une autre avenue, la Citadelle est une enceinte de dizaine de milliers de mètres carrés, qui délimite une immense esplanade où trône le temple du Serpent à plumes. Ce dernier affiche sur sa façade d’énormes têtes de reptiles entourées d’une collerette de plumes. Le Serpent à plumes est une entité sacrée à laquelle se référaient les dirigeants pour légitimer leur pouvoir religieux et politique à la fois,
[…] Cette grande esplanade sacrée a été construite pour être régulièrement inondée par les pluies, soutient M. Gomez. Le sanctuaire représentait un scénario rituel permettant aux habitants de revivre le mythe de la création du monde. La pyramide représente la montagne qui émerge de la mer à l’origine de l’humanité. Dessous, une grotte artificielle conduit à l’inframonde. Ce monde souterrain a sa propre géographie avec un ciel, des rivières et des lacs qui communiquent entre eux jusqu’à la mer.
Chaque bâtiment édifié semble parfaitement orienté nord-sud. Mais en réalité, tous sont désaxés de 15° 25′ vers l’est. La signification de cette orientation reste un mystère, confie M. Gomez. D’autant que, aux environs de 100 après J.C., les Teotihuacános ont détruit une grande partie de la ville pour changer son axe de 3 degrés sans raison apparente.
Pourtant, rien ne semble avoir été laissé au hasard par les talentueux architectes d’une des sociétés les plus complexes de l’époque. L’absence de fortifications et de structures militaires a longtemps laissé penser aux archéologues que les Teotihuacános étaient un peuple pacifique. Mais la découverte de restes humains, pieds et mains liés derrière le dos, prouve le contraire. Les habitants de Teotihuacán pratiquaient des sacrifices humains dans le contexte d’une guerre ou d’une consécration religieuse pour obtenir les faveurs d’une divinité et ainsi assurer la prospérité de la ville. De nombreuses peintures murales illustrent ces pratiques, servant de propagande d’État pour légitimer l’autorité des élites et les rituels sacrificiels. Plusieurs tombes et tunnels ont été découverts, notamment sous les pyramides de la Lune et du Soleil, mais jamais celle d’un dirigeant, explique M. Gomez.
Résumé de Frédéric Saliba. Le Monde du 14 01 2014
31 12 192
Marcia première parmi les maîtresses de l’empereur Commode découvre sa présence sur une longue liste de personnes à trucider : Voilà le prix de ma tendresse et de la longue patience avec laquelle j’ai supporté tes brutalités et tes débauches ! Mais il ne sera pas dit qu’un homme toujours enseveli dans le vin préviendra une femme sobre et qui a toute sa raison. Et de se décider pour l’empoisonnement, dès la première coupe du diner. Mais l’homme était robuste : après un petit roupillon, il se réveilla pour vomir. Il fallut faire appel à Narcisse, son esclave entraineur au combat pour l’étrangler dans son bain et ainsi en finir avec la dynastie des Antonin.
203 à 211
Persécutions de chrétiens en Égypte et en Afrique.
208
Xian, empereur de Chine, de la dynastie des Han, subit l’ascendant de son ambitieux premier ministre Cao Cao, qui veut étendre le territoire de l’empereur vers le sud, et s’asseoir sur le trône. Le petits royaumes du sud, Shu et Wu s’unissent pour se dresser contre lui et l’affronter sur la rive du Yangsi. C’est la bataille de la Falaise Rouge, rendue célèbre dans toute la Chine [1] du XIV° siècle par Luo Guanzhong dans L’épopée des trois royaumes. En 2009, le chinois John Woo vivant à Hong Kong, en fera un film à grand spectacle où la victoire des deux petits royaumes sur Cao Cao est rendue possible grâce à un mage à même de dire bien précisément comment va évoluer la météo !
212
Tous les habitants libres de l’empire deviennent citoyens romains : ainsi le veut l’édit de Caracalla. Cela vaut donc aussi des Juifs, que leur richesse de grands commerçants avait fait bénéficier de nombreux privilèges sous César, puis Auguste et Tibère.
Avant cette date, les hommes libres se répartissaient en deux groupes : les citoyens romains et les pérégrins. Depuis la grande guerre sociale (90-88 av J.C.), les citoyens romains sont les descendants des habitants de l’Italie, tous assimilés aux citoyens de Rome. S’y ajoutent les individus qui ont acquis cette citoyenneté romaine dans les provinces par différents moyens. L’octroi individuel par le Sénat de Rome ou par l’empereur, à partir d’Auguste, comme c’est le cas, par exemple pour les rois clients de Rome (Hérode est ainsi un Caius Julius Herodes) est le plus rare et le plus huppé. Il reste réservé aux grands notables des provinces. Avec le temps, presque touts les titulaires des magistratures civiques dans les cités de Grèce, d’Asie Mineure, d’Afrique, d’Espagne, semblent en bénéficier. Mais les notables ne sont pas seuls à entrer dans la citoyenneté. Les habitants des colonies romaines sont également citoyens ; si, à l’origine, les colons sont des citoyens à qui on donne des terres confisquées à des indigènes, à partir du II° siècle les colonies sont pour l’essentiel des cités indigènes promues à ce titre, dont tous les habitants libres deviennent de ce fait citoyens. On peut encore ajouter les soldats qui servent dans les unités auxiliaires de l’armée romaine : lors de la démobilisation, ils deviennent pleinement citoyens. Or, beaucoup se recrutent chez les peuples les moins romanisés de l’empire, les Thraces, les Germains, les Hispaniques du Nord-Ouest. Dans ces conditions le nombre de citoyens romains augmente rapidement, mais le pourcentage par rapport à la population varie beaucoup selon les provinces : il est nettement plus élevé en Gaule (surtout en Narbonnaise), en Espagne, en Afrique ou dans le bassin égéen qu’en Syrie, en Arabie et surtout qu’en Égypte. Tous les autres habitants sont des pérégrins, c’est-à-dire des sujets de l’Empire, généralement citoyens d’une communauté locale, une civitas en Occident, une polis dans la partie hellénophone. Ils relèvent du droit de leur communauté et ne paient pas certains impôts dus par les citoyens romains, comme le vingtième (c’est-à-dire 5 %) sur les héritages.
[…] Lorsque, au moment des invasions germaniques, de nouveaux maîtres venus du nord, s’imposèrent en Gaule comme en Espagne ou en Italie, on vit de confronter deux aristocraties, la nouvelle, germanique, l’ancienne, romaine, qui était selon les lieux de culture gauloise, hispanique ou italienne, mais pouvait partout se revendiquer comme romaine. La formidable machine à intégrer que constitua l’Empire romain fonctionna donc en Gaule comme ailleurs, en dépit des efforts de l’historiographie ultérieure pour distinguer la Gaule au sein de cet ensemble à la fois juridiquement uniforme et culturellement diversifié.
Maurice Sartre. Histoire Mondiale de la France, sous la direction de Patrick Boucheron et 132 auteurs encadrés par Nicolas Delalande, Florian Mazel, Yann Potin, Pierre Singaravélou. Seuil 2018
215/216
L’empereur Caracalla est en visite à Alexandrie qui le reçoit avec les honneurs dus à son rang. Mais il s’y livre à plusieurs massacres successifs pour différentes raisons, l’une d’entre elles étant une satire à son endroit.
Les massacres furent si épouvantables que les flots de sang, traversant l’esplanade, allèrent rougir l’embouchure, pourtant très vaste, du Nil
Hérodien
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Calliste a été simple esclave, puis est devenu banquier tout en restant esclave – ce n’était pas exceptionnel -, puis s’est enfui pour une raison inconnue ; repris, il est envoyé dans les mines de plomb de Sardaigne d’où le sortira Marcia, chrétienne et favorite de l’empereur. Le pape Victor le prend alors sous sa protection, le pape Zéphyrin lui confie la gestion du cimetière souterrain de la Via Appia – les catacombes de San Callisto – et, à sa mort, Calliste est élu évêque de Rome – on ne parlait pas encore de pape : c’est le 16°. Il va le rester 5 ans au bout desquels il mourra en martyr au cours d’une émeute. On lui reprochera son laxisme, lequel consistait à accueillir les pêcheurs dans son église, à accepter le mariage des prêtres en secondes ou troisième noces, et à bénir le mariage d’une femme libre avec un homme de n’importe quelle condition, ce qui élargissait les conditions restrictives des noces conformes au droit, seules susceptibles de donner des enfants légitimes.
vers 250
Mani de Babylone (216-277) fonde le manichéisme (qui lui vaudra la mort), selon lequel coexistent et s’opposent éternellement un principe bon et lumineux et un principe mauvais et obscur ayant chacun son domaine et chacun sa création
Pelliot
Un ange parla à Mani : Je t’ai montré peu à peu ce qui est caché à la plupart. Mais tu pourras contempler ce mystère de la façon la plus merveilleuse et la plus claire. Alors l’ange se retira de ma présence. Vie de Mani, Codex manichéen de Cologne (V° siècle). Cet enfant qui, à l’âge de 12 ans, reçoit une révélation par un ange qu’il appelait son jumeau descendu de la terre de la Lumière, porte le nom de Mani (216-276 ou 277). Il est le fondateur d’une nouvelle religion, le manichéisme, qui pénétra aussi bien l’Iran que l’Empire romain, puis, au fil des siècles et à la recherche de nouveaux horizons, se fraya un chemin vers l’Asie centrale et la Chine.
Mani est né en Babylonie du Nord, dans le village de Mardinu. À l’âge de 4 ans, l’enfant suit son père, Patteg, un ancien adorateur des idoles d’origine parthe, pour vivre avec lui dans une communauté baptiste qu’il avait intégrée, dans les marécages de la Basse Mésopotamie. Cette communauté judéo-chrétienne repliée sur elle-même se caractérisait par un rigorisme extrême : pas de rapports sexuels, pas de viande ni de vin.
Selon l’encyclopédiste arabe Ibn Al-Nadim (X° siècle), elle s’inscrivait dans la mouvance des mugtasilah, ceux qui se lavent, équivalent du grec baptistai – nom qui désignait ceux qui croient dans le pouvoir purificateur de l’eau. Dans la communauté où échoue Mani, outre les ablutions rituelles, on plongeait dans l’eau (baptizein, en grec) tout ce que l’on mangeait, croyant que ce baptême des aliments purifiait du même coup ceux qui s’en nourrissaient.
L’enfant Mani est à l’étroit dans ce groupe étriqué. Il trouve refuge dans les paroles de son jumeau céleste ainsi que dans les visions merveilleuses qu’il reçoit, dessinant les contours de cette terre de Lumière d’où provient l’âme et où elle tend à retourner. Agé de 24 ans, il reçoit de nouveau la visite de son jumeau, qui lui communique la totalité de la révélation, lui enjoignant de quitter le groupe baptiste et d’aller diffuser sa doctrine.
Ce départ ne se fait pas sans heurts. Soumis à un procès par les chefs de la communauté, Mani leur expose sa pensée. Pour lui, la pureté ne s’obtient aucunement par des ablutions mais en séparant et en distinguant en soi-même, comme dans l’univers, ce qui appartient à la lumière et ce qui appartient aux ténèbres – c’est le fondement de la religion manichéenne -, contestant ainsi les croyances qui cimentaient la secte. La sentence tombe : Mani est un faux prophète. Il s’éloigne alors sans tarder, suivi par son père. La grande aventure de ce que Mani appelle la doctrine des Deux Principes et des Trois Temps peut commencer.
Les Deux Principes sont la lumière et les ténèbres, le bien et le mal, coéternels et opposés. Les Trois Temps sont, en premier lieu, celui de leur séparation avant la création du monde, les Deux Principes étant chacun en son royaume. Ensuite est venu le temps du mélange, le plus tragique : les ténèbres envahissent la lumière et des particules lumineuses sont englouties par les entités du mal, qui les emprisonnent dans la création. C’est de ce conflit qu’est né l’homme, dont le corps est matériel, tandis que son esprit appartient au royaume de la lumière. Un combat colossal s’engage alors entre les deux camps. Surviendra enfin la séparation définitive : la lumière purifiée remontera dans son royaume par un complexe système cosmique de filtrage, et ce qui reste des ténèbres brûlera pour l’éternité aux enfers.
Mani revêt cette doctrine de mythes élaborés, foisonnant d’entités à même de susciter l’intérêt. Il l’illustre également par l’image : peintre raffiné, poète et même habile médecin – traits soulignés par la tradition orientale -, le prophète peint les moments clés du mythe dans un livre fait de planches en bois (l’Ardahang, image en perse), l’original a été détruit lors d’une persécution, qui eut un grand retentissement et fut maintes fois reproduit pour la propagande de la nouvelle religion.
Cette doctrine dualiste cherche à fournir une réponse au problème de l’existence du mal. Mani la met lui-même par écrit – il écrivit neuf livres dont des fragments sont parvenus jusqu’à nous -. Les prophètes qui l’ont précédé – Zoroastre, Bouddha et Jésus – n’ayant rien mis par écrit, il estime en effet qu’ils ont laissé la porte ouverte à des déformations de leur pensée.
La doctrine de Mani, loin d’être simpliste, se révèle nourrie par la science de son temps ainsi que d’éléments puisés au patrimoine culturel et religieux des mondes iranien et gréco-romain. La voulant universelle, Mani y intégra des motifs empruntés à d’autres religions, notamment le zoroastrisme, le bouddhisme et le christianisme. La figure de Jésus, un Jésus Splendeur exclusivement spirituel, occupe par exemple une place majeure dans son système.
En quittant le groupe baptiste, Mani entreprend une série de voyages pour porter son message dans les quatre contrées du monde. C’est d’abord l’Iran qu’il vise, où il commence à fonder des communautés. En 253, il obtient une audience auprès du roi Shabuhr I° qui lui permet de prêcher librement sa religion, sans toutefois s’y convertir. C’est pour le souverain sassanide que Mani écrivit son seul livre en pehlevi, le Shabuhragan, où sont consignées les grandes articulations de sa religion. Il écrivit ses autres livres en araméen oriental.
Organisateur hors pair, Mani envoie dans les diverses provinces de l’Iran des groupes missionnaires constitués de disciples polyglottes, de scribes et de calligraphes : les livres (les siens) et l’image – c’est la grande intuition de l’Illuminateur, comme il se qualifiait lui-même, très en avance sur son temps – deviennent les piliers de la diffusion de sa religion.
Mani structure son Église (qu’il appelle son Espérance) en deux classes : les élus et les auditeurs – autrement dit les religieux et les laïcs. Les premiers (hommes et femmes), entièrement dédiés à la prière, au chant, à la méditation et à la prédication, sont astreints à une vie ascétique ; les seconds doivent eux aussi respecter un code moral, certes moins exigeant, et fournir nourriture et assistance aux élus.
Entre-temps, des disciples sont envoyés en Mésopotamie, en Égypte et pénètrent dans l’Empire romain. Successivement, la religion se diffuse en Palestine, puis en Afrique du Nord.
Après la mort de Shabuhr, la situation va pourtant se gâter en Iran : poussé par le chef du clergé mazdéen, Kirdir, le roi Vahram II convoque Mani à Beth Lapat (Susiane), l’accablant d’accusations sans fondement pour s’en débarrasser. Mis au supplice des chaînes, Mani meurt d’épuisement en prison en 276 ou 277. Sa souffrance, mythifiée en passion, est devenue l’objet d’une commémoration annuelle : la fête du Bêma.
Si les persécutions laminent la religion de lumière en Iran, il en va de même dans l’Empire romain, où elle s’est répandue rapidement. À partir de la moitié du IV° siècle, les Pères de l’Eglise écrivent des réfutations acérées contre Mani, qu’ils voient comme un imposteur et un charlatan, et taxent d’hérésie sa pensée dualiste. Parmi eux, Augustin d’Hippone, futur saint Augustin, qui adhéra au manichéisme une dizaine d’années à partir de 373 avant de se rallier à la Grande Église.
D’importantes découvertes de textes écrits par les manichéens eux-mêmes – mis au jour en Égypte, au Fayoum, vers 1930, et dans les années 1980 à Kellis (oasis de Dakhleh) – donnent un aperçu direct de leur pensée et de leur mode de vie, connus jusqu’alors exclusivement par le prisme déformant des controversistes.
Quant à l’État romain, il commence à légiférer contre les manichéens à partir de Dioclétien (édit de 297) : à cause de ses racines perses, le manichéisme est considéré comme la religion de l’ennemi par excellence de Rome, et les manichéens des espions au service du roi des rois. Progressivement déchus de leurs droits civiques, bannis des villes, privés de leurs biens, torturés, ils voient leurs livres brûlés et subissent, dans certains cas, la peine capitale.
Le manichéisme meurt-il pour autant ? Subissant revers et persécutions dans les deux empires ennemis, perse et romain, il se fraie pourtant un chemin vers l’Asie centrale et parvient jusqu’en Chine. Bien plus tard, Marco Polo raconte avoir rencontré des manichéens dans le port cosmopolite de Quanzhou, au Fujian, en 1292.
De cette expansion vers l’Est témoignent d’extraordinaires découvertes de manuscrits en moyen perse, en sogdien et en vieux turc (ouïghour) retrouvés au début du XX° siècle à Tourfan (Turkestan chinois ou Xinjiang). On y exhuma également des peintures et des fresques majestueuses, œuvres d’artistes accomplis, la peinture étant l’un des moyens d’expression privilégiés des manichéens.
Sur le site proche de Chotcho, les vestiges d’une riche bibliothèque manichéenne sortirent de l’oubli, tout comme à Bazaklik avec des textes en plusieurs langues, des livres ainsi que des rouleaux finement calligraphiés. Autre découverte impressionnante : en 1907 fut exhumée à Dunhuang (province chinoise du Gansu), dans les grottes des Mille Bouddhas, une cache remplie de textes manichéens qui y avaient été entreposés avant que la grotte ne soit murée, en 1035. Le savant Paul Pelliot parvint à acquérir, pour la Bibliothèque nationale de France, un précis de doctrine manichéenne traduit de l’iranien en chinois.
Pour étoffer ses chances de réussite dans l’expansion vers l’Est, le manichéisme se revêt d’éléments bouddhiques, tandis que la figure de Mani reçoit l’appellation de Bouddha de Lumière. La religion est librement prêchée en Chine à partir de 732, comme le statua un édit impérial. Le manichéisme y survécut longtemps par le biais de l’art : un fructueux syncrétisme entre l’art manichéen et les modèles iconographiques chinois s’opéra au fil des siècles. Certaines peintures retrouvées, dont un cycle sur soie, datent du XV° siècle. En outre, une statue représentant très probablement Mani a été conservée dans les vestiges d’un ancien monastère manichéen sis près de Quanzhou.
Si l’on se tourne vers l’Occident, la question de possibles survivances du manichéisme mérite d’être soulevée. Deux courants dualistes se développent en effet dans l’Empire byzantin. Celui des pauliciens, qui prend naissance en Arménie au VII° siècle, se répand durant les deux siècles suivants dans les territoires de l’Empire ; celui des bogomiles s’étend de la Bulgarie aux Balkans au X° siècle. La doctrine, la pratique et les mythes de ces deux mouvements religieux ont sans doute des points communs avec le manichéisme, sans que l’on puisse dégager une influence directe du système de Mani, bien plus complexe, ou une utilisation des écritures manichéennes.
Quant aux cathares (katharos, pur en grec), certaines similitudes sont frappantes tant sur le plan cosmologique qu’anthropologique : de la croyance en deux entités opposées au comportement ascétique des purs, jusqu’à certains éléments du rituel. Le manichéisme aurait-il ressurgi, de façon souterraine, dans ce mouvement si présent dans le Midi de la France médiévale ? Si cette éventualité apparaît certes fascinante, il manque les jalons historiques qui permettraient de prouver clairement une filiation entre les manichéens de la fin de l’Antiquité et les cathares du Moyen Age.
Madeleine Scopello. Le Monde du 27 08 2021
250
L’empereur Dèce, d’origine illyrienne, prend un édit qui contraint tous les habitants de l’empire à assister aux cérémonies sacrées de la religion traditionnelle et à conserver ensuite le certificat de présence.
258
L’empereur Valérien prend deux édits qui interdisent le culte, puis la profession même du christianisme, sous peine de mort pour le clergé et pour les fidèles des classes supérieures. St Cyprien, évêque de Carthage – Nul ne peut avoir Dieu pour Père s’il n’a l’Église pour Mère – est martyrisé, mais aussi les papes [5] Fabien et Sixte à Rome, les évêques Saturnin à Toulouse et Denys à Paris. On comptait alors 150 évêchés en Afrique du Nord, surtout concentrés dans les environs de Carthage et en Byzacénie, l’actuelle Tripolitaine. L’Église copte d’Égypte datera son histoire, non en fonction de la naissance du Christ, mais de l’ère des martyrs, qui commencera en 284 de l’ère chrétienne.
Parti combattre les Perses, Valérien sera battu à Edesse et fait prisonnier : Gallien demeure seul empereur [6] .
260
Sept ans plus tôt, Francs et Alamans ont forcé la frontière gauloise, poussant leurs avancées jusqu’au bas Rhône et à l’Espagne. Le désordre et la peur s’installent en Gaule, à tel point qu’un officier gaulois, Postumus, est proclamé empereur par ses troupes, pour repousser l’envahisseur ; et cela marcha plutôt bien – Rome commença par fermer les yeux -, et ce dernier parvint à rétablir l’ordre en Gaule, en Espagne, en Bretagne ; quelques années plus tard, il poursuivait les envahisseurs outre Rhin : malheureusement, il provoqua le mécontentement de ses troupes en leur refusant le pillage de Mayence : il fût assassiné et Mayence pillée.
Chahpuhr I°, Roi des rois, de la dynastie des Sassanides, inflige une lourde défaite à Antioche à l’empereur Valérien qui est fait prisonnier, emmené en Iran et tué : sa peau est suspendue dans un temple après avoir été teinte en pourpre.
vers 260
Le Chinois Pei Xiu (224 – 271) réalise une représentation cartographique de la Chine en 18 feuilles, une par territoire vassal de l’empereur : il a adopté le système du quadrillage. L’usage du thé se répand dans les cours chinoises : les lettrés de Luoyang, capitale de Cao Cao et de ses fils, en font une grande consommation. Il serait venu des pays barbares : c’est peut-être pour ne pas reconnaître cela que les Chinois inventèrent une légende le faisant remonter à Shen Nung, 3 000 ans plus tôt.
269
La belle et impitoyable reine Zénobie de Palmyre provoque un incendie dans la Bibliothèque d’Alexandrie. [l’italique est là pour dire que ce n’est qu’un surnom : Zénobie avait épousé Odenath, un notable de Palmyre, sénateur romain, qui s’était fait roi après avoir chassé le roi des rois sassanide].
De nouvelles recherches menées à l’aide d’images de satellites espions récemment rendues publiques ont révélé les traces probables, dans les déserts de Syrie et d’Irak, de près de 400 forts de l’époque romaine inconnus jusqu’à présent.
Récemment rendues publiques, des photographies prises au Moyen-Orient par des satellites espions de la guerre froide ont révélé ce qui pourrait être des centaines de forts romains jusqu’alors inconnus dans les déserts de Syrie et d’Irak, une découverte qui suggère que l’ancienne frontière qui séparait les Romains et leurs ennemis de l’est était en réalité un lieu d’échange culturel, et non un lieu de guerre permanent.
Jusqu’à présent, dans cette région, les chercheurs ne connaissaient les vestiges que d’une centaine de forts, principalement construits par l’armée romaine aux 2° et 3° siècles de notre ère, grâce à des photographies aériennes prises par le jésuite Antoine Poidebard de l’Université Saint Joseph de Beyrouth, dans les années 1920 et 1930. Ce missionnaire, pilote et pionnier de l’archéologie constata en effet que les vestiges des forts qu’il voyait depuis son biplan formaient une ligne défensive du nord au sud, qui, selon lui, constituait une barrière militaire fixe contre les raids des Perses et des tribus nomades de la région.
Les photographies déclassifiées, prises entre 1960 et 1986 par les satellites américains Corona et Hexagon, révèlent près de 400 autres forts potentiels, répartis selon un modèle qui suggère qu’ils étaient utilisés non pas pour ne servir qu’à des fins de défense, mais aussi pour faciliter le commerce caravanier, les mouvements de troupes ainsi que la communication à travers la région.
L’idée selon laquelle ces forts délimitaient une frontière entre deux endroits est manifestement erronée, explique Jesse Casana, archéologue au Dartmouth College et auteur principal d’une étude de Darmouth sur les découvertes des satellites espions et sur leurs implications pour l’Histoire ancienne, publiée dans la revue Antiquity.
Ils ne ressemblent pas à des murs destinés à empêcher des personnes d’entrer, décrit Casana. Ils ont l’air d’être placés de manière à faciliter les déplacements.
Dans son ouvrage de référence de 1934, La trace de Rome dans le désert de Syrie, Poidebard identifia les sites de 116 forts romains qui, selon lui, se trouvaient le long de la frontière avec l’État perse, gouverné par les Parthes jusqu’en 224 de notre ère, puis par les Sassanides. L’explorateur supposait que les forts suivaient une route militaire connue sous le nom de Strata Diocletiana (route de Dioclétien), qui avait été construite à travers la Syrie sous le règne de l’empereur Dioclétien à la fin du 3° siècle.
Selon Casana, ce qui semblait être une ligne défensive est en réalité le résultat d’un biais de découverte, et malgré sa valeur inestimable pour des générations d’archéologues et d’historiens, le travail précurseur de Poidebard ne reflète pas l’état réel de la frontière.
S’il avait fait voler son biplan dans toute la région, il aurait trouvé bien plus de forts, mais il n’avait ni la capacité ni la technologie pour le faire à l’époque, note Casana.
La technologie nécessaire n’arriva qu’en 1960, lorsque les États-Unis commencèrent les vols de leurs satellites espions Corona. Le programme, qui dura jusqu’en 1972, consistait à utiliser 130 satellites soigneusement synchronisés pour prendre des photographies détaillées de sites d’intérêt militaire ; 19 autres satellites furent lancés dans le cadre du programme Hexagon, qui dura quant à lui jusqu’en 1986. Les boîtes de film étaient éjectées des satellites et retombaient sur Terre, où elles étaient collectées dans l’océan Pacifique par l’armée américaine.
Certaines boîtes furent perdues, mais selon Casana, celles qui furent bel et bien récupérées par les avions de l’US Air Force comprenaient notamment des photographies du territoire qui avait déjà été couvert trente ans plus tôt par Poidebard. Les images de Corona furent déclassifiées par les États-Unis en 1995, et celles d’Hexagon en 2019.
Ces photographies satellites, prises il y a un demi-siècle au Moyen-Orient, fournissent aujourd’hui aux archéologues un aperçu unique de l’apparence qu’avait autrefois le territoire. De nombreux vestiges archéologiques identifiés sur ces images disparurent dans les décennies suivantes en raison de la croissance rapide des villes, la construction de réservoirs et le fléau des conflits.
Des changements importants eurent également lieu au cours des quelques dizaines d’années qui s’écoulèrent entre les relevés aériens de Poidebard et les programmes espions de la guerre froide : sur les 116 forts romains identifiés par le biplan, seuls 38 purent être localisés sur les photographies des satellites, révèle Casana.
Ces 38 forts suffirent toutefois à permettre aux chercheurs du Dartmouth College de fixer une base de référence en utilisant l’étude de Poidebard. Ils scannèrent ensuite manuellement plus de 2 000 photographies prises par les satellites et identifièrent plus de 10 000 sites archéologiques possibles dans une zone de 780 000 kilomètres carrés. Ces sites furent ensuite triés, et les 396 sites restants furent considérés comme des forts romains probables sur la base des règles de taille et de forme établies par Poidebard. Nombre d’entre eux sont carrés et mesurent entre 50 et 100 mètres de long de chaque côté ; certains sont beaucoup plus grands.
La ville antique de Palmyre était située le long de la Strata Diocletiana, une route militaire construite par l’empereur Dioclétien au 3° siècle de notre ère. Photographie de Bryan Denton. The New-York Times, ReduxOn pensait autrefois que les forts romains suivaient la Strata Diocletiana comme une ligne de défense statique du nord au sud contre les ennemis venus de l’est.
L’équipe de Casana parvint à identifier des forts éloignés, à l’est de la Strata Diocletiana, près de la ville irakienne de Mossoul sur les rives du Tigre ; à l’ouest, autour de la ville syrienne d’Alep ; et également à l’ouest d’Al-Jazira, une région syrienne extrêmement aride qui n’abrite que peu de sources d’eau de surface. Plutôt qu’une frontière fixe orientée vers l’est, de nombreux forts semblent former des réseaux entre l’ouest de la Syrie et le Tigre, ce qui, pour Casana, suggère qu’ils servaient à faciliter le passage des caravanes commerciales et les communications à travers la région, en plus de leurs fonctions militaires défensives.
La répartition nous a réellement surpris, admet l’archéologue du Dartmouth College. J’ai grandi en pensant que les forts formaient une ligne le long de la frontière, mais ce n’est pas le cas.
Les forts découverts renforcent la théorie selon laquelle la frontière orientale de Rome, autrefois considérée comme une barrière statique et fortifiée contre les raids perses et nomades, était en réalité une région dynamique composée de différents forts occupés à différentes époques et qui voyait le passage fréquent, et dans les deux sens, de caravanes commerciales à travers la région.
L’archéologue Rocco Palermo, du Bryn Mawr College, qui n’était pas impliqué dans l’étude, révèle que les photographies des satellites espions sont devenues une ressource essentielle pour les chercheurs, et que leur examen détaillé constitue une avancée cruciale.
Selon Palermo, la frontière orientale de Rome n’était pas comme ses autres frontières, où l’empire n’était confronté qu’à des barbares. À l’est, Rome était confrontée aux Perses, un empire organisé et doté d’une armée bien entraînée. La région frontalière était en outre protégée par des tribus nomades qui servaient souvent d’intermédiaires entre les grandes puissances.
La région était complexe et fragile sur le plan environnemental ; les tribus nomades faisaient partie intégrante des échanges commerciaux et des rencontres culturelles, ajoute l’archéologue.
Bien que certains des sites récemment révélés aient été mis de côté pour de futures recherches archéologiques sur le terrain, d’autres se trouvent dans des zones militaires actives et interdites aux chercheurs.
L’archéologue Lidewijde de Jong, de l’Université de Groningue aux Pays-Bas, qui n’a pas pris part à la récente étude, estime que cette recherche illustre également l’énorme potentiel de la photographie aérienne et de l’imagerie satellitaire pour l’étude des territoires anciens.
Par ailleurs, l’étude se concentre sur une région dans laquelle les possibilités de fouilles archéologiques sont limitées, que ce soit en raison de l’instabilité politique, du développement moderne du paysage ou des crises économiques, note-t-elle.
Tom Metcalfe National Geographic Magazine. 2 décembre 2024
fin 270
L’empereur Aurélien, après une défaite à Plaisance devant la tribu alamane des Juthunges, organise le siège de Rome, puis reprend l’offensive et écrase les Vandales et les Iazyges en Pannonie, les Juthunges en Cisalpine, les Goths et les Carpes en Dacie – l’actuelle Roumanie -, province dont il décidera de se retirer.
272
Aurélien soumet la reine de Palmyre, Zénobie et soumet à nouveau la Gaule, où il bat à Chalons sur Marne Tetricus, empereur de la Gaule, successeur de Postumus et de Victorinux, résidant à Trèves : l’empire gaulois aura duré 15 ans.
273
Un navire romain fait naufrage à proximité du golfe de Lava, au nord-ouest d’Ajaccio : il a une cargaison d’immense valeur : pièces d’or, médaillons, vaisselle précieuse… le tout dormira d’un profond sommeil pendant des siècles, à faible profondeur : un pêcheur de corail l’aurait découvert à la fin du XIX°… de quoi faire naître la légende du trésor de Lava. Trésor semble-t-il, relativement dispersé : les mouvements de la surface se font ressentir à faible profondeur. Un avocat amateur d’oursins confirmera dans les années 1950 et puis ce sera la ruée à partir de 1977 : les pièces ayant une valeur entre 15 000 et 700 000 € l’unité sur le marché, provoqueront une fabrication en nombre par des faussaires, puis financeront du trafic d’armes :
C’était la caverne d’Ali Baba ! On avait besoin d’argent, on plongeait. Une pièce pour une Rolex, deux pour un 4 × 4 Mercedes… Sans savoir que c’était illégal. [eh beh voyons…]
Ange Biancamaria, le principal bénéficiaire
Les services de l’État estiment à 1 400 la totalité du trésor ! Tout cela finira par finir devant les tribunaux : la loi est formelle : tout bien présentant un intérêt historique – situé dans la limite des 25 milles nautiques des côtes – constitue un bien culturel maritime dont l’État est propriétaire. Des dix-huit mois de prison seront requis assorties d’amendes de 3 800 €, en 1993.
Ce surnom, Michel L’Hour ne l’a pas usurpé : l’Indiana Jones en combinaison de plongée. Comme l’aventurier au fouet, cet archéologue des profondeurs est un bourlingueur à l’humour narquois, doublé d’une sommité dans son domaine : hier patron du département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (Drassm), aujourd’hui membre de l’Académie de marine. Comme le docteur Jones de Spielberg, il lui a aussi fallu prendre sa retraite, mais sans pour autant renoncer à retrouver son arche perdue à lui : le trésor de Lava, un butin romain échoué à quelques brasses du rivage corse, au nord d’Ajaccio.
Disparues, la plupart despièces d’or (1 400, selon certaines estimations) frappées au III° siècle ap. J.-C. Evaporées, la dizaine de bracelets et d’anneaux et la statuette d’un jeune garçon, en or massif, eux aussi. On ne connaîtra jamais l’ampleur réelle, ni le catalogue exact, de ce qui fut un monument archéologique de premier ordre, regrette la chercheuse Sylviane Estiot, autrice du Trésor d’or romain de Lava (Revue numismatique, 2012).
Michel L’Hour a beau avoir 69 ans et des souvenirs de plongée dans le monde entier, ce dossier le hante plus que tout autre. L’affaire n’est pas finie, martèle-t-il. De fait, la saga n’est pas close. Les 29 et 30 janvier (2024. Verdict le 27 mars : 12 mois de prison avec sursis, 8 pour le principal complice) se tiendra à Marseille le procès d’un homme de 66 ans, Félix Biancamaria, accusé d’avoir tenté de monnayer l’une des merveilles de Lava : un plat en or de 879 grammes, estimé à plusieurs millions d’euros. Ce Corse, déjà condamné en 1994 pour le recel de monnaies de la même provenance, a inspiré au réalisateur Eric Fraticelli une comédie, sortie en salle le 1° novembre, Inestimable. Le film n’a pas du tout fait rire Michel L’Hour. Cette affaire, c’est l’histoire de sa vie ; il en connaît les moindres détails…
Lava, donc. Avant d’être un trésor, c’est une baie de rêve au nord d’Ajaccio, entre mer et maquis. Michel L’Hour a exploré ces fonds à maintes reprises, seul avec ses bouteilles de plongée, puis à bord de l’André-Malraux, le bateau bourré d’électronique du Drassm. C’est là, suppute-t-on, qu’une galère romaine chargée d’or aurait jadis sombré, à moins qu’elle n’ait été victime d’une attaque de pirates.
Félix Biancamaria connaît bien les lieux, lui aussi, car sa famille y possède un cabanon. Un dimanche ensoleillé de septembre 1985, les Biancamaria se préparent à savourer des oursins. Avec son ami Marc Cotoni, Félix se charge d’aller les chercher. Près de la pointe de Pietra Piombata, l’œil aiguisé de Marc décèle un scintillement fugace au flanc d’un rocher. Ce jour-là, outre leurs casiers pleins d’oursins, les deux copains rapportent trois pièces d’or aux inscriptions latines en partie masquées par les concrétions.
Le numismate parisien à qui ils les montrent est estomaqué : ce sont des aurei (deniers d’or), des monnaies romaines à l’effigie d’empereurs frappées au III° siècle ap. J.-C. Des pièces similaires repêchées dans les eaux corses ont circulé à deux reprises, dans les années 1950 puis 1970, mais leur origine exacte restait un mystère. Une certitude : celles de Lava valent cher, très cher. Seul problème : selon la législation, les objets et autres vestiges issus des espaces maritimes sous juridiction française sont la propriété de l’Etat.
Le métier de Michel L’Hour est précisément de faire appliquer cette loi. Plus qu’un métier, une vocation. Gamin, ce Breton né à Tunis, benjamin d’une fratrie de trois garçons, était fasciné par la mer et l’espace, ces horizons infinis où le regard se perd. Il rêvait d’endosser l’uniforme de pilote de l’aéronautique navale, mais ses piètres notes en mathématiques, son goût pour le passé et l’aversion de sa professeure d’histoire-géo pour l’armée l’ont poussé vers l’archéologie.
Au cours d’un stage de doctorat, il se familiarise avec la version sous-marine de sa passion. Une révélation, d’après lui. Il se met à la plongée et décroche le Graal en mars 1982 : reçu au concours du Drassm, ce service du ministère de la culture créé par André Malraux en 1966 et basé à Marseille, il devient archéologue sous-marin, affecté aux dossiers de l’Atlantique. À l’époque, cela n’intéressait personne, car antiquité rimait avec Méditerranée, se souvient-il, le regard bleu malicieux et la peau rosie des éternels réfractaires au soleil.
Revenons aux pêcheurs d’oursins. Galvanisés par leur découverte, Félix Biancamaria, son frère jumeau, Ange, et leur acolyte Marc Cotoni plongent à Lava dès que la météo le permet. À force de sonder les failles, de soulever les galets et de fouiller le sable, ils récupèrent des centaines de pièces, aussitôt revendues à des numismates peu regardants.
Un jour, Félix déniche même une drôle d’assiette tordue, coincée dans une cavité rocheuse, comme il le racontera dans son livre Le Trésor de Lava (Albin Michel, 2004). C’est le fameux plat en or de 879 grammes, plié par la houle, au centre duquel est enchâssé un médaillon à l’image de l’empereur Gallien. Grands seigneurs, les trois complices autorisent d’autres plongeurs à tenter leur chance dans les parages.
Des boîtes d’Ajaccio aux casinos azuréens, le trio flambe à tout-va. J’ai l’impression que toute la planète est maintenant au courant de notre histoire, s’inquiète bientôt Félix. Il n’a pas tort. À l’automne 1986, un an après l’oursinade la plus fructueuse de tous les temps, la chance tourne. Un numismate parisien suggère aux trois compères la vente publique de dix-huit aurei à Monte-Carlo, le 15 novembre. Mais les médias ont vent du projet. Découvert par des pilleurs d’épaves, l’or de Lava aux enchères à Monaco, titrent les quotidiens régionaux, le 7 novembre. Le Drassm saisit la justice. Une enquête est confiée à la gendarmerie, les pièces sont saisies, les trois pillards dénoncés par un corbeau.
Lava entre dans ma vie à ce moment-là, raconte Michel L’Hour. L’un de mes frères, installé à Ajaccio, est contacté par des gens qui veulent me rencontrer : d’autres plongeurs, également mouillés dans l’affaire, qui cherchent un terrain d’entente avec l’administration.Débute alors une série de discrets rendez-vous avec ces informateurs – il préfère dire : Mes sources. On lui parle des pièces, bien sûr, mais aussi d’une statuette en or massif.
L’archéologue n’y croit pas. Je me suis dit : C’est trop, pourquoi pas un sphinx tant qu’on y est ? D’autres questions le taraudent : qui détient les monnaies manquantes ? Et qu’est devenu le plat dont une photo a été retrouvée chez un brocanteur d’Ajaccio ?
La confiance s’installe entre le chasseur de chasseurs d’épaves et les pirates de Lava, fournisseurs de tuyaux inédits. Grâce à ces précieuses sources, un monde de profiteurs, directs et indirects, se dessine : les numismates, leurs clients fortunés, les musées…
Ces informations n’ont pas été utilisées à l’époque, se désole Michel L’Hour. Il faut dire qu’en Corse, en ces temps tourmentés, la gendarmerie est aux prises avec les attentats et les poussées de fièvre indépendantistes. L’enquête lambinera pendant huit longues années. Elle permettra à la justice de récupérer seulement soixante-treize monnaies mais pas le plat, caché par Félix Biancamaria. En 1994, ce dernier sera condamné avec ses deux complices à dix-huit mois de prison avec sursis.
Dépité par la lenteur des investigations, Michel L’Hour est déjà retourné à ses fouilles sous-marines. Il court les mers et les mondes engloutis, de l’Aber-Wrac’h, dans le Finistère, jusqu’au sultanat de Brunei en passant par la côte nord-est du Cotentin, et Vanikoro, dans le Pacifique, où reposent les deux bateaux de l’explorateur français La Pérouse.
Eté comme hiver, dimanches et jours fériés, il est sur le pont. Au point qu’en trente-cinq ans, il totalise dix mille heures de plongée, soit quatre cent soixante et un jours. Cette ferveur lui vaut des acouphènes, une surdité bilatérale, deux burn-out, un divorce et, globalement, une vie personnelle assez nulle, reconnaît le sexagénaire, remarié avec une cheffe d’entreprise aixoise, père et grand-père comblé.
En 2007, Michel L’Hour est aux commandes du Drassm depuis un an quand l’affaire de Lava refait surface. L’une de ses sources aimerait le revoir pour lui raconter des trucs. L’homme connaît les protagonistes, acheteurs et vendeurs. Au fil des rencontres, il distille les noms, les informations. D’après lui, un quintuple de Gallien, l’équivalent de cinq aurei, se serait monnayé 700 000 euros. Quant au plat, contrairement à la version donnée par Félix Biancamaria, il n’aurait jamais été vendu à un riche Américain de Floride. Il n’aurait pas non plus été fondu.
En 2009, l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC) reçoit un renseignement : une pièce de Lava serait sur le point d’être exportée par son propriétaire français vers le Royaume-Uni. Ce tuyau et les confidences de Michel L’Hour aux policiers de l’OCBC permettent de relancer l’enquête. Celle-ci est confiée conjointement aux douanes judiciaires et à l’OCBC et baptisée opération Trident.
Les informations recueillies et les écoutes téléphoniques seront fatales à Félix Biancamaria, arrêté le 21 octobre 2010 à la gare TGV de Roissy-Charles-de-Gaulle, à la descente d’un Thalys en provenance de Bruxelles. De son sac de voyage, les douaniers extraient le fameux plat en or. En revanche, le médaillon de Gallien serti en son centre a disparu.
Tandis que douaniers et policiers traquent les monnaies chez les numismates, dans les collections privées et les musées d’Europe, Michel L’Hour, lui, suit la piste de la statuette du jeune garçon. Non, ce n’est pas du pipeau, lui assure son informateur, elle a été tronçonnée en cinq morceaux. Un pour chacun des cinq plongeurs anonymes qui l’ont tirée des eaux avant de fondre l’or, puis de le revendre. L’archéologue est effondré : J’ai halluciné que ces types aient cramé une œuvre unique au monde juste pour se faire de la thune ! Sa place est dans un musée, aurait ajouté Indiana Jones.
Lors du tournage d’un documentaire destiné à Arte, en 2014, un homme accepte de rencontrer le directeur du Drassm et le réalisateur. Devant la caméra, grimé et la voix masquée, ce témoin aide un artiste à dresser le portrait-robot de la sculpture, haute d’une trentaine de centimètres, qu’il jure avoir tenue dans ses mains. Sur le papier apparaît alors l’image d’un garçon aux cheveux bouclés et à la nudité gracile qui scrute l’huître tenue dans la main droite.
J’ai proposé qu’on fasse réaliser cette statuette, en bronze, mais on m’a opposé que je ne détenais pas de preuve formelle de son existence, que le ministère de la culture n’avait pas les fonds, déplore Michel L’Hour. Tant pis : il s’en charge, à ses frais. D’octobre 2022 à février 2023, l’adolescent au coquillage » est exposé, parmi d’autres merveilles du fond des mers, au Musée Arles antique. Ce fac-similé est le seul témoignage de la statuette en or du trésor de Lava, découpée et refondue par les pilleurs », indique la fiche cartonnée posée à ses pieds.
Depuis, la statuette trône chez Michel L’Hour, dans le salon de son mas provençal. Si l’archéologue s’est résigné à ne jamais toucher l’original, il espère encore en voir une image. Peut-être l’un des deux copropriétaires encore vivants en détiendrait-il une photo ? Si quelqu’un, demain, veut me raconter des choses sur la statue, je ne le dénoncerai pas. Je n’ai jamais balancé mes sources.
Anne Vidalie Le Monde du 28 01 2024
276 – 282
L’empereur Probus autorise à nouveau pour la Gaule la plantation de vignobles, qu’avait interdite Domitien en 96.
285
À Agaune, dans l’actuelle Haute Savoie, décimation d’une légion chrétienne et de ses officiers, Maurice et Victor. Dioclétien était empereur depuis un an. Le partage de l’empire commence à se mettre en place :
Le vieux sénateur Claudius Tacitus (Tacite), ayant été assassiné en 276, fut remplacé par Probus, chef de l’armée d’Orient, qui régna de 276 à 282 et réussit à libérer la Gaule que les Alamans et les Francs avaient une fois de plus envahie. Il semble que ce soit Probus qui, après avoir repris en main l’armée romaine, y aurait introduit de petites unités de Barbares : première étape de la barbarisation systématique de l’outil militaire qui avait fait la force et la puissance de Rome.
Probus s’apprêtait lui aussi à reprendre les hostilités contre la Perse lorsqu’il fut à son tour assassiné par des soldats mécontents d’être utilisés à des tâches non militaires. Son successeur, le préfet du prétoire Carus, tenta de revenir au système dynastique, abandonné depuis Gallien. Surtout, conscient du fait qu’il n’était pas possible de gouverner l’immense territoire de la romanité tout en menant la lutte contre les Barbares sur toute l’étendue du limes, il prit une initiative lourde de conséquences pour l’avenir. Il associa à l’Empire ses deux fils, Carinus et Numerianus, auxquels il attribua le titre de césar, et il délimita territorialement l’étendue du pouvoir de chacun : à Carinus la défense des Gaules et le gouvernement de l’Occident, à Numerianus la conduite à ses côtés de la guerre en Orient.
Cette prise de conscience des difficultés nées de l’étendue du monde romain a vite trouvé son expression institutionnelle. En 284, à la suite de la mort de Carus sur le front oriental, et de l’assassinat de Numerianus par le préfet du prétoire Aper, les officiers de l’armée de Mésie proclamèrent empereur le chef de la garde prétorienne, C. Valerius Dioclès : un Illyrien, comme ses prédécesseurs, qui allait d’ailleurs aussitôt latiniser son nom, devenant pour la postérité Diocletianus (Dioclétien). À cette date, le nouvel empereur n’avait encore nulle intention de partager son pouvoir. Ce n’est que progressivement, poussé par les circonstances – la lutte contre les Germains et les Sarmates en Pannonie, la révolte des Bagaudes en Gaule, la sécession de Carausius, commandant de la flotte de la mer du Nord -, qu’il décida d’organiser l’Empire sur des bases entièrement nouvelles. Il commença par conférer à l’un de ses meilleurs lieutenants, Maximien, fils d’un colon de Pannonie, le titre de césar qui faisait de ce valeureux soldat sinon tout à fait l’égal de l’empereur, du moins son associé dans la conduite des affaires. Puis, en 286, il le reconnut comme auguste, avec des pouvoirs identiques aux siens, Dioclétien ne conservant comme signe d’une prééminence devenue toute symbolique que d’être mentionné en premier sur les actes officiels et désigné comme Jovim (fils de Jupiter). Maximien dut se contenter pour sa part du titre d’Herculius (fils d’Hercule).
Chacun des deux empereurs avait à charge de défendre une partie de l’Empire : Dioclétien l’Orient, Maximien l’Occident. Continûment engagés sur plusieurs fronts, ils se rencontrèrent en de très rares occasions. Ils eurent une première entrevue en 288 ou 289, puis une seconde dans l’hiver 290-291, célébrée avec faste à Milan, et c’est semble-t-il au cours de cette dernière rencontre qu’ils mirent sur pied le projet de gouvernement à quatre du monde romain. La tétrarchie ne fut toutefois officialisée qu’en 293. À chacun des empereurs était adjoint un césar, inférieur en dignité à l’auguste, mais investi comme lui de l’imperium, considéré comme son fils et appelé automatiquement à lui succéder. Dioclétien désigna Galerius Valerius Maximianus (Galère) et Maximien Flavius Valerius Constantius (Constance, dit Constance Chlore à cause de sa pâleur).
En principe, l’unité de l’Empire était maintenue. Cependant, la séparation territoriale créait un fait accompli, une coupure durable que l’histoire allait perpétuer et accentuer. Dioclétien s’installait à Nicomédie, en Asie Mineure, et se réservait l’Orient, en passe déjà de devenir la partie vive de l’Empire. Son césar, Galère, prenait position à Sirmium, sur le Danube, aux avant-postes de la lutte contre les Barbares. Maximien exerçait sa souveraineté sur la plus grande partie de l’Occident et Constance, installé à Trêves, assumait la charge des Gaules et des provinces de la rive gauche du Rhin, avec pour mission de reconquérir la Bretagne. L’Italie et les grandes îles de Méditerranée occidentale se trouvaient donc dans la mouvance du second des augustes. Celui-ci fixa sa capitale à Milan, dont l’importance ne devait cesser de croître aux dépens de Rome, ainsi ravalée au rang de capitale nominale.
Cette réorganisation révolutionnaire du pouvoir central s’accompagna d’une profonde réforme administrative. Le nombre des provinces s’accrut, par subdivision des anciennes circonscriptions. De 40 sous Trajan, il passa à 104 au IV° siècle. Mais en même temps, pour éviter l’éparpillement du pouvoir et de l’administration, on regroupa les provinces en quatorze diocèses [7], à la tête desquels étaient nommés des vicaires dépendant des quatre préfets du prétoire.
L’armée, dont les effectifs furent sensiblement augmentés (le nombre des légions passa de 39 à 60), reçut elle aussi une organisation nouvelle. À côté des unités déployées sur le limes {limitanei) et qui étaient exclusivement composées de citoyens romains, généralement des soldats-colons, pas toujours d’une très grande valeur militaire, on créa une puissante armée de réserve (comitatus). Celle-ci rassemblait, sous le commandement direct des empereurs, les unités d’élite et la cavalerie, devenue le pivot de l’armée romaine. Les difficultés croissantes de recrutement amenèrent les empereurs à contraindre les fils de militaires à rester dans l’armée, et à faire payer par les grands propriétaires la solde des volontaires, de plus en plus fréquemment levés dans les régions rurales des Gaules, en Thrace et en Illyricum.
Pierre Milza. Histoire de l’Italie. Pluriel. 2005
289
Fondation de la cité maya d’Uaxaktun, dans l’actuel Guatemala.
À l’autre bout du monde, des moines bouddhistes sculptent deux bouddhas géants de 53 mètres de haut pour l’un, 35 pour l’autre dans les falaises de Bamiyan, à l’ouest de Kabul. Ils résisteront vaillamment aux injures du temps, ils seront épargnés par des barbares du calibre de Gengis Khan en 1221, mais seront victimes de la fureur des Talibans pakistanais et saoudiens – les Talibans afghans refuseront le boulot – en février 2001 : le mollah Omar déclarant : Toutes les statues préislamiques doivent être détruites car elles représentent les dieux infidèles.
L’empereur Constance Chlore épouse Théodora, et répudie sa concubine Hélène, connue serveuse dans une taverne de Drepanum, en Bythinie – actuelle Turquie – où elle était née. Ils ont eu un fils, Constantin, né à Naissus, en Mésie, aujourd’hui Nich, [Niṧ] en Serbie. Chrétienne, elle éduque son fils comme elle croit bon de le faire. Quand Constantin deviendra empereur à la mort de son père en 306, il rappellera sa mère à la cour, lui donnant le titre d’Augusta : Hélène deviendra alors impératrice.
292
Lyon perd son monopole de la vente du vin, puis son statut de capitale : elle va redevenir une ville moyenne.
Les fouilles archéologiques les plus anciennes de la civilisation maya retenaient la stèle de Tikal, comme étant la première où l’on voit une inscription chronologique : elle porte l’inscription en long compte 8.12.14.8.15, ce qui correspondrait à l’an 292 après JC, et marque le début de la période classique de la civilisation maya : elle durera 600 ans, se développant de la presqu’île du Yucatan, au Mexique, vers le sud, jusqu’au Pacifique, soit à peu près 900 km sur 550 km : cela inclut aujourd’hui le Guatemala, Honduras, et les États mexicains du Yucatan, Campeche, Tabasco, Quintina Roo et le Chiapas. Copán est l’un des principaux centres cérémoniels, dont l’apogée se situe au IX° siècle, avec l’un des plus beaux escaliers à hiéroglyphes – 63 marches – constituant le plus long texte de toute l’aire maya. Les sculptures sont en trachyte de couleur pistache, qui résiste beaucoup mieux à l’érosion que le stuc des sculptures voisines. La cité maya toltèque de Chichén Itzá, sera édifiée en 534, sur un site pourvu de deux puits naturels, et d’un terrain de sport de 165 m x 68, remontant à au moins un million d’années, à l’ouest de l’actuelle Valladolid. La principale pyramide est pourvue d’un escalier de 91 marches sur chacune des 4 faces, ce qui donne, en ajoutant la marche sommitale, 365 , le nombre de jours de l’année. La bonne conservation des monuments en fait l’un des sites les plus visités du Mexique et, le 7 07 2007, cette cité sera élue par 7 millions d’internautes au rang de l’une des 7 merveilles du monde, contre le gré bien sur des officiels de la culture que sont l’UNESCO, l’ONU, que la démocratie directe insupporte. Leur capitale était Tula, 80 km au nord de Mexico, regroupant pyramides, temples renfermant les atlantes, statues austères et renfermées sous la domination du Serpent à plumes, le dieu civilisateur, souverain et grand prêtre du peuple Toltèque. Les Mayas étaient passionnément attachés à la terre et se sentaient liés de façon très étroite avec le maïs, son principal produit. Le dieu du maïs était donc plus que la personnification poétique du pain quotidien et on avait pour lui une tendresse toute particulière. Le centre cérémoniel était aussi chef lieu religieux et administratif, mais n’était pas un lieu d’habitation : le peuple habitait des villages disséminés dans la campagne. Vivant sous l’influence toute puissante de l’astronomie dont ils tiraient une astrologie, (… selon leur perception ; ils redoutaient par exemple plus que tout l’éclipse du soleil) ils développèrent abondamment tables à éclipses, calendriers, autant de connaissances très abstraites qu’était loin d’avoir alors l’occident ; pour le clergé, toute cette cosmologie était un très bon fonds de commerce, dont il usait et très probablement abusait. Dans le même temps ils se révélèrent incapables de progrès techniques : ils construisaient des routes mais n’avaient pas su utiliser la roue, ils ne savaient pas peser, ils construisaient des temples, mais ne connaissaient ni la voûte en plein cintre ni en arc brisé.
fin ~ III° siècle
L’empire romain poursuit une vie institutionnelle mouvementée : il y a beaucoup de révoltes, mais il n’y a pas de révolution : les révoltes ne peuvent être que paysannes et ces insurrections ont toujours été incapables de résister aux troupes organisées ; elles ont pour cause le poids des charges fiscales, l’inflation monétaire : on parlera de la Bagaude que justifiera 150 ans plus tard Salvien :
Je parlerai à présent des Bagaudes, dépouillés par des gens mauvais et sanguinaires, frappés, tués, après avoir perdu jusqu’à l’honneur du nom romain. Et c’est à eux qu’on impute un tel malheur, à eux que nous donnons ce nom maudit, nous qui en portons la responsabilité. Nous les appelons des hommes perdus, eux dont nous avons fait des criminels. Car, qui a fait la Bagaude, si ce n’est notre iniquité, l’improbité des juges, nos sentences d’exil, nos spoliations ?
La conversion de l’empereur au christianisme s’inscrira dans la continuité des édits de tolérance, les anciennes divinités continuant à être admises, et même aidées.
Depuis un demi-siècle l’anarchie militaire avait produit ses effets catastrophiques : si les bons empereurs illyriens, en particulier Aurélien et Probus, ont pu mettre fin aux dissidences et aux invasions, qui avaient troublé le monde romain, l’instabilité du pouvoir demeurait la plaie de l’époque. En cinquante ans, vingt et un empereurs s’étaient succédé, à ne retenir les noms que des princes légitimes reconnus par le Sénat, et sans parler des innombrables usurpateurs, les Trente Tyrans qu’énumère l’historiographie du IV° siècle. La plupart avaient péri assassinés, victimes d’une conspiration ou de l’humeur changeante des soldats qui les avaient portés au pouvoir. En outre, les guerres avaient ruiné gravement toutes les provinces, dont aucune n’était demeurée indemne de quelque incursion ou agitation : la crise monétaire n’était qu’un aspect – à la fois cause et conséquence – de la crise économique générale ; campagnes ravagées, villes détruites, main d’œuvre insuffisante, production amoindrie, commerce interrompu, finances publiques taries, tel était le tableau qu’offrait l’empire dans la seconde moitié du III° siècle.
Le relèvement obtenu en 285 était encore partiel ; il va être poursuivi et accentué, sous un règne qui aura la chance de durer vingt ans, par un homme qui tentera de résoudre les grands problèmes qui se posaient alors et le plus grave de tous, le problème successoral.
Cet homme est Dioclétien, nom nouveau que prend, à son avènement l’officier illyrien [8] Dioclès. Comme il demeure en Orient et que la Gaule est troublée par la bagaude, sorte de jacquerie rurale, il y envoie Maximilien, officier pannonien en qui il a toute confiance, avec le titre de César (mars 286) ; et bientôt, aussi bien pour le récompenser de ses succès sur les rebelles que pour répondre à l’usurpation de Carausius en Bretagne, il l’élève à l’Augustat (septembre 286). Rome est décidément abandonnée comme résidence impériale : Dioclétien se fixe à Nicomédie, d’où il négocie avec la Perse (traité de 287) ; Maximien à Trèves, d’où il surveille la frontière rhénane, sans pouvoir abattre Carausis qui installe en Gaule plusieurs têtes de pont.
[…] L’omniprésence des membres du collège impérial, tous des hommes mûrs et expérimentés, renforçait la sécurité de l’empire, dont tous les adversaires purent être abattus. Il ne faudrait pas cependant voir là, comme on l’a dit trop souvent, un partage de l’empire : les Césars ne sont que des exécutants aux ordres de leurs Augustes, dont ils sont devenus les gendres ; ces derniers eux-mêmes ne sont pas sur un pied d’égalité, le second Auguste, qualifié d’Herculius, étant subordonné au premier, qui s’intitule Jovius, et qui est le seul et unique souverain : mandataire de Jupiter, le maître des dieux, il a autorité sur celui qui n’a pour patron qu’un demi-dieu. Ainsi la tétrarchie, comme on appelle ce collège de quatre empereurs, reste une monarchie, les liens familiaux et les titres religieux venant renforcer l’autorité du maître de l’empire. Il ne semble pas que cette organisation soit le résultat d’un système préconçu : Dioclétien l’a improvisé au gré des circonstances : les nominations des Césars, si elles sont de la même année, ont été faites à trois mois de distance. Néanmoins, elles ont inauguré un régime nouveau qui apporte une solution ingénieuse au problème successoral : un avancement automatique devait se faire lors de chaque vacance, à l’intérieur du collège impérial, le premier Auguste détenant la souveraineté pour toute décision. Par là était rendues superflues les initiatives de l’armée, qui avaient rempli tout le III° siècle ; et l’on écarta du même coup toute intervention du Sénat : non seulement sa déchéance était accrue par l’abandon de Rome où ne résidait aucun des empereurs, mais on ne lui demanda même pas de ratifier les choix faits en dehors de lui ; il perd alors l’investiture toute nominale de l’empereur, qui désormais ne tiendra plus son pouvoir que d’un Auguste antérieur. Il ne suffisait pas de rendre au pouvoir impérial la stabilité qui lui manquait, mais à l’empire lui-même une vitalité qu’il avait en partie perdue. Dioclétien y pourvu par une série de réformes, administratives, militaires, fiscales, économiques.
[…] Les réformes de Dioclétien avaient été dans l’ensemble judicieuses et efficaces. Il faut cependant constater un échec dans le domaine économique, où l’équilibre ne pourra être restauré que progressivement et incomplètement en raison des ruines accumulées. Il échouera aussi dans le domaine religieux quand il prétendra extirper le christianisme de tout l’empire. Au cours du III° siècle les églises chrétiennes avaient fait de grands progrès. Avant et après les deux persécutions de Dèce et de Valérien, la propagande des missionnaires et des docteurs avait porté ses fruits. En Orient, le prestige d’un Origène, d’un Denys d’Alexandrie, en Occident, celui de Cyprien de Carthage ont dû favoriser le rayonnement de la religion nouvelle dans les milieux cultivés ; mais on peut penser aussi que le déclin général de la culture, dont on a pour preuve l’éclipse presque totale de la littérature latine ou grecque, a favorisé sa diffusion, en affaiblissant des traditions intellectuelles imprégnées de paganisme. En tout cas, au cours de la longue période de paix qui suit 260, le nombre des évêchés nouveaux paraît considérable en toute région, en Gaule par exemple, ainsi que celui des fidèles dans chaque ville (il n’y en a guère encore dans les campagnes). Les communautés chrétiennes ne sont pas trop gravement troublées par les querelles dogmatiques ou disciplinaires nées de la persécution, comme le schisme novatien à Rome ; elles sont en relations régulières les unes avec les autres, les évêques d’une région prenant l’habitude de se réunir en conciles ; quant à l’unité d’ensemble, elle était assurée par un esprit commun plus que par une hiérarchie organique : la primauté de l’Église romaine s’exerce de façon intermittente, selon les circonstances et l’humeur de ses pontifes, et rencontre souvent des résistances, comme il advint au pape Victor en 190 dans la question de la date de Pâques, au pape Étienne en 256 sur la validité du baptême conféré par les hérétiques.
Ces progrès n’auraient pas suffi à eux seuls pour provoquer une nouvelle persécution, car Dioclétien, malgré son attachement aux traditions païennes, n’était pas un fanatique sanguinaire. S’il lança en 296 un édit proscrivant le manichéisme, c’est parce que cette religion nouvelle, où se mêlaient des éléments iraniens et chrétiens, lui parut un danger pour l’unité morale du monde romain au moment de la lutte nationale contre la Perse ; et s’il se décida ensuite à sévir contre les chrétiens, c’est parce qu’à ses yeux les intérêts de l’État étaient menacés par leur présence dans l’armée et l’administration : en plusieurs endroits, surtout en Afrique, des soldats incorporés de force avaient refusé les gestes religieux habituellement pratiqués, et ces manquements à la discipline militaire avaient été sanctionnés par des condamnations à mort. Il dut y avoir aussi des incidents dans les milieux civils, puisque toute fonction publique imposait la participation aux cultes officiels, que les chrétiens rejetaient comme idolâtres. Le résultat fut que sous l’influence du César Galère, qui était farouchement hostile au christianisme, Dioclétien procéda en 302 à une épuration de l’armée et de la cour ; puis, à la suite de manifestations subversives, en particulier d’incendies à Nicomédie imputés aux chrétiens, il lança en 303 et 304 successivement quatre édits de persécutions : le premier ne frappait que le culte en ordonnant la destruction des églises et des livres liturgiques, et confirmait l’incompatibilité de la foi chrétienne avec toute fonction ou dignité publiques ; deux autres frappèrent le clergé, puni de prison, puis de mort ; le dernier imposait l’abjuration à tous les fidèles sous peine de mort ou de travaux forcés. La grande persécution, ainsi qu’on l’appela, sévit cruellement dans tout l’orient : comme toujours, il y eut des apostats (lapsi) ou du moins des faibles qui livrèrent les objets sacrés (les traditeurs), mais aussi de nombreux qui versèrent leur sang ou souffrirent dans les mines (les confesseurs). En Occident, surtout dans les provinces dont Constance surveillait l’administration (Gaule, Bretagne), il y eut assez peu de martyrs, les autorités s’étant contentées d’appliquer le premier édit. Là où elle fut effective, la persécution dura jusqu’en 311 sans réussir à extirper la religion proscrite : on se lassa de condamner ceux qui refusaient de céder aux injonctions officielles ; les églises interdites subsistaient clandestinement et, comme l’avait écrit Tertullien, un siècle plus tôt, on pouvait constater que le sang des martyrs était une semence de chrétiens. Avant de mourir, Galère, qui avait été le principal responsable de la persécution, y mettra fin par un édit de tolérance (311)
Dioclétien n’était plus au pouvoir pour reconnaître l’échec de sa politique religieuse ; après avoir célébré solennellement à Rome ses vicennalia, il avait résolu d’abdiquer en même temps que Maximien, au moment où celui-ci commençait sa vingtième année de règne (1° mai 305). Une seconde tétrarchie succéda alors à la première, qui ne dura pas longtemps, et l’anarchie s’installa […] les circonstances vont ramener de sept à quatre le chiffre des empereurs, sans que l’anarchie soit atténuée.
[…] Le système de Dioclétien a pratiquement cessé de fonctionner. Il va s’effondrer totalement le jour où Constantin, envahissant l’Italie et vainqueur de Maxence le 28 octobre 312 au passage du Mont Milvius, aux portes de Rome, se fait reconnaître par le Sénat maximus Augustus : usurpation de souveraineté, reconnue immédiatement par Licinius et Maximin Daïa lui-même qui s’inclinent devant la force ; coup d’État, qui restaurait pour un jour l’autorité sénatoriale mais au lendemain duquel le destructeur de la tétrarchie allait fonder un nouveau régime, pleinement monarchique cette fois [9] Le tout placé sous la haute autorité divine quand, lors de la bataille du pont Milvius, il vit de ses propres yeux le trophée lumineux de la Croix placé au-dessus du soleil méridien avec l’inscription in hoc signo vinces : – c’est par ce signe que tu vaincras -.
L’entrée de Constantin à Rome en octobre 312 portait le coup de grâce à la Tétrarchie. Le vainqueur s’adressa au Sénat pour légitimer son usurpation ; mais c’est la dernière fois que la haute assemblée, bien déchue de ses anciens pouvoirs, surtout depuis que la Ville Éternelle n’est plus résidence impériale, joue un rôle dans l’investiture d’un empereur. D’autre part, quoique Constantin ait dû à ses soldats son avènement de 306 à York et son accession en 312 à la souveraineté, il rompit avec les méthodes du III° siècle et rabaissa le rôle de l’armée : les princes du IV° siècle ne seront plus des empereurs militaires, mais des monarques absolus qui transmettent leur pouvoir par leur seule volonté à des hommes de leur choix, pris dans leur famille autant que possible. En outre, l’auteur de cette révolution politique accomplit une autre révolution, non moins importante, en se convertissant en 314, au christianisme [10] et en donnant à l’Église, naguère persécutée, toutes les faveurs de l’État. À tous égards, s’ouvre une ère nouvelle, où se manifeste encore l’influence de l’Orient.
Jean Remy Palanque L’empire universel de Rome. 1956
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[1] Le siège de ces constructions est la capitale, Tch’ang-ngan, sur le cours de la Wei, un peu en amont de sa confluence avec le Hoang-Ho.
[2] On leur doit entre autres notre chère Méditerranée : au milieu des terres.
[3] Païen… du latin paganus – paysan- : les paysans restent attachés plus longtemps que les urbains à leurs coutumes… ils se feront chrétiens bien plus tard que les urbains.
[4] Mais, après tout, en notre XXI° siècle, le cochon représente un des espoirs de greffe d’organe compatible sur l’homme. Le Dr Sachs, grand manitou d’un laboratoire de Boston spécialisé dans la greffe d’organe de cochon sur l’homme, affirme que tous les organes fonctionnent à peu près de manière semblable chez un homme et un autre mammifère : seul diffère le cerveau. Il suffit de parvenir à modifier génétiquement le cochon pour lui enlever le gène qui gêne, à l’origine d’un sucre – l’alphagal – que ne supporte pas l’homme. Cette molécule qui provoque le rejet du greffon chez l’homme sera éliminée par transformation génétique dans les années 2020, et la greffe du rein de ce porc génétiquement modifié connaîtra un plein succès en septembre 2021 à l’hôpital NYU – New-York University -.
[5] Le terme pape n’est pas nouveau : il est un titre de vénération que l’on le trouve déjà chez Homère ; c’est lorsque l’évêque de Rome se considérera au-dessus des autres évêques qu’il adoptera ce qualificatif.
[6] Il y eut dans l’histoire de Rome quelques périodes où le Sénat reprit le principe collégial des deux consuls : il y eut donc parfois deux empereurs.
[7] Tout ce qui deviendra la Maurétanie était alors le Diocèse d’Afrique, l’Espagne, le Diocèse des Espagnes, la France, dont la frontière orientale était la rive gauche du Rhin, était partagée par une ligne grosso modo Lyon Nantes entre le Diocèse des Viennoises à l’ouest et le Diocèse des Gaules à l’est, le Royaume Uni était le diocèse des Bretagnes, l’Italie du nord était le Diocèse d’Italie annonaire et l’Italie du sud – incluant Corse, Sardaigne et Sicile avec un parallèle de partage au niveau de Pise, était le Diocèse d’Italie suburbicaire.
[8] Illyrien, il restera puisqu’une fois retiré des affaires, c’est à Salone, l’actuelle Split de Croatie, qu’il se fera construire un palais colossal, dont les vestiges occupent encore un bon quart de la vieille ville, réemployés à l’usage d’une ville contemporaine : voilà, je pense, le seul site archéologique au monde qui ne soit pas un cimetière ; libre d’accès, à toute heure du jour ou de la nuit, bourdonnant d’une vie merveilleuse. L’œil admire le décor monumental, le protiron, sorte de perron géant, à fronton triangulaire, les portiques, les dalles, les chapiteaux. Le cœur se réjouit de cette foule jeune et allante, qui a adopté l’antique agora pour ses rencontres et ses discussions. Dominique Fernandez. Le voyage d’Italie. 1997
[9] Le tout placé sous la haute autorité divine quand, lors de la bataille du pont Milvius, il dira avoir vu de ses propres yeux le trophée lumineux de la Croix placé au-dessus du soleil méridien avec l’inscription in hoc signo vinces : – c’est par ce signe que tu vaincras -. C’est l’origine du Chrisme qui deviendra le symbole de la Chrétienté et le restera jusqu’au V° siècle, quand il sera alors supplanté par la Croix.
Le chrisme connait différentes graphies qui, chacune, peuvent être entourées d’un cercle. Le Chrisme simple est composé des deux lettres grecques Ι (iota) et Χ (chi) rappelant les initiales de Ἰησοῦς Χριστός (Jésus-Christ). Le Chrisme prend alors l’aspect d’une étoile à six rais souvent identifiée dans l’art à l’étoile qui guida les mages. Le Chrisme constantinien, le plus répandu, est lui composé des deux lettres grecques Χ (chi) et Ρ (rhô), les deux premières lettres du mot Χριστός (Christ). Enfin, il existe une variante en croix, constituée du Ρ (rhô) traversé d’un trait horizontal, le staurogramme, contraction des lettres T (tau) et Ρ (rhô). Le Chrisme se distingue néanmoins du staurogramme en faisant directement allusion au Christ dont il est une contraction du nom.
Le Chrisme constitue l’un des monogrammes du Christ, et on le trouve souvent accompagné des lettres α (alpha) et ω (omega). Ces lettres, qui encadrent l’alphabet grec, symbolisent la totalité : le commencement et la fin.
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[10] Déjà acquis au christianisme, il avait fait mettre, à la suite d’une vision, le signe de la croix sur le bouclier de ses hommes.